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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court

 

Date : 20 090 624

Dossier : T-1600-05

Référence : 2009 CF 664

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 juin 2009

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

ENTRE :

CAMI AUTOMOTIVE, INC. et

AISIN WORLD CORPORATION

OF AMERICA

 

demanderesses

 

et

 

WESTWOOD SHIPPING LINES INC.,

AS BORGESTAD SHIPPING et

COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

défenderesses

 

ET ENTRE :

WESTWOOD SHIPPING LINES INC.

 

auteur de la mise en cause

 

et

 

 

COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

mise en cause

 


 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

à l’égard des questions préliminaires de la limitation

DE RESPONSABILITÉ DES DÉFENDERESSES

nature du document d’expédition en cause

 

 

 

I.  Introduction

 

  • [1] En vertu d’une entente conclue entre les parties, à ce stade de la procédure, la Cour est appelée à ne traiter que des questions préliminaires spécifiques concernant la limitation de la responsabilité des parties telle qu’elle est exposée ci-dessous.J’ai déterminé qu’il était aussi nécessaire de se pencher sur la nature du document d’expédition en cause.

 

  • [2] Dans l’action principale, les demanderesses (Cami Automotive, Inc. et Aisin World Corporation of America) réclament des dommages-intérêts, des intérêts avant jugement, des dépens, et toute autre réparation pouvant être accordée par la Cour à l’encontre des défenderesses (WSL Shipping Lines, Inc., Borgestad Shipping, et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada) pour l’endommagement de la cargaison (les marchandises) résultant du déraillement des wagons alors que la cargaison était transportée depuis Vancouver, en Colombie-Britannique, jusqu’à Toronto, en Ontario.

 

  • [3] Les deux défenderesses WSL et Borgestad réclament à la défenderesse CN une indemnité pour tout jugement rendu à leur encontre, des dommages-intérêts, des intérêts antérieurs au jugement et des intérêts après jugement, des dépens et toute autre réparation pouvant être accordée par la Cour.

 

 

  • [4] WSL demande aussi à être indemnisée pour les dommages causés aux conteneurs dans lesquels les marchandises étaient transportées.

 

 

  • [5] Enfin, CN fait une demande de mise en cause à l’encontre de WSL soutenant que si les demanderesses ont subi des dommages dans cette affaire, WSL doit être tenue responsable de la perte. Pour cette raison, CN demande à obtenir une indemnité pour tout jugement rendu à son encontre, des intérêts antérieurs au jugement et des intérêts après jugement, des dépens et toute autre réparation pouvant être accordée par la Cour.

 

II.  Faits

  • [6] Les parties de la présente action ont présenté un exposé conjoint des faits. Je reproduis ci-dessous l’exposé conjoint des faits tel qu’il a été déposé devant la Cour. Les annexes citées dans l’exposé conjoint des faits sont incluses dans le dossier, mais ne sont pas reproduites dans l’annexe des présents motifs.

    1. La demanderesse, Cami Automotive, Inc. (Cami), est une société enregistrée pour faire des affaires dans la province de l’Ontario et possède des bureaux situés au 300, rue Ingersoll, à Ingersoll, en Ontario. Cami est une coentreprise indépendante constituée en société formée de Suzuki Motor Corporation et de General Motors du Canada Ltée et fabrique des automobiles à une usine située à Ingersoll, en Ontario, au Canada.

 

  1. La demanderesse, Aisin World Corporation of America (AWA), est une entreprise enregistrée pour faire des affaires dans l’état du Michigan. L’entreprise fait affaire dans le domaine de la vente de pièces et de composantes fabriquées par Aisin AW Co. Ltd. du Japon à des constructeurs d’automobiles dont Cami.

 

  1. La défenderesse, WSL Shipping Lines Inc. (WSL), est une entreprise enregistrée pour faire des affaires dans l’état de Washington, et possède des bureaux situés au 840, South 333rd Street, à Federal Way, état de Washington. WSL exploite une entreprise de transport maritime et de transport multimodal et dessert des clients dans environ 10 ports au Japon, en Corée, en Chine et en Amérique du Nord. WSL a un horaire de navigation hebdomadaire à jour fixe à partir de divers ports et transporte des produits forestiers, des cargaisons conteneurisées et des cargaisons surdimensionnées.

 

  1. La défenderesse, AS Borgestad Shipping (AS Borgestad), est une société ou un partenariat enregistré pour faire des affaires en vertu des lois de la Norvège, et était durant toute la période pertinente le propriétaire enregistré du navire « WSL Anette » (le navire), un porte-conteneurs de 28 805 tonnes brutes immatriculé à Nassau, au Bahamas.

 

  1. La défenderesse, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) une société constituée en vertu des lois du Canada ayant son siège social au 935, rue de la Gauchetiere, à Montréal, au Québec, et des bureaux situés au 4000, Deltaport Way, à Ladner, en C.-B. CN est un chemin de fer transcontinental offrant des services de transport dont
    le transport intermodal de conteneurs.

 

  1. WSL était l’affréteur du navire en vertu d’un contrat d’affrètement conclu avec AS Borgestad.

 

  1. Depuis 1991 ou 1992, WSL fournit chaque année des services de transport maritime et multimodal à Cami, transportant divers conteneurs pour Cami depuis le Japon jusqu’au Canada via le port de Seattle, dans l’État de Washington, aux États-Unis.

 

  1. Cami et WSL ont toujours conclu un contrat de service annuel prévoyant le transport de conteneurs du Japon à Toronto (en Ontario) via le port de Seattle (Washington) (le contrat de service).

 

  1. Comme elles avaient l’habitude de le faire, Cami et WSL ont conclu des contrats de service individuels pour les années d’expédition 2004 et 2005. Cami et WSL n’ont pas été en mesure de trouver des copies des contrats de service signés pour 2004 et 2005. Les copies des contrats de service non signés pour 2004 et 2005 sont collectivement jointes à l’annexe « 1 ».

 

  1. En l’espèce, conformément à son contrat de service avec Cami, WSL a délivré un document d’expédition portant le numéro WWSUAE123NGS4007 et daté du 2 décembre 2004 à Nagoya Japan (le document d’expédition de WSL). WSL et Cami ont compris que les conditions de tout accord conclu entre elles incluraient, entre autres, le contrat de service applicable et le document d’expédition de WSL en particulier.

 

  1. Comme il était d’usage, au moment de l’expédition, un document recto verso original d’expédition de WSL était fourni par WSL, ou par ses agents, à AWA ou à ses agents.AWA conservait la copie originale du document d’expédition de WSL.

 

  1. Au moyen du document d’expédition de WSL, WSL a reconnu avoir reçu à bord du navire alors situé à Nagoya, au Japon, une cargaison de 15 conteneurs scellés avec cargaison comme décrit dans le document d’expédition de WSL. En ce qui concerne la présente action, la cargaison faisant l’objet de cette action est constituée d’assemblages de transmission automatique (les assemblages) et de modules de commande de transmission automatique (les modules) transportés sur des supports sur mesure dans cinq des quinze conteneurs (collectivement, les marchandises) comme suit:

Conteneur no

Contenu

TTNU1900026

Paquets 20 P/T (152 U/T et 152 P/C) 15 705kg

TRLU2372215

Paquets 20 P/T (152 U/T et 152 P/C) 15 705kg

TRIU3769835

Paquets 20 P/T (152 U/T et 152 P/C) 15 705kg

TOLU3036890

Paquets 20 P/T (152 U/T et 152 P/C) 15 705kg

IPXU2237809

Paquets 20 P/T (152 U/T et 152 P/C) 15 705kg

 

 

  1. Comme il était d’usage pour les cargaisons conteneurisées, les conteneurs ont été livrés à WSL au Japon avec des scellés intacts et, comme il était d’usage, WSL n’a pas inspecté les marchandises. Les marchandises ont été transportées sur 19 supports conçus sur mesure, chacun comportant 8 assemblages et un support sur mesure comportant 152 modules. Ci-jointes collectivement sous l’annexe « 3 » se trouvent des photographies des marchandises prises après le déraillement dans l’entrepôt du triage de CN, à Concord, en Ontario, comme suit :

    • (a) Des transmissions hors supports (Annexe 3A);

    • (b) Des transmissions sur les supports (Annexe 3B);

    • (c) Des supports vides (Annexe 3C).

 

  1. Les demanderesses Cami et AWA étaient, durant la période pertinente, des acheteuses et des vendeuses, respectivement, des marchandises, aux conditions franco bord (FOB), à Nagoya, au Japon. L’annexe « » contient une copie de la facture de vente d’AWA à Cami.

 

  1. WSL et CN étaient parties au contrat de transport confidentiel no 009246 (le contrat confidentiel) aux termes duquel CN acceptait de transporter des produits, y compris les marchandises, pour WSL depuis son terminal intermodal de Vancouver, à Surrey, en C.-B., jusqu’au terminal intermodal de Brampton, à Brampton, en Ontario.. Le contrat confidentiel a pris fin le 30 avril 2005. Des extraits pertinents du contrat confidentiel sont joints à l’annexe « 5 ».

