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Date : 20090827

Dossier : T-382-09

Référence : 2009 CF 852

Montréal (Québec), le 27 août 2009

En présence de Me Richard Morneau, protonotaire

ENTRE :

NANCY BOUCHARD

demanderesse

et

 

VENTES DE VÉHICULES MITSUBISHI

DU CANADA INC.

et

MITSUBISHI MOTORS NORTH AMERICA INC.

et

MITSUBISHI MOTORS CORPORATION

défenderesses

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               Il s’agit en l’espèce d’adjuger sur deux requêtes logées respectivement par deux des trois défenderesses à l’encontre d’une action entreprise par la demanderesse en mars 2009 au terme de la partie 5.1 des Règles des Cours fédérales (les règles) en tant que « Recours collectif – envisagé ».

 

[2]               Le point central de la requête de la défenderesse Ventes de Véhicules Mitsubishi du Canada Inc. (ci-après Mitsubishi Canada) recherche la radiation de la déclaration d’action de la demanderesse et le rejet de son action en vertu de la règle 221(1)a) en raison du fait que cette Cour n’aurait pas la juridiction pour entendre, à son encontre, l’action de la demanderesse.

 

[3]               La requête et le remède central recherché par la défenderesse Mitsubishi Motors North America Inc. (ci-après Mitsubishi Amérique) sont au même effet. À l’égard de Mitsubishi Amérique, la demanderesse a déposé le 12 août 2009 une requête en prorogation du délai de signification de la déclaration d’action que l’on retrouve au paragraphe 203(1) des règles puisque Mitsubishi Amérique soulève dans sa requête le fait qu’elle n’ait pas été signifiée dans les délais des règles. Nous aborderons cette requête de la demanderesse lorsque l’on touchera à la requête en radiation de Mitsubishi Amérique.

 

[4]               La défenderesse Mitsubishi Motors Corporation (ci-après Mitsubishi Japon) n’est pas pour l’instant impliquée au débat puisqu’elle n’a pas encore valablement été signifiée de la déclaration d’action. L’ordonnance accompagnant les présents motifs prorogera au 3 décembre 2009 le délai de la demanderesse pour ce faire.

 

Contexte essentiel

 

[5]               Dans sa déclaration d’action, la demanderesse expose, entre autres, ce qui suit :

La cause d’action de la demanderesse est la suivante :

1.         La demanderesse désire exercer un recours collectif pour le compte des personnes faisant partie du groupe ci-après, dont elle est membre, à savoir :

« Toute personne physique, personne morale, corporation, société ou association qui a acheté ou loué chez un concessionnaire au Canada, depuis le 1 juin 2006, un véhicule neuf fabriqué, importé ou distribué par les intimées (sic). »

(Ci-après désigné « le groupe »)

2.         La demanderesse est une avocate résidant dans la grande région métropolitaine de Montréal et qui a besoin d’un véhicule afin de se déplacer;

3.         À cette fin, la demanderesse a signé une offre et une convention d’achat pour l’acquisition d’une voiture de marque Mitsubishi, tel qu’il appert des dites offre et convention d’achat, produites en liasse au soutien des présentes (...);

DÉFENDERESSES

4.         La défenderesse Ventes de Véhicules Mitsubishi du Canada, Inc. (ci-après « Mitsubishi Canada ») importe, distribue, vend et loue au Canada les véhicules de marque Mitsubishi ainsi que leurs pièces et accessoires (...);

5.         La défenderesse Mitsubishi Motors North America, Inc. (ci-après « Mitsubishi Amérique ») importe, distribue, vend et loue aux États-Unis des véhicules de marque Mitsubishi ainsi que leurs pièces et accessoires (...);

6.         La défenderesse Mitsubishi Motors Corporation (ci-après « Mitsubishi Japon ») fabrique et coordonne mondialement la distribution, la vente et la location des véhicules de marque Mitsubishi ainsi que leurs pièces et accessoires (...);

7.         Les défenderesses qui sont d’ailleurs des compagnies liées, collaborent ensemble afin d’importer et vendre tous les véhicules de marque Mitsubishi ainsi que leurs pièces et accessoires au Canada et aux États-Unis. La vente au détail des véhicules se fait toutefois par l’entremise de concessionnaires qui ne sont pas affiliés aux intimées (sic);

(...)

