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Date : 20090828

Dossier : T-135-09

Référence : 2009 CF 862

Ottawa (Ontario), le 28 août 2009

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

CALVIN SANDIFORD

demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire d’une décision en date du 20 janvier 2009 par laquelle le ministère de la Défense nationale aurait refusé de négocier le règlement des réclamations du demandeur conformément à la Politique sur les réclamations et paiements à titre gracieux du Conseil du Trésor. Le défendeur conteste que la lettre adressée au demandeur le 20 janvier 2009 renferme une « décision » et soutient que, dans cette lettre, le directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles ne faisait que réitérer la position qu’il avait communiquée pour la première fois au demandeur le 26 septembre 2008.

 

FAITS

[2]               Le demandeur est sous-lieutenant au sein des Forces canadiennes. Le 19 septembre 2008 ou vers cette date, il a présenté une demande d’indemnité au directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles du ministère de la Défense nationale en vue d’obtenir une indemnité pécuniaire en réparation de présumés incidents de négligence, harcèlement et libelle survenus au cours de son service militaire.

 

[3]               Le directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles, M. Michel Lapierre, a répondu au demandeur dans une lettre détaillée datée du 26 septembre 2008. M. Lapierre a refusé d’entamer des négociations en vue de conclure un règlement en réponse aux réclamations du demandeur, invoquant principalement comme raison que les réclamations en question relevaient de la procédure de règlement des griefs prévue par la loi et que le demandeur n’avait pas épuisé cette procédure. La lettre expliquait que l’affaire devait être déférée au directeur général - Autorité des griefs des Forces canadiennes à qui le demandeur avait au départ soumis un certain nombre de griefs qu’il avait par la suite suspendus. Le défendeur affirme que la « décision » qu’a pu prendre le Ministère se trouvait dans la lettre en question et que les communications subséquentes n’ont fait que réitérer cette décision.

 

[4]               Le demandeur a répondu par lettre datée du 7 novembre 2008. Il y affirmait qu’il était en désaccord avec l’opinion exprimée dans la lettre du 26 septembre 2008 et ajoutait qu’il ferait part de la nature exacte de son désaccord en temps utile au directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles.

 

[5]               M. William Hall, préposé aux réclamations du Bureau du directeur des Réclamations et du contentieux des affaires civiles, a répondu au demandeur dans un courriel daté du 10 novembre 2008. Il y informait le demandeur de l’existence d’une nouvelle décision de la Cour fédérale appuyant la position exprimée dans la lettre du 26 septembre 2008.

 

[6]               Le 12 janvier 2009, le demandeur a envoyé au directeur un courriel dans lequel il réclamait un règlement. Dans ce courriel, le demandeur a adopté le point de vue que ses réclamations ne devaient pas être traitées selon la procédure de règlement des griefs. Il a déclaré ce qui suit (dossier du demandeur, page 117) :

[traduction] Je suis d’avis que j’ai été victime de négligence, de harcèlement et de libelle […] les conséquences de ces actes délictueux débordent le cadre des réparations qui peuvent être accordées en vertu de la loi.

 

[7]               En réponse à ce courriel, M. Hall a envoyé un courriel au demandeur le 20 janvier 2009. Il s’agit de la présumée décision faisant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire introduite par le demandeur.

 

Décision visée par la demande de contrôle

[8]               Dans le courriel qu’il a écrit au demandeur le 20 janvier 2009, M. Hall explique qu’il répond au courriel du 12 janvier 2009 du demandeur à la demande de M. Lapierre. M. Hall résume brièvement les déclarations faites par le demandeur dans son courriel du 12 janvier 2008 et déclare ce qui suit (dossier du demandeur, vol. 1, page 119) :

[traduction] Un examen minutieux de votre courriel susmentionné ne nous a pas permis de déceler d’autres raisons qui nous justifieraient de revenir sur notre position initiale. Vous ne citez pas de jurisprudence ou de principes juridiques pour étayer vos arguments. Pour le moment, je ne vois aucun avantage à entreprendre des pourparlers en vue de conclure un règlement, étant donné qu’il n’y a aucun motif sur lequel on pourrait se fonder pour entreprendre une telle démarche.

 

[9]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette présumée décision.

