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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court

 


Date : 20090826

Dossier : T-2059-07

Référence : 2009 CF 844

Ottawa (Ontario), le 26 août 2009

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

 

ENTRE :

JOHN WATERMAN

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. John Waterman (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision datée du 26 octobre 2007 rendue par M. Loyola Hearn, alors ministre des Pêches et des Océans (le ministre). Dans sa décision, le ministre a rejeté la demande du demandeur de rétablir son permis de pêche du poisson de fond aux engins fixes, qui lui avait été auparavant refusé en 1993.

 

[2]               Comme le mentionne la lettre du ministre envoyée au demandeur, son cas a fait l'objet de nombreux examens au fil des ans pour toujours arriver aux mêmes résultats. Après un examen attentif du dossier et des arguments présentés par les parties, concernant les allégations d’erreurs de fait et de manquements à l'équité procédurale, je ne peux conclure en faveur du demandeur. Les motifs de cette conclusion sont les suivants.

 

I.          LES FAITS

[3]               À l'occasion d'une vaste stratégie d’adaptation et de conservation pour remettre sur pied l'industrie de la pêche du poisson de fond dans l'Atlantique, le ministère des Pêches et des Océans (le MPO) a décidé en 1993 de geler tous les permis de pêche du poisson de fond qui étaient réputés inutilisés dans la zone de pêche du demandeur. Le 17 février 1993, John Crosbie, le ministre des Pêches et des Océans, a annoncé que les permis inutilisés de pêche du poisson de fond en 1990 et en 1991 dans la zone 2J3KL de l’OPANO seraient gelés en 1993.

 

[4]               Les permis inutilisés de pêche du poisson de fond étaient les permis à l'égard desquels il n'y avait eu aucun débarquement de poissons de fond au cours de la période de du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991. Le document stratégique du ministre mentionne que, pour acquérir un permis de pêche du poisson de fond pour 1993, chaque pêcheur dans la zone 2J3KL de l’OPANO était tenu de fournir des documents pour prouver des débarquements de poissons de fond pendant la période visée. Le genre de documents généralement acceptables à cette fin était des bordereaux d'achat, des journaux de bord ou d'autres documents indiquant des débarquements de poissons de fond déclarés pouvant être vérifiés et faits au nom du pêcheur pour son bateau de pêche du poisson de fond immatriculé pendant la période pertinente, de même que le numéro de bateau de pêche canadien (BPC) utilisé pour la pêche du poisson de fond. Le numéro de BPC du bateau devait également correspondre au numéro de BPC apparaissant sur le permis de pêche du poisson de fond du requérant. Le pêcheur devait présenter pour examen ces documents à son agent des pêches local dans les 30 jours de la date de la lettre l’avisant des exigences. L'omission de communiquer avec l’agent des pêches dans les 30 jours pouvait entraîner le gel du permis de pêche du poisson de fond du pêcheur pour 1993 et donner lieu au remboursement des droits de ce permis au pêcheur.

 

[5]               Après avoir reçu les documents du pêcheur, l’agent des pêches transmettait les renseignements à l'administrateur de secteur, Délivrance des permis, duquel relève le pêcheur, pour qu’il les examine. En cas d'approbation, le permis de pêche du poisson de fond du pêcheur était délivré et mis à la poste. Si le permis de pêche du poisson de fond du pêcheur ne pouvait pas être renouvelé, le pêcheur était averti par écrit et, s’il était insatisfait de la décision, il était informé de la manière d'interjeter appel selon le processus administratif d'appel des permis du ministère.

 

[6]               M. Waterman a été titulaire d’un permis de pêche du poisson de fond de 1989 à 1992. Il a présenté une demande accompagnée des droits pour le renouvellement de son permis de pêche du poisson de fond et l'immatriculation du bateau. Cette demande est datée du 11 janvier 1993. Il existe un certain désaccord en ce qui concerne le moment exact où une lettre a été transmise à M. Waterman décrivant la décision de principe concernant le gel des permis inutilisés de pêche du poisson de fonds et énonçant les critères pour un permis de pêche du poisson de fond en 1993. De plus, cette lettre accusait réception de la demande de permis de pêche du poisson de fond pour 1993 présentée par le demandeur et du paiement des droits. La photocopie de cette lettre n'indique pas clairement le nom du destinataire et la date semble être le 2 mars 1993. Le ministère des Pêches et des Océans (le MPO) allègue toutefois qu'il a reçu paiement des droits le 26 mars 1993, auquel moment la demande de M. Waterman a été timbrée du 29 mars 1993 et une note a été inscrite sur la demande indiquant que la lettre l'informant de la nouvelle politique avait été envoyée. Bien qu'il soit difficile de tirer une conclusion définitive à propos de cette question, l'explication fournie par le ministère est tout à fait plausible. Je note la présence d'un espace inhabituel sur le timbre entre « MAR 2 » et « 1993 », ce qui serait compatible avec l'absence d’un chiffre entre le « 2 » et « 1993 ». Quoi qu'il en soit, l'Office des appels relatifs aux permis de pêche de l'Atlantique a accepté cette explication dans son deuxième rapport au ministre, à la suite de l'audience du 21 février 2006.

