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Date : 20090422

Dossier : T-1074-08

Référence : 2009 CF 395

Ottawa (Ontario), le 22 avril 2009

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE :

STANLEY DINGMAN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) portant sur des demandes formelles de paiement reçues par le demandeur. Ces demandes formelles de paiement ont été adressées à 1094238 Alberta Ltd. et à 870413 Alberta Ltd. relativement à des arriérés d’impôts de Stanley Dingman (le demandeur) en date du 17 juin 2008.

 

[2]               Le demandeur sollicite les réparations suivantes :

            1.       Une ordonnance déclarant que les demandes formelles de paiement susmentionnées sont invalides et illégales étant donné que Stanley Dingman n’a pas reçu l’avertissement légal exigé par l’article 2253.4(2)(B) du Manuel des opérations de l’impôt;

            2.       Une ordonnance déclarant que les demandes formelles de paiement susmentionnées sont invalides et illégales étant donné que l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales ne prévoyait aucun droit d’appel;

            3.       Une ou plusieurs ordonnances annulant les demandes formelles de paiement en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales;

            4.       Une ordonnance dispensant le demandeur du paiement des dépens du défendeur dans la présente demande, conformément à l’article 400 des Règles des Cours fédérales, advenant le rejet de la présente demande;

            5.       Toute autre réparation que la Cour jugera bon d’accorder.

 

Contexte

 

[3]               Le 27 novembre 2001, une nouvelle cotisation de 5 484,64 $ a été établie à l’égard du demandeur pour son année d’imposition 2000. Un avis de cotisation indiquant que le montant qu’il devait à ce moment‑là s’élevait à 5 687,79 $ a été envoyé au demandeur. Celui‑ci n’a pas déposé d’avis d’opposition en réponse à la nouvelle cotisation en question.

 

[4]               Le demandeur est un des administrateurs et l’unique actionnaire ayant droit de vote de 1094238 Ltd. (la société du demandeur). L’Agence du revenu du Canada a obtenu les relevés bancaires du demandeur en vue du recouvrement de la dette fiscale du demandeur.

 

[5]               On a découvert que le demandeur recevait de 870413 Alberta Ltd. (Graham’s Backhoe Service) des chèques qu’il déposait au nom de sa société. Deux demandes formelles de paiement désignant le demandeur comme débiteur fiscal ont été adressées à Graham’s Backhoe Service et à la société du demandeur. Le 10 juillet 2008, le demandeur a déposé un avis de demande dans lequel il sollicitait le contrôle judiciaire des décisions autorisant l’envoi des demandes formelles de paiement.

 

Décision du ministre

 

[6]               Le ministre a adressé le 17 juin 2008 une demande formelle de paiement à 1094238 Alberta Ltd. et à 870413 Alberta Ltd. après avoir procédé à un examen des relevés bancaires qui démontrait que le demandeur avait reçu de 870413 Alberta Ltd. des chèques qu’il avait déposés dans un compte bancaire appartenant à sa société, 1094238 Alberta Ltd.

 

Questions à trancher

 

[7]               Le demandeur a soumis les questions suivantes :

            1.       Aucun avertissement légal n’a été envoyé au demandeur avant la demande formelle de paiement.

            2.       La demande formelle de paiement ne prévoyait pas de droit d’appel légal.

            3.       Le demandeur avait effectivement des ententes contractuelles contraires à la décision du défendeur.

 

[8]               Je reformulerais ainsi ces questions :

            1.       Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.       Le ministre a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en n’avertissant pas le demandeur qu’une demande formelle de paiement serait envoyée à 1094238 Alberta Ltd. et à 870413 Alberta Ltd.?

            3.       Le ministre a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en n’accordant pas la possibilité d’interjeter appel?

            4.       Le ministre a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en envoyant une demande formelle de paiement à 1094238 Alberta Ltd. et à 870413 Alberta Ltd.?