16.       Faisant face à une perte de profit, les intimées (sic) ont donc conspiré entre elles et avec leurs concessionnaires américains et canadiens afin de restreindre la libre circulation de leurs produits par la frontière canado-américaine;

17.       En fait, afin d’empêcher la libre circulation des produits du Canada aux consommateurs américains, les intimées (sic) ont implanté diverses mesures pour isoler les deux marchés l’un de l’autre;

(...)

CONSPIRATION DES INTIMÉES (sic)

20.       Suite à une concurrence au Canada, il serait normal que le prix des produits Mitsubishi baisse pour atteindre peu à peu le prix des produits Mitsubishi américains. Toutefois, les défenderesses, par leurs conspirations, comportements et directives avec leurs concessionnaires ont maintenu artificiellement les prix des voitures au Canada approximativement 25% plus élevés en empêchant l’importation des véhicules neufs des États-Unis vers le Canada;

21.       Afin d’empêcher les consommateurs canadiens de tirer avantage des opportunités d’achat aux États-Unis, et dans le but d’augmenter leurs prix au dépend desdits consommateurs, les défenderesses ont conspiré ensemble et avec leurs agents affiliés et concessionnaires afin de maintenir et charger aux consommateurs des prix artificiellement plus élevés que ce qu’elles auraient pu demander dans un vrai marché de libre-échange de véhicules Mitsubishi;

22.       Le but premier de cette conspiration était d’augmenter leurs profits au Canada et empêcher l’érosion naturelle des prix canadiens par la concurrence;

 

[6]               Il ressort que la présente déclaration d’action de la demanderesse est similaire, sinon semblable, à une procédure équivalente logée en mai 2008 par la demanderesse en Cour supérieure du Québec, laquelle procédure fut radiée par cette dernière en décembre 2008 pour absence de juridiction ratione loci aux termes de l’article 3148 du Code civil du Québec (C.c.Q.).

Analyse

 

[7]               Quant à la requête de Mitsubishi Canada, cette dernière soulève essentiellement que cette Cour en procédant au même exercice d’analyse et d’application de l’article 3148 C.c.Q. que celui tenu par la Cour supérieure du Québec en décembre 2008 doit en arriver à la même conclusion d’absence de juridiction.

 

[8]               Cet article 3148 C.c.Q. se lit :

Art. 3148.   Dans les actions personnelles à caractère patrimonial, les autorités québécoises sont compétentes dans les cas suivants :

1o    Le défendeur a son domicile ou sa résidence au Québec;

2o    Le défendeur est une personne morale qui n’est pas domiciliée au Québec mais y a un établissement et la contestation est relative à son activité au Québec;

3o    Une faute a été commise au Québec, un préjudice y a été subi, un fait dommageable s’y est produit ou l’une des obligations découlant d’un contrat devait y être exécutée;

 

4o   Les parties, par convention, leur ont soumis les litiges nés ou à naître entre elles à l’occasion d’un rapport de droit déterminé;

 

5o   Le défendeur a reconnu leur compétence.

       Cependant, les autorités québécoises ne sont pas compétentes lorsque les parties ont choisi, par convention, de soumettre les litiges nés ou à naître entre elles, à propos d’un rapport juridique déterminé, à une autorité étrangère ou à un arbitre, à moins que le défendeur n’ait reconnu la compétence des autorités québécoises.

 

Art. 3148.   In personal actions of a patrimonial nature, a Québec authority has jurisdiction where

(1)   the defendant has his domicile or his residence in Québec;

(2)   the defendant is a legal person, is not domiciled in Québec but has an establishment in Québec, and the dispute relates to its activities in Québec;

(3)   a fault was committed in Québec, damage was suffered in Québec, an injurious act occurred in Québec or one of the obligations arising from a contract was to be performed in Québec;

(4)   the parties have by agreement submitted to it all existing or future disputes between themselves arising out of a specified legal relationship;

(5)   the defendant submits to its jurisdiction.

        However, a Québec authority has no jurisdiction where the parties, by agreement, have chosen to submit all existing or future disputes between themselves relating to a specified legal relationship to a foreign authority or to an arbitrator, unless the defendant submits to the jurisdiction of the Québec authority.

 

[9]               Je pense que Mitsubishi Canada, qui est une corporation canadienne, a tort d’aborder la question de juridiction de notre Cour en fonction de l’applicabilité de l’article 3148 C.c.Q.

 

[10]           Dans sa déclaration d’action, la demanderesse fait clairement appel à la Loi sur la Concurrence, L.R.C., 1985, ch. C-34, telle que modifiée (la Loi). En effet, au paragraphe 34 de cette déclaration, la demanderesse soutient que les défenderesses ont agi en violation des dispositions du paragraphe 45(1) de la Loi et qu’en conséquence (paragraphe 35) tous les membres du groupe sont en droit de réclamer des défenderesses des dommages selon le paragraphe 36(1) de la Loi.