 

  1. Dans le cadre de son obligation de transporter les marchandises depuis Nagoya (Japon) jusqu’à Toronto (Ontario, Canada), WSL a confié le transport des marchandises de Vancouver (Colombie-Britannique), à Toronto (Ontario), à CN, en tant que sous-traitant. Le transport par camion des marchandises du parc à conteneurs de CN, à Toronto jusqu’à Ingersoll (Ontario), devait être effectué pour le compte de Cami.

 

  1. Le transport par bateau depuis le port de Nagoya, au Japon, jusqu’à Seattle (Washington), a eu lieu en décembre 2004. Le 20 décembre 2004 ou aux environs de cette date, les marchandises ont été transportées par camion de Seattle (Washington) à Vancouver (Colombie-Britannique) et ont été remises aux soins, à la garde et au contrôle de CN au terminal intermodal de Vancouver de CN. Les marchandises ont quitté le terminal intermodal de Vancouver de CN à bord du train Q11251 30 de CN, le 30 décembre 2004.

 

 

  1. CN a créé une lettre de transport d’échange de données informatisé (EDI) pour chacun des cinq conteneurs, dont des copies sont jointes à l’annexe « 6 ».Aucun document papier n’a été produit.

 

  1. Le 2 janvier 2005 ou aux environs de cette date, pendant le transport ferroviaire par CN des 15 conteneurs, dont les marchandises depuis Vancouver (Colombie-Britannique) jusqu’à Toronto (Ontario), plusieurs wagons ont déraillé à Longlac (Ontario) ou à proximité, ce qui a causé des dommages physiques à une partie ou à la totalité des marchandises (ci-après appelé « le déraillement »).Des photographies de la scène du déraillement sont jointes à l’annexe « ».

 

  1. Les conditions du contrat confidentiel n’ont pas été divulguées à AWA ou à Cami à quelque moment que ce soit avant le déraillement. Toutefois, les demanderesses savaient que le contrat de transport avec WSL obligerait WSL à sous-traiter le transport des marchandises de Vancouver à Toronto en ayant recours à CN.

 

  1. Le tarif de marchandises de CN « CN007589-AZ » est joint dans l’annexe « 8 ».

 

  1. Par ordonnance de la Cour rendue le 5 mars 2008, il a été ordonné, entre autres, que : (1) toutes les questions concernant les dommages-intérêts soient tranchées séparément après le procès pour les autres questions en litige, si de telles questions doivent être tranchées, et (2) les parties doivent faire entendre leur cause pour les questions en litige restantes (c’est-à-dire, la responsabilité et la limitation de la responsabilité) en produisant des preuves sous forme d’un exposé conjoint des faits et de documents, de preuves par affidavit de témoins, de questions et réponses pour l’interrogatoire préalable et d’affidavits de témoins experts, sans porter préjudice au droit de toute partie de demander l’autorisation de citer un témoin au procès.

 

  • [7] Le procès relatif à cette action s’est tenu le 24 février 2009 et s’est poursuivi jusqu’au 26 février 2009.

 

  • [8] Par ordonnance sur consentement datée du 14 mars 2009, l’ordonnance de disjonction du 5 mars 2008 a été modifiée comme suit :

 

En vertu de l’article 107 des Règles des Cours fédérales, toutes les questions touchant la limitation de la responsabilité des défenderesses en lien avec les réclamations de la demanderesse seront jugées séparément des questions concernant la responsabilité générale des défenderesses et l’évaluation des dommages-intérêts. On se prononcera sur la limitation éventuelle de la responsabilité en présumant que la responsabilité des défenderesses est engagée envers la demanderesse, sans préjudice toutefois de tout moyen de défense que les défenderesses pourront par la suite faire valoir si sont instruites les questions de la responsabilité générale et de l’évaluation des dommages-intérêts.

 

 

À la suite de l’ordonnance modifiée énoncée ci-dessus, par consentement, seules les questions touchant la limitation de la responsabilité des défenderesses seront traitées dans les présents motifs.

 

III.Questions en litige

  • [9] Les parties de la présente action conviennent que la Cour est saisie des questions suivantes aux fins d’une décision :

 

(1)  WSL peut-elle limiter sa responsabilité en fonction des conditions du document d’expédition de WSL et, dans l’affirmative, quelle est cette limitation?

(2)  CN peut-elle limiter sa responsabilité à l’égard des demanderesses en fonction des conditions du contrat confidentiel et, dans l’affirmative, quelle est cette limitation?

(2)  CN peut-elle limiter sa responsabilité à l’égard des demanderesses en fonction des conditions du document d’expédition de WSL, et, dans l’affirmative, quelle est cette limitation?

 

  • [10] Avant d’examiner les questions susmentionnées, il est utile de déterminer si le document d’expédition de WSL est un connaissement ou une lettre de transport.

 

IV. Analyse1)   Le document d’expédition de WSL constitue-t-il un connaissement ou une lettre de transport?

Introduction

  • [11] La détermination de la nature du document d’expédition utilisé aura une grande incidence sur les questions soulevées dans la présente instance.À cette fin, il est donc utile de comprendre la distinction entre les divers documents d’expédition utilisés dans l’industrie et, en particulier, pour nos fins, la distinction entre un connaissement et une lettre de transport.

 

  • [12] Un connaissement est défini comme étant [traduction] « un document utilisé dans le cadre des ventes internationales pour traiter la livraison de marchandises par mer. Il est employé couramment dans le transport maritime et sur les bateaux affrétés dans certains métiers » (Edgar Gold, Aldo Chircop & Hugh Kindred, Maritime Law (Toronto: Irwin Law, 2003), page 408.)

 

  • [13] Les tribunaux ont de façon générale accepté qu’un connaissement poursuit trois objectifs : il sert de reçu aux marchandises, il représente le contrat de transport et il est un document formant titre : voir Canadian General Electric Co. c. Armateurs du St-Laurent Inc., [1977] 1 C.F. 215, au paragraphe 14; l’affaire The Rafaela S. [2005] 1 Lloyd’s Rep. 347, au paragraphe 38 (The Rafaela S. (HL)).

 

  • [14] Au dix-neuvième siècle et pendant une bonne partie du vingtième siècle, un connaissement était le principal instrument utilisé pour traiter le transport de marchandises par mer. Plus tard au cours du vingtième siècle, cependant, les avances avantageuses dans les techniques de manutention du fret obtenues par l’introduction des ordinateurs et des conteneurs ont transformé le transport de marchandises par les navires de ligne. À la suite de ces changements, divers nouveaux documents de transport ont été élaborés et utilisés de plus en plus à la place des connaissements. Ces nouveaux documents incluent le connaissement nominatif et la lettre de transport. Les connaissements, les connaissements nominatifs et les lettres de transport sont maintenant tous des documents généralement émis dans le cadre de contrats de transport de marchandises. (Gold, Chircop & Kindred, Maritime Law (Toronto: Irwin Law, 2003), à la page 407).

 

  • [15] Les connaissements nominatifs [traduction] « sont ceux qui rendent les biens livrables à une personne identifiée en tant que destinataire et qui ne contiennent aucun mot important la transférabilité ou contiennent des mots qui excluent la transférabilité » (Carver on Bills of Lading, Sir Guenter Treitel & F.M.B. Reynolds, ed., 2e éd., (London: Thomson-Sweet & Maxwell, 2005), page 1-007). Le connaissement nominatif demeure, cependant, le document formant titre et, comme il est indiqué ci-dessus, il doit être présenté au port de déchargement pour procéder à la livraison (The Rafaela S. (HL), paragraphe 20).

 

 

  • [16] Par conséquent, il est maintenant entendu qu’un connaissement peut être négociable ou non négociable selon ses modalités. Les deux formes de connaissement exigent toutefois que le transporteur ou ses agents ne puissent livrer la marchandise qu’au détenteur du connaissement (Timberwest Forest Corp. c. Pacific Link Ocean Services Corp., 2008 CF 801, au paragraphe 13). En d’autres termes, quelle que soit sa forme, un connaissement doit être présenté au port de déchargement pour assurer la livraison des marchandises. Il en est ainsi parce que les connaissements négociables et non négociables sont tous deux des documents formant titre (The Rafaela S, [2003] 2 Lloyd’s Rep. 113 (C.A.) (The Rafaela S (CA)), page 143, paragraphes 136-141, confirmé The Rafaela S. (HL), paragraphes 20-21).

 

  • [17] Une lettre de transport, en revanche, se distingue du connaissement et du connaissement nominatif en raison du fait que la lettre de transport n’est pas un document formant titre.Par conséquent, elle ne doit pas être présentée au transporteur (The Rafaela S. (HL), paragraphe 46; Gold, Chircop & Kindred, page 414). Une lettre de transport demeure, toutefois, un reçu se rapportant aux marchandises et la preuve d’un contrat de transport.