 

Politique sur les réclamations et paiements à titre gracieux du Conseil du Trésor

[10]           Le pouvoir du directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles de conclure des règlements en réponse à des demandes d’indemnité au nom du ministère de la Défense nationale découle de la Politique sur les réclamations et paiements à titre gracieux du Conseil du Trésor [laquelle a été élaborée en application du Décret sur la délégation de pouvoirs au Conseil du Trésor, DORS/86-1123; la loi habilitante est la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R. 1985, ch. F-11].

 

[11]           Il est précisé dans la préface de la politique que celle-ci a pour objet d’accorder aux administrateurs généraux le pouvoir « de régler la plupart des réclamations non contractuelles et d’effectuer des paiements à titre gracieux » (dossier du défendeur, onglet 3). L’article 5 dispose :

5. Énoncé de la politique

  1. Le gouvernement a pour politique de faire en sorte que les réclamations faites par l’État ou contre l’État et contre ses fonctionnaires soient réglées et payées adéquatement et rapidement.
  2. Les administrateurs généraux (y compris les chefs d’organismes) ont le pouvoir de régler les réclamations faites par l’État ou contre l’État quand les exigences de la présente politique sont satisfaites et, plus précisément :

 

    1. d’accepter les montants fixés à titre de règlement dans le cas de réclamations faites par l’État;
    2. de recouvrer auprès des fonctionnaires tous les montants payables à l’État par les fonctionnaires;
    3. de payer le montant du règlement des réclamations faites contre l’État;
    4. de faire des paiements à titre gracieux.
  1. Tout pouvoir conféré par la présente politique peut être exercé par un agent désigné par l’administrateur général, mais seul ce dernier peut approuver les paiements à titre gracieux de plus de 2000 $. Pour ce qui est du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, le juge-avocat général peut faire des paiements à titre gracieux, quel que soit le montant.

 

5. Policy statement

  1. It is government policy to provide for adequate and timely settlement and payment of claims by or against the Crown and against its servants.

 

 

 

  1. Deputy heads (which includes heads of agencies) have the authority to resolve claims by and against the Crown when requirements of this policy are met. In particular, Deputy Heads have the authority to :
    1. accept amounts in settlement of claims by the Crown;

 

 

    1. recover from servants any amounts owing to the Crown by servants;

 

 

 

    1. pay amounts in settlement of liability claims against the Crown; and

 

    1. make ex gratia payments.

 

  1. Any authority in this policy may be exercised by an official designated by the deputy head, except only the deputy head may approve ex gratia payments over $2,000. In the case de la Department of National Defence and the Canadian Forces, the Judge Advocate General may make ex gratia payments for any amount.

 

[12]           L’article 7.3.3 de la politique est ainsi libellé :

7.3.3 Paiement des indemnités

Pour décider s’il y a lieu de verser des indemnités, les administrateurs généraux tiennent compte :

  1. des aspects juridiques et des autres valeurs de la réclamation;
  2. de la rentabilité et de l’opportunité de la mesure sur le plan administratif.

 

7.3.3 Liability payment

In deciding whether to make a liability payment, deputy heads shall consider :

  1. the legal and other merits de la claim; and

 

  1. administrative expediency and cost-effectiveness.

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

[13]           Le demandeur invoque plusieurs moyens pour contester la présumée décision du directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles. Tous ces moyens ont trait au caractère raisonnable de la décision. Le défendeur a pour sa part soulevé la question préliminaire de savoir si la lettre du 20 janvier 2009 est une « décision » au sens de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[14]           La Cour examinera dans l’ordre suivant les questions soulevées dans la présente demande :

1.             Le courriel du 20 janvier 2009 constitue-t-il une « décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte » susceptible d’être visé par une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales?

 

2.             Dans l’affirmative, le courriel en question constitue-t-il un exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire conféré au directeur par la politique du Conseil du Trésor?

 

 

NORME DE CONTRÔLE

 

 

[15]           Suivant l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, de la Cour suprême du Canada, il existe deux normes de contrôle possibles : celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. Au paragraphe 62, la Cour suprême explique que lorsqu’elle effectue l’analyse relative à la norme de contrôle, la cour vérifie d’abord « si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». Si elle répond par la négative à cette question, la cour doit entreprendre l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle.