 

[11]           Ces deux articles de la Loi se lisent :

Recouvrement de dommages-intérêts

36. (1) Toute personne qui a subi une perte ou des dommages par suite :

a) soit d’un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI;

b) soit du défaut d’une personne d’obtempérer à une ordonnance rendue par le Tribunal ou un autre tribunal en vertu de la présente loi,

peut, devant tout tribunal compétent, réclamer et recouvrer de la personne qui a eu un tel comportement ou n’a pas obtempéré à l’ordonnance une somme égale au montant de la perte ou des dommages qu’elle est reconnue avoir subis, ainsi que toute somme supplémentaire que le tribunal peut fixer et qui n’excède pas le coût total, pour elle, de toute enquête relativement à l’affaire et des procédures engagées en vertu du présent article.

Preuves de procédures antérieures

(2) Dans toute action intentée contre une personne en vertu du paragraphe (1), les procès-verbaux relatifs aux procédures engagées devant tout tribunal qui a déclaré cette personne coupable d’une infraction visée à la partie VI ou l’a déclarée coupable du défaut d’obtempérer à une ordonnance rendue en vertu de la présente loi par le Tribunal ou par un autre tribunal, ou qui l’a punie pour ce défaut, constituent, sauf preuve contraire, la preuve que la personne contre laquelle l’action est intentée a eu un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI ou n’a pas obtempéré à une ordonnance rendue en vertu de la présente loi par le Tribunal ou par un autre tribunal, selon le cas, et toute preuve fournie lors de ces procédures quant à l’effet de ces actes ou omissions sur la personne qui intente l’action constitue une preuve de cet effet dans l’action.

Compétence de la Cour fédérale

(3) La Cour fédérale a compétence sur les actions prévues au paragraphe (1).

 

Restriction

(4) Les actions visées au paragraphe (1) se prescrivent :

a) dans le cas de celles qui sont fondées sur un comportement qui va à l’encontre d’une disposition de la partie VI, dans les deux ans qui suivent la dernière des dates suivantes :

(i) soit la date du comportement en question,

(ii) soit la date où il est statué de façon définitive sur la poursuite;

 

 

 

 

b) dans le cas de celles qui sont fondées sur le défaut d’une personne d’obtempérer à une ordonnance du Tribunal ou d’un autre tribunal, dans les deux ans qui suivent la dernière des dates suivantes:

(i) soit la date où a eu lieu la contravention à l’ordonnance du Tribunal ou de l’autre tribunal,

(ii) soit la date où il est statué de façon définitive sur la poursuite.

 

 

 

Recovery of damages

 

36. (1) Any person who has suffered loss or damage as a result of

(a) conduct that is contrary to any provision of Part VI, or

(b) the failure of any person to comply with an order of the Tribunal or another court under this Act,

 

may, in any court of competent jurisdiction, sue for and recover from the person who engaged in the conduct or failed to comply with the order an amount equal to the loss or damage proved to have been suffered by him, together with any additional amount that the court may allow not exceeding the full cost to him of any investigation in connection with the matter and of proceedings under this section.

 

Evidence of prior proceedings

(2) In any action under subsection (1) against a person, the record of proceedings in any court in which that person was convicted of an offence under Part VI or convicted of or punished for failure to comply with an order of the Tribunal or another court under this Act is, in the absence of any evidence to the contrary, proof that the person against whom the action is brought engaged in conduct that was contrary to a provision of Part VI or failed to comply with an order of the Tribunal or another court under this Act, as the case may be, and any evidence given in those proceedings as to the effect of those acts or omissions on the person bringing the action is evidence thereof in the action.

 

 

 

 

 

 

Jurisdiction of Federal Court

 

(3) For the purposes of any action under subsection (1), the Federal Court is a court of competent jurisdiction.

Limitation

(4) No action may be brought under subsection (1),

(a) in the case of an action based on conduct that is contrary to any provision of Part VI, after two years from

 

 

(i) a day on which the conduct was engaged in, or

(ii) the day on which any criminal proceedings relating thereto were finally disposed of,

whichever is the later; and

 

(b) in the case of an action based on the failure of any person to comply with an order of the Tribunal or another court, after two years from

 

 

 

(i) a day on which the order of the Tribunal or court was contravened, or

 

(ii) the day on which any criminal proceedings relating thereto were finally disposed of,

whichever is the later.