 

  • [18] Je vais maintenant me pencher sur les positions des parties concernant la nature du document d’expédition de WSL en cause.

 

Position des parties

  • [19] Les demanderesses soutiennent que le document d’expédition de WSL constitue un connaissement nominatif. WSL est d’avis que son document d’expédition est une lettre de transport.

 

  • [20] Le document d’expédition de WSL constitue la meilleure preuve qu’il existait un contrat entre les parties. Les diverses parties du contrat doivent être interprétées dans le contexte de l’intention des parties qui ressort de l’ensemble du contrat (BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro & Power Authority, [1993] 1 R.C.S. 12, pages 23-24).

 

  • [21] À cette fin, nous allons examiner le libellé clair des modalités du contrat. La jurisprudence nous enseigne que nous pouvons tenir compte des circonstances ou de l’environnement commercial du contrat pour déterminer l’intention des parties : voir Canada Law Book Co. c. Boston Book Co. (1922), 64 R.C.S. 182, page 185.

 

Libellé clair du document d’expédition de WSL

  • [22] Le capitaine Noel Asirvatham (capitaine Asirvatham), directeur national des ventes au Canada pour la défenderesse WSL, a joint à son affidavit une copie du document d’expédition de WSL comme pièce « A » et une copie de ce qu’il décrit comme un connaissement de WSL, en tant que pièce « B ».Les deux pièces sont reproduites dans l’annexe des présents motifs. En comparant les deux documents, j’observe ce qui suit :

 

  1. En haut à gauche de la pièce « A », nous trouvons le terme anglais « waybill » (lettre de transport). Les termes anglais « original bill of lading » (connaissement original) se trouvent au même endroit dans la pièce « B ». Je note que ces termes apparaissent là où vous vous attendez à trouver le titre du document.

  2. En haut à droite des deux pièces « A » et « B », sous le logo WSL, nous trouvons une boîte contenant les termes anglais en caractère imprimé « Bill of Lading No. » (numéro de connaissement) qui fournit un espace pour le numéro du document.

  3. Il y a un cachet sur la pièce « A » qui indique ce qui suit [traduction] :

 

Connaissement nominatif

(lettre de transport)

La livraison sera effectuée au destinataire désigné, ou à son agent autorisé, sur présentation d’une preuve d’identité au port de déchargement ou de livraison, selon le cas.

 

LA CARGAISON PEUT PAS ÊTRE DÉTOURNÉE, RÉCUPÉRÉE OU TRANSPORTÉE. La livraison de la cargaison ne peut être retardée que pour satisfaire au privilège du transporteur.

 

  1. Il y a un cachet sur la pièce « A » qui indique [traduction] : « lettre de transport non négociable ».

  2. Il y a des conditions attachées au document d’expédition dans la pièce « A ».Il n’est pas contesté que des conditions identiques sont attachées au connaissement de WSL, bien qu’elles ne figurent pas dans la pièce « B ».

  3. Tout en bas des deux pièces « A » et « B » se trouve un espace prévu pour indiquer le nombre de documents signés. La pièce « A » indique que seul un (1) document a été signé, alors que la pièce « B » indique que trois (3) documents doivent être signés.

 

  • [23] L’examen des différences qui existent entre les deux documents nous aidera à déterminer la nature du document d’expédition de WSL.

 

  • [24] Le fait que nous trouvions le terme anglais « waybill » (lettre de transport) sur le document d’expédition de WSL où l’on s’attend à voir le titre du document indique qu’il s’agit d’une lettre de transport. Cela est particulièrement convaincant dans les circonstances étant donné que l’expression anglaise « original bill of lading » (connaissement original) se trouve au même endroit sur le document censé être un exemple de connaissement de WSL, comme en témoigne la pièce « B » de l’affidavit du capitaine Asirvatham.

 

  • [25] L’expression anglaise « Bill of Lading No. » (numéro du connaissement) se trouve en caractère imprimé sur les deux documents. Cela pourrait indiquer qu’il s’agit d’un connaissement. Cependant, comme indiqué ci-dessus, les documents contiennent également des termes estampillés côté face.Il est bien établi que les termes imprimés sont subordonnés aux termes estampillés. Metalfer v. Pan Ocean [1998] 2 Lloyd’s Rep. 632, pages 636-637; John D. McCamus, The Law of Contracts (Toronto: Irwin Law, 2005), pages 726-727). En l’espèce, pour les motifs suivants, les deux termes estampillés donnent à penser que le document d’expédition en cause est une lettre de transport. Par conséquent, ce terme imprimé ne nous aide pas à trancher la question.

 

  • [26] À mon avis, le cachet figurant sur la pièce « A » qui indique [traduction] « Lettre de transport non négociable » ne nécessite aucune explication. Cela indique qu’il s’agit d’une lettre de transport.

 

  • [27] L’autre cachet figurant sur la pièce « A », reproduite ci-dessus au point 3, au paragraphe 22, inclut en partie les termes [traduction] « connaissement nominatif (lettre de transport) ». Comme expliqué ci-dessus, il est entendu qu’une lettre de transport n’est pas un connaissement nominatif.En raison de la confusion apparente des termes, ces mots sont peu utiles pour déterminer la véritable nature du document d’expédition.

 

  • [28] Cet autre cachet sur la pièce « A » indique également que la livraison doit être faite au destinataire désigné [traduction] « sur présentation d’une preuve d’identité au port de déchargement ».Il n’est pas nécessaire que le document d’expédition de WSL soit présenté au port de déchargement. Il est bien établi par la jurisprudence qu’un connaissement nominatif doit être présenté au port de déchargement. Comme nous l’avons déjà mentionné, cette caractéristique d’un connaissement nominatif le distingue d’une lettre de transport qui n’est pas un document formant titre. Il s’ensuit donc que le cachet figurant sur la pièce « A », dispensant de l’obligation de présenter le document d’expédition au port de déchargement, laisse entendre que le document est une lettre de transport.

 

  • [29] Ensuite, le capitaine Asirvatham, bien au courant de la pratique courante des parties relative à la préparation et à l’utilisation du document d’expédition de WSL, atteste que WSL n’utilise que deux types de documents d’expédition : les lettres de transport ou les connaissements, assortis de conditions identiques. Puisque les conditions des deux documents sont identiques, elles ne peuvent pas être utilisées pour différencier les deux formes de documents d’expédition utilisés parWSL. À mon avis, ces conditions s’appliqueront au document d’expédition, qu’il s’agisse d’un connaissement ou d’une lettre de transport, même si les conditions renvoient à un connaissement.

 

  • [30] Enfin, les éléments de preuve indiquent que les connaissements, qui sont des documents formant titre, sont généralement délivrés en trois exemplaires, de sorte qu’une copie peut être présentée au port de déchargement. En l’espèce, seule une copie du document d’expédition de WSL a été émise. Ceci est cohérent avec le fait que le document n’est pas un document formant titre. Ce facteur est une indication supplémentaire que le document d’expédition en question est une lettre de transport.

 

  • [31] Pour résumer, à première vue, le document d’expédition de WSL est intitulé [traduction] « lettre de transport », les deux cachets suggèrent que le document d’expédition de WSL est une lettre de transport et les conditions attachées au document d’expédition ne peuvent pas être utilisées faire la différence entre une lettre de transport et un connaissement. En outre, une seule copie du document d’expédition de WSL a été émise et sa présentation n’était pas requise pour la livraison des marchandises. Selon moi, les constatations faites ci-dessus indiquent que le document d’expédition est une lettre de transport et non un connaissement. Je vais maintenant examiner si l’intention des parties appuie une telle conclusion.

 

L’intention des parties

  • [32] Il y a peu d’éléments de preuve en l’espèce concernant l’intention des parties à l’égard du document d’expédition de WSL. Nous savons que Cami et WSL font des affaires ensemble depuis 1991 ou 1992 et qu’elles concluent habituellement des contrats de service annuels. Selon le témoignage incontesté du capitaine Asirvatham, en raison de cette relation de longue date, WSL et Cami utilisent la « lettre de transport » afin de simplifier le transport des marchandises pour les deux parties. Les demanderesses n’ont présenté aucun élément de preuve sur ce point. Le capitaine Asirvatham explique que l’utilisation de la « lettre de transport » signifie que, contrairement à un « connaissement », le document n’est pas censé être négociable et que la présentation du document n’est pas nécessaire pour effectuer la livraison de la cargaison.

 

  • [33] La dispense des aspects de négociabilité et de titre du connaissement indique une volonté de recourir à un document d’expédition moins onéreux. Ceci est devenu monnaie courante dans le transport de marchandises moderne, comme cela a été mentionné précédemment dans ces motifs, grâce à l’utilisation de lettres de transport.

