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Date : 20090506

Dossier : IMM-2116-09

Référence: 2009 CF 462

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 mai 2009

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

LEMLEN YIREFU BEGASHAW

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Aperçu

[1]               L’intérêt public doit être pris en considération dans l’appréciation de la prépondérance des inconvénients en même temps que l’intérêt des plaideurs privés. (Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110).

 

[2]               L’intérêt public milite sans aucun doute pour l’application des dispositions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (LIPR), ainsi que du règlement d’application et des politiques connexes. L’intégrité inhérente du système d’immigration et de protection des réfugiés et de la société canadienne dans son ensemble en dépend. Cela fait donc en sorte qu’il faut s’assurer que les personnes qui font face à des conséquences importantes de renvoi du Canada aient un accès efficace à une réparation devant les tribunaux. L’objet d’une telle réparation justifiable ne devrait jamais compromettre le système d’immigration et de protection des réfugiés ou la société canadienne dans son ensemble (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 4 F.C. 206, 90 A.C.W.S. (3d) 443).

 

II.  Introduction

[3]               Il s’agit d’un cas d’espèce en raison des faits. Dans la déclaration solennelle qu’elle a présentée en même temps que sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), la demanderesse, Mme Lemlem Begashaw, raconte en détail son emprisonnement, la torture et les viols qu’elle a subis pendant trois mois. Elle a corroboré son récit au moyen du témoignage d’une travailleuse en santé mentale à qui elle a divulgué son histoire pour la première fois et la preuve psychiatrique sur la façon dont ses souvenirs traumatisants ont été réprimés en raison de sa maladie mentale. Le psychiatre, le Dr Hung-Tat Lo, conclut : [traduction] « Je suis d’avis que l’omission inhabituelle de l’emprisonnement et du viol dans ses témoignages précédents est la conséquence d’un important trouble psychiatrique, à savoir un trouble schizoaffectif, plutôt qu’une question de crédibilité » (non souligné dans l’original). (Dossier de requête (DR) : déclaration solennelle de la demanderesse à la page 56; lettre de Khadija Abdi dans la demande d’ERAR à la page 71; rapport psychiatrique du Dr Lo à la page 64).

 

[4]               L’opinion du Dr Lo vient à la conclusion de son rapport détaillé de cinq pages qui était fondé sur un examen approfondi des antécédents médicaux et en matière d’immigration de la demanderesse, deux entrevues d’évaluation et une conversation téléphonique avec cette dernière. Dans le rapport, il décrit ses antécédents de traumatisme et de maladie psychotique, le trouble de stress post-traumatique tardif (reconnaissant que la répression des souvenirs fait souvent en sorte que la personne s’en rappelle ou les revit après un certain délai). Il décrit son traitement.

 

[5]               Il est particulièrement important en l’espèce parce que l’opinion d’expert selon laquelle Mme Begashaw fait face à un péril est essentielle à son observation fondée sur des raisons impérieuses en vertu du paragraphe 108(4) de la LIPR. L’observation en fonction du paragraphe 108(4) n’a jamais été correctement abordée par l’agente.

 

[6]               Bref, il faut reconnaître que ce n’est pas la maladie mentale est considérée comme le facteur important en l’espèce, mais plutôt la persécution qu’a subie Mme Begashaw qui aurait causé la maladie mentale (non la maladie mentale en soi).

 

III.  Procédure judiciaire

[7]               Il s’agit d’une requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi qui devait se dérouler le 7 mai 2009. La demande sous-jacente est une demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable relative à l’ERAR de la demanderesse, en date du 23 mars 2009.

 

IV. Faits

[8]               En résumé, Mme Begashaw invoque les faits précis suivants auxquels s’est fié le défendeur en l’espèce.

 

[9]               Mme Begashaw est une citoyenne de l’Éthiopie du groupe ethnique Amhara. Elle a un trouble schizoaffectif qui combine des symptômes et la schizophrénie et de la dépression. Elle souffre de cette maladie depuis au moins 1997, même si elle ne lui a été diagnostiquée qu’après son hospitalisation à Toronto après l’audition de sa demande d’asile à la fin de 2004 (DR : rapport psychiatrique du Dr Lo à la page 64; affidavit de la demanderesse; pièce E; lettre du Dr Martin Chisvin et renseignements sur le trouble schizoaffectif à la page 187).