 

Prétentions du demandeur

 

[9]               Le demandeur allègue qu’il n’est pas un employé de 870413 Alberta Ltd. et que la demande formelle de paiement en question lui a causé des dommages sous forme de violation de sa vie privée, divulgation de renseignements confidentiels et diffamation. Il affirme aussi qu’il n’a jamais reçu de réponse à sa lettre du 6 novembre 2002 dans laquelle il demandait tous les renseignements fiscaux pertinents lui permettant de contester et/ou de réfuter les arriérés d’impôt réclamés.

 

[10]           Le demandeur invoque l’article 7 de la Charte des droits du contribuable : « Vous avez le droit, en tant que particulier, de ne pas payer tout montant d'impôt en litige avant d'avoir obtenu un examen impartial ». Le demandeur allègue qu’il avait en fait une entente contractuelle allant à l’encontre de la décision du défendeur (pièce B), de sorte qu’il dispose de motifs solides à l’appui de sa demande d’examen impartial.

 

[11]           Le demandeur affirme que, dans le cas où il n’obtiendrait pas gain de cause à l’issue de l’examen en question, l’article 12 de la Charte des droits du contribuable devrait s’appliquer. Cet article dispose : « Vous avez droit, en raison de circonstances extraordinaires, à un allègement des pénalités et des intérêts imposés en vertu des lois fiscales ».

 

Prétentions du défendeur

 

[12]           Suivant le défendeur, la présente demande de contrôle judiciaire soulève trois questions. Premièrement, le défendeur affirme qu’à moins que le demandeur ne présente, en vertu de l’article 302 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), une requête l’autorisant à solliciter le contrôle judiciaire des deux demandes formelles de paiement dans une seule et même demande, la demande est [traduction] « techniquement invalide ».

 

[13]           Deuxièmement, le défendeur affirme que le demandeur s’est trompé de défendeur dans sa demande. Suivant le défendeur, c’est le « ministre du Revenu national » qui est le défendeur approprié, et ce, en raison des paragraphes 244(1) et 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR). Le défendeur ajoute que c’est le ministre du Revenu national qui a le droit, en vertu de la loi, d’envoyer une demande formelle de paiement. Le défendeur prétend aussi que l’ARC et l’agent de recouvrement, G. Gregory Roy, agissaient pour le compte du ministre et s’acquittaient de leurs fonctions au nom du ministre. Les défendeurs présenteront donc une requête en vue de faire remplacer les défendeurs désignés dans l’intitulé par « le Ministre du Revenu national » en tant que seul et unique défendeur dans la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[14]           Troisièmement, le défendeur soutient que la décision du ministre d’envoyer des demandes formelles de paiement était raisonnable et que c’est la norme de contrôle de la décision raisonnable qui, selon lui, est la norme applicable en l’espèce. Le défendeur affirme que la décision du ministre est discrétionnaire aux termes du paragraphe 224(1) de la LIR, qui dispose :

S'il sait ou soupçonne qu'une personne est ou sera, dans les douze mois, tenue de faire un paiement à une autre personne qui, elle-même, est tenue de faire un paiement en vertu de la présente loi (appelée « débiteur fiscal » au présent paragraphe et aux paragraphes (1.1) et (3)), le ministre peut exiger par écrit de cette personne que les fonds autrement payables au débiteur fiscal soient en totalité ou en partie versés, sans délai si les fonds sont immédiatement payables, sinon au fur et à mesure qu'ils deviennent payables, au receveur général au titre de l'obligation du débiteur fiscal en vertu de la présente loi.

 

[15]           Selon le défendeur, ces dispositions ont pour objet le [traduction] « recouvrement efficace » de la dette du débiteur fiscal et elles constituent l’un des nombreux outils dont se sert le ministre pour percevoir les créances fiscales.

[16]           Le défendeur déclare qu’il ressort de la preuve que le ministre a agi de façon raisonnable en envoyant une demande formelle de paiement à Graham’s Backhoe Service parce qu’un grand nombre de chèques avaient été établis à l’ordre du demandeur en 2007 et en 2008 et que ces chèques avaient ensuite été déposés au nom de la société du demandeur.

