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Date : 20090903

Dossier : IMM-5587-08

Référence : 2009 CF 871

Toronto (Ontario), le 3 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

MUHAMMAD AKBAR

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               J’ai informé les avocats à la suite de l’audience que j’accueillais la présente demande de contrôle judiciaire, pour le motif précis des renseignements récemment découverts par l’avocat du demandeur. Voici, brièvement, les motifs pour lesquels je rends cette décision.

 

 

Contexte

[2]               M. Akbar est un citoyen du Pakistan. Il est entré au Canada le 7 mai 2002 et a déposé une demande d’asile le 16 mai 2002. 

 

[3]               La demande d’asile de M. Akbar était fondée sur la persécution religieuse. En tant que membre de la minorité musulmane chiite de son village, et de représentant public de la confession chiite, M. Akbar prétendait qu’il était persécuté par la majorité musulmane sunnite, et plus particulièrement par le groupe fondamentaliste islamique Sipah Sahaba Pakistan (le SSP). M. Akbar prétendait aussi avoir été persécuté par les forces policières locales, qui, selon ses dires, étaient influencées par ce groupe.

 

[4]               M. Akbar a déclaré que le SSP l’avait menacé à de multiples occasions, mais que six prétendus événements étaient particulièrement dignes de mention et l’ont incité à demander l’asile au Canada.

 

[5]               Le 30 avril 1999, le SSP a investi sa maison et ordonné qu’on lui coupe la main en guise de condamnation publique parce qu’il pratique la confession chiite. M. Akbar a été hospitalisé pendant quatre jours, et a été averti de mettre un terme à ses activités religieuses. L’incident a été signalé à la police, mais aucune mesure n’a été prise.

 

[6]               Le 24 septembre 2001, la maison de M. Akbar a encore été investie, en guise de représailles à une assemblée religieuse qu’il avait organisée. L’incident a été signalé à la police, mais M. Akbar a été emprisonné pour avoir provoqué des tensions dans le village

 

[7]               Le 20 décembre 2001, M. Akbar a été assailli lorsqu’il soignait Zuljinnah, le cheval symbolique chiite, ce qui a nécessité un séjour de deux jours à l’hôpital. L’incident a été signalé à la police, mais aucune mesure n’a été prise.

 

[8]               Le 26 avril 2002, ou aux alentours de cette date, M. Akbar a été arrêté pour avoir tenu un rassemblement visant à dénoncer le récent assassinat de chiites dans une autre région du Pakistan.

 

[9]               Le 30 avril 2002, la maison de M. Akbar a encore une fois été investie, mais il a réussi à fuir par la porte arrière.

 

[10]           À quelque moment entre le 30 avril 2002 et le 7 mai 2002, après que M. Akbar se soit enfui à Lahore, sa maison au village a été investie, et sa femme et ses enfants ont été battus. Peu après ce dernier incident, M. Akbar a préparé son voyage au Canada pour y demander le statut de réfugié.

 

[11]           En mars 2004, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté la demande de M. Akbar. La SPR n’a pas cru aux allégations de M. Akbar, parce qu’il est demeuré au Pakistan après les diverses agressions du SSP, et aussi parce qu’il a quitté le pays sans sa femme et ses enfants, qui ont aussi été menacés par le SSP. La Commission a aussi déclaré que la preuve objective indiquait que le SSP avait été interdit par le gouvernement et que celui-ci prenait des mesures afin de contrer toute activité du SSP. La Commission a reconnu que la main de M. Akbar avait été amputée, mais n’était pas convaincue que l’amputation était attribuable au SSP. La Commission a donc conclu que M. Akbar n’était ni un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger. M. Akbar a demandé l’autorisation de faire contrôler judiciairement cette décision, mais la demande a été rejetée le 7 juillet 2004.

 

[12]           Le 18 juillet 2005, M. Akbar a déposé une demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires et, le 20 juin 2006, il a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR).

 

[13]           Dans sa demande d’ERAR, M. Akbar a réitéré ses allégations d’agression aux mains du SSP. Il a aussi allégué qu’il serait victime de mauvais traitements de la part des policiers, qui étaient en fait des agents du SSP dans sa collectivité. Il a présenté deux nouveaux éléments de preuve qui n’avaient pas été présentés à la Commission. L’un de ces nouveaux éléments de preuve était une lettre écrite par l’avocat de M. Akbar au Pakistan. C’est l’évaluation de cet élément de preuve, ou plutôt l’absence de son évaluation, par l’agent d’ERAR, qui a résulté en une décision déraisonnable.

 

[14]           L’agent n’a pas tenu compte de la lettre de l’avocat. Il a écrit ce qui suit :

[traduction]

M. Akbar a présenté une lettre de Ch. Shanaz Aham, avocat, datée du 10 juillet 2007, dans laquelle il affirme qu’une plainte est toujours en cours de traitement au poste de police et qu’ils attendent le retour du demandeur afin de procéder à l’enquête. Cependant, la nature de la plainte n’est pas précisée, et l’avocat n’a pas présenté une copie de la plainte. J’accorde une faible force probante à cette lettre, parce que le manque de détails à propos de la nature de la plainte fait en sorte qu’il m’est impossible de déterminer si M. Akbar serait persécuté, torturé, ou exposé à une menace à sa vie, ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il devait retourner au Pakistan.

 

[15]           Même si la lettre datée du 10 juillet 2007 est incluse dans le dossier de demande, elle ne l’est pas dans le dossier certifié du tribunal. Cependant, compte tenu de la référence précise à la lettre dans la décision, il n’y a pas de doute que la lettre a été examinée par l’agent.

 

[16]           L’avocat du demandeur a fait remarquer tout juste hier que le dossier certifié du tribunal contient une lettre de Ch. Shahnaz Ahmad, avocat, mais qu’il s’agit d’une lettre antérieure datée du 2 juillet 2007. La lettre, qui n’était pas incluse dans le dossier de demande mais qui l’était dans la demande d’ERAR initiale, énonce précisément les détails qui, selon l’agent, manquaient dans la lettre datée du 10 juillet 2007.

 

[17]           La lettre semble, à première vue, revêtir de l’importance pour la demande d’ERAR et, puisqu’elle contient précisément l’information qui, selon ce qu’a conclu l’agent, manquait dans la lettre subséquente, cette lettre aurait pu mener l’agent à attribuer un certain poids aux informations de l’avocat. Il n’est pas simple, ni évident, selon moi que l’agent serait parvenu à la même conclusion s’il avait examiné cet élément de preuve.

 

[18]           Par conséquent, la décision de l’agent est déraisonnable, et la demande doit être trancheé par un autre agent.

 

[19]           Aucune partie n’a proposé la certification d’une question.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est accueillie, que la décision de l’agent d’ERAR datée du 30 octobre 2008 est annulée et que la demande d’ERAR du demandeur est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision, et qu’il est précisément enjoint à cet agent d’examiner les deux lettres de Ch. Shahnaz Ahmad respectivement datées du 2 juillet 2006 et du 10 juillet 2007.  

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5587-08

 

INTITULÉ :                                       MUHAMMAD AKBAR c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

                                                                                                                                                                                   

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 septembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Zinn

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 3 septembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Berger

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nicole Rahaman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Max Berger Professionnal Law Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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