 

[10]           La famille de Mme Begashaw était active sur le plan politique au sein de l’All-Amhara People’s Organization (AAPO) dans les années 90. Sa mère et un de ses frères ont été emprisonnés, un autre frère est décédé à la suite d’une persécution politique, alors qu’un troisième frère est toujours en prison en Éthiopie. Mme Begashaw n’était pas active politiquement lorsqu’elle vivait en Éthiopie. Elle a gagné à la loterie américaine de la carte verte et a émigré aux États-Unis en 1995; elle est retournée chez elle en 1998 pendant environ deux ans; à ce moment, elle souffrait d’une maladie mentale non diagnostiquée et les membres de sa famille ont tenté de la protéger de leurs activités.

 

[11]           Mme Begashaw est retournée aux États-Unis en 2000, mais elle a fait l’objet d’une procédure de renvoi en raison de son absence prolongée du pays. Il a été conclu qu’elle avait abandonné son statut de résidente permanente et son expulsion a été ordonnée à la fin de 2003. Elle est venue au Canada et a présenté une revendication du statut de réfugié en janvier 2004.

 

[12]           Sa santé mentale était très mauvaise à l’époque. Elle vivait dans un refuge où elle passait son temps dans une pièce sombre, ne prenait pas soin de son hygiène et fonctionnait à peine. Elle ne comprenait pas bien la procédure de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) et n’était pas en mesure de recueillir des éléments de preuve. Lorsque la CISR a évalué sa revendication et l’a rejetée pour manque de crédibilité, elle souffrait d’une importante maladie psychiatrique non diagnostiquée et non traitée. Sa maladie a été détectée lorsqu’elle a eu un accès psychotique peu de temps après son audience et qu’elle a été hospitalisée, que sa maladie a été diagnostiquée et qu’elle a traitée au moyen des médicaments appropriés pour la première fois (DR : lettre du Dr Chisvin dans les demandes d’ERAR à la page 69; rapport du Dr Lo à la page 64).

 

[13]           À la fin de 2005 ou au début de 2006, Mme Begashaw regardait la télévision lorsqu’elle a eu le souvenir précis d’avoir été emprisonnée en Éthiopie et d’y avoir été violée. Par la suite, elle s’est rappelée avoir été arrêtée en février 2000 en Éthiopie en raison des activités politiques de sa famille. Elle s’est rappelée avoir a passé environ trois mois en prison, période durant laquelle elle a subi de la violence sexuelle à répétition et d’autres formes de torture. Elle n’a pas été en mesure de raconter cette expérience de persécution ni même de s’en souvenir au moment de son audience et pendant environ un an par la suite.

 

[14]           Sa propre expérience persécution a été présentée comme une nouvelle preuve dans le cadre de sa demande d’ERAR, qui a été déposée en septembre 2006. Elle a déposé une preuve psychiatrique de son psychiatre traitant, le Dr Lo, un spécialiste de la psychiatrie interculturelle et des services aux immigrants et aux réfugiés et membre du réseau médical du Centre Canadien pour Victimes de Torture. Le rapport psychiatrique du Dr Lo expliquait que Mme Begashaw souffrait d’un important trouble psychiatrique non traité au moment de son emprisonnement et pendant des années par la suite; cette psychose l’a empêchée de retrouver ses souvenirs et a reporté le début du trouble de stress post-traumatique (PTSD). Il a conclu que Mme Begashaw était incapable de se rappeler son emprisonnement et le traitement qu’elle a vécu tant que sa psychose n’était pas correctement traitée (DR : observation au sujet de l’ERAR et preuve à la page 45; rapport du Dr Lo à la page 64; lettre du Dr Chisvin dans la preuve relative à l’ERAR à la page 69).

 

[15]           Elle a également déposé une lettre de sa travailleuse en santé mentale, Khadija Abdi, à qui elle a divulgué pour la première fois les viols qu’elle a subis en prison. Mme Abdi décrit la condition de Mme Begashaw au moment de l’audition de sa demande d’asile ainsi que sa crainte et sa méfiance à l’égard des autres personnes, en particulier des hommes (lettre de Khadija Abdi à la page 71).

 

[16]           Mme Begashaw a également déposé une nouvelle preuve de sa propre participation à une activité politique pour appuyer l’opposition au gouvernement éthiopien (DR : lettre de l’All Ethiopia Unity Cultural and Relief Organization à Toronto, preuve relative à l’ERAR à la page 74).

 

[17]           La cause de Mme Begashaw devait être évaluée selon l’ensemble des faits, puisque l’audition de la demande d’asile s’était essentiellement déroulée au moment où Mme Begashaw ne pouvait pas en comprendre la nature. Elle a vécu de la persécution dans le passé et avait une explication vraisemblable et documentée pour ne pas l’avoir divulgué plus tôt. On a fait valoir que les conditions demeuraient dangereuses pour les personnes qui appuyaient l’opposition ou liées à des militants de l’opposition.