 

  • [34] Étant donné que la demanderesse Cami et WSL ont une relation commerciale depuis 1991 ou 1992, et ont habituellement conclu des contrats de service annuels comportant l’expédition de marchandises conteneurisées, compte tenu de la tendance à l’utilisation de documents d’expédition simplifiés dans l’industrie, et compte tenu des preuves non contredites du capitaine Asirvatham, je conclus que les parties avaient l’intention d’utiliser un processus d’expédition plus efficace et accéléré qui, dans les circonstances, comporte l’utilisation d’une lettre de transport.

 

  • [35] Compte tenu de l’analyse qui précède, je conclus donc que les parties avaient l’intention de conclure un contrat en ayant recours à une lettre de transport.Cela est conforme au libellé de la lettre de transport.Je conclus donc que le document d’expédition de WSL en cause est effectivement une lettre de transport.

 

2)  WSL peut-elle limiter sa responsabilité en fonction des conditions du document d’expédition de WSL (lettre de transport) et, dans l’affirmative, quelle est cette limitation?

 

  • [36] Comme indiqué précédemment, WSL a conclu un contrat de transport avec Cami attesté par la lettre de transport et les conditions qui s’y rattachent.WSL a également conclu un contrat confidentiel avec CN pour assurer le transport intérieur des marchandises jusqu’à la destination.

 

  • [37] Les demanderesses soutiennent que la responsabilité de WSL devrait être déterminée par le contrat confidentiel que WSL a négocié avec CN. En revanche, WSL soutient que sa responsabilité à l’égard des demanderesses est régie par les conditions de la lettre de transport.

 

  • [38] Je suis d’avis qu’il faut faire référence aux conditions du contrat confidentiel pour résoudre cette question. La clause 5 du contrat confidentiel est intitulée [traduction] « Responsabilité et réclamations » et se lit comme suit :

[traduction]

Sauf indication contraire dans toute annexe au présent contrat, la responsabilité du CN pour toute perte, dommage ou retard allégué à la marchandise doit être identique aux normes applicables à un transporteur ferroviaire canadien, tel que précisé dans le Règlement sur la responsabilité à l’égard du transport ferroviaire des marchandises (DORS/91-488).

 

 

  • [39] Il est clair que ce n’est que la responsabilité du CN qui est envisagée dans ce contrat.Étant donné que WSL n’a pas convenu autrement avec Cami de limiter sa responsabilité conformément aux conditions du contrat confidentiel, la responsabilité de WSL envers les demanderesses n’est pas limitée par le contrat confidentiel.Je rejette donc l’argument des demanderesses.J’examinerai maintenant les conditions de la lettre de transport.

 

Quelle est la limitation?

  • [40] La clause 8 de la lettre de transport prévoit que [traduction] « la responsabilité du transporteur maritime à l’égard des marchandises doit, dans tous les cas, y compris lorsque les marchandises sont perdues ou endommagées lorsqu’elles sont sous la garde du transporteur intérieur, être régie par la Carriage of Goods by Sea Act (la COGSA) des États-Unis ou par les Règles de La Haye, selon le cas, tel que prévu à la clause 2 de la présente lettre ». Le terme [traduction] « transporteur maritime » est défini à la clause 1 de la lettre de transport comme suit :

[traduction]

Par « transporteur maritime », on entend Westwood Shipping Lines, les propriétaires, l’exploitant, l’affréteur à coque nue, ainsi que tout affréteur à temps ou toute personne liée au présent connaissement qui effectue le transport maritime de la cargaison décrite au recto de la lettre de transport.

 

En l’espèce, il n’est pas contesté que WSL est le transporteur maritime aux fins de la lettre de transport. Les questions de responsabilité entre Cami et WSL sont donc régies par la clause 8 de la lettre de transport.

 

  • [41] En vertu de la clause 8 de la lettre de transport, la responsabilité de WSL est régie par la COGSA ou les Règles de La Haye, selon le cas, tel que prévu à la clause 2 de la lettre de transport. La clause 2 est une clause qui a prépondérance et qui énonce essentiellement le régime réglementaire auquel les parties ont convenu d’être liées.Elle se lit comme suit :

[traduction]

Ce connaissement aura effet sous réserve de toutes les dispositions de la Carriage of Goods by Sea Act des États-Unis, approuvée le 16 avril 1936 (« COGSA »).  Toutefois, si les Règles de La Haye ou les Règles de La Haye-Visby (collectivement appelées « Règles de La Haye ») deviennent obligatoirement applicables au présent connaissement dans le pays où un litige découlant du présent connaissement est tranché, le connaissement aura effet sous réserve des Règles de La Haye. Rien dans le présent document ne sera considéré comme une renonciation par le transporteur maritime de l’une de ses responsabilités en vertu de la COGSA ou des Règles de La Haye, selon le cas. Les dispositions de la COGSA ou des Règles de La Haye, selon le cas, s’appliquent aux MARCHANDISES arrimées sur le pont et sont applicables avant le chargement des MARCHANDISES et après leur déchargement du navire et pendant le TRANSPORT des MARCHANDISES par le TRANSPORTEUR MARITIME et le TRANSPORTEUR INTÉRIEUR, si le TRANSPORT inclut un transport direct et jusqu’à la livraison des MARCHANDISES.  Le TRANSPORTEUR MARITIME bénéficiera également de toutes les autres lois des États-Unis ou de tout autre pays qui pourraient être applicables et qui accordent au TRANSPORTEUR MARITIME une exemption ou une limitation de responsabilité. [Non souligné dans l’original]

 

 

  • [42] Étant donné que la COGSA s’applique seulement si les Règles de La Haye-Visby ne sont pas obligatoirement applicables à ce connaissement au Canada, la première étape pour déterminer le régime qui régit le transport en vertu de cette lettre de transport consiste à examiner si les Règles de Hague-Visby sont d’application obligatoire ou non.

 

  • [43] L’article 43 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime (L.C. 2001, ch. 6) est la disposition législative qui donne force de loi aux Règles de La Haye-Visby au Canada en ce qui concerne les contrats de transport de marchandises par eau entre différents États. Ces États sont énumérés à l’article X des Règles de La Haye-Visby.Il est incontesté que le Canada et le Japon sont des États contractants aux fins de l’article X. (Affidavit de Shuji Yamaguchi, signé le 29 janvier 2009).

 

  • [44] Les Règles de La Haye-Visby ne s’appliquent qu’aux « contrats de transport ».Cette condition est définie à l’article 1 des Règles de La Haye-Visby comme étant les contrats couverts par « un connaissement ou par tout document similaire formant titre ».Étant donné que le document d’expédition en cause n’est pas un connaissement, pour que les Règles de La Haye-Visby s’appliquent obligatoirement, la lettre de transport doit être un « document similaire formant titre ».Comme cela a été mentionné ci-dessus, il est clair que les lettres de transport, par définition, ne sont pas des documents formant titre.

 

  • [45] Étant donné que le document d’expédition contesté n’est pas un connaissement ou un document formant titre similaire, les Règles de La Haye-Visby ne s’appliquent pas obligatoirement.Il s’ensuit donc, conformément à la clause 2 de la lettre de transport, que le régime de réglementation applicable en l’espèce est la COGSA.

 

  • [46] Le professeur William Tetley, dans ses traités intitulés Marine Cargo Claims, 4 Ed, (Québec: Thompson Carswell, 2008) vol. 2, page 2304, nous informe que des pays comme le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, Singapour, l’Australie et les pays nordiques ont tous adopté une législation qui permet aux Règles de La Haye-Visby (ou leurs adaptations) de s’appliquer aux lettres de transport maritime.Il est donc clair que ces juridictions n’ont pas considéré que les Règles de La Haye-Visby s’appliquaient de leur propre chef aux lettres de transport maritime.Aucune mesure législative prévoyant l’application des Règles de La Haye-Visby aux lettres de transport maritime n’a été adoptée au Canada.

 

  • [47] La COGSA contient une formule spécifique relative à la limitation de la responsabilité.Elle se trouve au paragraphe 4(5), qui se lit comme suit :

 

[traduction]

Ni le voiturier ni le navire ne seront tenus ou ne deviendront responsables, en aucun cas, des pertes ou dommages à des marchandises ou concernant leur transport pour un montant dépassant 500 $ par colis en monnaie légale des États-Unis, ou dans le cas de marchandises qui ne sont pas expédiées par colis, par unité courante de fret, ou l’équivalent de cette somme dans un autre numéraire, à moins que la nature et la valeur de ces marchandises n’aient été déclarées par l’expéditeur avant le chargement et insérées dans le connaissement. Cette déclaration, si elle est insérée dans le connaissement, constituera une preuve prima facie, mais elle ne doit pas être décisive pour le transporteur.

 

  • [48] Les parties se sont également mises d’accord sur l’évaluation des marchandises à la clause 14 de la lettre de transport, qui est très semblable au libellé de la COGSA elle-même.La clause 14 se lit comme suit :

[traduction]

Il est convenu et entendu que la signification du mot « colis » comprend les conteneurs, les fourgonnettes, les remorques, les palettes et les cargaisons unitisées, ainsi que toutes les pièces, tous les articles ou toutes les choses de quelque nature que ce soit, à l’exception des marchandises expédiées en vrac.