 

[16]           Comme il ne semble exister dans la jurisprudence aucune indication au sujet de la norme de contrôle applicable aux décisions prises en vertu de la politique en cause, la Cour doit entreprendre une analyse de la norme de contrôle applicable. Les facteurs dont on doit tenir compte pour arrêter la bonne norme de contrôle sont les suivants :

1.             l’existence d’une clause privative;

2.             la raison d’être du tribunal administratif ou de l’organe de décision;

3.             la nature de la décision;

4.             l’expertise du décideur.

(Arrêt Dunsmuir, au paragraphe 64)

[17]           La politique ne contient pas de clause privative, de sorte qu’il y a lieu de procéder à un examen plus fouillé. Toutefois, le directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles possède de toute évidence une expertise pour décider de l’opportunité de négocier un règlement au nom du ministère de la Justice à la lumière des exigences prévues à l’article 7.3.3. Il a notamment une expertise lorsqu’il s’agit d’apprécier la rentabilité et l’opportunité de cette mesure sur le plan administratif, comme l’exige l’alinéa 7.3.3b). Pour ce qui est de la nature de la décision, le refus de négocier un règlement ne supprime aucun des recours qui sont ouverts au demandeur.

 

[18]           La décision que prend le directeur au sujet de l’opportunité de négocier un règlement est régie par la Politique sur les réclamations et paiements à titre gracieux du Conseil du Trésor. Cette politique n’a pas force de loi. Le défendeur soutient qu’il s’agit d’une politique discrétionnaire et qu’il y a lieu de faire preuve d’un degré élevé de retenue envers la décision du directeur.

 

[19]           Le demandeur affirme qu’il a été jugé que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, citant à l’appui la décision Bernath c. Canada, 2007 CF 104. L’affaire Bernath ne portait pas sur une demande de contrôle judiciaire, mais sur une action en dommages-intérêts fondée sur la présumée violation des droits garantis au demandeur par l’article 7 de la Charte. Cette décision n’est d’aucune utilité lorsqu’il s’agit d’arrêter la norme de contrôle applicable à une demande de contrôle judiciaire visant une décision du directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles.

 

En conséquence, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Le tribunal qui procède au contrôle judiciaire d’une décision en fonction de la norme de la décision raisonnable doit se demander « si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité, […] laquelle tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » et si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau- Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, au paragraphe 47).

 

[20]           Le demandeur affirme qu’il a été jugé que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, citant à l’appui la décision Bernath c. Canada, 2007 CF 104. L’affaire Bernath ne portait pas sur une demande de contrôle judiciaire, mais sur une action en dommages-intérêts fondée sur une présumée violation des droits garantis au demandeur par l’article 7 de la Charte. Cette décision n’est d’aucune utilité lorsqu’il s’agit d’arrêter la norme de contrôle applicable à une demande de contrôle judiciaire visant une décision du directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles.

 

ANALYSE

Première question : La lettre du 20 janvier 2008 constitue-t-elle une « décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte » susceptible d’être visé par une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales?

 

[21]           Le défendeur affirme que le courriel du 20 janvier 2008 ne fait que reprendre les conclusions que l’on trouve dans la lettre détaillée qui a été adressée au demandeur le 26 septembre 2008. Le demandeur n’a pas formulé d’arguments à ce sujet.

 

[22]           La Cour conclut qu’il ressort de la lecture des deux communications en question que la décision que le demandeur conteste est contenue dans la lettre du 26 septembre 2008. La décision de ne pas négocier de règlement avec le demandeur a été prise à la lumière des réclamations formulées par le demandeur. C’est le demandeur qui a toujours pris l’initiative des communications  subséquentes entre les deux parties : le demandeur a envoyé diverses lettres et divers courriels pour exprimer son désaccord au défendeur. Le demandeur a ensuite exposé sa « position » dans sa lettre détaillée du 12 janvier 2009. Il semble toutefois que le défendeur était au courant du fait que le demandeur prévoyait formuler d’autres observations. Dans sa lettre du 10 novembre 2008, M. Hall suggérait au demandeur d’examiner la décision de la Cour fédérale Moodie c. La Reine, 2008 CF 968, pour [traduction] « préparer sa position » (dossier du défendeur, vol. 1, page 316).