 

[18]           Sa demande d’ERAR a été rejetée en mars 2009. Le renvoi de Mme Begashaw vers les États‑Unis est fixé au 7 mai 2009. Comme elle n’a aucun statut aux États-Unis et que son expulsion y a été ordonnée en 2003, elle sera renvoyée en Éthiopie.

 

V.  Question

[19]           La Cour suprême du Canada a établi un critère en trois parties pour décider si les injonctions interlocutoires devraient être accordées en attendant une décision de l’affaire sur le fond, à savoir (i) s’il y a une question sérieuse à juger; (ii) si le plaideur qui demande l’injonction interlocutoire subirait un préjudice irréparable, à moins que sa demande soit accordée; et (iii) a prépondérance des inconvénients, pour ce qui est de savoir laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse l’injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond (Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302, 11 A.C.W.S. (3d) 440 (C.A.F.); R.J.R.-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311).

 

[20]           Les exigences du critère en trois parties sont conjonctives. La demanderesse doit respecter les trois parties du critère pour qu’une cour puisse accorder un sursis de la procédure.

 

VI.  Discussion

[21]           Une injonction est une prise de conscience par les tribunaux qu’il est souvent nécessaire de maintenir le statu quo lorsque les questions sont plaidées devant eux, alors que l’issue n’est pas du tout certaine, à l’étape préliminaire de la procédure. Le rôle d’un tribunal à l’étape interlocutoire et préliminaire de la procédure a été précisé par la Cour suprême du Canada :

[41]      Le rôle limité d’un tribunal au stade interlocutoire est bien décrit par lord Diplock dans l’arrêt American Cyanamid, précité, à la p. 510 :

 

[TRADUCTION] La cour n’a pas, en cet état de la cause, à essayer de résoudre les contradictions de la preuve soumise par affidavit, quant aux faits sur lesquels les réclamations de chaque partie peuvent ultimement reposer, ni à trancher les épineuses questions de droit qui nécessitent des plaidoiries plus poussées et un examen plus approfondi. Ce sont des questions à régler au procès.

 

[…]

 

[43]      Premièrement, l’étendue et le sens exact des droits garantis par la Charte sont souvent loins [sic] d’être clairs et la procédure interlocutoire permet rarement à un juge saisi d’une requête de trancher ces questions capitales. Les litiges constitutionnels se prêtent particulièrement mal à la procédure expéditive et informelle d’une cour des sessions hebdomadaires où les actes de procédure et les arguments écrits sont peu nombreux ou même inexistants et où le procureur général du Canada ou de la province peut ne pas avoir encore reçu l’avis qu’exige généralement la loi : [...]

 

(Manitoba, précité).

            A.  Question sérieuse

[22]           La première partie du critère relatif à la jonction est le suivant :

[32]      Le premier critère revêt la forme d’une évaluation préliminaire et provisoire du fond du litige, mais il y a plus d’une façon de décrire ce critère. La manière traditionnelle consiste à se demander si la partie qui demande l’injonction interlocutoire est en mesure d’établir une apparence de droit suffisante. [...] Ce premier critère a été quelque peu assoupli par la Chambre des lords dans l’arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd. [...] où elle a conclu que, pour y satisfaire, il suffisait de convaincre la cour de l’existence d’une question sérieuse à juger, par opposition à une réclamation futile ou vexatoire.

 

[…]

 

[34]      [...] À mon avis, cependant, la formulation dans l’arrêt American Cyanamid, savoir celle de l’existence d’une « question sérieuse », suffit dans une affaire constitutionnelle où, comme je l’indique plus loin dans les présents motifs, l’intérêt public est pris en considération dans la détermination de la prépondérance des inconvénients.[...]

 

(Metropolitan Stores Ltd., précité; R.J.R.-MacDonald Inc., précité; Toth, précité).

L’agente devait tenir une audience

[23]           Les agents d’ERAR doivent examiner la question de savoir s’ils doivent tenir des audiences orales dans certaines circonstances précisées à l’article113 de la LIPR et de l’article 167 du Règlement. Par souci de commodité, voici l’alinéa 113b) de la LIPR qui porte que :

113.     Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

[…]

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

113.      Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

 

[24]           L’article 167 du Règlement indique que :

167.      Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

 

167.      For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

[25]           Ainsi, lorsqu’il y a un problème quant à la crédibilité de la preuve liée à la demande, lorsque la preuve est essentielle à la décision relative à l’ERAR et si l’acceptation de cette preuve permettrait la demande d’ERRAR, une audience peut être requise (Tekie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 27, 136 A.C.W.S. (3d) 884).

