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Cour fédérale

 

Federal Court


 

 

 

 

 


Date : 20090804

 Dossier : T­1361­07

Référence : 2009 CF 796

Ottawa (Ontario), le 4 août 2009

En présence de monsieur le juge Kelen

 

ENTRE :

DANIEL KING

demandeur

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur, M. Daniel King, a engagé la présente requête en autorisation d’instance comme recours collectif en vertu du paragraphe 334.16(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98­106 (les Règles), dans laquelle il sollicite que la procédure en l’espèce soit autorisée comme recours collectif et qu’il soit nommé comme représentant demandeur.

 

LES FAITS

[2]               Le demandeur a subi une blessure en milieu de travail et a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C­8 (le RPC), le 10 mai 1996.

 

[3]               Le demandeur a reçu une lettre le 12 septembre 1996, dans laquelle on l’informait que sa demande avait été rejetée parce qu’elle ne respectait pas les exigences du RPC. Le demandeur a sollicité une révision de sa demande, laquelle a également été rejetée. Il a par la suite interjeté appel du rejet de sa demande auprès d’un tribunal de révision, qui a rejeté l’appel le 24 juillet 1998.

 

[4]               Le demandeur a interjeté appel auprès de la Commission d’appel des pensions (la CAP), qui a accueilli l’appel le 26 novembre 2002 et a ordonné qu’il soit payé au demandeur une pension d’invalidité rétroactive en date de février 1995.

 

[5]               Le demandeur a reçu 109 869,49 $ du ministère de la défenderesse – lequel se nomme « Développement des ressources humaines Canada (DRHC) » –, soit le total des versements mensuels des prestations qu’il aurait reçu si ces versements avaient été faits en temps utile. Le demandeur a sollicité le paiement d’intérêts sous forme de versements supplémentaires. Il a reçu une lettre de DRHC, qui l’informait que la politique du Ministère était de ne pas payer d’intérêts. Le demandeur a par la suite sollicité des mesures correctives en vertu du paragraphe 66(4) du RPC. Cette demande a été rejetée le 18 juillet 2007.

 

[6]               À la suite de cette décision, le demandeur a engagé la présente procédure de contrôle judiciaire de la décision du ministre de refuser de payer des intérêts ou de verser toute autre forme de prestations bonifiées afin qu’il soit dédommagé pour le retard de sept ans dans le versement de prestations d’invalidité qu’il s’était vu en définitive accorder.

 

[7]               Le 22 février 2008, j’ai formulé le point de droit qui suit afin qu’une décision préliminaire soit rendue à son égard :

La décision de la Commission d’appel des pensions selon laquelle le demandeur a droit à une pension d’invalidité implique­t­elle que la décision initiale de la ministre des Ressources humaines et du Développement social lui refusant une pension d’invalidité était fondée sur un « avis erroné » au sens du paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada?

 

[8]               À la suite d’une audience, le juge Phelan a tranché le point de droit précité par l’affirmative le 20 juin 2008 : King c. Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement social), 2008 CF 777, 330 F.T.R. 217. La défenderesse a interjeté appel de l’ordonnance du juge Phelan auprès de la Cour d’appel fédérale le 23 juillet 2008. Elle a présenté une requête en sursis de l’audition de la demande de contrôle judiciaire du demandeur jusqu’à ce que soit tranché cet appel le 27 août 2008, requête que j’ai rejetée. J’ai conclu que retarder davantage la demande n’était pas dans l’intérêt de la justice envers le public ou le demandeur, et que la défenderesse ne subirait pas de préjudice irréparable si le sursis n’était pas accordé.

 

[9]               La Cour fédérale a entendu la présente requête en autorisation d’instance comme recours collectif à Ottawa, le mardi 20 janvier 2009. Lors de l’audience, les parties et la Cour ont convenu que la Cour reporterait sa décision jusqu’à ce que la Cour d’appel fédérale ait rendu l’arrêt portant sur la décision du juge Phelan qui concernait le point de droit préliminaire, étant donné que la Cour d’appel fédérale avait à ce moment­là prévu que l’appel aurait lieu le 2 mars 2009. La Cour d’appel fédérale a entendu l’appel le 2 mars 2009 et a rendu son jugement infirmant la décision du juge Phelan le 2 avril 2009 : King c. Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement social), 2009 CAF 105. À la suite de cette décision, la Cour a invité les parties à présenter des observations supplémentaires, lesquelles ont été déposées le 10 juillet 2009. La Cour a attentivement examiné ces observations.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]           La question dont est saisie la Cour est de savoir si la requête en autorisation d’instance comme recours collectif présentée par le demandeur respecte les conditions de l’article 334.16 des Règles.

