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Cour fédérale

Federal Court

 

 

Date : 20090825

Dossier : IMM-4183-09

Référence : 2009 CF 843

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 25 août 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

EMILY ANNE MARIE SHARPE

demanderesse

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] La demanderesse a déposé une requête en urgence le 21 août 2009 sollicitant une ordonnance visant à surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre elle, prévue le mercredi 26 août 2009 à 13 h 05.

 

  • [2] Le défendeur a fait valoir que la Cour ne devrait pas entendre cette requête, car il serait contraire à l’intérêt de la justice de le faire pour les raisons suivantes : a) la demanderesse n’a pas démontré, devant la Cour, une attitude irréprochable, b) la demanderesse n’a pas fourni de bons motifs pour présenter cette requête de façon tardive et en urgence, c) il n’est pas loisible à la demanderesse de recourir aux tribunaux de la famille pour suspendre des mesures de renvoi, sous prétexte de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant;

 

  • [3] La Cour a brièvement entendu les observations orales de l’avocate à la Cour à Toronto (Ontario), à court préavis, le mardi 25 août 2009 à 14 h, à la suite de quoi les parties ont été informées que la requête était rejetée, car la demanderesse n’avait pas démontré, devant la Cour, une attitude irréprochable.J’ai conclu que la demanderesse s’était livrée à une série d’actes accablants qui lui ont permis de rester au Canada, à l’exception de quelques semaines, puisqu’elle est arrivée pour la première fois en octobre 1995.

 

  • [4] Dans une lettre envoyée à la Cour le 22 août 2009, le défendeur fait valoir que « la Cour ne devrait pas entendre cette requête, car la demanderesse n’a pas démontré une attitude irréprochable, elle a omis de révéler des renseignements pertinents et elle a refusé de se conformer aux lois de l’immigration du Canada et au processus de cette cour ».

 

  • [5] Le défenseur a souligné que la demanderesse ne s’était pas présentée pour l’exécution de sa mesure de renvoi le 10 mars 2000, à la suite d’une demande d’asile qui a été rejetée et d’un rejet d’une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire.La demanderesse a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire pour contester l’avis de convocation (IMM-1226-00).Un mandat pour son arrestation a été lancé; elle a demandé une suspension, laquelle a été rejetée.Elle a été officiellement renvoyée du Canada le, ou vers le, 15 juillet 2000.

 

  • [6] Elle est revenue au Canada environ deux semaines plus tard, soit le 2 août 2000, sans autorisation.Depuis ce temps, une deuxième demande pour motifs d’ordre humanitaire lui a été refusée le 14 mai 2001, une troisième demande pour motifs d’ordre humanitaire lui a été refusée le 16 octobre 2006 et une décision défavorable a été rendue à l’issue de l’examen des risques avant renvoi le 29 avril 2009.Une quatrième demande pour motifs d’ordre humanitaire a été déposée le 16 juillet 2009 et est en cours de traitement.Le 19 octobre 2006 et le 10 septembre 2008, la demanderesse a fait l’objet d’un rapport d’interdiction de territoire en vertu de l’article 44.

 

  • [7] En réponse aux allégations du défendeur selon lesquelles la défenderesse n’a pas démontré, devant la Cour, une attitude irréprochable, la demanderesse a déposé un affidavit sous serment le 24 août 2009.Dans ce dernier affidavit, elle reproche à d’autres personnes les défauts mentionnés par le défendeur et n’accepte aucune responsabilité personnelle pour ses propres agissements.La Cour conclut que l’affidavit de la demanderesse contient des renseignements mensongers.

 

  • [8] La demanderesse jure ne pas s’être présentée pour l’exécution de sa mesure de renvoi le 10 mars 2000, car le consultant en immigration (et pasteur) Raymond Cyrus ne lui avait pas donné les renseignements selon lesquels elle devait se présenter à cette date.Elle omet de mentionner que, le 10 mars 2000, elle avait déposé une demande (IMM-1226-00) d’autorisation et de contrôle judiciaire sur cette décision lui enjoignant de se présenter pour son renvoi.Je n’accepte tout simplement pas son élément de preuve selon lequel elle n’était pas au courant de l’exigence de se présenter lorsqu’elle a déposé une demande de contrôle judiciaire de cette même directive le jour même qu’elle devait se présenter.De plus, elle a déposé un affidavit relativement au dossier IMM-1226-00, dans lequel elle jure ce qui suit : [traduction] « on a émis à mon intention une mesure d’interdiction de séjour qui entrait en vigueur dans les 30 jours suivants le 9 février 2000 ».Par conséquent, ses propres mots ont établi la preuve qu’elle savait qu’elle devait quitter le pays le 10 mars 2000.

 

  • [9] De plus, elle jure dans son affidavit courant que M. Cyrus avait retenu les services d’un avocat pour intervenir en son nom seulement après qu’elle ait été informée de la mesure visant son renvoi le 15 juillet 2000.Le dossier de la Cour IMM-1226-00 démontre le contraire.Ce dossier montre que M. Wayne DeLandro, avocat, avait déposé une requête le 13 mars 2000 quant à un sursis de l’exécution de la mesure d’expulsion émise contre la demanderesse.

 

  • [10] Dans son affidavit courant, elle jure ce qui suit : [traduction]

L’avocat [dont les services avaient été retenus par M. Cyrus après avoir été informé en juillet qu’elle devait être expulsée] m’a dit qu’il se présenterait devant la Cour le mardi avant mon renvoi prévu le samedi 15 juillet 2000 afin de tenter d’empêcher mon renvoi du Canada. 

