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Date : 20090428

Dossier : T‑427‑08

Référence : 2009 CF 429

Ottawa (Ontario), le 28 avril 2009

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

GIANNOULA KERMENIDES

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit de la demande de contrôle judiciaire présentée par le procureur général du Canada relativement à la décision rendue le 8 février 2008 par un membre (le membre) de la Commission d’appel des pensions en application des dispositions du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8 (le Régime). Le membre a refusé l’autorisation d’interjeter appel d’une décision du Tribunal de révision constitué en vertu du Régime. Pour les motifs exposés ci‑dessous, j’accueillerai la demande et je renverrai l’affaire devant un autre membre pour nouvel examen, le tout sans dépens.

 

[2]               Les faits sous‑jacents à la demande sont simples et non contestés. La défenderesse, Mme Kermenides, a présenté une demande de prestation dans le cadre du Régime en juin 2006, au motif de son invalidité, à la fois physique et psychologique résultant de troubles au bas du dos. Elle travaillait auparavant comme massothérapeute, mais elle n’était plus en mesure de continuer à travailler. Au début, sa demande a été refusée. Elle a interjeté appel devant le Tribunal de révision constitué dans en vertu du Régime. Le Tribunal de révision a tenu une audience, il a entendu les témoignages de trois fournisseurs de soins de santé et du conjoint de Mme Kermenides. Elle‑même n’était pas en mesure de donner son témoignage. Le Tribunal a accueilli la demande de Mme Kerminides. En application des dispositions du Régime, le ministre a demandé l’autorisation d’interjeter appel de cette décision à la Commission d’appel des pensions (la Commission). Le membre a rejeté la demande d’autorisation d’appel. Il a déclaré ce qui suit dans une ordonnance rendue le 8 février 2008 :

[traduction]

Le Tribunal de révision a examiné les preuves médicales et autres présentées à l’audience et ses conclusions ne peuvent pas être infirmées.

 

Il ressort clairement de l’ensemble des difficultés médicales de Mme Kermenides qu’elle est invalide.

 

Aucune autre preuve n’a été proposée ni n’a donné à penser qu’il y avait des possibilités réalistes de succès en appel.

 

L’autorisation est refusée.

 

 

[3]               Il s’agit de la décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Le Régime prévoit qu’une personne invalide présente d’abord sa demande au ministre du Développement social en vue d’une pension, si elle croit qu’elle satisfait à certains critères qui font d’elle une « invalide » au sens du paragraphe 42(2) du Régime :

Personne déclarée invalide

(2) Pour l’application de la présente loi :

a) une personne n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l’application du présent alinéa :

(i) une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,

(ii) une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès;

b) une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d’être invalide à la date qui est déterminée, de la manière prescrite, être celle où elle est devenue ou a cessé d’être, selon le cas, invalide, mais en aucun cas une personne n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d’une demande à l’égard de laquelle la détermination a été établie.

 

When person deemed disabled

(2) For the purposes of this Act,

(a) a person shall be considered to be disabled only if he is determined in prescribed manner to have a severe and prolonged mental or physical disability, and for the purposes of this paragraph,

 

 

(i) a disability is severe only if by reason thereof the person in respect of whom the determination is made is incapable regularly of pursuing any substantially gainful occupation, and

 

(ii) a disability is prolonged only if it is determined in prescribed manner that the disability is likely to be long continued and of indefinite duration or is likely to result in death; and

 

 

 

(b) a person shall be deemed to have become or to have ceased to be disabled at such time as is determined in the prescribed manner to be the time when the person became or ceased to be, as the case may be, disabled, but in no case shall a person be deemed to have become disabled earlier than fifteen months before the time of the making of any application in respect of which the determination is made.