 

[23]           J’estime néanmoins que la lettre du 20 janvier 2008 ne renfermait pas de décision. La lettre que le défendeur a écrite le 26 septembre 2008 était un document détaillé de cinq pages dans lequel le défendeur reprenait chacune des réclamations du demandeur, citait les divers régimes législatifs et procédures de règlement des griefs applicables et soupesait les possibilités de règlement. Le demandeur a ensuite rédigé des lettres et des courriels dans lesquels il exprimait son désaccord avec cette décision. Le défendeur lui a envoyé de brèves réponses dans lesquelles il réitérait sa position. Le demandeur a ensuite envoyé sa lettre détaillée du 12 janvier 2009. En réponse à cette lettre, le défendeur a écrit la lettre du 20 janvier 2009. Là encore, il s’agit d’une brève lettre d’une seule page dans laquelle le défendeur expliquait qu’il avait examiné la lettre du 12 janvier 2009 du demandeur et qu’il ne voyait aucune raison de s’écarter de la décision du 26 septembre 2008. Pour évaluer les « motifs » de cette décision, la Cour ne dispose que de la lettre du 26 septembre 2008 puisque la lettre du 20 janvier 2009 déclare simplement que la position du directeur demeure inchangée. Enfin, bien que la lettre détaillée du 26 septembre 2008 – qui était une lettre officielle postée au demandeur – porte la signature du directeur, M. Lapierre, le bref courriel du 20 janvier 2009 a été envoyé au demandeur par le préposé aux réclamations, M. Hall.

 

[24]           La Cour a expliqué qu’un demandeur ne peut reporter la date d’une décision en envoyant une lettre dans l’intention de susciter une réponse (Dhaliwal c. Canada (MCI), (1995) 56 A.C.W.S. (3d) 393, le juge McKeown, au paragraphe 2; Wong c. Canada (MCI), (1995) 55 A.C.W.S. (3d), le juge Wetston, au paragraphe 4). La Cour a également expliqué que la « réponse donnée par courtoisie » à la lettre par laquelle le demandeur réclame des renseignements complémentaires après que la décision a été rendue ne constitue pas une décision qui pourrait faire l’objet d’une procédure de contrôle judiciaire (Kourtchenko c. Canada (MCI), (1998) 146 F.T.R. 23, la juge Reed, aux paragraphes 14 et 15).

 

[25]           Le demandeur ne réclame pas le contrôle judiciaire de la décision prise par le directeur le 26 septembre 2008. Sa première réponse sur le fond relativement à cette décision a été envoyée le 12 janvier 2009 (dans ses lettres précédentes, le demandeur informait le directeur qu’il expliquerait son désaccord [traduction] « en temps utile »). En date du 12 janvier 2008, le délai prévu pour présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision était déjà expiré. Le demandeur ne peut repousser le délai en prenant tout son temps pour « répondre » à la décision du directeur pour ensuite réclamer le contrôle judiciaire d’une courte lettre contenant une réponse donnée par courtoisie.

 

[26]           En conséquence, il n’est pas nécessaire que la Cour se prononce sur le caractère raisonnable de la décision du directeur. La décision a été rendue le 26 septembre 2008, et le délai imparti pour demander le contrôle judiciaire de cette décision était expiré.

 

[27]           La Cour signale à titre incident que le demandeur s’est adressé au directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles qui [traduction] « n’est pas légalement habilité à rendre une décision en vertu de la Loi sur le Ministère de la Défense nationale ou de toute autre loi ». Voilà qui est paradoxal car, s’il n’y a pas de décision susceptible d’un contrôle judiciaire, la Cour n’est pas compétente. Pour cette raison, je suis d’avis de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire, qui est de toute évidence contraire aux intérêts du demandeur.

 

[28]           Je conclus à titre incident que le directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles tient son pouvoir de régler des demandes d’indemnité au nom du ministère de la Défense nationale d’une politique qui n’a pas force de loi. Il s’agit d’une politique visant à éviter des poursuites en justice inutiles. Mais s’il est décidé de ne pas négocier de règlement en réponse à une demande d’indemnisation, cette décision ne constitue pas une décision définitive affectant les droits du demandeur. Celui‑ci a le droit d’exercer les autres recours qui lui sont ouverts en vertu de la loi, et il peut notamment introduire une action devant le tribunal compétent.