 

[26]           Dans sa demande d’ERAR, Mme Begashaw a donné un compte rendu personnel de l’emprisonnement, la torture et du viol qui était complètement nouveau à cette étape. La nouvelle preuve aborde les préoccupations de la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon lesquelles Mme Begashaw n’a pas vécu de persécution dans le passé et fournit des explications psychologiques quant à la crédibilité et à la crainte subjective. À la lumière de la preuve documentaire de répression des militants de l’AAPO, la SPR aurait pu avoir décidé de l’affaire différemment si ses préoccupations avaient été abordées au moment de l’audition de la demande d’asile. 

 

[27]           La crédibilité du nouveau récit était essentielle à l’ERAR et, si elle était acceptée, elle aurait pu être suffisante pour justifier une décision favorable.

 

[28]           D’abord, au début de la décision, l’agente cite certaines conclusions de la SPR en ce qui concerne la crédibilité et la crainte subjective. Malgré la nouvelle preuve présentée, l’agente indique Mme Begashaw présente la même demande qui a été rejetée par la SPR et qu’elle ne répond pas aux préoccupations de cette dernière :

[traduction]

En ce qui concerne la prétention de la demanderesse de l’existence d’un risque en ce qui concerne la participation des membres de sa famille à l’AAPO, sa crédibilité a été complètement mise en doute par la SPR et, pour ce qui est de la demande d’ERAR, elle ne fait que répéter ses arguments. Elle n’a pas abordé cette question. (Décision à la page 5).

 

[29]           L’agente omet de réévaluer les préoccupations de la SPR en matière de crédibilité à la lumière de la nouvelle preuve. (Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 872, 256 F.T.R. 53, décision confirmée selon d’autres motifs par 2005 CAF 160, 139 A.C.W.S. (3d) 348; Latifi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1388, 153 A.C.W.S. (3d) 420 aux paragraphes 50 à 54, 59 et 60).

 

[30]           Ensuite, dans la déclaration solennelle qu’elle a présentée en même temps que sa demande d’ERAR, Mme Begashaw raconte en détail son emprisonnement, la torture et les viols qu’elle a subis pendant trois mois. Elle a corroboré son récit au moyen du témoignage d’une travailleuse en santé mentale à qui elle a divulgué son histoire pour la première fois et la preuve psychiatrique sur la façon dont ses souvenirs traumatisants ont été réprimés en raison de sa maladie mentale. Le psychiatre, le Dr Lo conclut : [traduction] « Je suis d’avis que l’omission inhabituelle de l’emprisonnement et du viol de Mme Begashaw dans ses témoignages précédents est la conséquence d’un important trouble psychiatrique, à savoir un trouble schizoaffectif, plutôt qu’une question de crédibilité » (non souligné dans l’original). (DR : déclaration solennelle de la demanderesse à la page 56; lettre de Khadija Abdi déposée dans le cadre de la demande d’ERAR à la page71; rapport psychiatrique du Dr Lo à la page 64).

 

[31]           L’agente ne croit pas la nouvelle preuve. Elle établit explicitement une distinction entre son acceptation du diagnostic psychiatrique et son rejet du récit fait par Mme Begashaw :

[traduction]

Bien que j’accorde une valeur probante appropriée aux rapports du psychiatre, je note que la source des rapports est la demanderesse. Le psychiatre a raconté les renseignements de la demanderesse que cette dernière lui a fournis. Je conclus que les rapports du psychiatre reposent sur du ouï-dire puisqu’il n’a pas été témoin des événements; il repose sur les observations de la demanderesse pour parvenir à son diagnostic. J’accepte donc le diagnostic fourni par les Drs Chisvin et Lo; j’accorde toutefois peu de poids à l’explication de sa cause. La preuve objective appuie le fait que la demanderesse souffre de problèmes de santé mentale. [...] Toutefois, elle n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour appuyer le fait qu’elle a été emprisonnée, torturée et violée lorsqu’elle se trouvait en Éthiopie. [...]

 

Je conclus que la demanderesse n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour établir qu’elle a été emprisonnée, torturée et violée lorsqu’elle est retournée en Éthiopie en 2000. La demanderesse est retournée chez les membres de sa famille en Éthiopie en 1998 et elle déclare qu’elle a été arrêtée en 2000; les observations sont silencieuses quant à la raison pour laquelle les autorités éthiopiennes ont attendu près de deux ans avant de l’arrêter [...] (Non souligné dans l’original).

 

(Décision à la page 10).