 

[7]               M. Waterman n'a pas répondu à la lettre dans le délai prescrit de 30 jours, tel qu’il était tenu de le faire, et n'a pas fourni les documents requis à l'appui de sa demande. Puisque l'agent des pêches n'a reçu aucun document, il n'a transmis aucun renseignement à l'administrateur de secteur, Délivrance des permis, pour examen. En conséquence, le permis de pêche du poisson de fond de M. Waterman a été gelé.

 

[8]               M. Waterman allègue qu'il a à la fois téléphoné et fait des demandes par écrit au MPO pour se renseigner sur l'état de sa demande, mais rien de cela n'apparaît au dossier. Il semble qu'il n'ait pas communiqué avec le MPO avant 2003. Il y a eu une certaine confusion pour trouver la lettre qui lui avait été envoyée en 1993, mais elle a été finalement trouvée et une copie complète du dossier a été offerte à M. Waterman en février 2004.

 

[9]               Dans une lettre datée du 3 juin 2004 adressée à l'honorable Geoff Regan, alors ministre des Pêches et des Océans, M. Waterman a reconnu qu'il avait reçu l’avis concernant son permis de pêche du poisson de fond, bien qu'il ait erronément indiqué l'avoir reçu en 1992, plutôt qu'en 1993. Dans cette lettre, le demandeur soutenait qu’il ne savait pas, à ce moment-là, qu'il pouvait en appeler de cette décision, puisqu'il n'avait pas été informé du processus d'appel. Il a donc demandé la possibilité d'interjeter appel pour le rétablissement de son permis.

 

[10]           Dans une lettre datée du 5 juillet 2004, l'honorable Geoff Reagan a accepté que l’Office des appels relatifs aux permis de pêche de l'Atlantique (l’OAPPA) examine le dossier de M. Waterman. La lettre du ministre mentionne le fait que M. Waterman n'a pas été informé d’un droit d’appel. La preuve démontre toutefois que de tels conseils étaient prodigués uniquement aux pêcheurs qui avaient répondu à la première lettre demandant les documents d'appui et dans les cas où les documents fournis étaient réputés insuffisants. Selon le processus suivi à ce moment-là, les pêcheurs qui ne répondaient pas à la première lettre ne recevaient pas une deuxième lettre les informant du processus d'appel, parce qu’il n’y aurait pas de fondement pour interjeter appel.

 

[11]           La lettre du ministre indiquait également qu'on s'attendait à ce que M. Waterman présente à l’OAPPA des éléments de preuve démontrant qu'il avait pêché le poisson de fond en 1990 et 1991 et qu'il avait débarqué du poisson de fond en vertu de son propre permis et avec son bateau. M. Waterman a aussi été avisé que l’OAPPA apprécierait son cas de la même manière et selon les mêmes critères qui étaient appliqués dans des circonstances semblables à l'examen des cas de gel des permis de pêche du poisson de fond à l'époque.

 

[12]           L’OAPPA est une formation mise sur pied dans le cadre de la Politique d'émission des permis pour la pêche commerciale dans l'Est du Canada pour entendre des appels administratifs. Il examine tous les renseignements pertinents et recommande au ministre d'accueillir ou de rejeter la demande de réexamen d'un appelant. L’OAPPA a le mandat de se prononcer sur la question de savoir si un appelant a été traité équitablement conformément aux politiques, méthodes et procédures du ministère en ce qui a trait à la délivrance des permis et sur la question de savoir s'il existe des circonstances atténuantes pour déroger aux politiques, méthodes ou procédures.

 

[13]           L’OAPPA a entendu l'appel de M. Waterman le 2 décembre 2004. Lors de l'audience, M. Waterman a présenté des éléments de preuve, dont une lettre de l'ancien directeur de Beothic Fish Processors, qui déclarait que M. Waterman avait participé à la pêche. De plus, l’OAPPA a entendu le témoignage de Gerald Hounsell, président du Bonavista Inshore Fisherman Committee et de M. Waterman lui-même. Puisque M. Waterman n'était pas en mesure de fournir de documents concernant les débarquements de poissons de fond pour la période visée, l’OAPPA lui a demandé si les débarquements apparaîtraient dans ses déclarations de revenus pour les années en cause. L'avocat de M. Waterman a informé l’OAPPA qu'il lui présenterait tout autre document supplémentaire qu'il pourrait obtenir. Le 23 décembre 2004, l’OAPPA a reçu deux affidavits signés, l'un souscrit par le capitaine du bateau de pêche détenu par Beothic Fisheries à la période pertinente et l'autre par le directeur de Beothic Fish Processors, qui ont confirmé que John Waterman avait livré et vendu du poisson de fond à Beothic au cours des années 1989, 1990 et 1991. Aucun dossier fiscal n'a été présenté.