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES

[11]           Le paragraphe 334.16(1) des Règles dispose que :

334.16 (1) Sous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une instance comme recours collectif si les conditions suivantes sont réunies :

a) les actes de procédure révèlent une cause d’action valable;

b) il existe un groupe identifiable formé d’au moins deux personnes;

c) les réclamations des membres du groupe soulèvent des points de droit ou de fait communs, que ceux­ci prédominent ou non sur ceux qui ne concernent qu’un membre;

 

d) le recours collectif est le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs;

 

e) il existe un représentant demandeur qui :

 

(i) représenterait de façon équitable et adéquate les intérêts du groupe,

(ii) a élaboré un plan qui propose une méthode efficace pour poursuivre l’instance au nom du groupe et tenir les membres du groupe informés de son déroulement,

 

(iii) n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait communs,

 

            (iv) communique un sommaire des conventions relatives aux honoraires et débours qui sont intervenues entre lui et l’avocat inscrit au dossier.

 

 334.16 (1) Subject to subsection (3), a judge shall, by order, certify a proceeding as a class proceeding if

 

 

(a) the pleadings disclose a reasonable cause of action;

 

(b) there is an identifiable class of two or more persons;

 

(c) the claims of the class members raise common questions of law or fact, whether or not those common questions predominate over questions affecting only individual members;

 

(d) a class proceeding is the preferable procedure for the just and efficient resolution of the common questions of law or fact; and

 

(e) there is a representative plaintiff or applicant who

 

(i) would fairly and adequately represent the interests of the class,

 

 

(ii) has prepared a plan for the proceeding that sets out a workable method of advancing the proceeding on behalf of the class and of notifying class members as to how the proceeding is progressing,

 

(iii) does not have, on the common questions of law or fact, an interest that is in conflict with the interests of other class members, and

 

(iv) provides a summary of any agreements respecting fees and disbursements between the representative plaintiff or applicant and the solicitor of record.

 

 

[12]           Le paragraphe 334.16(2) des Règles dispose que :

Facteurs pris en compte

(2) Pour décider si le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs de façon juste et efficace, tous les facteurs pertinents sont pris en compte, notamment les suivants :

 

a) la prédominance des points de droit ou de fait communs sur ceux qui ne concernent que certains membres;

 

b) la proportion de membres du groupe qui ont un intérêt légitime à poursuivre des instances séparées;

 

c) le fait que le recours collectif porte ou non sur des réclamations qui ont fait ou qui font l’objet d’autres instances;

d) l’aspect pratique ou l’efficacité moindres des autres moyens de régler les réclamations;

      e) les difficultés accrues engendrées par la gestion du recours collectif par rapport à celles associées à la gestion d’autres mesures de redressement.

 

Matters to be considered

 

(2) All relevant matters shall be considered in a determination of whether a class proceeding is the preferable procedure for the just and efficient resolution of the common questions of law or fact, including whether

 

(a) the questions of law or fact common to the class members predominate over any questions affecting only individual members;

 

(b) a significant number of the members of the class have a valid interest in individually controlling the prosecution of separate proceedings;

 

(c) the class proceeding would involve claims that are or have been the subject of any other proceeding;

 

(d) other means of resolving the claims are less practical or less efficient; and

 

       (e) the administration of the class proceeding would create greater difficulties than those likely to be experienced if relief were sought by other means.