[32]           À la fin de la décision, l’agente déclare ce qui suit :

[traduction]

J’ai conclu que la demanderesse n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour appuyer le fait qu’elle a vécu la persécution dans le passé en Éthiopie. [...]

 

(Décision à la page 11).

 

[33]           Notre Cour a reconnu qu’elle doit « aller au-delà des termes expressément utilisés » de l’agente pour décider si sa décision est fondée sur le caractère adéquat de la preuve, comme ses mots le suggèrent, ou sur la crédibilité. En l’espèce, les conclusions concernent la crédibilité. L’agente croit que les souvenirs retrouvés de Mme Begashaw concernent des événements traumatisants non persécutoires de son passé ou que Mme Begashaw n’a pas réellement retrouvé de souvenirs, mais soutient qu’elle l’a fait pour convaincre le Dr Lo. Dans un cas comme dans l’autre, l’agente ne croit simplement pas que Mme Begashaw a été emprisonnée, torturée et violée (Ferguson v. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, 170 A.C.W.S. (3d) 397 au paragraphe 16).

 

[34]           Troisièmement, l’agente formule une conclusion déguisée sur la crédibilité quant à l’activité politique de Mme Begashaw au Canada par l’entremise d’All Ethiopia Unity Cultural and Relief Organization (AEUCRO) à Toronto (qui est liée à l’AAPO, même si les deux organisations ont subi de nombreux changements de nom). L’agente fait abstraction de sa lettre de l’AEUCRO puisqu’elle n’a pas été corroborée par des photographies ou d’autres récits (décision à la page 5; DR : RDI ETH101849.EF à la page 256; lettre d’All Ethiopia Unity Cultural and Relief Organization à Toronto, preuve relative à l’ERAR à la page 74).

 

[35]           Par conséquent, l’agente ne croit pas à la participation de Mme Begashaw à l’organisation ni que la lettre ne prouve sa participation. La CISR a précisément indiqué dans sa décision qu’une lettre d’All Amhara People’s Cultural and Relief Organization (le prédécesseur d’All Ethiopia Unity Cultural and Relief Organization) est considérée comme un document crédible de la participation d’une personne. Mme Begashaw n’aurait pas pu prédire qu’elle aurait besoin de plus que cette lettre pour prouver sa participation.

 

[36]           Cette question nécessitait également la tenue d’une entrevue, puisqu’elle est nouvelle dans le cadre de la revendication et qu’elle aurait pu avoir un effet sur les décisions. La preuve sur la situation du pays indique que les partisans de l’opposition sont ciblés par le gouvernement.

[37]           Dans Liban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1252, notre Cour a examiné l’utilisation par l’agent de l’expression « suffisamment d’éléments de preuve objectifs » :

[14]      À mon avis, lorsque l’agent a déclaré qu’il n’y avait pas [TRADUCTION] « suffisamment d’éléments de preuve objectifs » permettant d’appuyer les affirmations de M. Liban, ce qu’il disait en fait c’est qu’il ne croyait pas M. Liban et que ce n’est que si M. Liban avait présenté des éléments de preuve objectifs pouvant corroborer ses affirmations qu’il les aurait crues. À mon avis, ces conclusions portent sur la crédibilité de M. Liban [...]

 

[38]           De même, dans Latifi, précité, notre Cour a examiné les déclarations de l’agente d’ERAR selon lesquelles il y a « peu d’éléments de preuve dignes de foi » de l’activisme politique du demandeur. La Cour a conclu que la conclusion de l’agente comprenait implicitement le point de vue général selon lequel le demandeur n’était pas crédible et a noté l’influence des préoccupations sur la crédibilité de la SPR (on mentionne également la décision Shafi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 1 R.C.F. 129, 277 F.T.R. 104).

 

L’agente a commis une erreur dans son traitement de la preuve médicale.

[39]           Selon la preuve psychiatrique dont était saisie l’agente, Mme Begashaw avait un trouble schizoaffectif et un TSPT tardif. La preuve indiquait que sa psychose non traitée à l’époque de ses expériences traumatisantes en Éthiopie et par la suite avait bloqué ses souvenirs de l’événement et que ces derniers ne pouvaient remonter à la surface tant que sa psychose n’était pas traitée. Le Dr Lo conclut : [traduction] « Je suis d’avis que l’omission inhabituelle de l’emprisonnement et du viol de Mme Begashaw dans ses témoignages précédents est la conséquence d’un important trouble psychiatrique, à savoir un trouble schizoaffectif, plutôt qu’une question de crédibilité ». (DR à la page 68).