 

PARTIE VI

INFRACTIONS RELATIVES À LA CONCURRENCE

Complot

45. (1) Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de cinq ans et une amende maximale de dix millions de dollars, ou l’une de ces peines, quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne :

a) soit pour limiter, indûment, les facilités de transport, de production, de fabrication, de fourniture, d’emmagasinage ou de négoce d’un produit quelconque;

b) soit pour empêcher, limiter ou réduire, indûment, la fabrication ou production d’un produit ou pour en élever déraisonnablement le prix;

c) soit pour empêcher ou réduire, indûment, la concurrence dans la production, la fabrication, l’achat, le troc, la vente, l’entreposage, la location, le transport ou la fourniture d’un produit, ou dans le prix d’assurances sur les personnes ou les biens;

d) soit, de toute autre façon, pour restreindre, indûment, la concurrence ou lui causer un préjudice indu.

 

PART VI

OFFENCES IN RELATION TO COMPETITION

 

Conspiracy

45. (1) Every one who conspires, combines, agrees or arranges with another person

 

 

 

 

(a) to limit unduly the facilities for transporting, producing, manufacturing, supplying, storing or dealing in any product,

 

 

(b) to prevent, limit or lessen, unduly, the manufacture or production of a product or to enhance unreasonably the price thereof,

(c) to prevent or lessen, unduly, competition in the production, manufacture, purchase, barter, sale, storage, rental, transportation or supply of a product, or in the price of insurance on persons or property, or

 

(d) to otherwise restrain or injure competition unduly,

is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding five years or to a fine not exceeding ten million dollars or to both.

 

 

[12]           Or, tel qu’il appert du paragraphe 36(3) de la Loi, notre Cour a compétence sur les actions prévues au paragraphe 36(1) de la Loi.

 

[13]           En conséquence, en ce qui a trait à Mitsubishi Canada, la juridiction ou compétence de cette Cour sur l’action de la demanderesse est donc clairement établie de par ce paragraphe 36(3) et cette conclusion fait que le remède principal de la requête de Mitsubishi Canada pour absence de juridiction est sans fondement.

 

[14]           Pour ce qui est de la requête de Mitsubishi Amérique, puisque cette corporation est américaine, il en retourne que l’analyse ne peut se terminer par la constatation de la présence du paragraphe 36(3) de la Loi.

 

[15]           Dans l’arrêt Desjean c. Intermix Media, Inc., [2006] A.C.F. no 1754, confirmé en appel par la Cour d’appel fédérale à [2007] A.C.F. no 1523 (l’arrêt Desjean), la Cour avait à évaluer si elle avait juridiction sur une défenderesse américaine, soit Intermix Media, Inc. (ci-après Intermix) à l’encontre d’allégations par le demandeur à l’effet qu’Intermix par ses activités se serait rendue coupable de pratiques trompeuses, frauduleuses et illégales, contrevenant ainsi aux paragraphes 52(1), 52(1.1) et à l’alinéa 52(2)e) de la Loi.

 

[16]           Au paragraphe 6 de sa décision, le juge de Montigny décrit ces activités comme suit :

[6]        Dans sa déclaration introduisant une demande de recours collectif, M. Desjean soutient qu’Intermix offre en apparence des programmes publics tels que des économiseurs d’écran et des jeux que n’importe qui peut télécharger gratuitement. Cependant, sans en informer les consommateurs, Intermix joint à ces gratuiciels un ou plusieurs autres programmes qui présentent de la publicité ou d’autres contenus importuns. Ainsi, lorsqu’il installait sur son ordinateur un économiseur d’écran ou un jeu censément « gratuit », M. Desjean y installait aussi sans le savoir un ou plusieurs programmes espions. Par cette méthode, couramment désignée « bundling » ou « offre groupée », Intermix a propagé ses programmes publicitaires sur l’unité de disque dur de M. Desjean.

 

[17]           Le demandeur avait bien sûr entrepris son action en cette Cour en fonction des dispositions de l’article 36 de la Loi.

 

[18]           Suivant le juge de Montigny dans Desjean, l’appropriation de juridiction par un tribunal à l’égard d’un défendeur étranger peut survenir de trois façons différentes. La Cour s’exprime comme suit au paragraphe 23 de sa décision :

[23]      Il y a trois façons dont un tribunal peut affirmer sa compétence sur un défendeur étranger. Premièrement, il peut s’approprier la juridiction si le défendeur est physiquement présent dans son ressort. Deuxièmement, le résident étranger peut consentir à soumettre le litige à la compétence du tribunal canadien. Troisièmement, le tribunal peut se déclarer compétent pour entendre l’affaire si les circonstances le justifient. La présente relève de cette troisième possibilité.