 

[14]           L’OAPPA a recommandé le rejet de l'appel au motif que M. Waterman n'avait pas fourni la preuve demandée concernant les débarquements de poissons de fond. Le 8 avril 2005, une lettre du sous-ministre adjoint du MPO informait M. Waterman que le ministre avait rejeté son appel.

 

[15]           Par la suite, le 5 décembre 2005, M. Waterman a fourni des renseignements supplémentaires au MPO et le ministre lui a donc accordé un autre appel auprès de l’OAPPA. Le 21 février 2006, l’OAPPA a tenu une deuxième audience concernant le renouvellement du permis de pêche du poisson de fond de M. Waterman. L’OAPPA a à nouveau entendu les observations de M. Waterman. M. Waterman a insisté sur le fait qu'il n'avait pas au départ interjeté appel de la décision du MPO, parce qu'il n'avait pas reçu la lettre l'informant de cette possibilité et il s’est appuyé encore une fois sur les trois affidavits déjà déposés auprès de l’OAPPA.

 

[16]           L’OAPPA a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de renseignements pour rétablir le permis de pêche du poisson de fond de M. Waterman et a recommandé le rejet de son appel. L’OAPPA a aussi souligné que M. Waterman n'avait pas fourni les documents demandés concernant les débarquements de poissons de fond pour la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991, comme l'avait exigé l'honorable Geoff Reagan, ministre des Pêches et des Océans, dans sa lettre datée du 5 juillet 2004 ordonnant une deuxième audience. Le 2 juin 2006, une lettre signée par le sous‑ministre adjoint a été envoyée à M. Waterman pour l'informer que l'honorable Loyola Hearn, ministre des Pêches et des Océans, avait rejeté son appel après un examen de tous les renseignements disponibles.

 

[17]           À l'occasion d'une autre demande de rétablissement de son permis, le ministre a nommé un cabinet de consultants pour effectuer un examen indépendant du cas de M. Waterman, entre autres cas. À la suite de cet examen indépendant, le ministre a confirmé la décision de ne pas rétablir le permis de pêche du poisson de fond de M. Waterman. Dans une lettre datée du 26 octobre 2007, l'honorable Loyola Hearn a informé M. Waterman que son cas avait été examiné à plusieurs reprises et que la question était maintenant considérée comme close. Bien que la présente demande ne l'indique pas tout à fait clairement, il semble que M. Waterman sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision.

 

II.        LES QuestionS en litige

[18]           Le demandeur a soulevé un certain nombre de questions dans son exposé des faits et du droit, de même que dans ses observations orales, que les trois questions suivantes peuvent résumer :

1)         L’OAPPA a-t-il fait abstraction de la preuve ou a-t-il fondé ses recommandations sur des conclusions de fait erronées?

2)         L’OAPPA a-t-il omis d'exercer sa compétence en ne déterminant pas si le demandeur avait été traité équitablement et en n’évaluant pas s'il existait des circonstances atténuantes qui justifieraient de déroger aux politiques, méthodes et procédures établies?

3)         Le demandeur a-t-il établi une crainte raisonnable de partialité ou un déni de justice naturelle de la part de l’OAPPA?

 

III.       ANALYSE

[19]           Avant d'entamer une analyse des différentes questions soulevées par le demandeur, il est nécessaire d'examiner deux questions préliminaires. Premièrement, il faut déterminer de manière exacte la décision à contrôler. Deuxièmement, il est nécessaire de déterminer la norme de contrôle applicable à chacune des questions soulevées par le demandeur.

 

[20]           Dans ses observations orales et écrites, le demandeur a insisté sur les motifs fournis par l’OAPPA et a à peine mentionné la décision du ministre. L’OAPPA a pourtant uniquement le pouvoir de formuler des recommandations au ministre. Cela est clairement établi dans les paragraphes 35(7) et (8) de la Politique d'émission des permis, qui sont rédigés comme suit :

 

35. Structure du processus d'appel

 

(7) L'Office des appels relatifs aux permis de pêche de l'Atlantique n'entend que les appels présentés par des pêcheurs dont les appels ont été refusés suite à des audiences tenues par un comité d'appel régional relatif à la délivrance des permis.

 

(a) L'Office n'examine que les appels relatifs à des permis de pêche découlant de l'application de politiques s'adressant aux bateaux de moins de 19,7 m (65 pi) de LHT.