 

[40]           L’agente accepte le diagnostic du psychiatre, mais rejette son acceptation du récit par Mme Begashaw de son emprisonnement en Éthiopie comme en étant la cause; elle rejette également la conclusion selon laquelle sa santé serait menacée si elle y retournait :

[traduction]

Bien que j’accorde une valeur probante appropriée aux rapports du psychiatre, je note que la source des rapports est la demanderesse. Le psychiatre a raconté les renseignements de la demanderesse que cette dernière lui a fournis. Je conclus que les rapports du psychiatre reposent sur du ouï-dire puisqu’il n’a pas été témoin des événements; il repose sur les observations de la demanderesse pour parvenir à son diagnostic. J’accepte donc le diagnostic fourni par les Drs  Chisvin et Lo; j’accorde toutefois peu de poids à l’explication de sa cause. La preuve objective appuie le fait que la demanderesse souffre de problèmes de santé mentale. [...] Toutefois, elle n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour appuyer le fait qu’elle a été emprisonnée, torturée et violée lorsqu’elle se trouvait en Éthiopie. [...] À mon avis, la déclaration du Dr Lo selon laquelle le retour de la demanderesse en Éthiopie « à ce moment-ci » serait dangereux pour sa santé est spéculatif; il n’indique pas sur quels renseignements il fonde cette déclaration [...].

 

(Décision à la page 10).

 

[41]           Dans le contexte d’une revendication du statut de réfugié, les tribunaux peuvent refuser un diagnostic (par exemple de TSPT) s’ils ont rejeté, pour une bonne raison, la crédibilité des événements sous-tendant le diagnostic. Les commissaires qui rencontrent les revendicateurs en personne et qui sont des experts de l’évaluation de la crédibilité, n’ont pas à consulter des professionnels médicaux sur une question de crédibilité ou un diagnostic médical qui est fondé entièrement sur la crédibilité (Yilmaz c. Canada (Ministre la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1498, 132 A.C.W.S. (3d) 965 aux paragraphes 63 à 81; Trembliuk c. Canada (Ministre la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1264, 126 A.C.W.S. (3d) 853 au paragraphe 12; Hassan c. Canada (Ministre la Citoyenneté et de l’Immigration), 174 F.T.R. 288, 91 A.C.W.S. (3d) 450 aux paragraphes 19 à 21; Khawaja c. Canada (Ministre la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 172 F.T.C. 287, 92 A.C.W.S. (3d) 672).

 

[42]           Mme Begashaw fait face à une situation très différente dans le cadre du présent ERAR. L’agente ne l’a pas rencontrée pour évaluer sa crédibilité. Même s’il est reconnu que la tenue d’une entrevue n’est pas une condition préalable à la décision d’un agent d’ERAR, la question de l’entrevue est soulevée dans les circonstances appropriées.

 

[43]           En revanche, le Dr Lo a interviewé Mme Begashaw deux fois et il a fait un suivi téléphonique avec elle. Il a suivi une formation professionnelle et il utilise sa formation et son expertise pour établir que Mme Begashaw a retrouvé des souvenirs traumatisants.

 

[44]           L’agente accepte l’opinion du Dr Lo selon laquelle Mme Begashaw a retrouvé des souvenirs traumatisants. Accepter cette opinion mais rejeter le récit par Mme Begashaw des souvenirs qu’elle a retrouvés est contradictoire.

 

[45]           L’opinion du Dr Lo vient à la conclusion de son rapport détaillé de cinq pages qui était fondé sur un examen approfondi des antécédents médicaux et en matière d’immigration de la demanderesse, deux entrevues d’évaluation et une conversation téléphonique avec cette dernière. Dans le rapport, il décrit ses antécédents de traumatisme et de maladie psychotique, le trouble de stress post-traumatique tardif (reconnaissant que la répression des souvenirs fait souvent en sorte que la personne s’en souvient ou les revit après un certain délai). Il décrit son traitement.

 

[46]           Notre Cour a souvent conclu qu’un décideur non expert commet une erreur lorsqu’il rejette la preuve psychologique d’un expert sans fondement (Yilmaz c. Canada (Ministre la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1498, 132 A.C.W.S. (3d) 965; Fidan c. Canada (Ministre la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1190, 126 A.C.W.S. (3d) 847 au paragraphe 12; Pulido c. Canada (Ministre la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 209, 155 A.C.W.S. (3d) 648 aux paragraphes 27 à 35).

 

[47]           Cela est particulièrement important en l’espèce parce que l’opinion d’expert selon laquelle Mme Begashaw fait face à un péril pour sa vie est essentielle à son observation relative aux raisons impérieuses du paragraphe 108(4). L’observation en fonction du paragraphe 108(4) n’a jamais été correctement abordée par l’agente.