 

 

[5]               Si une telle personne n’est pas satisfaite de la décision du ministre, elle peut demander une révision auprès du Tribunal de révision constitué en vertu du Régime. À la suite de la décision du Tribunal de révision, l’une des parties, le ministre ou le demandeur de prestations, peut demander à un membre de la Commission d’appel des pensions (CAP) l’autorisation d’interjeter appel de la décision devant la Commission. Il s’agit de la procédure engagée en l’espèce. Un tel appel est prévu au paragraphe 83(1) du Régime :

Appel à la Commission d’appel des pensions

 

83. (1) La personne qui se croit lésée par une décision du tribunal de révision rendue en application de l’article 82 — autre qu’une décision portant sur l’appel prévu au paragraphe 28(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse — ou du paragraphe 84(2), ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, de même que le ministre, peuvent présenter, soit dans les quatre-vingt‑dix jours suivant le jour où la décision du tribunal de révision est transmise à la personne ou au ministre, soit dans tel délai plus long qu’autorise le président ou le vice-président de la Commission d’appel des pensions avant ou après l’expiration de ces quatre-vingt-dix jours, une demande écrite au président ou au vice-président de la Commission d’appel des pensions, afin d’obtenir la permission d’interjeter un appel de la décision du tribunal de révision auprès de la Commission.

 

Appeal to Pension Appeals Board

 

83. (1) A party or, subject to the regulations, any person on behalf thereof, or the Minister, if dissatisfied with a decision of a Review Tribunal made under section 82, other than a decision made in respect of an appeal referred to in subsection 28(1) of the Old Age Security Act, or under subsection 84(2), may, within ninety days after the day on which that decision was communicated to the party or Minister, or within such longer period as the Chairman or Vice-Chairman of the Pension Appeals Board may either before or after the expiration of those ninety days allow, apply in writing to the Chairman or Vice-Chairman for leave to appeal that decision to the Pension Appeals Board.

 

 

[6]               Les paragraphes 83(2) et (2.1) prévoient que le président ou le vice‑président ou un membre désigné de la Commission peuvent « soit accorder, soit refuser cette permission » :

Décision du président ou du vice-président

(2) Sans délai suivant la réception d’une demande d’interjeter un appel auprès de la Commission d’appel des pensions, le président ou le vice-président de la Commission doit soit accorder, soit refuser cette permission.

Désignation

(2.1) Le président ou le vice-président de la Commission d’appel des pensions peut désigner un membre ou membre suppléant de celle-ci pour l’exercice des pouvoirs et fonctions visés aux paragraphes (1) ou (2).

Decision of Chairman or Vice-Chairman

(2) The Chairman or Vice-Chairman of the Pension Appeals Board shall, forthwith after receiving an application for leave to appeal to the Pension Appeals Board, either grant or refuse that leave.

 

Designation

(2.1) The Chairman or Vice-Chairman of the Pension Appeals Board may designate any member or temporary member of the Pension Appeals Board to exercise the powers or perform the duties referred to in subsection (1) or (2).

 

[7]               Si l’autorisation est refusée, le paragraphe 83(3) prévoit que le décideur doit fournir des motifs écrits de sa décision :

Permission refusée

(3) La personne qui refuse l’autorisation d’interjeter appel en donne par écrit les motifs.

Where leave refused

(3) Where leave to appeal is refused, written reasons must be given by the person who refused the leave.

 

[8]               Si l’autorisation est accordée, il n’y a pas d’obligation de fournir des motifs et l’appel sera entendu. Le paragraphe 83(4) déclare ce qui suit :

Permission accordée

(4) Dans les cas où l’autorisation d’interjeter appel est accordée, la demande d’autorisation d’interjeter appel est assimilée à un avis d’appel et celui-ci est réputé avoir été déposé au moment où la demande d’autorisation a été déposée.

Where leave granted

(4) Where leave to appeal is granted, the application for leave to appeal thereupon becomes the notice of appeal, and shall be deemed to have been filed at the time the application for leave to appeal was filed.