 

[13]           En outre, l’article 334.18 des Règles dispose que :

334.18 Le juge ne peut invoquer uniquement un ou plusieurs des motifs ci­après pour refuser d’autoriser une instance comme recours collectif :

a) les réparations demandées comprennent une réclamation de dommages­intérêts qui exigerait, une fois les points de droit ou de fait communs tranchés, une évaluation individuelle;

b) les réparations demandées portent sur des contrats distincts concernant différents membres du groupe;

c) les réparations demandées ne sont pas les mêmes pour tous les membres du groupe;

d) le nombre exact de membres du groupe ou l’identité de chacun est inconnu;

e) il existe au sein du groupe un sous­groupe dont les réclamations soulèvent des points de droit ou de fait communs que ne partagent pas tous les membres du groupe.

 

334.18 A judge shall not refuse to certify a proceeding as a class proceeding solely on one or more of the following grounds:

 

(a) the relief claimed includes a claim for damages that would require an individual assessment after a determination of the common questions of law or fact;

 

(b) the relief claimed relates to separate contracts involving different class members;

 

(c) different remedies are sought for different class members;

 

(d) the precise number of class members or the identity of each class member is not known; or

(e) the class includes a subclass whose members have claims that raise common questions of law or fact not shared by all of the class members.

 

[14]           Le paragraphe 66(4) du RPC dispose que :

66. (4) Dans le cas où le ministre est convaincu qu’un avis erroné ou une erreur administrative survenus dans le cadre de l’application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas :

 

a) en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi,

 

b) le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application de l’article 55 ou 55.1,

 

c) la cession d’une pension de retraite conformément à l’article 65.1,

 

le ministre prend les mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l’autorité de la présente loi s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.

66. (4) Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied

 

 

 

(a) a benefit, or portion thereof, to which that person would have been entitled under this Act,

 

(b) a division of unadjusted pensionable earnings under section 55 or 55.1, or

 

 

 

(c) an assignment of a retirement pension under section 65.1,

 

 

the Minister shall take such remedial as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.

 

 

 

ANALYSE

[15]           Ma collègue la juge Mactavish a récemment résumé de façon éloquente les objectifs et le critère relatifs à l’autorisation d’une action comme recours collectif dans la décision Buffalo c. Nation crie de Samson, 2008 CF 1308. Aux paragraphes 28 à 32, la juge Mactavish a affirmé ce qui suit :

28        Comme la Cour suprême du Canada l’a souligné, les recours collectifs visent à faciliter l’accès à la justice à ceux qui ne pourraient pas revendiquer leurs droits dans le cadre du processus judiciaire habituel. Les recours collectifs permettent en outre de réaliser des économies sur le plan judiciaire en donnant à la Cour la possibilité de rendre une décision dans une seule action, décision qui s’appliquera à de nombreuses autres réclamations portant sur des questions semblables. Enfin, les recours collectifs sont utiles parce qu’ils encouragent les malfaisants à modifier leur comportement : voir Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, 2001 CSC 46, Hollick c. Toronto (Ville), [2001] 3 R.C.S. 158, 2001 CSC 68, et Rumley c. Colombie­Britannique, [2001] 3 R.C.S. 184, 2001 CSC 69.

 

29     Dans la trilogie susmentionnée, la Cour suprême du Canada a également dit que les tribunaux devaient éviter d’appliquer une démarche trop restrictive en matière d’autorisation des recours collectifs pour adopter une interprétation qui donne pleinement effet aux avantages escomptés.

 

30     En outre, comme l’a dit la Cour suprême dans Hollick :

 

[L]’étape de la certification intéresse la forme que revêt l’action. La question à cette étape n’est pas s’il est vraisemblable que la demande aboutisse, mais s’il convient de procéder par recours collectif. [Au paragraphe 16.]

 

31     En d’autres termes, une requête en autorisation d’un recours collectif est une question de procédure. Elle vise non pas à savoir si le litige a des chances de succès, mais plutôt comment il devrait se dérouler : voir Sauer c. Canada (Attorney General), [2008] O.J. no 3419, (J.C.S.), au paragraphe 12.

 

32     Dans une requête semblable à celle dont la Cour est saisie en l’espèce, il appartient à la partie demanderesse d’établir un certain fondement factuel à l’appui de l’autorisation, c’est­à­dire qu’elle doit établir un certain fondement factuel pour chacune des conditions énoncées dans les Règles, y compris l’exigence voulant que les actes de procédure révèlent une cause d’action valable. Cette dernière exigence est régie par le principe selon lequel un acte de procédure ne devrait pas être radié à moins qu’il ne soit « manifeste et évident » qu’il n’y a lieu à aucune réclamation : voir Hollick, au paragraphe 25.