 

[29]           Le demandeur a demandé à la Cour de donner des directives au sujet du tribunal qui peut connaître du type d’action susceptible de lui offrir une réparation relativement à ses présumés droits d’action. La Cour ne peut faire de déclaration à ce propos parce qu’il s’agit d’une question complexe et qu’il n’est pas nécessaire de répondre à cette question pour trancher la présente demande de contrôle judiciaire. Il existe plusieurs lois qui ont trait aux droits des membres du personnel militaire de réclamer des dommages-intérêts. Le demandeur, qui est lui-même juriste, semble avoir une bonne compréhension de ces lois et de la jurisprudence.

 

Seconde question : La décision du ministre était-elle raisonnable?

[30]           Pour le cas où la présumée décision du 20 janvier 2009 serait susceptible de contrôle judiciaire, la Cour va maintenant se pencher sur la question de savoir s’il était raisonnablement loisible à son auteur de la prendre.

 

[31]           Le principal argument que fait valoir le demandeur est qu’il ne peut obtenir une indemnité financière pour la perte et les dommages qu’il a subis en suivant la procédure de règlement des griefs, et que la seule façon pour lui d’obtenir cette indemnité est de s’adresser au défendeur. Le demandeur affirme qu’en tant que membres des Forces canadiennes, il n’a pas droit aux recours qui sont ouverts aux simples citoyens qui réclament ce genre d’indemnité financière.

 

[32]           Le défendeur affirme par ailleurs que la politique de « règlement » est manifestement discrétionnaire et qu’il ressort à l’évidence du libellé de la politique que le directeur n’a aucune obligation de négocier un règlement. Le défendeur cite l’article 7.3.3. de la politique, qui énumère les critères dont on tient compte « [p]our décider s’il y a lieu de verser des indemnités ». Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que cet article confère de toute évidence au directeur le pouvoir discrétionnaire de refuser de négocier un règlement. Le fait que le demandeur ne soit peut‑être pas en mesure d’obtenir l’indemnité financière qu’il réclame par le truchement de la procédure de règlement des griefs n’oblige en rien le défendeur à verser de l’argent au demandeur.

 

[33]           Le demandeur n’a pas démontré que le directeur avait commis une erreur ou qu’il avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon irrégulière. Les arguments invoqués par le demandeur au sujet des lacunes de la procédure de règlement des griefs et du traitement différent auquel sont soumis les militaires n’ont rien à voir avec la décision du directeur. Je relève par ailleurs que le demandeur s’est déjà adressé à notre Cour dans le cadre d’une action intentée contre Sa Majesté : Sandiford c. Canada, 2007 CF 225, 309 F.T.R. 223. Dans cette décision, la juge Layden-Stevenson a confirmé la décision par laquelle le protonotaire avait radié l’action du demandeur au motif qu’il n’avait pas épuisé les recours qui lui étaient ouverts en vertu de la loi. Il est évident que le demandeur estime que le régime prévu par la loi est entaché de lacunes et qu’il ne lui permet pas d’obtenir une indemnité adéquate. Il ne peut toutefois, en s’adressant à la Cour, faire l’économie de la procédure de règlement des griefs prévue dans les lois régissant les membres de Forces canadiennes.

 

[34]           En tout état de cause, la lettre que le directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles a adressée au demandeur le 26 septembre 2008 aborde systématiquement chacune des réclamations du demandeur et fournit des raisons logiques pour refuser de négocier un règlement relativement à chacune des réclamations en question. En conséquence, il était raisonnablement loisible au directeur de Réclamations et contentieux des affaires civiles de prendre cette décision et, selon la norme de contrôle de la décision raisonnable, notre Cour ne peut intervenir ou annuler cette décision. Le demandeur a encore le droit d’exercer toute autre voie de droit ou d’introduire toute autre action en justice pour poursuivre ses réclamations sous réserve de toute clause privative légale susceptible de s’appliquer. Comme nous l’avons expliqué, il n’appartient pas à la Cour, en l’espèce, d’examiner ces autres voies de recours et la jurisprudence applicable.

 

DÉPENS

[35]           Les deux parties réclament les dépens. En principe, les dépens sont adjugés à la partie qui obtient gain de cause. La présente demande sera donc rejetée et le demandeur sera condamné à payer les dépens au défendeur.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-135-09

 

INTITULÉ :                                       CALVIN SANDIFORD c.

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 19 août 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                      le 28 août 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Calvin Sandiford

 

LE DEMANDEUR,

son propre compte

 

Susanne Pereira

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

s/o

 

LE DEMANDEUR,

pour son propre compte

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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