 

(b) L'Office n'entend que les demandes d'appel présentées au cours des trois années suivant la date de la décision visant le permis ou un changement de politique.

 

(c) L'Office formule des recommandations au Ministre sur les appels refusés conformément à l'application du processus d'appel régional et, pour ce faire :

 

(i) détermine si le requérant a été traité équitablement conformément aux politiques, méthodes et procédures du Ministère;

 

(ii) détermine si des circonstances atténuantes justifient de déroger aux politiques, méthodes ou procédures établies.

 

(e) Lorsque l'Office recommande de déroger à une politique, une pratique ou une procédure, il accompagne sa recommandation au Ministre de raisons détaillées.

 

(f) L'Office peut recommander au Ministre de modifier certaines méthodes ou procédures de la délivrance des permis lorsqu'il les juge inappropriées ou inéquitables. Pour ce faire:

 

(i) le Président avise l'administrateur des préoccupations de l'Office;

 

(ii) ces préoccupations sont examinées au cours d'une séance plénière de l'Office;

 

(iii) les raisons ou justifications à l'appui du changement recommandé sont présentées de façon écrite et

 

(iv) les incidences prévues du changement proposé font l'objet d'une évaluation écrite.

 

(8) Nonobstant le paragraphe (7), le Ministre peut présenter à l'Office toute décision qu'il veut voir examiner.

35. Appeal System (Structure)

 

 

(7) The Atlantic Fisheries Licence Appeal Board will only hear appeals requested by fishers who have had their appeals rejected following hearings by Regional Licensing Appeal Committees.

 

 

 

(a) The Board will consider only those licensing appeals which deal with policies for vessels less than 19.7m (65') LOA.

 

 

 

(b) The Board will only hear appeal requests made within three years from the date of a licensing decision or a change in policy.

 

 

(c) The Board will make recommendations to the Minister on licensing appeals rejected through the Regional Licensing Appeal Structure by:

 

 

(i) determining if the appellant was treated fairly in accordance with the Department's licensing policies, practices and procedures;

 

(ii) determining if extenuating circumstances exist for deviation from established policies, practices, or procedures;

 

(e) Where the Board recommends making an exception to policy, practice or procedure in an individual case, the Board will provide a full rationale for its recommendation to the Minister.

 

(f) The Board may make recommendations to the Minister on changes to licensing practices and procedures where, in the opinion of the Board, they are inappropriate or unfair, by:

 

(i) the Chairman advising the Board Administrator of Board concerns;

 

(ii) addressing such concerns at full Board meetings;

 

 

(iii) providing a written rationale or justification supporting the recommended change;

 

 

 

(iv) providing a written assessment of the perceived implications of the proposed change.

 

8) Notwithstanding subsection (7), the Minister may refer to the Board any decision he may wish to have reviewed.

 

[21]           Le pouvoir décisionnel demeure clairement entre les mains du ministre des Pêches et des Océans, comme l'énonce le paragraphe 7(1) de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F‑14 :

7. (1) En l’absence d’exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d’exploitation de pêcheries — ou en permettre l’octroi —, indépendamment du lieu de l’exploitation ou de l’activité de pêche.

7. (1) Subject to subsection (2), the Minister may, in his absolute discretion, wherever the exclusive right of fishing does not already exist by law, issue or authorize to be issued leases and licences for fisheries or fishing, wherever situated or carried on.

 

[22]           Cela dit, la décision du ministre est essentiellement fondée sur les recommandations de l’OAPPA. Comme l'a reconnu la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Jada Fishing Co. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2002 CAF 103, 41 Admin. L.R. (3d) 281, les recommandations de l’OAPPA sont « inexorablement liée[s] » à la décision du ministre et sont sans effet juridique à moins que le ministre ne les « adopte » en tant que fondement de sa décision. De là, la Cour a conclu que ces recommandations peuvent être contestées dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, même si c'est la décision du ministre qui devrait expressément faire l'objet du contrôle.

 

[23]           Il existe toutefois une autre complication. La décision prise par le ministre en fonction de la deuxième audience devant l’OAPPA remonte au 2 juin 2006. Le délai de prescription de 30 jours pour présenter une demande de contrôle judiciaire avait par conséquent expiré depuis longtemps lorsque M. Waterman a présenté sa demande le 26 novembre 2007. Ainsi, la seule décision ministérielle qui pouvait être expressément contestée était celle qui avait suivi l'examen indépendant et qui a été communiquée au demandeur dans la lettre datée du 26 octobre 2007. Les parties n'ont cependant pas soulevé cette question. Comme je conclus que cette dernière décision était également étroitement liée aux recommandations des deux formations de l’OAPPA, je suis disposé à instruire la contestation du demandeur à l'égard de ces deux séries de recommandations.