 

 

[16]           Le libellé du paragraphe 334.16(1) des Règles est impératif et dispose qu’une cour autorise une instance comme recours collectif si l’ensemble des conditions sont réunies. Les éléments du critère sont conjonctifs; si le demandeur ne respecte pas l’un ou l’autre des critères énumérés, la requête doit être rejetée comme le mentionne la juge Mactavish au paragraphe 34 de la décision Buffalo c. Nation crie de Samson, 2008 CF 1308. La défenderesse soutient que le demandeur ne respecte aucune des conditions du paragraphe 334.16(1) des Règles, précité. Par conséquent, chaque condition sera examinée à tour de rôle.

 

a)         Cause d’action valable

[17]           Le demandeur allègue qu’il y a trois causes d’action. Afin de déterminer si les trois causes d’action sont valables, la Cour appliquera les critères relatifs à la radiation des demandes de contrôle judiciaire, c’est­à­dire la question de savoir si la cause d’action alléguée est manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie. Voir l’arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. [1995] 1 C.F. 588 (C.A.F.). Il s’agit du critère approprié parce que le présent recours collectif envisagé a été présenté au moyen d’une demande de contrôle judiciaire et non au moyen d’une action.

 

[18]           Le demandeur soutient qu’il y a trois causes d’action valables dans le présent recours collectif envisagé. La première cause d’action est que la décision du ministre de rejeter la demande de pension du demandeur était fondée sur un « avis erroné » au sens du paragraphe 66(4) du RPC parce que la CAP a affirmé qu’elle ne s’était fondée sur aucun nouvel élément de preuve lorsqu’elle avait accueilli l’appel. Par conséquent, la demande présentée en vertu du paragraphe 66(4) visant à ce que le ministre verse des intérêts au demandeur, laquelle demande a été rejetée, donne au demandeur une cause d’action en ce sens qu’il peut solliciter le contrôle judiciaire de la décision du ministre de refuser de lui verser des intérêts.

 

[19]           La deuxième cause d’action alléguée par le demandeur est que la décision initiale du ministre de ne pas lui accorder de pension était fondée sur une erreur de droit, et ce, peu importe si le demandeur a présenté une demande de révision de cette décision au ministre ou a interjeté appel au tribunal de révision ou bien, en définitive, à la Commission d’appel des pensions.

 

[20]           La troisième cause d’action alléguée est le rejet de la demande présentée par le demandeur d’obtenir les documents sur lesquels le ministre s’était fondé, documents qui renfermaient certains renseignements médicaux. Le demandeur affirme qu’il s’agit d’un manquement à l’obligation d’équité qui équivaut à une « erreur administrative » ou à un « avis erroné » au sens du paragraphe 66(4) du RPC. La Cour examinera chacune des causes d’action.

 

            i)          La première cause d’action

[21]           En ce qui concerne la première cause d’action, lors de l’audience, la défenderesse a convenu que la décision du juge Phelan, si elle était confirmée en appel, dispose que le ministre a refusé d’accorder une pension au demandeur sur le fondement d’un « avis erroné » et que le demandeur a une cause d’action en ce sens qu’il peut présenter un contrôle judiciaire de la décision du ministre de ne pas lui accorder d’intérêts en vertu du paragraphe 66(4) du RPC. La lecture de la décision du juge Phelan et de la décision de la CAP révèle que le demandeur respecte deux conditions préalables quant à la présente cause d’action :

1.                  la CAP a conclu que le demandeur avait droit à une pension d’invalidité et la décision du ministre de lui refuser la pension d’invalidité était erronée;

2.                  dans sa décision, la CAP a mentionné que sa décision n’était fondée sur aucun nouvel élément de preuve dont n’aurait pas initialement disposé le ministre.