 

En cas de perte ou d’endommagement des marchandises excédant la valeur réelle de 500 $ par colis en monnaie légale des États-Unis, ou dans le cas de marchandises qui ne sont pas expédiées par colis, par unité courante de fret, la valeur des MARCHANDISES sera réputée être de 500 $ par colis ou par unité de fret habituelle, selon le cas, et la responsabilité du TRANSPORTEUR MARITIME, le cas échéant, sera déterminée sur la base d’une valeur de 500 $ par colis ou par unité de fret habituelle, à moins que la nature des MARCHANDISES et une valeur supérieure ne soient déclarées par le MARCHAND par écrit avant l’expédition et insérées dans le présent document et que des frais supplémentaires soient payés.  Des frais pour les déclarations de valeur excédentaire s’appliquent selon le tarif du TRANSPORTEUR MARITIME.  Dans le cas où le MARCHAND déclare une valeur plus élevée, par écrit et indiquée dans le présent document, et que le fret supplémentaire est payé, au besoin, la responsabilité du TRANSPORTEUR MARITIME, le cas échéant, pour la perte ou l’endommagement des marchandises ou en lien avec celles-ci sera déterminée sur base de cette valeur déclarée et au prorata de cette valeur déclarée en cas de perte ou de dommage partiel, à condition que cette valeur déclarée ne dépasse pas la valeur réelle des MARCHANDISES.

 

 

  • [49] Les parties ont accepté qu’en cas de dommages causés à des marchandises excédant la valeur réelle de 500 $ par colis en monnaie légale des États-Unis, les colis seront réputés avoir une valeur de 500 dollars en monnaie légale des États-Unis.Ce libellé est conforme aux dispositions relatives à la limitation de la responsabilité énoncées dans la COGSA.

 

  • [50] La détermination de la valeur totale de la responsabilité de WSL dépendra donc de ce que l’on entend par « colis ».Ce terme n’est pas défini dans la COGSA, et la clause 14, susmentionnée, ne fait rien de plus que d’affirmer qu’en somme, tout peut être considéré comme un colis, à l’exception des marchandises expédiées en vrac.De toute évidence, les marchandises ne sont pas en vrac.

 

  • [51] Les demanderesses soutiennent que le terme « colis » doit être défini comme les assemblages et les modules individuels.Aussi bien CN que WSL soutiennent qu’un « colis » devrait être défini comme une palette.

 

  • [52] La jurisprudence canadienne et américaine enseigne que l’interprétation du terme « colis » doit être conforme à l’intention des parties(J.A. Johnston Co.c. Tindefjell (The), [1973] C.F. 1003, paragraphe 10). La preuve de cette intention se trouve dans l’entente contractuelle entre les parties, telle qu’elle est énoncée dans le document d’expédition, ainsi que dans les circonstances qui l’entourent (International Factory Sales Service Ltd. c. Alexandr Serafimovich (The), [1976] 1 C.F. 35, paragraphe 28, conf. par Consumers Distributing Co. c. Dart Containerline Co. [1979] A.C.F. no 1113; Tindefjell, paragraphe 10; Binladen BSB Landscaping c. M.V. Nedlloyd Rotterdam, 759 F. 2d 1006, page 1012). Il est bien admis dans la jurisprudence américaine qu’un « colis », en vertu de la COGSA, doit se référer au résultat d’une préparation au transport [traduction] « qui facilite la manutention mais qui ne masque pas nécessairement ou ne renferme pas complètement les marchandises » (Binladen, page 1012). Voir aussi Royal Ins. Co. of America v. Orient Overseas Container Line Ltd., 408 F. Supp. 2d.415 (Cour de district, 2005) inf. pour d’autres motifs 525 F. 3d. 409 (Sixth Circuit C.A., 2008). La preuve de l’emballage et de la préparation au transport sont aussi des facteurs importants pour déterminer ce qui constitue un colis dans la jurisprudence canadienne (Dart Containerline Co., paragraphe 25; Serafimovich, paragraphe 37).

 

  • [53] Compte tenu de la similitude entre les approches américaine et canadienne dans l’interprétation du terme « colis » en vertu de la COGSA et des Règles de La Haye respectivement, mon analyse sera fondée sur la jurisprudence des deux administrations.La définition d’un « colis » en tant que palette ou en tant qu’assemblages et modules individuels dépendra de l’intention des parties, comme en témoigne le libellé de la lettre de transport et les circonstances qui l’entourent, dont la préparation au transport.

 

  • [54] Sur le recto de la lettre de transport, il n’est pas clair si quelque chose est écrit dans la colonne « NO. OF PACKAGES » (nombre de colis); cependant, à la partie inférieure de la lettre de transport et dans toute cette colonne, il est écrit [traduction] « (15) conteneurs seulement ».Aucune partie à la présente instance ne soutient qu’un conteneur est un colis.Par conséquent, aucune conclusion ne peut être tirée à partir des informations contenues dans cette colonne.

 

  • [55] Sur le recto de la lettre de transport, dans la colonne intitulée [traduction] « DESCRIPTION DES EMBALLAGES ET DES MARCHANDISES », nous trouvons les mots [traduction] : « 15 conteneurs (300 palettes <2 280U/T&2 280P/C>) ».Les éléments de preuve indiquent que chaque conteneur contenait 20 palettes conçues sur mesure, dont 19 comportaient huit assemblages et une contenait 152 modules.Il s’ensuit que les données susmentionnées figurant sur le recto de la lettre de transport indiquent la cargaison suivante : 15 conteneurs contenant au total 300 palettes conçues sur mesure qui contiennent au total 2 280 transmissions et 2 280 modules.

 

  • [56] Sur la deuxième page de la feuille de transport, nous trouvons la [traduction] « fiche récapitulative des conteneurs ».Les 15 conteneurs y sont énumérés et une série de colonnes sert à décrire chacun de ces conteneurs.Dans la colonne intitulée [traduction] « Colis », il est écrit pour chaque conteneur « 20 P/T (152 U/T&152P/C) », ce qui signifie, comme cela a été indiqué plus haut, 20 palettes contenant 152 assemblages et 152 Modules.Selon moi, une simple lecture de ce formulaire indique que c’est la palette qui est considérée comme le colis.Cette interprétation est conforme à l’information contenue dans la colonne décrivant les « colis » sur le recto de la lettre de transport.Cette interprétation est aussi conforme à la jurisprudence australienne.Dans l’affaire El Greco (Australia) Pty. Ltd. and Another v. Mediterranean Shipping Co. S.A., [2004] 2 Lloyd’s Rep. 537 (Fed. C. Aust.), la Cour fédérale d’Australie a conclu au paragraphe 287 qu’en vertu des Règles de La Haye, [traduction] « si le document recense X colis contenant chacun Y pièces ou objets de cargaison, il y aura alors X colis non Y unités énumérés ».

 

  • [57] La preuve révèle qu’il est habituel pour WSL d’utiliser des palettes personnalisées spécialement conçues qui lui sont fournies par les demanderesses.La demanderesse AWA fabrique les supports ou les palettes conformément aux spécifications de la demanderesse Cami et est également la propriétaire des palettes.Cela montre bien que la décision d’utiliser des palettes est celle de la demanderesse. Ce facteur a amené les tribunaux américains à conclure que la palette n’est pas simplement utilisée par le transporteur pour assurer la sûreté des marchandises, mais plutôt que la palette est utilisée par l’expéditeur pour préparer les marchandises à l’expédition, et qu’elle constitue donc un « colis »(Standard Electrica, S. A. v. Hamburg Sudamerikanische Dampfschifffahrts-Gesellschaft, 375 F.2d 943, page 946 (2d Cir. N.Y. 1967)).

 

  • [58] Les éléments de preuve révèlent également que les transmissions sont placées sur les supports sans être couvertes individuellement.Une couverture en plastique a plutôt été placée au-dessus de la palette tenant huit transmissions. Christine Michelle Osborne, une témoin de la demanderesse Cami, atteste que l’objectif logique de la couverture en plastique est de protéger les marchandises contre les dégâts d’eau ou les débris, une finalité courante de tout emballage.Elle atteste également que l’emballage des marchandises, en l’espèce, supposait le placement des marchandises sur les palettes fabriquées sur mesure.

 

  • [59] Compte tenu de cette description des marchandises par Christine Michele Osborne, je n’accepte pas de considérer les assemblages ou les modules individuels comm des colis.Comme l’enseigne la jurisprudence, le mot « colis », en langage clair, doit désigner une forme de préparation à l’expédition ou de protection pendant la manutention.Les assemblages et les modules, en l’espèce, n’ont jamais été destinés à être expédiés individuellement ou à l’extérieur d’une palette.En effet, le témoignage de Mme Osborne suggère que l’emballage supposait le placement des transmissions sur les palettes.Bien que l’expert en droit américain de la demanderesse, M. Russell Williams, ait cité plusieurs cas pour affirmer que des articles de la cargaison à l’intérieur d’une palette constituaient des colis, ces cas comportent des articles qui sont eux-mêmes emballés individuellement et appelés « cartons , « seaux » ou des termes similaires. Les circonstances de l’affaire qui nous occupe sont différentes, les transmissions et les modules ne sont pas emballés individuellement, ils sont simplement placés et fixés sur la palette, et la palette est ensuite recouverte de plastique pour former une seule unité.