[Je souligne.]

 

[19]           Je pense qu’ici aussi dans le cas de Mitsubishi Amérique, il faut évaluer si les circonstances le justifient.

 

[20]           Dans Desjean, en appel, le juge Pelletier résume comme suit la démarche entreprise par le juge de Montigny en Cour fédérale; demande qui permit au juge de Montigny de tenir que la Cour fédérale n’avait pas juridiction à l’égard d’Intermix :

[4]        (...) Après avoir résumé les faits et les arguments des parties, il fait un bref tour d'horizon de la jurisprudence sur la compétence des tribunaux canadiens quant à un défendeur étranger. Se fondant sur les arrêts Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077 (Morguard), Tolofson c. Jensen; Lucas (Tutrice à l'instance de) c. Gagnon, [1994] 3 R.C.S. 1022 (Tolofson) ainsi que Hunt c. T&N plc, [1993] 4 R.C.S 289 (Hunt), il conclut qu'avant d'exercer leur juridiction à l'endroit d'un défendeur étranger qui n'a pas une présence au Canada et qui ne se soumet pas à leur juridiction, les tribunaux canadiens exigent qu'il y ait un lien réel et substantiel entre le défendeur, la cause d'action et le Canada. Le juge passe alors à l'analyse des circonstances donnant lieu au litige, à la lumière des facteurs identifiés dans l'arrêt Muscutt c. Courcelles (2002), 213 D.L.R. (4th) 577 (Cour d'appel de l'Ontario) (Muscutt), pour déterminer s'il y a en effet un lien réel et substantiel entre l'intimée, la cause d'action telle qu'énoncée dans la déclaration de monsieur Desjean et le Canada.

[Je souligne.]

 

[21]           Dans ses représentations écrites à ses paragraphes 5) à 13), Mitsubishi Amérique en se référant à l’affidavit d’un John P. McElroy, ‘General Counsel’ chez Mitsubishi Amérique, souligne comme suit une foule de facteurs qui se comparent de près aux facteurs retenus par le juge de Montigny dans Desjean :

5)      MMNA is a corporation having its domicile in the State of California, more specifically in the city of Cypress.

Ø        Tab B, Paragraph 9 of the Affidavit, DMR page 8

Ø        Tab B, Exhibit 4 of the Affidavit, DMR page 80

6)      MMNA does not currently have, nor did it have, at anytime during the Class Period a place of business in the Province of Quebec or in Canada, nor did it have any employees in either Quebec or Canada during the relevant times.

Ø        Tab B, Paragraphs 10 and 12 of the Affidavit, DMR page 9

7)      MMNA does not hold or possess any assets in the Province of Quebec or in Canada, nor did it hold or possess any during the Class Period.

Ø        Tab B, Paragraph 11 of the Affidavit, DMR page 9

8)      MMNA is not involved in the retailing of vehicles or car parts in any Canadian market.

Ø        Tab B, Paragraph 13 of the Affidavit, DMR page 9

9)      MMNA does not sell or distribute motor vehicles or any other product at the retail level in Canada nor in Quebec.

Ø        Tab B, Paragraph 14 of the Affidavit, DMR page 9

10)    Furthermore, MMNA holds no bank accounts anywhere in Canada nor does it pay any provincial or federal taxes in the Canada.

Ø        Tab B, Paragraph 15 of the Affidavit, DMR page 9

11)    MMNA is not registered with any federal authority as exercising commercial activities anywhere in Canada and is not registered in any provincial jurisdiction in Canada as a corporate entity doing business in said jurisdictions.

Ø        Tab B, Paragraph 16 of the Affidavit, DMR page 9

12)    All of MMNA’s management, pricing, merchandising, and operational decisions are conducted outside of Canada and in no way involve any Canadian retail market.

Ø        Tab B, Paragraph 17 of the Affidavit, DMR page 9

13)    During the Class Period MMNA did not advertise its products in Canada or Quebec, or have any marketing strategy for the Canadian Market. Any advertising or marketing strategy in effect would have been exclusive to the US automobile retail market.