[17]           Le défendeur affirme que les demandes formelles de paiement constituaient une [traduction] « tentative légitime » de recouvrer la dette fiscale impayée du demandeur et que la LIR conférait au ministre la compétence et le pouvoir discrétionnaire pour faire ces demandes.

[18]           Le défendeur rejette l’argument du demandeur suivant lequel les demandes formelles de paiement ont été envoyées [traduction] « sans l’avertissement légal ». Le défendeur affirme que cet argument [traduction] « pourrait être interprété comme signifiant que, comme il n’a pas reçu de préavis, son droit d’être entendu par l’autorité chargée de prendre la décision le concernant lui a été nié ». Le défendeur affirme que la LIR n’exige pas qu’un avertissement soit envoyé au contribuable. Le défendeur soutient que, même s’il était tenu par la loi d’envoyer un avertissement, la preuve démontre que cette obligation a été « amplement satisfaite » en l’espèce par suite de l’envoi de l’avis de cotisation du 13 juin 2002 : premièrement, au moins six lettres ont été adressées au contribuable entre octobre 2002 et février 2006 pour lui réclamer le paiement de sa dette et, dans au moins cinq de ces lettres, le contribuable était mis en garde qu’une action en justice pourrait être intentée sans autre avis; deuxièmement, une lettre lui a été adressée le 31 octobre 2002 pour lui réclamer le paiement de sa dette et cette lettre comportait un avertissement explicite qu’une action en justice pouvait être introduite sans autre avis.

[19]           Le défendeur affirme que la Cour fédérale n’a pas compétence pour examiner la décision d’assurance-emploi mentionnée dans la lettre du 30 octobre 2000 à l’origine de l’avis de cotisation étant donné que cette décision n’est plus sujette à examen par application des articles 91 et 103 de la Loi sur l’assurance-emploi, L.R.C. 1996, ch. 23 (la LAE), qui prévoient qu’une décision en matière d’assurance-emploi ne peut être portée en appel devant la Cour canadienne de l’impôt que dans le délai prescrit. De plus, en ce qui a trait à l’application de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 (la LCF), notre Cour a bien précisé que la contestation d’une demande formelle de paiement ne peut viser la cotisation sous-jacente lorsque l’appel est interjeté devant la Cour canadienne de l’impôt. En tout état de cause, le défendeur soutient que la demande en question est irrecevable parce qu’elle n’a pas été plaidée dans l’avis de demande.

[20]           Le demandeur ne peut pas non plus obtenir un allégement des intérêts et des pénalités parce qu’il n’a pas invoqué ce moyen dans l’avis de demande et que rien ne permet de penser qu’il a demandé cet allégement au ministre du Revenu national conformément au paragraphe 220(3.1) de la LIR.

[21]           Le défendeur affirme que la Cour devrait rejeter avec dépens la présente demande de contrôle judiciaire après avoir déclaré que le demandeur peut présenter une seule demande de contrôle judiciaire portant sur les deux demandes formelles de paiement et après avoir modifié l’intitulé de la cause.

 

Analyse et décision

 

[22]           Il y a deux questions préliminaires à aborder : la requête en modification de l’intitulé désignant le ministre du Revenu national au lieu de l’agent de recouvrement G Gregory Roy et de l’ARC, et la question de savoir si les deux demandes formelles de paiement qui ont été envoyées au demandeur peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire dans une seule et même demande. Dans l’arrêt Stevens c. Canada (Commissaire, Commission d’enquête), 1998 CanLII 9074 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale cite un principe de droit tiré d’une décision anglaise portant sur la constitution d’une personne comme partie, Amon c. Raphael Tuck & Sons Ltd., [1956] 1 Q.B. 357. Dans cette décision, le tribunal a jugé que la personne qui est constituée comme partie à une action devrait être liée par l’issue de l’action. Dans le cas qui nous occupe, l’agent chargé du recouvrement a exercé son pouvoir discrétionnaire en prenant des mesures de recouvrement pour le compte du ministre et ne serait pas personnellement lié par l’ordonnance prononcée par la Cour en l’espèce, selon les paragraphes 244(1) et 248(1) de la LIR. L’intitulé de la cause devrait donc être modifié en désignant le ministre du Revenu national comme défendeur et en supprimant G  Gregory Roy, agent de recouvrement, et l’Agence du revenu du Canada comme défendeurs.