 

Cependant, le vendredi, avant mon renvoi, j’ai enfin réussi à joindre l’avocat, malgré plusieurs vaines tentatives au cours de la semaine précédente.  C’était à cette date que l’avocat m’a dit qu’il avait un mal de dents et qu’il ne s’était pas présenté devant la Cour le mardi.

 

En conséquence, je me suis conformée à toutes les directives fournies par l’agent responsable des mesures de renvoi et j’ai quitté le Canada le 15 juillet 2000.

 

 

  • [11] Encore une fois, le dossier de la Cour IMM-0226-00 prouve que ces renseignements sont mensongers.La demande de sursis déposée le 13 mars 2000 avec, j’ajouterais, un affidavit à l’appui signé par cette demanderesse le 16 février 2000, a été entendue par le juge Hansen le vendredi 14 juillet 2000, et le dossier montre que son avocat, M. DeLandro, s’est présenté et a plaidé la requête.La requête en sursis de l’exécution de la mesure d’expulsion est rejetée par le juge Hansen.

 

  • [12] Après son renvoi, la demanderesse est retournée au Canada sans autorisation environ deux semaines plus tard.Dans son affidavit, elle jure que l’[traduction] « agent des renvois m’avait alors dit que je pourrais retourner au Canada après environ deux semaines et demie à trois semaines... [et qu’il] ne m’avait pas dit que je devais obtenir une autorisation pour retourner au Canada ».Je doute sérieusement que l’agent ait dit une telle chose à la demanderesse.De plus, comme le souligne le défendeur, le formulaire de la mesure d’interdiction de séjour contient une déclaration expresse selon laquelle « après avoir fait l’objet d’une mesure de renvoi du Canada ou après avoir quitté le Canada, la personne ne peut plus y revenir sans l’autorisation écrite du ministre, sauf si la mesure est annulée en appel ».Il est donc clair qu’elle n’a pas tenu compte de cette interdiction de revenir au Canada, ou a volontairement choisi de fermer les yeux.Elle ne peut reprocher à d’autres personnes ses agissements.

 

  • [13] La demanderesse allègue maintenant qu’elle est responsable de sa petite-fille et qu’elle en demande la garde.La Cour fait observer que cette enfant avait été renvoyée du Canada en compagnie de sa mère en 2007.Elle avait été envoyée pour aller vivre chez sa grand-mère, la demanderesse, en janvier 2009.Elle a vraisemblablement réussi à survivre avec sa mère entre-temps.La demanderesse a déposé une demande en vue d’obtenir la garde parentale le 20 août 2009.Le défendeur invoque qu’il s’agit d’une tentative de recours aux tribunaux de la famille et d’utilisation de cette enfant comme pion dans le désir évident de la demanderesse d’éviter de faire l’objet d’une mesure de renvoi du Canada.Compte tenu de ma conclusion de manque d’honnêteté de la part de la demanderesse, son allégation selon laquelle elle était incapable d’entamer la procédure de garde plus tôt pour des raisons de contraintes économiques, et qu’elle l’a fait seulement à la suite de la réception d’un avis de convocation en vue de son renvoi du Canada, met son explication en doute.

 

  • [14] L’avocate me demande instamment de ne pas faire porter à l’enfant la faute de sa grand-mère.Je ne fais rien de tel.L’enfant pouvait demeurer au Canada, où réside son père, ou retourner à Grenada, où réside sa mère.Si la grand-mère fait porter sa faute à sa petite-fille, ce n’est pas dû aux décisions de la Cour; c’est plutôt dû à la malhonnêteté de la grand-mère.

 

  • [15] Je suis venu à la conclusion que la demanderesse n’a pas été honnête, intègre ou sincère dans ses démêlés avec les autorités de l’immigration ou cette Cour.L’élément de preuve qu’elle a déposé à l’appui de sa requête de sursis n’a pas été complet, honnête et sincère.Elle n’a pas respecté la législation canadienne et les ordres légitimes relativement à son renvoi.Elle est restée au Canada sans autorisation pendant presque 13 ans, accablant grandement les ressources des personnes qui travaillent avec diligence dans le système d’immigration, alors qu’il aurait été préférable qu’elles consacrent leur temps et leur attention à répondre aux demandes honnêtes et sincères.

 

  • [16] Si j’avais jugé l’affaire sur le fond, j’aurais conclu pour ces raisons, et d’autres raisons, que la prépondérance des inconvénients favorisait le défendeur et j’aurais rejeté la requête sur le fond pour ne pas avoir satisfait aux trois éléments du critère dans l’arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (CAF).

 

  • [17] Je tiens toutefois à préciser que je ne constate aucune erreur de la part de l’avocate de la demanderesse.Elle s’est fiée aux renseignements que lui avait fournis sa cliente.Ces renseignements étaient inexacts.L’avocate a fait de son mieux, en vain, dans des circonstances difficiles, pour convaincre la Cour d’entendre la requête sur le fond.

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis soit rejetée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  IMM-4183-09

 

INTITULÉ :  EMILY ANNE MARIE SHARPE c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :   Le 25 août 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :  Le 25 août 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Tamara Joseph

 

POUR LA DEMANDERESSE

Bradley Bechard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Tamara Joseph

Avocate

1183, avenue Finch Ouest, bureau 500

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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