 

[24]           En ce qui concerne la norme de contrôle applicable, il n'y a pas de litige entre les parties. Il est clair que toute question concernant la justice naturelle et l'équité procédurale doit être examinée en fonction de la norme de la décision correcte. En effet, dans l'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539, la Cour suprême du Canada a statué que l'analyse de la norme de contrôle ne s'applique pas aux questions d'équité procédurale, puisque ces questions relèvent de la cour, et non du ministre (au paragraphe 102); voir aussi Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, aux paragraphes 52 à 55.

 

[25]           En ce qui a trait au bien-fondé des recommandations de l’OAPPA, la Cour et la Cour d'appel fédérale ont déjà déterminé que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable : voir Fennelly c. Canada (Procureur général), 2005 FC 1291, aux paragraphes 30 à 32; Jada Fishing Co. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2002 CAF 103, au paragraphe 14. Cela cadre avec le fait qu'il n'existe aucun droit acquis à l'égard d'un permis et que le pouvoir discrétionnaire de délivrer un permis relève de la discrétion absolue du ministre, sous réserve des seules exigences de la justice naturelle : Comeau’s Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12.

 

[26]           À la suite de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, il n'est pas toujours nécessaire d'effectuer un examen exhaustif des quatre éléments qui ont déjà constitué « l'approche pragmatique et fonctionnelle » qui a été redésignée comme étant « l'analyse relative à la norme de contrôle » : Dunsmuir, au paragraphe 63. Lorsque l'analyse a déjà été effectuée, il est inutile de la répéter. En effet, il a été jugé que la norme de la raisonnabilité s'appliquait en règle générale aux questions touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire et à la politique, de même qu'aux questions dans les cas où les faits et le droit ne peuvent être aisément dissociés : Dunsmuir, au paragraphe 51.

 

[27]           Comme la majorité l'a souligné avec insistance dans l'arrêt Dunsmuir, la norme de la raisonnabilité commande la déférence de la part de la cour de révision. En d'autres mots, les tribunaux doivent tenir dûment compte des conclusions du décideur et les respecter. La Cour suprême a explicité cette notion de la déférence dans le maintenant réputé paragraphe 47 de son arrêt :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[28]           Cette conclusion est d'autant plus applicable dans le contexte de l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7. Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, la Cour suprême a récemment souligné qu'une conclusion de fait tirée par un organisme administratif appelle un degré élevé de déférence (au paragraphe 46).

 

[29]           En ce qui concerne la première question soulevée par le demandeur, la Cour doit examiner si les deux formations de l’OAPPA ont fait abstraction de la preuve ou fondé leurs recommandations sur des conclusions de fait erronées. À cet égard, le demandeur a essentiellement présenté deux arguments. Premièrement, il a soutenu que l’OAPPA avait fait abstraction des trois affidavits qu'il avait présentés, de même que de son propre témoignage et de celui du président du Bonavista Inshore Fisherman Committee. À son avis, cela aurait dû être suffisant pour établir qu'il répondait aux critères pour la délivrance d’un permis de pêche du poisson de fond, ces affidavits et témoignages pouvant être considérés comme [traduction] « d'autres documents » démontrant un débarquement de poissons de fond déclaré pouvant être vérifié. Deuxièmement, le demandeur a prétendu qu'il n'a jamais reçu la lettre du 29 mars 1993, qu'elle ne se trouvait pas dans son dossier original et qu'elle a été fabriquée par la suite, de sorte qu'il n'a pas été informé des documents qu’exigeait le MPO pour établir les débarquements de poissons de fond pendant la période pertinente.

 

[30]           Après avoir examiné attentivement le dossier, je ne peux trouver aucun fondement pour la proposition selon laquelle l’OAPPA a fait abstraction de la preuve présentée par le demandeur. Les deux formations de l’OAPPA ont mentionné expressément la preuve du demandeur et ont conclu qu'elle était insuffisante. Après avoir rencontré le demandeur, l'examinateur indépendant en est arrivé à la même conclusion. Enfin, le ministre Hearn et le ministre Regan ont tous deux rendu leur décision après un [traduction] « examen approfondi de tous les renseignements disponibles ». Il n'existe simplement pas de motif pour déterminer que l’OAPPA ou les ministres ont fait abstraction de la preuve écrite et orale présentée par le demandeur.