Par suite de cette conclusion tirée par la Commission d’appel des pensions, le demandeur a présenté une demande au ministre en vertu du paragraphe 66(4) du RPC afin qu’il lui soit versé des intérêts. Lorsque des versements rétroactifs de prestations d’invalidité sont accordés, des intérêts ne sont pas automatiquement alloués. Il faut présenter une demande au ministre en vertu du paragraphe 66(4). Par conséquent, si la Cour d’appel fédérale avait confirmé la décision du juge Phelan, je serais convaincu que la présente demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur établit une cause d’action valable justifiant que soit donné suite à l’affaire.

 

[22]           Le 2 avril 2009, le juge Sexton, dans l’arrêt Procureur général du Canada c. Daniel King, 2009 CAF 105, rendu au nom de la Cour d’appel fédérale, a autorisé l’appel de la décision du juge Phelan, a infirmé la décision du juge Phelan et a répondu par la négative au point de droit préliminaire qui suit et que j’avais formulé afin que l’on statut à son égard :

La décision de la Commission d’appel des pensions selon laquelle le demandeur a droit à une pension d’invalidité implique­t­elle que la décision initiale de la ministre des Ressources humaines et du Développement social lui refusant une pension d’invalidité était fondée sur un « avis erroné » au sens du paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada?

 

[23]           La Cour d’appel fédérale a conclu que les mots « avis erroné » utilisés au paragraphe 66(4) du RPC s’entendent d’avis que le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences donne à un membres du public, et non aux avis que les fonctionnaires peuvent donner à l’occasion au ministre lorsqu’une décision doit être prise quant à savoir si une pension devrait être accordée. Le juge Sexton a conclu ce qui suit au paragraphe 31 :

[…] Le RPC est un des régimes de prestations sociales les plus importants au pays. La loi et ses règlements sont complexes, et de nombreux requérants ne sont pas représentés par avocat. Ainsi, il arrive que des fonctionnaires du ministère communiquent des renseignements sommaires par téléphone ou en personne dans les bureaux locaux du ministère concernant le droit à des prestations, les délais pour présenter une demande, et ainsi de suite. Lorsqu’un fonctionnaire communique des renseignements inexacts à un membre du public, et qu’il s’ensuit le refus d’une prestation, la ministre peut décider de prendre une mesure corrective. C’est ce genre de situation dont il a été question dans toutes les décisions antérieures de la Cour et de la Cour fédérale concernant le paragraphe 66(4) […].

 

[24]           La Cour d’appel a conclu que si la décision de la CAP qui, en l’absence de nouveaux éléments de preuve, infirme la décision du ministre constituait la preuve qu’un avis erroné avait été donné, le ministre ne disposerait d’aucun pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 66(4), qui dispose que le ministre doit être convaincu qu’une erreur a été commise.

 

[25]           Le juge Sexton a également conclu au paragraphe 35 que, dans la présente affaire, il était clair que la CAP avait eu accès à des d’éléments de preuve dont l’évaluateur médical ne disposait pas au moment où la décision initiale de refuser la pension d’invalidité de M. King a été prise. La Cour d’appel a aussi conclu que la décision de la CAP révèle clairement que la CAP s’était fondée sur de nouveaux éléments de preuve. Par conséquent, la conclusion initiale du ministre, selon laquelle l’invalidité n’était pas grave et prolongée, n’était pas fondée sur un avis erroné du seul fait que la CAP a infirmé la décision du ministre. La CAP disposait de nouveaux éléments de preuve.

 

[26]           Au paragraphe 37, le juge Sexton a terminé en concluant que si l’appel de M. King devait être accueilli, les répercussions financières pour divers ministères pourraient « bien s’avérer considérables ». De nombreuses lois accordant des prestations comportent des dispositions semblables au paragraphe 66(4) du RCP. Le juge Sexton a conclu que cela pourrait ouvrir la porte à un « déluge de réclamations » en vertu du RPC et d’autres lois et que « […] rien n’indique que tel ait été l’intention du législateur ».

 

[27]           Par conséquent, vu l’arrêt de la Cour d’appel fédérale, les parties ont convenu que M. King n’a pas de cause d’action sur le fondement de l’allégation selon laquelle, étant donné que la CAP a infirmé la décision du ministre, la décision du ministre de ne pas lui octroyer de pension était « fondée sur un avis erroné ».