 

[9]               Le Régime est muet en ce qui a trait aux critères relatifs à l’octroi ou au refus de l’autorisation sauf que, lorsque l’autorisation est refusée, il faut fournir des motifs écrits. Il est raisonnable de conclure que ces motifs écrits doivent fournir aux parties des renseignements adéquats quant aux raisons pour lesquelles l’autorisation a été refusée.

 

[10]           Malgré que le Régime n’établisse pas en soi de critère pour l’octroi, ou en l’espèce le rejet de la permission, la jurisprudence établit que la base de l’examen doit être de savoir s’il existe des motifs défendables sur le fondement desquels l’appel « pourrait » aboutir; le membre ne devrait pas trancher la question de savoir si la demande « [va] avoir gain de cause » aboutir. Récemment, le juge O’Reilly, de la Cour fédérale, a analysé le droit dans la décision Canada (Procureur général) c. Pelland, le 16 octobre 2008, 2008 CF 1164, décision dans laquelle il a fait le résumé suivant aux paragraphes 8 et 9 :

8     Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation d’appel, la CAP doit établir s’il existe un motif valable pour lequel l’appel pourrait être accueilli. Elle ne doit pas décider si le demandeur peut avoir gain de cause.

 

9     Les principes susmentionnés sont exposés dans plusieurs décisions : Kurniewicz c. Canada (Ministre de la Main‑d’œuvre et de l’Immigration) (1974), 6 N.R. 225 (C.A.F.); Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252; Martin c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1972; Callihoo c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 612.

 

[11]           La terminologie utilisée dans les motifs donnés pour le refus d’accorder l’autorisation d’interjeter appel ne devrait pas être réduite à un mantra. Le membre qui refuse l’autorisation d’interjeter appel n’est ni obligé d’adopter une formulation stricte ni étroitement lié par une terminologie telle que « des motifs raisonnables » ni tenu de ne pas utiliser des mots comme « aucune chance raisonnable en appel ». Pour le lecteur, il doit clairement ressortir des motifs fournis par le membre que lorsqu’il est arrivé à la décision de refuser l’autorisation, il ne décidait pas du bien‑fondé de l’affaire en soi, mais il déterminait si une partie pouvait présenter des arguments raisonnables contestant le bien‑fondé de la décision rendue par le Tribunal de révision.

 

[12]           En l’espèce, lorsque je lis les motifs du membre, je suis convaincu qu’il ne s’est pas concentré sur les critères relatifs à la question de savoir si des arguments raisonnables pourraient être présentés. Il appert qu’il a simplement décidé si ultimement l’affaire était bien fondée. Cette façon de procéder était erronée.

 

[13]           La demande sera accueillie et l’affaire sera renvoyée à un autre membre pour nouvel examen. Le demandeur n’a pas demandé l’octroi de dépens et aucuns ne seront adjugés.


 

JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI‑DESSUS LA COUR STATUE que :

  1. la demande est accueillie;
  2. l’affaire, quant à la question de savoir si l’autorisation d’interjeter appel aurait dû être accordée, est renvoyée à un autre membre de la Commission d’appel des pensions pour nouvel examen;
  3. aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A. Trad.jur.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-427-08

 

INTITULÉ :                                       LE Procureur général du Canada

                                                            c.

                                                            GIANNOULA KERMENIDES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 28 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              le juge Hughes

 

DATE DES MOTIFS :                      le 28 avril 2009

 

COMPARUTION :

 

James Gray

POUR LE DEMANDEUR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Étienne Saint-Aubin

POUR LA DÉFENDERESSE

GIANNOULA KERMENIDES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ministère de la Justice

Services juridiques de RHDC

6e étage, tour A

333, chemin North River

Ottawa (Ontario)   K1A 0L1

Télécopie : 613­952­5327

 

POUR LE DEMANDEUR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

Stormont, Dundas & Glengarry

Clinique juridique

1, avenue McConnell

Cornwall (Ontario)   K6H 4K8

Télécopie : 613­932­0054

POUR LA DÉFENDERESSE

GIANNOULA KERMENIDES

 

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