Ø        Tab B, Paragraph 18 of the Affidavit, DMR page 9

 

[22]           Je considère donc que face aux facteurs ci-dessus et à la décision de la Cour fédérale, telle que confirmée en appel, dans l’arrêt Desjean, on doit en conclure ici qu’aucun de ces facteurs, pris isolément ou dans leur ensemble, de même que les allégations vagues de la déclaration d’action de la demanderesse, ne permettent de conclure à la présence d’un lien réel et substantiel entre Mitsubishi Amérique, la cause d’action telle qu’énoncée dans la déclaration d’action de la demanderesse et le Canada.

 

[23]           Ainsi la Cour doit accueillir avec dépens la requête de Mitsubishi Amérique et procéder à son égard à la radiation de la déclaration d’action de la demanderesse et au rejet de son action au motif d’absence de juridiction à l’égard de cette défenderesse. Les dépens ici sont accordés en faveur de Mitsubishi Amérique puisqu’au stade présent la Cour estime que le présent dossier n’a pas atteint les circonstances ou étapes du paragraphe 334.39(1) in limine des règles et que, partant, la règle 339 ne peut entrer en jeu pour empêcher les principes et règles applicables par ailleurs à une action individuelle en matière de dépens.

 

[24]           Vu cette conclusion, la Cour n’a pas dans le cadre de la requête de Mitsubishi Amérique à se prononcer sur les autres remèdes recherchés par cette dernière. De même, et même si elle aurait été portée à l’accorder autrement, cette Cour n’a pas à se prononcer sur la requête de la demanderesse en prorogation du délai de signification de la déclaration d’action que l’on retrouve au paragraphe 203(1) des règles et qui visait Mitsubishi Amérique.

 

[25]           Par ailleurs, si l’on revient à la requête de Mitsubishi Canada et aux autres remèdes qu’elle recherche, soit la gestion spéciale de l’action de la demanderesse et la suspension pour l’instant de sa défense, il y a lieu d’en décider comme suit.

 

[26]           Quant à la gestion spéciale, la demanderesse a raison de souligner qu’une ordonnance à cet effet est inutile puisque la règle 384.1 prévoit déjà qu’automatiquement l’instance introduite par un membre d’un groupe de personnes au nom du groupe est une instance à gestion spéciale.

 

[27]           Quant à savoir si la Cour devrait permettre que Mitsubishi Canada produise sa défense simplement après que la Cour se soit prononcée sur la requête en autorisation de l’action comme recours collectif, ou alternativement, suivant ce que pourrait décider le juge ou protonotaire à être désigné comme gestionnaire de l’instance, je suis d’avis qu’il y a lieu de se prononcer tout de suite comme suit.

 

[28]           Après avoir lu la déclaration d’action de la demanderesse et les représentations écrites des parties sur ce remède et après avoir écouté leurs procureurs sur ce même aspect, j’en conclus que la production à ce stade-ci de la défense de Mitsubishi Canada n’aidera pas la Cour dans son adjudication de la requête en autorisation et qu’une telle production à ce stade-ci ne ferait qu’engendrer des coûts additionnels. En conséquence, la défense de Mitsubishi Canada n’aura à être signifiée et déposée que trente (30) jours après que cette Cour se sera prononcée sur la requête en autorisation de la demanderesse.

 


ORDONNANCE

1.                       La requête de Ventes de Véhicules Mitsubishi du Canada Inc. est accueillie seulement en partie aux fins que la défense de cette partie n’ait à être signifiée et déposée que trente (30) jours après que cette Cour se soit prononcée sur la requête en autorisation de la demanderesse. Les dépens sur la présente requête sont néanmoins accordés à la demanderesse.

2.                       La requête de Mitsubishi Motors North America Inc. est accueillie avec dépens et la Cour ordonne à l’égard de cette partie la radiation de la déclaration d’action de la demanderesse et le rejet de son action au motif d’absence de juridiction de cette Cour à l’égard de cette défenderesse.

3.                       La demanderesse a jusqu’au 3 décembre 2009 pour compléter la signification de sa déclaration d’action auprès de la défenderesse Mitsubishi Motors Corporation.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-382-09

 

INTITULÉ :                                       NANCY BOUCHARD

et

VENTES DE VÉHICULES MITSUBISHI

DU CANADA INC.,

MITSUBISHI MOTORS NORTH AMERICA INC.,

MITSUBISHI MOTORS CORPORATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               24 août 2009

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      27 août 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

James R. Nazem

 

 

POUR LA DEMANDERERESSE

Éric Vallières

 

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nazem, Lévy-Soussan, Lauzon, Ratelle

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERERESSE

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

 

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