 

            (ii)        La deuxième cause d’action

[28]           En ce qui concerne la deuxième cause d’action alléguée, à savoir que le ministre aurait commis une erreur de droit en refusant d’accorder la pension d’invalidité, cette erreur alléguée constitue une question mixte de fait et de droit qui devrait être tranchée dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Cependant, une personne ne peut pas présenter de contrôle judiciaire si elle peut exercer d’autres voies d’appel appropriées en vertu d’une loi. M. King a bien exercé ses autres recours : il a tout d’abord sollicité une révision de la part ministre, puis interjeté appel au tribunal de révision et enfin interjeté appel à la Commission d’appel des pensions. Si une personne n’est pas satisfaite de la décision de la Commission d’appel des pensions, elle a le droit de présenter une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour d’appel fédérale. La Cour n’a pas cette compétence. La deuxième cause d’action n’a aucune chance de succès. De toute façon, le demandeur a eu gain de cause devant la CAP et n’a aucune autre cause d’action en ce qui concerne cette erreur alléguée par suite de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale en l’espèce.

 

[29]           En outre, même s’il est conclu que le ministre a commis une erreur de droit en refusant d’accorder la pension d’invalidité, le demandeur devrait se fonder sur le paragraphe 66(4) afin d’obtenir le paiement d’intérêts sur le fondement de cette allégation. L’arrêt de la Cour d’appel fédérale a restreint la portée des mots « avis erroné » se trouvant au paragraphe 66(4) : il s’agit d’avis donné au public. Est donc exclue de cette définition l’erreur de droit qui pourrait être commise par le ministre en refusant d’accorder la pension d’invalidité au demandeur. Par conséquent, même si le demandeur avait obtenu une décision du décideur approprié qui aurait conclu que le ministre avait commis une erreur de droit en lui refusant sa demande de pension, il n’aurait pas, sur ce fondement, de cause d’action visant le paiement d’intérêts en vertu du paragraphe 66(4).

 

            (iii)       La troisième cause d’action

[30]           La troisième cause d’action, à savoir que le ministre n’a pas divulgué les documents sur lesquels il s’était fondé pour prendre sa décision, ne respecte aucune des conditions préalables à une demande visant le versement d’intérêts présentée en vertu du paragraphe 66(4). L’omission de fournir les documents ne constitue pas une « erreur administrative » ou un « avis erroné » sur lesquels le ministre aurait fondé sa décision de refuser d’accorder la pension. Le demandeur allègue que l’omission de divulguer ces documents constituait une « erreur administrative ». Cependant, même si c’était le cas, le paragraphe 66(4) exige que le refus d’accorder la pension découle de l’erreur administrative. Même si ces documents étaient divulgués, cela ne veut pas dire que le demandeur de pension d’invalidité aurait droit à une pension. Par conséquent, la présente cause d’action n’a aucune chance de succès.

 

Conclusion

[31]           Étant donné que les actes de procédure ne révèlent aucune cause d’action valable, la Cour n’a pas besoin d’examiner les autres conditions prévues au paragraphe 334.16(1) des Règles.

 

LES DÉPENS

[32]           Le paragraphe 334.39(1) des Règles dispose que des dépens ne doivent pas être accordés sauf si la conduite d’une partie a eu pour effet de prolonger inutilement la durée de l’instance ou bien si une partie a pris une mesure inappropriée, vexatoire ou inutile ou encore si cette mesure a été prise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection. Lors de l’audience, les parties ont convenu que les circonstances ne justifiaient pas l’adjudication des dépens en l’espèce.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que :

 

La présente requête en autorisation de contrôle judiciaire comme recours collectif est rejetée.

 

 

                                                                                                         « Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T­1361­07

 

INTITULÉ :                                                   DANIEL KING c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 20 JANVIER 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE KELEN

                                                           

DATE DES MOTIFS :                                  LE 4 AOÛT 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Frank Provenzano

Peter Sengbusch

 

POUR LE DEMANDEUR

Barney Brucker

Travis Henderson

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Frank Provenzano

Avocat

Sault Ste. Marie (Ontario)

 

Peter Sengbusch

Avocat

London (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous­procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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