 

  • [60] Les assemblages et les modules en cause ici ne sont pas préparés individuellement pour le transport.La preuve indique clairement que le placement des unités sur les palettes est la méthode adoptée pour préparer les marchandises au transport. Cela soutient l’affirmation selon laquelle une palette constitue le « colis » aux fins de la lettre de transport.

 

  • [61] Je conclus donc, compte tenu de l’intention des parties, comme en témoigne le libellé de la lettre de transport, la méthode de préparation au transport, l’utilisation des palettes et l’absence d’emballage individuel pour les assemblages et les modules, qu’un « colis » aux fins de la lettre de transport est défini comme étant une palette.

 

  • [62] La responsabilité de WSL en vertu du paragraphe 4 (5) de la COGSA est limitée à un maximum de 500 $ par colis qui, dans les circonstances, est une palette. La valeur d’une palette sera déterminée selon les termes de la clause 14 de la lettre de transport. Comme indiqué ci-dessus, la clause 14 prévoit qu’en cas de perte ou de dommages causés à des marchandises excédant la valeur réelle de 500 $ par colis en monnaie légale des États-Unis, la valeur de ce colis est réputée être de 500 dollars en monnaie légale des États-Unis.Il s’ensuit, dans les circonstances, que la perte ou l’endommagement d’une palette sera réputé être de 500 $ en monnaie légale des États-Unis, si la valeur de cette palette excède 500 $ en monnaie légale des États-Unis.

 

  • [63] Je note également que, à tout moment avant l’expédition, Cami était libre de déclarer la valeur de la cargaison et demander une meilleure couverture.Bien entendu, cela aurait probablement entraîné une augmentation des primes et une augmentation des coûts de transport.En agissant ainsi, Cami a pris une décision commerciale.Elle a mis en balance les coûts accrus d’une couverture améliorée et le risque d’une perte plus importante en cas de dommages causés aux marchandises expédiées en raison des dispositions relatives à la limitation de la responsabilité énoncées dans le document d’expédition.

 

3)  CN peut-elle limiter sa responsabilité à l’égard des demanderesses en fonction des conditions du contrat confidentiel et, dans l’affirmative, quelle est cette limitation?

 

  • [64] Les demanderesses ne sont pas parties au contrat confidentiel conclu entre WSL et CN.La question est de savoir si, en l’absence d’une relativité contractuelle entre CN et les demanderesses, CN peut néanmoins invoquer le contrat confidentiel avec WSL pour limiter sa responsabilité à l’égard des demanderesses.La jurisprudence anglaise a abordé la question de l’absence de relativité contractuelle dans le contexte du dépôt.Dans Morris v. Martin, [1966] 1 Q.B. 716, la Cour du Banc de la Reine anglaise a conclu qu’un propriétaire, en poursuivant un sous-dépositaire contre rémunération, est lié par les termes du contrat entre le dépositaire et le sous-dépositaire si le propriétaire avait expressément ou implicitement consenti aux termes du contrat de sous-traitance.Cette approche a été adoptée au Canada dans le contexte des contrats de transport maritime de marchandises, et a plus récemment été suivie dans l’affaire Boutique Jacob Inc. c. Chemin de fer Canadien Pacifique, 2008 CAF 85 (Boutique Jacob (CAF)).

 

  • [65] En première instance, dans Boutique Jacob Inc. c. Chemin de fer Canadien Pacifique, 2006 CF 217 (Boutique Jacob (CF)), le juge de Montigny a écrit ce qui suit au paragraphe 27 de ses motifs :

Dans le contexte du droit maritime, le Conseil privé a également décidé que l’autorisation de confier en sous-traitance tout ou partie du transport des marchandises, [traduction] « quelles que soient les conditions » , démontrait que le propriétaire [traduction] « avait expressément consenti » au sous-dépôt de ses marchandises indépendamment des conditions et que ce consentement explicite avait une portée suffisamment large pour comprendre une clause de juridiction exclusive (voir K.H. Entreprise (The) c. Pioneer Container (The), [1994] 2 A.C. 324; voir également Singer Co. (U.K.) Ltd. c. Tees and Hartlepool Port Authorty, [1988] 2 Lloyd's Rep. 164). [Non souligné dans l’original]

 

  • [66] La conclusion ci-dessus n’a pas été modifiée lors de l’appel.En l’espèce, comme dans Boutique Jacob, la propriétaire Cami a accepté que [traduction] « le TRANSPORTEUR MARITIME a le droit de confier en sous-traitance, quelles que soient les conditions, la totalité ou une partie de la manutention et du TRANSPORT des MARCHANDISES » (non souligné dans l’original).Comme dans Boutique Jacob, cela indique que Cami avait expressément consenti aux modalités du sous-dépôt confié à CN.

 

  • [67] Au Canada, la responsabilité des transporteurs ferroviaires est régie par la Loi sur les transports au Canada (L.C. 1996, ch. 10) (la LTC).Conformément à l’article 137 de la LTC, un transporteur ferroviaire ne peut limiter sa responsabilité que par un accord écrit signé par l’expéditeur.Dans Boutique Jacob (CAF), au paragraphe 47, il a été conclu que l’expéditeur, aux fins de la LTC, est l’entité qui conclut directement des contrats avec le transporteur ferroviaire. Dans cette affaire, comme en l’espèce, c’est le transporteur maritime qui est l’expéditeur aux fins de la LTC.Il s’ensuit donc que, puisque le contrat confidentiel est signé par WSL, le transporteur maritime, cela satisferait à l’exigence de l’article 137 de la LTC.Le contrat confidentiel est un contrat écrit signé par l’expéditeur.

 

  • [68] Par conséquent, il semble qu’un transporteur ferroviaire peut lier un propriétaire de biens aux conditions d’un contrat de sous-traitance conformément aux principes du dépôt mentionnés ci-dessus.Dans Boutique Jacob (CAF), la Cour a conclu que Boutique Jacob (la propriétaire) était liée au tarif figurant dans le contrat confidentiel conclu entre OOCL (le transporteur maritime) et le Chemin de fer Canadien Pacifique, un transporteur public.Je vais maintenant examiner les dispositions applicables du contrat confidentiel.

 

  • [69] Je commence en exposant les conditions pertinentes du contrat :

 

[traduction]

4.  INCORPORATION PAR RENVOI

Sont incorporés par renvoi dans le présent contrat tous les tarifs, règles et règlements applicables au transport de la marchandise, sauf incompatibilité avec ses stipulations.  En cas d’incompatibilité, celles‑ci l’emportent.

 

5.  RESPONSABILITÉ ET RÉCLAMATIONS

Sauf indication contraire dans toute annexe au présent contrat, la responsabilité du CN pour toute perte, dommage ou retard allégué à la marchandise doit être identique aux normes applicables à un transporteur ferroviaire canadien, tel que précisé dans le Règlement sur la responsabilité à l’égard du transport ferroviaire des marchandises (DORS/91-488).

 

ANNEXE 1, PARTIE 1, NOTE 1

Les tarifs indiqués dans le présent contrat sont assujettis à toutes les règles, à tous les règlements, à toutes les conditions et à tous les frais accessoires publiés dans la série tarifaire CNR 7589.

 

 

Position des parties

  • [70] CN allègue que, dans le présent contrat, la responsabilité est limitée par les conditions du tarif 7589 de CN (le tarif).CN fait valoir que, conformément à la clause 5, puisque le tarif est indiqué dans l’annexe du contrat, la responsabilité doit être déterminée conformément à ce tarif.

 

  • [71] Le tarif en cause est intitulé [traduction] « Tarif de marchandises concurrentiel local pour le fret chargé dans ou sur un équipement intermodal exploité par le chemin de fer et transporté par wagon plat ».Il s’agit d’un document de 116 pages comprenant 19 pages de règles et suivi de tableaux de taux détaillés.L’article 300 des règles est intitulé [traduction] « Limitation de la responsabilité » et prévoit une formule de limitation de la responsabilité.CN soutient qu’en vertu de cette disposition du tarif, sa responsabilité est limitée au moindre des quatre montants figurant dans le tarif.