 

[31]           De toute évidence, M. Waterman est en désaccord avec les recommandations de l’OAPPA et les décisions des deux ministres. Mais là n'est pas la question. La question véritable est de savoir si les conclusions des deux formations de l’OAPPA, selon lesquelles le demandeur avait omis de fournir suffisamment de renseignements pour le rétablissement de son permis de pêche du poisson de fond, appartiennent « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». (voir Dunsmuir, au paragraphe 47)

 

[32]           Même si l’OAPPA n'a pas précisé les motifs pour conclure que la preuve présentée par le demandeur était insuffisante, on doit inférer qu'il a accepté l'observation du représentant du ministère selon laquelle les affidavits et les témoignages ne constituaient pas [traduction] « d'autres documents » établissant un débarquement de poissons de fond déclaré pouvant être vérifié. Selon la politique, les documents fournis doivent être [traduction] « soit des bordereaux d'achat, soit des journaux de bord ou d'autres documents pouvant être vérifiés ». Cette exigence a été communiquée par lettre à tous les pêcheurs qui présentaient une demande de renouvellement de leur immatriculation et de leur permis. Dans son troisième affidavit déposé en réponse à la deuxième série d'interrogatoires du demandeur, le représentant du ministère qui a témoigné devant la première formation de l’OAPPA a expliqué que les affidavits n'étaient pas acceptés à titre [traduction] « d'autres documents », parce que ceux-ci ne constituaient pas nécessairement un registre contemporain et ne fournissaient pas de précisions suffisantes et des données pouvant être facilement vérifiées.

 

[33]           Les conclusions des formations de l’OAPPA, selon lesquelles la preuve fournie n'était pas suffisante pour répondre aux critères énoncés d’un permis de pêche du poisson de fond pour 1993, appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits dont elles étaient saisies. La preuve par affidavit présentée par le demandeur vise des événements qui ont eu lieu il y a entre 13 et 15 ans et, de toute évidence, elle ne fournit pas les renseignements qu’exigeait la politique de renouvellement des permis de pêche du poisson de fond. L’OAPPA et, par la suite, les ministres, pouvaient donc raisonnablement conclure que la preuve par affidavit et la preuve orale n'offraient pas la preuve nécessaire des débarquements de poissons de fond pouvant être vérifiés au cours de 1990 et de 1991, au nom du demandeur, pour son bateau immatriculé de pêche du poisson de fond. Le demandeur s'est aussi vu offrir la possibilité de déposer ses déclarations de revenus pour ces deux années, mais il a omis de le faire. Dans la lettre d’envoi accompagnant deux autres affidavits transmis à la première formation de l’OAPPA, l'avocat du demandeur a expliqué que les déclarations de revenus de M. Waterman [traduction] « n’indiquent pas de revenus provenant de Beothic pour les périodes visées ». Bien qu'il n'existe aucune politique exigeant les déclarations de revenus du pêcheur qui sollicite le rétablissement d’un permis de pêche du poisson de fond, cette option a été offerte au demandeur à titre de solution de rechange aux documents nécessaires exigés par la politique.

 

[34]           Le demandeur a tenté d'expliquer qu'il n'avait jamais été mis au courant des exigences énoncées dans la politique, puisqu'il n'avait jamais reçu la lettre du 29 mars 1993. Il est allé jusqu'à insinuer que cette lettre avait été fabriquée par la suite. Mais les faits contredisent la proposition du demandeur.

 

[35]           Premièrement, au cours de l'audience du premier appel devant l’OAPPA, il n'a jamais été mentionné que la lettre du 29 mars 1993 n'avait pas été reçue. Lors de cette audience, le demandeur a uniquement indiqué ne pas avoir reçu une lettre concernant l'appel, une autre lettre sur laquelle je me pencherai sous peu. En effet, la raison pour laquelle le demandeur n'a pas fourni de documents à l'appui des débarquements de poissons de fond au cours de la période en cause est expliquée dans sa lettre datée du 3 juin 2004 adressée au ministre Regan. Dans cette lettre, le demandeur a expliqué que le MPO l'avait avisé que son permis de pêche du poisson de fond avait été révoqué et que [traduction] « à ce moment-là, j'avais jugé qu'il n'y avait pas de raison de contester la décision compte tenu des renseignements que j'avais reçus ». Cela contredit carrément son affirmation selon laquelle il n'a jamais reçu la lettre concernant la politique.

 

[36]           Le demandeur a également mis en doute la date de la lettre du 29 mars 1993, lors de l'audience du deuxième appel devant l’OAPPA. La formation d’appel était convaincue, compte tenu de la preuve dont elle était saisie, que la lettre du MPO au demandeur était datée du 29 mars 1993, simplement parce qu'elle constituait une réponse à la demande du demandeur de réémettre son permis de pêche du poisson de fond que le MPO avait reçue le 26 mars 1993. Quoi qu'il en soit, cet élément n'a pas d'importance. De plus, il n'y a pas la moindre preuve selon laquelle cette lettre a été fabriquée après coup. Par ailleurs, même si le demandeur n'avait jamais reçu la lettre indiquant ce qui était exigé de lui, il aurait dû se renseigner sur les motifs pour lesquelles son permis n'était pas renouvelé. Il a plutôt attendu dix ans avant de solliciter le rétablissement de son permis de pêche du poisson de fond. Cela ne démontre manifestement pas le comportement d'un pêcheur actif qui croit sincèrement qu'il a droit au renouvellement de son permis.