 

[23]           Lors de l’instruction de la présente affaire, les parties ont convenu que, conformément à l’article 302 des Règles des Cours fédérales, je pouvais ordonner que les deux demandes formelles de paiement soient jugées dans le cadre de la même demande de contrôle judiciaire.

 

[24]           Première question

Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Les questions à l’examen portent sur des questions mixtes de droit et de fait et sur des questions de droit. L’an dernier, dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a revu l’analyse de la norme de contrôle au Canada et a éliminé la norme de la décision manifestement déraisonnable. Pour ce faire, la Cour suprême a déclaré ce qui suit au sujet de l’analyse renouvelée de la norme de contrôle, au paragraphe 62 :

Bref, le processus de contrôle judiciaire se déroule en deux étapes. Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle.

 

[25]           Dans la décision Beaulieu c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1236, le juge Shore a examiné la jurisprudence sur les décisions discrétionnaires prises par l’Agence du revenu du Canada :

18.     Dans l’arrêt Barron c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 97 D.T.C. 5121, [1997] A.C.F. no 175 (QL), la Cour d’appel fédérale a précisé les motifs sur lesquels se fonde le contrôle de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du délégué du ministre. D'ailleurs le juge signale et réitère les propos du juge Louis Pratte :

 

[79]      [...] lorsque la demande de contrôle judiciaire porte sur une décision prise dans le cadre de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, le tribunal saisi de la demande de contrôle judiciaire n'est pas appelé à exercer le pouvoir discrétionnaire conféré à la personne qui a pris la décision et que « [l]a cour pourra intervenir et annuler la décision visée seulement si celle-ci a été prise de mauvaise foi, si l'instance décisionnelle a manifestement omis de tenir compte de faits pertinents ou tenu compte de faits non pertinents, ou si la décision est erronée en droit ».

 

(Comme cité par le juge J. François Lemieux dans l’arrêt Wyse c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2007 CF 535, 313 F.T.R. 161; également, Plattig c. Canada (Procureur général), 2003 CF 1074, 239 F.T.R. 290 au par. 22.)

 

[19]           Dans un cas semblable, le juge Michel Beaudry a énoncé : « La Cour n’interviendra que si la décision est fondée sur une explication déraisonnable. La Cour doit vérifier si les motifs de la décision sont soutenables ». (Gagné v. Canada (Attorney General), 2006 CF 1523, 2007 D.T.C. 5087 au par. 15.)

 

 

 

[26]           Ainsi, bien que la jurisprudence ne réponde pas à la question de savoir quelle norme de contrôle il convient d’appliquer précisément aux décisions relatives aux demandes formelles de paiement, j’estime que la jurisprudence portant sur les décisions discrétionnaires de l’ARC laissent entrevoir qu’on doive appliquer la norme de la décision raisonnable. Cette conclusion s’accorde avec l’arrêt Dunsmuir, précité, suivant lequel il faut faire preuve d’un degré élevé de déférence dans le cas des décisions discrétionnaires. Pour qu’on puisse qualifier une décision de déraisonnable, on doit aussi conclure qu’elle est inappropriée au sens du paragraphe 18.1(4) de la LCF.

 

[27]           Deuxième question

            Le ministre a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en n’avertissant pas le demandeur qu’une demande formelle de paiement serait envoyée à 1094238 Alberta Ltd. et à 870413 Alberta Ltd.?