 

  • [72] Aussi bien WSL que les demanderesses allèguent que le contrat confidentiel n’incorpore pas de façon appropriée les dispositions sur la limitation de la responsabilité du tarif, et, par conséquent, la responsabilité doit être déterminée selon le Règlement sur la responsabilité à l’égard du transport ferroviaire des marchandises (DORS/91-488) (le Règlement) conformément à la clause 5. Elles expliquent que même si le tarif est mentionné dans l’annexe du contrat confidentiel, il n’est mentionné que par rapport aux taux. Ainsi, il n’y a pas de conditions dans l’Annexe concernant la limitation de la responsabilité.Les demanderesses soutiennent donc que toute incorporation d’une limitation de la responsabilité par l’application de la clause 4 entrerait en conflit avec la clause 5 du contrat confidentiel.Cette clause prévoit expressément que la responsabilité de CN est celle d’un transporteur public tel qu’il est précisé dans le Règlement.

 

  • [73] CN est d’avis que le tarif est correctement incorporé.Elle soutient que la clause 4 du contrat confidentiel incorpore le tarif par renvoi et que la clause 5 renvoie à l’annexe dans laquelle le tarif est mentionné.De plus, CN soutient que, puisque le tarif est publié sur le site Web de CN, elle a dûment avisé WSL des dispositions en matière de limitation de la responsabilité qui y sont énoncées.

 

 

Analyse

  • [74] La clause 5 est la seule clause du contrat confidentiel prétendant traiter des limitations de la responsabilité.Cette clause prévoit que la responsabilité de CN est la même que les normes applicables à un transporteur ferroviaire public canadien tel que spécifié dans le Règlement, sauf indication contraire prévue dans une annexe du contrat.Bien que la clause 4 prévoie l’incorporation par renvoi du tarif contesté, elle le fait uniquement dans la mesure où les tarifs ne sont pas en conflit avec le contrat confidentiel.En cas de conflit, ce sont les dispositions du contrat confidentiel qui prévalent.Il s’ensuit que, selon le libellé clair des clauses 4 et 5, les dispositions relatives à la limitation de la responsabilité du Tarif ne peuvent être incorporées par application de la clause 4 parce que ces dispositions seraient en conflit avec les dispositions de la clause 5. La seule question, alors, est celle de savoir si les dispositions du tarif relatives à la limitation de la responsabilité sont correctement incorporées dans une annexe du contrat confidentiel.

 

  • [75] Il n’est pas contesté que les conditions contenues dans le tarif concernant la responsabilité n’ont pas été portées à l’attention de WSL, et que la question de la limitation de la responsabilité de CN n’a jamais été abordée par les parties.Par conséquent, il n’existe aucune preuve extrinsèque à prendre en considération et il me suffit d’examiner les modalités du contrat lui-même.

 

  • [76] La clause 5 du contrat confidentiel intitulée [traduction] « RESPONSABILITÉ ET RÉCLAMATIONS » contient une formule propre à la responsabilité.Tel que mentionné précédemment, cette formule limite la responsabilité aux normes applicables à un transporteur ferroviaire public canadien tel que prévu dans le Règlement, à moins d’une indication contraire prévue dans une annexe du contrat. Aucune annexe ne fait mention d’une limitation de la responsabilité. Les notes de l’annexe 1 mentionnent que les taux figurant à l’annexe sont [traduction] « assujettis à toutes les règles, à tous les règlements, à toutes les conditions et à tous les frais accessoires publiés dans la série tarifaire CNR 7589 ».Une simple lecture donne à penser que les taux peuvent être modifiés conformément au tarif.Qui plus est, cette formulation incorpore le tarif dans le contrat confidentiel uniquement en ce qui concerne les taux.Aucune référence n’est faite à la limitation de la responsabilité, pas plus qu’on ne peut en déduire une.

 

  • [77] Je suis d’avis que le libellé de la Clause 5 est clair.Il incorpore le tarif uniquement aux fins de soumettre les taux à l’ensemble des règles, des règlements, des conditions et des autres frais prévus dans le tarif.Aucune référence n’est faite aux dispositions sur la limitation de la responsabilité figurant dans le tarif.La clause 5 prévoit expressément que la responsabilité du transporteur est assujettie au Règlement, à moins d’une indication contraire prévue dans une annexe.Les annexes du contrat confidentiel ne contiennent pas de dispositions contraires.

 

  • [78] Étant donné que le libellé du contrat confidentiel n’incorpore pas la disposition relative à la responsabilité figurant dans le tarif, l’argument de CN selon lequel un avis approprié à WSL a été donné en raison de la publication sur son site Web n’est pas pertinent.

 

  • [79] Il convient de noter que CN incorpore maintenant la version complète du type de clause relative à la limitation figurant dans le tarif-marchandises 7589 de CN directement dans le corps de l’annexe de ses contrats confidentiels sous la rubrique [traduction] « Demande relative à la perte du chargement et à la responsabilité ».

 

  • [80] Compte tenu de l’analyse qui précède, je conclus que les dispositions du tarif relatives à la limitation ne sont pas incorporées dans le contrat confidentiel.Le régime de responsabilité convenu par WSL et CN en vertu du contrat confidentiel est celui qui se trouve dans les dispositions applicables du Règlement.Par conséquent, les demanderesses, ayant accepté de permettre à WSL de conclure des contrats de sous-traitance quelles que soient les conditions, sont liés par les modalités du contrat confidentiel qui limite la responsabilité de CN conformément au Règlement.

 

  • [81] Je suis conscient que, dans Boutique Jacob (CF), lorsqu’il a conclu que la demanderesse était liée par les conditions du contrat de sous-traitance, le juge de Montigny a déclaré, au paragraphe 33:

 

Les conditions énoncées dans la lettre de transport d’OOCL [le sous-transporteur] sont semblables à celles que comporte normalement ce type de contrat et ne sont certainement pas déraisonnables ou répréhensibles.  De plus, elles sont très semblables à celles que Jacob [la demanderesse] a acceptées et qui figurent dans le connaissement de Pantainer [transporteur non exploitant de navires].  Par conséquent, Jacob ne peut soutenir qu’elle a été prise par surprise et qu’elle ne pouvait prévoir les limitations d’OOCL.

 

 

 

  • [82] En l’espèce, les modalités pertinentes du contrat de sous-traitance sont celles qui limitent la responsabilité de CN conformément au Règlement.Étant donné qu’il s’agit d’un règlement d’application de la LTC, il devrait être familier à tous les membres de l’industrie et, à mon avis, ne devrait pas être onéreux ou déraisonnable.On ne peut pas non plus dire que quiconque a été pris par surprise.

 

Quelle est cette limitation?

  • [83] L’article 4 du Règlement prévoit qu’un transporteur ferroviaire est responsable quant aux marchandises qui sont en sa possession, des pertes, des dommages et des retards de transport subis par celles-ci, sauf dans les cas où cette responsabilité est limitée par le Règlement. Les moyens de défense disponibles pour le transporteur ferroviaire sont indiqués à l’article 5(1) of du Règlement, lequel prévoit qu’un transporteur ferroviaire ne sera pas responsable des pertes ou des dommages subis par les marchandises et attribuables à a) un cas de force majeur, b) une guerre ou insurrection, c) une émeute, une grève ou un lock-out, d) la défectuosité des marchandises, e) un acte, une omission ou une négligence de l’expéditeur ou du propriétaire des marchandises, f) l’application d’une loi, ou g) une mise en quarantaine.Il n’y a aucun élément de preuve au dossier appuyant ces moyens de défense.Par conséquent, aucun de ces moyens ne s’applique dans les circonstances.CN est ainsi responsable de toute perte ou de tout dommage aux marchandises ou de tout retard dans leur transport.

 

4)  CN peut-elle limiter sa responsabilité à l’égard des demanderesses en fonction des conditions du document d’expédition de WSL, et, dans l’affirmative, quelle est cette limitation?

 

  • [84] Comme cela a déjà été mentionné, les dispositions relatives à la limitation de la responsabilité de la lettre de transport se trouvent à la clause 2, la clause ayant prépondérance et à la clause 14, la clause de l’évaluation.La clause 6 de la lettre de transport étend le bénéfice de ces clauses à CN.La clause 6 est connue dans l’industrie comme étant une « clause Himalaya ».

 

  • [85] Les clauses Himalaya ont été développées afin de protéger les parties tierces.Ces clauses étendent les avantages du contrat de transport à tout tiers engagé par le transporteur pour remplir les obligations du transporteur en vertu du contrat de transport.Les clauses de ce type sont bien acceptées dans l’industrie et sont largement utilisées.La clause 6 de la lettre de transport se lit comme suit :

[traduction]

Le TRANSPORTEUR MARITIME a le droit de confier en sous-traitance, quelles que soient les conditions, la totalité ou une partie de la manutention et du TRANSPORT des MARCHANDISES.  Tout employé, agent et entrepreneur indépendant du TRANSPORTEUR MARITIME, y compris le capitaine, les officiers, les membres d’équipage du navire et les débardeurs, les dockers, les opérateurs de terminaux, le TRANSPORTEUR INTÉRIEUR, et les autres personnes employées par le TRANSPORTEUR MARITIME pour l’exécution de services relatifs aux MARCHANDISES et aux marchandises de tiers, seront bénéficiaires du connaissement et auront droit à tous les moyens de défense, toutes les exemptions et toutes les limitations de la responsabilité auxquels le TRANSPORTEUR MARITIME a droit en vertu de la présente et en vertu des lois applicables; et, en concluant ce contrat, le TRANSPORTEUR MARITIME le fait non seulement pour son propre compte, mais aussi en tant qu’agent et fiduciaire pour chacune des personnes et sociétés décrites ci-dessus, qui seront toutes considérées comme parties au contrat attesté par le présent connaissement.