 

[37]           J'examinerai maintenant la deuxième question soulevée par le demandeur. Celui-ci prétend que son incapacité de présenter des bordereaux d'achat, des journaux de bord ou d'autres documents contemporains était due au passage du temps qui, à son tour, a été causé par son ignorance du processus d'appel. Il semble être d’avis que l'omission de l’OAPPA d'accepter ses affidavits au lieu des dossiers appropriés indique que les formations d'appel n'ont pas accompli leur travail, puisqu'elles n'ont pas déterminé s'il « a[vait] été traité équitablement conformément aux politiques, méthodes et procédures », de même qu'elles n'ont pas déterminé « si des circonstances atténuantes justifi[ai]ent de déroger aux politiques, méthodes ou procédures établies ».

 

[38]           Le demandeur ne pouvait pas avoir mal compris la question de l'appel. L'existence d'un processus d'appel de la décision de geler son permis de pêche du poisson de fond était énoncée dans l'instrument de politique qui était fourni à tous les pêcheurs dans le cours normal du processus. Il est également utile de souligner que le demandeur connaissait très bien la structure d'appel, ayant auparavant exercé le droit d'interjeter appel et ayant eu gain de cause à ce moment-là, comme le révèle le dossier.

 

[39]           Contrairement à ce qu'affirme le demandeur, le MPO n'a commis aucune erreur en omettant de lui envoyer une lettre concernant un appel. Selon le défendeur, ce conseil était fourni uniquement aux pêcheurs qui répondaient à la lettre initiale demandant des documents à l'appui et lorsque les documents fournis étaient jugés insuffisants. Ces pêcheurs pouvaient se prévaloir d'un appel. Puisque M. Waterman n'a pas répondu à la lettre du 29 mars 1993, son permis de pêche du poisson de fond a été gelé et son dossier a été fermé. Selon le processus à l'époque, les pêcheurs qui ne répondaient pas à la première lettre ne recevaient pas une deuxième lettre les informant du processus d'appel, en raison de l’absence de fondement pour interjeter appel. Cette explication est parfaitement logique et tout à fait compatible avec la politique. Ainsi, l'incapacité du demandeur de fournir la preuve requise concernant les débarquements de poissons de fond et son omission de répondre pendant plus de dix ans au gel de son permis de pêche du poisson de fond sont au cœur de son problème.

 

[40]           Les formations d'appel n'ont pas fait abstraction des circonstances entourant la demande de réémission d’un permis de pêche du poisson de fond présentée par le demandeur. Les deux formations d'appel, le consultant et les deux ministres qui ont tous examiné la situation du demandeur ont plutôt conclu que ce dernier avait simplement omis de fournir la preuve requise concernant les débarquements de poissons de fond et que le retard, et par conséquent la non‑disponibilité ultérieure alléguée des documents requis en raison du délai, n'a pas été causé par le MPO. Quoi qu'il en soit, l'incapacité de fournir les renseignements requis ne peut pas être due au fait que le demandeur n'a jamais reçu la lettre concernant l'appel, la question sur laquelle il insiste. Si le demandeur avait fourni les renseignements prouvant ses débarquements de poissons de fond pour la période visée, il aurait soit reçu un permis de pêche du poisson de fond pour 1993, soit sa demande aurait été rejetée et le MPO lui aurait alors envoyé une lettre l’avisant de son droit d'interjeter un appel. En conséquence, l’OAPPA pouvait raisonnablement conclure que M. Waterman avait été traité équitablement et conformément à la politique à l'époque et pouvait déterminer qu'il n'existait pas de circonstances atténuantes.

 

[41]           Finalement, le demandeur allègue que les recommandations de l’OAPPA étaient empreintes de partialité à son égard, parce que la procédure autorisait la participation active de représentant du ministère à la fois à l'audience et au cours des délibérations de l’OAPPA sur la question. Le fardeau de prouver la partialité ou la crainte de partialité incombe au demandeur et la barre à atteindre pour en arriver à une telle conclusion est élevée. Comme la Cour l’a affirmé à nouveau récemment, il existe une présomption d'impartialité à laquelle un simple soupçon ne peut faire échec : voir Pelletier c. Canada (Procureur général), 2008 CF 803, au paragraphe 74; Chrétien c. Canada (Ex‑commissaire, Commission d'enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires), 2008 CF 802, au paragraphe 76.

 

[42]           Une allégation de partialité doit toujours être invoquée à la première occasion. Un demandeur n'a pas le droit d'attendre jusqu'à ce qu'il soit informé des recommandations des formations d'appel avant de soulever le spectre de la partialité. En l'espèce, aucune allégation de partialité n'a été soulevée devant l'une ou l'autre formation d'appel, et le demandeur était représenté par avocat devant la première. L’allégation semble avoir été soulevée après réflexion et l'argument devrait être rejeté pour ce seul motif.