            Le demandeur allègue qu’il n’est pas un employé de 870413 Alberta Ltd. et que la demande formelle de paiement en question lui a causé des dommages sous forme de violation de sa vie privée, divulgation de renseignements confidentiels et diffamation et qu’il n’a jamais reçu de réponse à sa lettre du 6 novembre 2002 dans laquelle il demandait tous les renseignements fiscaux pertinents lui permettant de contester et/ou réfuter les arriérés d’impôt réclamés.

 

[28]           J’estime toutefois que le demandeur a été amplement averti qu’il s’exposait à une action en recouvrement de la créance de Sa Majesté. Il incombait au demandeur de faire appel de la nouvelle cotisation dont il avait fait l’objet relativement à l’année d’imposition 2000. Or, il a choisi de ne pas le faire. Depuis, le demandeur a reçu de nombreuses lettres réclamant le paiement de sa dette fiscale. On trouvait la mise en garde suivante dans les lettres en question :

[traduction] À défaut par vous d’acquitter intégralement ce montant dans un délai de 14 jours, nous devrons peut-être intenter une action en justice sans autre avis.

 

 

[29]           En tout état de cause, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la loi n’oblige pas l’ARC à envoyer un avertissement au contribuable. Je suis d’avis de ne pas faire droit à la demande de contrôle judiciaire sur ce moyen.

 

[30]           Troisième question

            Le ministre a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en n’accordant pas la possibilité d’interjeter appel?

            La jurisprudence sur la compétence de la Cour fédérale en matière d’examen des cotisations d’impôt est claire : ni l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales ni les articles 91 et 103 de la Loi sur l’assurance-emploi ne confèrent compétence à la Cour à cet égard. Le demandeur aurait dû interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Je suis d’avis de ne pas faire droit à la demande de contrôle judiciaire sur ce moyen.

 

[31]           Quatrième question

            Le ministre a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en envoyant une demande formelle de paiement à 1094238 Alberta Ltd. et à 870413 Alberta Ltd.?

            Le ministre du Revenu national est légalement tenu de recouvrer les créances de Sa Majesté aux termes du paragraphe 224(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Je ne puis accepter que cette décision a été prise de mauvaise foi ou que le ministre « a manifestement omis de tenir compte de faits pertinents ou tenu compte de faits non pertinents ou [que sa] décision est erronée en droit » (voir l’arrêt Barron, précité). Le demandeur a eu amplement l’occasion d’acquitter sa dette pendant plus de six ans.

 

[32]           Le demandeur fait valoir qu’il était déraisonnable d’envoyer une demande formelle de paiement à 870413 Alberta Ltd. parce qu’il n’est pas un employé de cette société. Voici un extrait du paragraphe 224(1) de la LIR :

S'il sait ou soupçonne qu'une personne est ou sera, dans les douze mois, tenue de faire un paiement à une autre personne qui, elle‑même, est tenue de faire un paiement en vertu de la présente loi […]

 

 

[33]           Cette disposition n’indique pas que le demandeur doit être un employé, mais seulement qu’« une autre personne » serait tenue de lui faire un paiement. La décision du ministre d’envoyer les demandes formelles de paiement était donc raisonnable. Je suis d’avis de ne pas faire droit à la demande de contrôle judiciaire sur ce moyen.

 

[34]           La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.

 


 

JUGEMENT

 

[35]           LA COUR ORDONNE :

            1.       G. Gregory Roy, agent de recouvrement, et l’Agence du Revenu du Canada sont supprimés comme défendeurs dans l’intitulé de la cause et le ministre du Revenu national est constitué défendeur.

            2.       Les deux décisions ou ordonnances relatives aux demandes formelles de paiement peuvent être jugées dans le cadre d’une seule demande de contrôle judiciaire.

            3.       La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

ANNEXE

 

Dispositions législatives applicables

 

Les dispositions législatives applicables sont reproduites dans la présente section.