 

  • [86] Le libellé de la clause 6 étend clairement les avantages de la lettre de transport, y compris les limitations de la responsabilité auxquelles WSL a droit, à CN, le « TRANSPORTEUR INTÉRIEUR ». Comme nous l’avons déjà mentionné, la LTC prévoit qu’un transporteur ferroviaire ne peut limiter sa responsabilité que par l’entremise d’une entente signée par l’expéditeur. Pour que CN puisse bénéficier des limitations de la responsabilité prévues à la clause 6, il faut d’abord déterminer si la lettre de transport en cause est une entente écrite signée par un expéditeur au sens de l’article 137 de la LTC.

 

  • [87] Je conclus que la lettre de transport en cause est une entente écrite signée par l’expéditeur au sens de l’article 137 de la LTC.Il en est ainsi parce que la lettre de transport est un contrat signé par WSL, que j’ai déjà déterminé être l’expéditeur au sens de l’article 137. Conclure que la lettre de transport n’est pas une telle entente reviendrait à dire que, au Canada, les clauses Himalaya ne peuvent pas protéger les transporteurs ferroviaires tiers.Un tel résultat ne serait pas conforme au poids de la jurisprudence.Par exemple, la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Boutique Jacob a statué que si le transporteur ferroviaire ne bénéficiait pas de son contrat confidentiel, il pourrait, par ailleurs, bénéficier des clauses Himalaya en amont (Boutique Jacob (CAF), au paragraphe 59).

 

  • [88] J’aborde maintenant la question de savoir si CN peut, dans les circonstances de l’espèce, limiter sa responsabilité à l’égard des demanderesses en fonction des conditions de la lettre de transport.

 

Position des parties

  • [89] Les demanderesses ne contestent pas l’utilisation des clauses Himalaya en général, mais elles soutiennent qu’en limitant sa responsabilité selon les modalités du contrat confidentiel, CN ne peut maintenant s’appuyer sur les modalités de la clause Himalaya pour limiter sa responsabilité.

 

  • [90] Aussi bien CN que WSL soutiennent que CN peut bénéficier des conditions de la lettre de transport.

 

Analyse

  • [91] Comme il a été expliqué précédemment, la clause Himalaya a pour effet d’étendre à des tiers tous les avantages accordés aux parties contractantes en vertu de la lettre de transport, y compris les dispositions limitant la responsabilité.Selon moi, le libellé clair de la clause 6 étend ces avantages à CN, nonobstant l’existence du contrat confidentiel.La clause 6 prévoit en partie que [traduction] « ... le transporteur maritime a le droit de confier en sous-traitance, quelles que soient les conditions... » et que [traduction] « ...les autres personnes employées par le transporteur maritime pour l’exécution de services relatifs aux marchandises et aux marchandises de tiers, seront bénéficiaires du connaissement et auront droit à tous les moyens de défense, toutes les exemptions et toutes les limitations de la responsabilité auxquels le transporteur maritime a droit en vertu de la présente... ». Il s’ensuit que, par entente, WSL a le droit de conclure un contrat de sous-traitance avec CN, quelles que soient les conditions et, peu importe les conditions, CN demeure bénéficiaire en vertu de la lettre de transport.WSL et les demanderesses ont convenu d’étendre l’avantage nonobstant les conditions convenues dans le contrat de sous-traitance.

 

  • [92] De plus, la clause Himalaya est particulièrement en jeu lorsqu’un contrat de sous-traitance pour l’exécution d’une partie ou de l’intégralité du contrat de transport a été signé.Alléguer que l’existence d’un contrat de sous-traitance constitue un obstacle à l’accès aux avantages des conditions de la lettre de transport ne tiendrait pas compte de l’objectif même de la clause Himalaya.

 

  • [93] Dans K.H. Enterprise v. Pioneer Container, [1994] 1 Lloyd’s Rep 593, page 603 Lord Goff of Chieveley écrit ce qui suit :

[traduction]

S’il s’avère qu’il y a en conséquence deux régimes alternatifs que le sous-dépositaire peut invoquer, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’ils seront incompatibles; il ne s’ensuit pas non plus, s’ils sont incompatibles, que le sous-dépositaire ne devrait pas avoir le droit de choisir d’invoquer l’un ou l’autre d’entre eux contre le propriétaire des marchandises.

 

 

Par conséquent, nonobstant l’existence du contrat confidentiel, CN ne s’est pas soustrait par contrat à l’avantage de la lettre de transport. CN devrait plutôt être libre de choisir entre les deux régimes et de limiter sa responsabilité selon celui qui lui est le plus bénéfique. CN peut donc choisir de limiter sa responsabilité selon les modalités du contrat confidentiel ou selon les modalités de la lettre de transport du WSL.  

 

Quelle est la limitation?

 

  • [94] Si CN choisit de se prévaloir des conditions de la lettre de transport, la limitation de sa responsabilité serait la même que celle de WSL.Comme cela a été établi ci-dessus, dans les circonstances, la limitation de la responsabilité de WSL est de 50 000 dollars des États-Unis. Il s’ensuit que la limitation de la responsabilité de CN serait également de 50 000 dollars des États-Unis.

 

VI.  Conclusion

  • [95] En résumé, comme l’exige l’ordonnance de disjonction modifiée, je conclus comme suit en ce qui concerne les limitations de la responsabilité des défenderesses CN et WSL.Je conclus que la responsabilité de WSL est limitée par les conditions de la lettre de transport et que le contrat de transport est régi par les conditions de la COGSA.Par conséquent, la limitation de la responsabilité de WSL est de 500 dollars des États-Unis par colis.Dans les circonstances, je définis un colis comme étant une palette.CN peut choisir de se prévaloir de la limitation de la responsabilité convenue dans son contrat confidentiel ou de la limitation de la responsabilité prévue dans la lettre de transport à l’égard des demanderesses.Si CN choisit la deuxième option, sa limitation de responsabilité est la même que celle de WSL.

 

  • [96] La question des dépens est remise à plus tard.Les parties doivent se rencontrer et s’efforcer de s’entendre sur les dépens.Le vendredi 21 août 2009 ou avant cette date, elles devront communiquer avec la Cour afin de déterminer si plus de temps est nécessaire pour tenter de s’entendre sur les dépens. En l’absence d’une entente, la Cour recevra les observations écrites concernant les dépens au plus tard le 18 septembre 2009.


JUGEMENT

 

  LA COUR STATUE que, pour les motifs qui précèdent :

 

1.  Le document d’expédition de WSL est une lettre de transport;

2.  La responsabilité de WSL est limitée par les conditions de la lettre de transport;

3.   Le contrat de transport est régi par les conditions de la COGSA;

4.  Dans les circonstances, un « colis » est défini comme étant une palette;

5.  la limitation de la responsabilité de WSL est de 500 dollars des États-Unis par colis;

6.  CN peut choisir de se prévaloir de la limitation de la responsabilité convenue dans son contrat confidentiel ou de la limitation de la responsabilité prévue dans la lettre de transport à l’égard des demanderesses. Si CN choisit la deuxième option, sa limitation de responsabilité est la même que celle de WSL;

7.  La question des dépens est remise à plus tard. Le vendredi 21 août 2009 ou avant cette date, les parties devront communiquer avec la Cour afin de déterminer si plus de temps est nécessaire pour tenter de s’entendre sur les dépens. En l’absence d’une entente, la Cour recevra les observations écrites concernant les dépens au plus tard le 18 septembre 2009.

 

 

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge


ANNEXE




 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :  T-1600-05

 

INTITULÉ :  Cami Automotive, Inc. et Aisin World Corporation of America c. Westwood Shipping Lines Inc., AS Borgestad Shipping et CN

  ET ENTRE :

Westwood Shipping Lines Inc. (auteur de la mise en cause)

et Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (mise en cause)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Du 24 au 26 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :  LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DE L’ORDONNANCE :   Le 24 juin 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Barry Oland et

Leona Baxter

 

POUR LES DEMANDERESSES

Tom Keast et

Andrew Epstein

 

POUR LA DÉFENDERESSE CN

Graham Walker et

Dionysios Rossi

POUR LA DÉFENDERESSE WESTWOOD SHIPPING

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Oland and Co.

604-683-9621

 

POUR LES DEMANDERESSES

Watson Gopel Maledy

604-686-1301

 

POUR LA DÉFENDERESSE CN

Borden Ladner Gervais

604-687-5744

POUR LA DÉFENDERESSE WESTWOOD SHIPPING

 

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