 

B.  Préjudice irréparable

[48]           [35]      Le deuxième critère consiste à décider si la partie qui cherche à obtenir l’injonction interlocutoire subirait, si elle n’était pas accordée, un préjudice irréparable, c’est‑à‑dire un préjudice qui n’est pas susceptible d’être compensé par des dommages‑intérêts ou qui peut difficilement l’être [...]

 

(Metropolitan Stores Ltd., précité; Toth, précité).

 

Risque

[49]           La cause de Mme Begashaw repose sur une nouvelle preuve importante. À ce moment-ci, le renvoi surviendrait sans garantie qu’il y ait une évaluation appropriée des risques même contre lesquels l’ERAR doit la protéger.

 

[50]           Même si Mme Begashaw est renvoyée vers les États-Unis, elle n’y a aucun statut et elle était visée par une mesure d’expulsion des États-Unis, en 2003. C’est ce qui l’a amenée à décider à venir au Canada en premier lieu. Le renvoi vers des États-Unis n’est que la première étape de son envoi en Éthiopie (DR : déclaration solennelle de la demanderesse au paragraphe 21; Damte c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 FC 1277, [2008] A.C.F. no 1620 (QL); Omar c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1740, 136 A.C.W.S. (3d) 112; Hatami c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1765, 136 A.C.W.S. (3d) 113; Augusto c. Canada (Sollciteur général), 2004 CF 801, 131 A.C.W.S. (3d) 924; Cortez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2003) CFPI 725, 238 F.T.R. 307; Gandara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 125 F.T.R. 151, 68 A.C.W.S. (3d) 711; Ponnampalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 30 Imm. L.R. (2d) 178, 57 A.C.W.S. (3d) 1004).

 

[51]           Le gouvernement éthiopien continue de persécuter les partisans de l’opposition et les personnes soupçonnées d’en être. Les risques établis dans les observations au sujet de l’ERAR et la documentation connexe relative au pays existent toujours.

 

[52]           Mme Begashaw continue de faire face à un risque en raison de l’affiliation passée de ses proches à l’AAPO. Elle fait également face à un risque en raison du soutien qu’elle a manifesté à l’opposition au gouvernement actuel de l’Éthiopie. Sa participation s’est exprimée dans les dernières années par la présence des réunions et à des manifestations organisées par l’All Ethiopia Unity Cultural and Relief Organization de Toronto (maintenant la Kinijit Cultural and Relief Organization) (DR : lettre de l’All Ethiopia Unity Cultural and Relief Organization à Toronto à la page 74 (dans la preuve relative à l’ERAR); affidavit de la demanderesse au paragraphe 14, à la page 4; photographies de la demanderesse à une manifestation, affidavit de la demanderesse, pièce G).

 

[53]           Le gouvernement éthiopien continue de cibler les militants de l’opposition ainsi que les militants et sympathisants soupçonnés et les membres de leur famille. Ils sont victimes d’arrestations et de détentions arbitraires et d’autres abus des droits de la personne. Une réponse aux demandes d’information de la CISR conclut qu’il existe des renseignements selon lesquels l’une des parties, la coalition au pouvoir, a placé des agents aux ambassades à l’étranger afin de surveiller les Éthiopiens qui s’y trouvent et que le gouvernement éthiopien tente de cibler les Éthiopiens à l’étranger qui sont perçus défavorables au gouvernement (DR : affidavit de N. Shchepetova, pièce AA, document sur la situation récente au pays).

 

[54]           Un préjudice irréparable est clairement fait lorsque la vie, la liberté ou la sécurité de la demanderesse pourrait être à risque (Sivakumar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1996] 2 C.F. 872, 63 A.C.W.S. (3d) 912 (C.A.); Hernandez c. Canada (Solicitor General) (1993), 42 A.C.W.S. (3d) 892, [1993] F.C.J. No. 950 (QL); Membreno Garcia c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 3 C.F. 306, 55 F.T.R. 104 (1re inst.) ; Suresh c. Canada (1998), 49 C.R.R. (2d) 131, 77 A.C.W.S. (3d) 163).

 

[55]           En tant que femme ayant un trouble schizoaffectif qui n’est géré qu’au moyen de la prise d’une médication régulière, l’intégrité psychologique de Mme Begashaw est à risque en Éthiopie. Elle a subi plusieurs hospitalisations et épisodes psychotiques lorsqu’elle n’était pas correctement traitée.