 

Règles des Cours fédérales (DORS/98-106) :

302. Sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée.

302. Unless the Court orders otherwise, an application for judicial review shall be limited to a single order in respect of which relief is sought.

 

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) :

 

222.(1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

« action »

« action » Toute action en recouvrement d’une dette fiscale d’un contribuable, y compris les procédures judiciaires et toute mesure prise par le ministre en vertu des paragraphes 129(2), 131(3), 132(2) ou 164(2), de l’article 203 ou d’une disposition de la présente partie.

 

« dette fiscale »

« dette fiscale » Toute somme payable par un contribuable sous le régime de la présente loi.

 

(2) La dette fiscale est une créance de Sa Majesté et est recouvrable à ce titre devant la Cour fédérale ou devant tout autre tribunal compétent ou de toute autre manière prévue par la présente loi.

 

224.(1) S’il sait ou soupçonne qu’une personne est ou sera, dans les douze mois, tenue de faire un paiement à une autre personne qui, elle-même, est tenue de faire un paiement en vertu de la présente loi (appelée « débiteur fiscal » au présent paragraphe et aux paragraphes (1.1) et (3)), le ministre peut exiger par écrit de cette personne que les fonds autrement payables au débiteur fiscal soient en totalité ou en partie versés, sans délai si les fonds sont immédiatement payables, sinon au fur et à mesure qu’ils deviennent payables, au receveur général au titre de l’obligation du débiteur fiscal en vertu de la présente loi.

 

. . .

 

(3) Lorsque le ministre a, sous le régime du présent article, exigé d’une personne qu’elle verse au receveur général, à l’égard d’une obligation imposée à un débiteur fiscal en vertu de la présente loi, des fonds payables par ailleurs par cette personne au débiteur fiscal à titre d’intérêt, de loyer, de rémunération, de dividende, de rente ou autre paiement périodique, cette exigence s’applique à tous les versements de ce genre à faire par la personne au débiteur fiscal tant qu’il n’a pas été satisfait à l’obligation imposée par la présente loi, et porte que des paiements soient faits au receveur général sur chacun des versements, selon le montant que le ministre fixe dans l’avis de l’exigence.

 

 

 

 

 

 

 

222.(1) The following definitions apply in this section.

 

"action"

"action" means an action to collect a tax debt of a taxpayer and includes a proceeding in a court and anything done by le ministre under paragraphe 129(2), 131(3), 132(2) or 164(2), section 203 or any provision of this Part.

 

 

 

"tax debt"

"tax debt" means any amount payable by a taxpayer under this Act.

 

 

(2) A tax debt is a debt due to Her Majesty and is recoverable as such in the Federal Court or any other court of competent jurisdiction or in any other manner provided by this Act.

 

 

224.(1) Where le ministre has knowledge or suspects that a person is, or will be within one year, liable to make a payment to another person who is liable to make a payment under this Act (in this paragraphe and paragraphes 224(1.1) and 224(3) referred to as the “tax debtor”), le ministre may in writing require the person to pay forthwith, where the moneys are immediately payable, and in any other case as and when the moneys become payable, the moneys otherwise payable to the tax debtor in whole or in part to the Receiver General on account of the tax debtor’s liability under this Act.

 

 

 

. . .

 

(3) Where le ministre has, under this section, required a person to pay to the Receiver General on account of a liability under this Act of a tax debtor moneys otherwise payable by the person to the tax debtor as interest, rent, remuneration, a dividend, an annuity or other periodic payment, the requirement applies to all such payments to be made by the person to the tax debtor until the liability under this Act is satisfied and operates to require payments to the Receiver General out of each such payment of such amount as is stipulated by le ministre in the requirement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1074-08

 

INTITULÉ :                                       STANLEY DINGMAN

 

-         et –

 

                                                            MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 avril 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stanley Dingman

 

LE DEMANDEUR,

AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE

 

Valerie Meier

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stanley Dingman

Innisfail (Alberta)

 

LE DEMANDEUR,

AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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