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Cour fédérale

Federal Court

Date: 20090528

Dossier : IMM-5069-08

Référence : 2009 CF 551

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2009  

En présence de l’honorable Orville Frenette

 

ENTRE :

DEENANAUTH JAGGARNATH

JASSOMATTIE JAGGARNATH

TANUSHA ALISHA JAGGERNATH

SAIEESHA AHLIYA JAGGARNATH

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), de la décision d’un agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR) rendue le 16 octobre 2008 dans laquelle l’agent a statué que les demandeurs n’étaient pas des personnes à protéger. Étant donné que j’ai accordé un sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion le 3 décembre 2008, je crois qu’il est nécessaire de rédiger les motifs pour lesquels je dois rejeter la demande d’autorisation en l’espèce. 

 

Le contexte

[2]               Les demandeurs adultes sont un couple marié, ainsi que les parents des deux demandeurs mineurs. Ce sont des citoyens de la Guyana qui sont entrés sans visas au Canada le 16 mars 2006. Leur demande d’asile a été rejetée le 7 décembre 2007, et leur demande d’ERAR a donné lieu à une décision négative le 16 octobre 2008.

 

La décision portant sursis

[3]               J’ai accordé un sursis au renvoi, parce que je croyais que la décision de l’agent d’ERAR au sujet de la preuve du danger en Guyana était fortement discutable.

 

Le critère de l’autorisation du contrôle judiciaire

[4]               Comme l’énonce le paragraphe 72(1) de la Loi, le contrôle judiciaire est subordonné à l’octroi de l’autorisation. Le seul critère à examiner est celui de savoir si le demandeur soulève une « cause défendable » sur des questions graves devant être tranchées (Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 47 Admin. L.R. 317, 109 N.R. 239, paragraphe 1 (C.A.F.)).

 

[5]               Les demandeurs estiment que mes conclusions au stade du sursis répondent au critère d’obtention de l’autorisation. Le défendeur prétend que les critères applicables au stade du sursis ne sont pas identiques à ceux applicables au stade de l’autorisation. Le critère d’obtention du sursis est de savoir si « il y a une question sérieuse à trancher [et que] la question n’est ni futile, ni vexatoire ». Le critère de l’autorisation est plus contraignant, puisqu’il exige que soit soulevée une « question sérieuse à trancher qui révèle une cause raisonnablement défendable » (Bains, précité; Brown c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1250, au paragraphe 5; Streanga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 792, aux paragraphes 7 et 9).

 

[6]               Les demandeurs affirment qu’ils répondent au critère exigé, car ils craignent d’être persécutés au titre de l’article 96 de la Loi ou d’être exposés à une menace à leurs vies ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités aux termes de l’article 97 de la Loi. Ils affirment appartenir à un groupe précis étant la cible de crimes en Guyana, soit les Guyanais qui reviennent au pays après plusieurs années à l’étranger. Ils s’appuient sur de la documentation générale, ainsi que sur des conseils aux voyageurs du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (le MAECI), qui avertit les Canadiens de « faire preuve d’une grande prudence ».

 

[7]               Le défendeur prétend que l’agent d’ERAR a examiné et analysé la preuve documentaire, le rapport de 2008 du MAECI et l’affidavit du demandeur attestant qu’il a presque été tué par un gang toujours actif en Guyana. Le défendeur fait observer que la décision de l’agent d’ERAR doit faire l’objet d’une déférence importante, compte tenu des derniers arrêts de la Cour suprême du Canada sur cette question (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12). Il rappelle aussi à la Cour que le poids des éléments de preuve et l’évaluation de ceux-ci relèvent exclusivement de l’agent et que les tribunaux ne peuvent simplement pas pondérer de nouveau la preuve, à moins qu’il n’y ait eu des erreurs manifestes ou des conclusions de faits arbitraires (Dunsmuir, précité et Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3).

 

Analyse

[8]               L’agent d’ERAR, dans une décision écrite et bien motivée de neuf pages, a examiné de façon approfondie la plupart, si ce n’est la totalité, des observations que les demandeurs présentent en l’espèce. Il a traité de la crainte des demandeurs envers le gang Phantom, du manque de protection de l’État en Guyana, du taux de criminalité élevé, et du fait que les Canadiens, qu’ils soient des touristes ou des Guyanais d’origine de retour au pays, étaient les [traduction] « cibles préférées des criminels ». Il a aussi fait référence à des meurtres ressemblants à des exécutions, perpétrés de manière aléatoire.

 

[9]               L’agent d’ERAR renvoie aux conseils aux voyageurs du MAECI, qui informe les Canadiens à propos des risques en Guyana, mais sans aller aussi loin que de les avertir de ne pas voyager dans ce pays. Il renvoie aussi aux éléments de preuve documentaires les plus récents, qui démontrent que plusieurs partis sont représentés et qu’un gouvernement démocratiquement élu est au pouvoir en Guyana, et que celui-ci tente sérieusement de faire régner la loi et l’ordre, mais qu’il est constamment en butte à de sévères contraintes budgétaires. Il fait aussi remarquer [traduction] « qu’en l’absence de preuve contraire, l’État est présumé faire des efforts pour assurer la protection de ses citoyens ».

 

[10]           L’agent d’ERAR a conclu de la preuve que les demandeurs n’étaient confrontés qu’à un simple risque de persécution et qu’ils « ne seraient vraisemblablement pas » exposés à une menace à leur vie, ou à des peines cruelles et inusitées s’ils retournaient en Guyana. Finalement, contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, l’agent d’ERAR avait connaissance des conseils aux voyageurs du MAECI et en a fait mention dans sa décision. 

 

[11]           Les demandeurs n’ont par conséquent pas satisfait à leur obligation de démontrer que la situation avait empiré depuis la décision du 16 octobre 2008 (Traoré c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1647; Cupid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 176).

 

[12]           À mon avis, la décision de l’agent d’ERAR, qui repose sur des conclusions de fait, est raisonnable et appartient aux limites prévues dans l’arrêt Dunsmuir, précité, et la Cour ne peut intervenir.

 

[13]           Finalement, l’arrêt Khosa, précité, de la Cour suprême a été rendu le 6 mars 2009, c’est‑à‑dire, après la décision d’ERAR du 16 octobre 2008 et ma décision portant sursis du 3 décembre 2008. L’arrêt Khosa, au paragraphe 89, réitère que les cours procédant au contrôle judiciaire doivent faire preuve de déférence à l’égard des décisions rendues par les décideurs administratifs sur des questions de fait et sur des questions mixtes de fait et de droit.

 

[14]           Compte tenu des motifs ci-dessus, les demandeurs n’ont pas satisfait au critère de l’autorisation. Par conséquent, la demande d’autorisation est rejetée.

 


ORDONNANCE

 

 

LA COUR ORDONNE :

La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de l’agent d’examen des risques avant renvoi rendue le 16 octobre 2008, dans laquelle il a été décidé que les demandeurs n’étaient pas des personnes à protéger, est rejetée.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5069-08

 

INTITULÉ :                                       DEENANAUTH JAGGARNATH, JASSOMATTIE JAGGARNATH, TANUSHA ALISHA JAGGERNATH, SAIEESHA AHLIYA JAGGARNATH c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

DEMANDE JUGÉE SUR DOSSIER

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   L’honorable Orville Frenette

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :                         Le 28 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

LES DEMANDEURS, POUR LEUR PROPRE COMPTE

 

Michael Butterfield                                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LES DEMANDEURS, POUR LEUR PROPRE COMPTE

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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