 

[56]           Il existe un établissement psychiatrique civil dans son pays et 22 psychiatres pour une population de 80 millions de personnes. Seuls quelques médicaments sont disponibles et les [traduction] « réserves sont très limitées ». La maladie mentale fait l’objet d’une importante stigmatisation (affidavit de la Dre Clare Pain, à la page 196). Néanmoins, il faut reconnaître que ce n’est pas la maladie mentale qui est considérée comme le facteur important en l’espèce, mais plutôt la persécution que Mme Begashaw a subie et qui aurait causé la maladie mentale (non la maladie mentale en soi).

 

[57]           Le témoignage assermenté de la Dre Clare Pain démontre qu’elle possède l’expertise dans ce domaine en plus d’avoir participé à la formation de psychiatres éthiopiennes pendant au moins quatre ans comme codirectrice du Toronto Addis Ababa Psychiatry Project. La Dre Pain soutient également que le directeur de l’Amanuel Psychiatric Hospital à Addis-Abeba a examiné son affidavit et qu’il souscrirait à son opinion (DR : affidavit de la Dre Clare Pain à la page 196).

 

[58]           Un rapport de 2006 de l’Organisation mondiale de la santé et du ministère éthiopien de la Santé fait remarquer que les ressources en santé mentale sont [traduction] « particulièrement limitées » pour les femmes (DR : OMS-AIMS Report on Mental Health System in Ethiopia à la page 237).

 

[59]           Bien que l’agente ait tenu compte d’un document sur les soins de santé mentale en Éthiopie, elle ne place pas les renseignements et les statistiques qu’elle tire de ce document dans un contexte réel. Son évaluation ne permet pas de tirer une conclusion quant à la qualité ou à la disponibilité réelle des services (décision aux pages 10 et 11).

 

[60]           Le psychiatre de Mme Begashaw depuis les cinq dernières années écrit ce qui suit :

[traduction]

L’état mental stable de Mme Begashaw s’explique par une combinaison des médicaments susmentionnés et d’un environnement stable au travail et à la maison. Je peux affirmer sans risque de me tromper qu’une récidive de sa maladie psychotique surviendra si elle ne reçoit pas ses médicaments psychiatriques pour une période importante. De plus, les patients ayant des troubles psychotiques comme le trouble schizoaffectif sont extrêmement sensibles aux changements dans leur routine et dans leur réseau de soutien. Une réinstallation forcée en Éthiopie serait un événement très traumatisant pour cette patiente et pourrait certainement entraîner une récidive de sa symptomatologie, y compris la reprise de l’idéation suicidaire. Les patients ayant un trouble schizoaffectif sont beaucoup plus à risque de se suicider comparativement à la population générale [...].

 

(DR : lettre du Dr Chisvin, le 15 avril 2009 à la page 187).

 

            C.  Prépondérance des inconvénients

[61]           La troisième partie du critère pour le sursis ou l’injonction consiste à se demander à qui doit profiter la prépondérance des inconvénients ou, autrement dit, qui subira le plus d’inconvénients.

 

[62]           L’intérêt public doit être pris en considération dans l’appréciation de la prépondérance des inconvénients en même temps que l’intérêt des plaideurs privés (Manitoba, précité).

 

[63]           L’intérêt public milite sans aucun doute pour l’application des dispositions de la LIPR ainsi que du règlement d’application et des politiques connexes. L’intégrité inhérente du système d’immigration et de protection des réfugiés et de la société canadienne dans son ensemble en dépend. Cela fait également en sorte qu’il faut s’assurer que les personnes qui font face à des conséquences importantes de renvoi du Canada aient un accès efficace à une réparation devant les tribunaux. L’objet d’une telle réparation justifiable ne devrait jamais compromettre le système d’immigration et de protection des réfugiés ou la société canadienne dans son ensemble (Suresh, précité).

 

[64]           Mme Begashaw ne représente aucun danger pour le public ou la sécurité du Canada. Mme Begashaw subirait un préjudice beaucoup plus grand si le sursis n’était pas accordé que celui que subirait le défendeur si la Cour lui permettait de demeurer au Canada alors que sa demande est en instance devant notre Cour (Singh, précité; Smith, précité; Sowkey, précité).

 

VII.  Conclusion

[65]           Pour toutes les raisons qui précèdent, la requête de la demanderesse en sursis de l’exécution du renvoi est accordée en attendant une décision finale sur sa demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable relative à l’ERAR à son égard.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la requête de la demanderesse en sursis de l’exécution du renvoi soit accordée en attendant une décision finale sur sa demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable relative à l’ERAR à son égard.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2116-09

 

INTITULÉ :                                       LEMLEM BEGASHAW

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 4 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Andrew Brouwer

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Melissa Mathieu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JACKMAN & ASSOCIATES

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

agent

 

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