 

[43]           Quoi qu'il en soit, l'allégation de partialité semble sans fondement. La Cour suprême du Canada a énoncé comme suit le critère relatif à la crainte raisonnable de partialité dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394 :

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

 

 

[44]           Comme la Cour suprême l'a reconnu plus tard, la norme d’impartialité à laquelle on s'attend de la part d’un décideur varie et doit dépendre du rôle et de la fonction du décideur visé. On s'attendra à ce que les organismes administratifs qui ont principalement des fonctions d'adjudication respectent une norme plus élevée que ceux qui traitent de questions de politique et dont les membres sont élus. Mais il est inutile de s'attarder plus longuement sur la norme d’impartialité exacte à appliquer en l'espèce, et ce, pour au moins deux raisons.

 

[45]           Premièrement, l'allégation de partialité fondée sur la participation du représentant du ministère au processus d'appel est sans fondement. En règle générale, la composition et la structure de la formation d'appel, qui incluaient le chef de la délivrance des permis et des appels du MPO, dont le rôle consistait à fournir un soutien administratif à titre de membre sans droit de vote, ne soulèvent pas une crainte raisonnable de partialité, malgré sa présence au cours des délibérations des formations d'appel. Comme l'a expliqué mon collègue le juge Kelen dans Fennelly c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1291, l’OAPPA est un mécanisme d'appel interne destiné à fournir des recommandations au ministre; il n'a aucun pouvoir prévu par la loi. De plus, le représentant du ministère agit à titre de secrétaire de l’OAPPA et lui fournit simplement des renseignements; son rôle n'est pas de faire valoir une position ou une autre.

 

[46]           Tout comme dans Fennelly, M. Perry confirme par affidavit qu'il n'a joué aucun rôle dans les délibérations des formations d'appel. Il déclare ce qui suit dans son affidavit : [traduction] « En qualité d'administrateur pour l’OAPPA, j'ai facilité l'instruction des appels devant la formation, ayant pour rôle de fournir un soutien administratif et à titre de membre sans droit de vote. J’ai fourni des renseignements sur la politique des pêches, tel qu'elle s'appliquait dans chaque cas. J'ai été présent aux deux audiences, mais je n'ai pas pris part aux délibérations de l’OAPPA ».

 

[47]           Comme preuve de la crainte raisonnable de partialité, le demandeur renvoie aux nombreuses questions que lui a posées M. Perry lors de la première audience de l’OAPPA en 2004. Mais la seule question que M. Perry a posée au demandeur concernait le nom des personnes qui pêchaient avec lui et la manière dont il pêchait. La question était anodine et ne peut constituer le fondement d'une allégation de partialité. La deuxième allégation de partialité concerne la présence de M. Perry dans la salle lorsque les formations d'appel ont délibéré sur leurs recommandations. Le juge Kelen a déjà déterminé dans Fennelly que cela ne constituait pas une crainte raisonnable de partialité. En ce qui a trait à l'allégation de partialité qui reste, le demandeur mélange apparemment les réponses fournies par M. Perry à des réponses précises posées par le demandeur dans le contexte de ses interrogatoires, auxquelles M. Perry a répondu de manière appropriée.

 

[48]           Mais il existe une deuxième raison pour laquelle le demandeur a omis de s'acquitter du fardeau de démontrer une crainte de partialité. La Cour est saisie des recommandations des formations d'appel et c’est leur approche à l'égard des appels qui fait l'objet du contrôle de la Cour, non ce que M. Perry a dit en réponse à des questions dans le cours d'interrogatoires. Non seulement n'y a-t-il pas de fondement de crainte raisonnable de partialité de la part de M. Perry, mais plus important encore, absolument rien n'a été présenté à la Cour indiquant que M. Perry a indûment influencé les formations d'appel. Pour ces motifs, l'argument du demandeur fondé sur une crainte raisonnable de partialité doit donc être rejeté.

 

[49]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.

 

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2059-07

 

Intitulé :                                       JOHN WATERMAN

 

                                                            et

 

                                                            Le procureur général du Canada

 

 

 

LE LIEU DE L'AUDIENCE :           St. John’s (Terre-Neuve)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               le 14 mai 2009

 

Motifs du jugement

et jugement :                              le juge de Montigny

 

DATE DES MOTIFS

DU JUGEMENT :                             le 26 août 2009

 

 

 

Comparutions :

 

Robert Anstey

 

Pour le demandeur

Reinhold Endres, c.r.

 

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert Anstey

Avocat

St. John’s (Terre-Neuve)

 

Pour le demandeur

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Pour le défendeur

 

 

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