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Date : 20090810

Dossier : IMM-300-09

Référence : 2009 CF 807

Ottawa (Ontario), le 10 août 2009

En présence de monsieur le juge Orville Frenette

ENTRE :

ZOHREH VAZIRIZADEH

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

I.  Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée en application de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’égard de la décision du 12 décembre 2008 par laquelle la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI), a conclu, en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la Loi, à l’absence de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales, vu les circonstances de l’affaire.

 

II.  Les faits

[2]               La demanderesse, une citoyenne canadienne qui vit à Toronto avec son mari et deux enfants a parrainé sa mère, Nahideh Vazirizadeh, une veuve de 70 ans qui vit en Iran, afin qu’elle obtienne le statut de résident permanent au Canada.

 

[3]               Selon le médecin et d’autres éléments de preuve de nature médicale, la mère de la demanderesse souffrait d’ostéoarthrite aux genoux l’obligeant à subir une intervention visant le remplacement de ses genoux au cours des cinq à dix prochaines années. Son dossier médical démontre également qu’elle est affligée d’autres malaises, qu’elle souffre d’hypertension l’obligeant à prendre des médicaments, et également d’ostéoporose dégénérative de la colonne thoracique.

 

[4]               En 2006, son médecin à Téhéran (Iran), le DM. Rahbar, a confirmé qu’elle devrait subir une intervention visant le remplacement de ses genoux au cours des cinq ou six prochaines années. Selon certains avis médicaux au dossier provenant d’orthopédistes canadiens, elle aura besoin d’une arthroplastie du genou gauche au cours des deux ou trois années suivant 2006.

 

[5]               Le 4 mars 2007, la demande de résidence permanente au Canada déposée par la mère a été refusée par l’agent des visas pour motifs sanitaires conformément au paragraphe 38(1) de la Loi parce que son état de santé « constitu[ait] vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risqu[ait] d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé » au Canada.

 

[6]               Le 30 septembre 2007, soit six mois après la décision mentionnée précédemment, elle a subi une arthroplastie du genou droit en Iran. Son chirurgien iranien a écrit une lettre dans laquelle il affirme que sa patiente est parfaitement en mesure de se servir de son genou droit et qu’il n’a pas été nécessaire de remplacer son genou gauche.

 

[7]               La demanderesse a interjeté appel de la décision de l’agent des visas devant la SAI pour des motifs d’ordre humanitaire conformément au paragraphe 67(1) de la Loi.

 

[8]               Dans sa décision du 12 décembre 2008 la SAI a conclu qu’il n’y avait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales.

 

III.  La décision contestée

[9]               La mère de la demanderesse s’est vue refuser un visa de résident permanent par un agent des visas qui a déterminé qu’elle devait être interdite de territoire au Canada pour motifs sanitaires conformément au paragraphe 38(1) de la Loi, en se fondant sur l’avis donné dans la déclaration médicale signée par la Dre Valerie Hindle le 23 octobre 2006, selon lequel, compte tenu de l’ostéoarthrite aux deux genoux l’obligeant à subir une arthroscopie au cours des cinq à dix années suivant l’année 2006, « elle risque[rait] d’entraîner un fardeau excessif pour les services de santé ».

 

[10]           La SAI a commencé sa décision en citant l’appelante qui a précisé qu’elle n’avait pas contesté la validité juridique du refus de se voir accorder un visa pour des motifs sanitaires. Au paragraphe 7 de sa décision, la SAI révèle que la mère de la demanderesse a souffert d’ostéoarthrite aux deux genoux, mais qu’elle a subi une arthroplastie du genou droit en Iran le 30 septembre 2007. Elle cite également les propos tenus par son spécialiste orthopédiste qui déclare [traduction] « […] qu’elle sera en mesure de très bien se servir de son genou et d’exécuter ses activités quotidiennes. Comme son genou droit va mieux, elle n’a plus besoin d’être opérée au genou gauche ». La SAI fait également remarquer que la mère de l’appelante prend des médicaments pour son hypertension.

 

[11]           La SAI reconnaît que l’appelante a ensuite prétendu qu’étant donné que les motifs sanitaires pour lesquels sa mère a été jugée interdite de territoire ont été « éliminés ou atténués », il convient d’appliquer une norme moins exigeante à l’octroi d’une mesure spéciale. La SAI examine et analyse ensuite les autres motifs d’ordre humanitaire, y compris l’intérêt supérieur des petits‑enfants et la capacité de la mère de l’appelante de l’aider à prendre soin d’eux. Selon la SAI, l’alinéa 67(1)c) de la Loi lui confère un vaste pouvoir discrétionnaire qu’elle exerce, une fois que le principal obstacle à l’admissibilité a été éliminé ou atténué, de façon objective et sans parti pris, après examen de tous les facteurs pertinents, pour décider si elle peut octroyer une mesure spéciale.

 

[12]           Après avoir tenu compte de tous les facteurs, la SAI a alors conclu que l’appel ne pouvait être accueilli étant donné que les motifs d’ordre humanitaire étaient insuffisants pour le justifier.

 

IV.  La question en litige

[13]           La décision rendue par la SAI est-elle erronée en fait et en droit?

 

V.  La norme de contrôle

[14]           Il est établi que lorsque des décisions comportent des questions de fait ou de droit appliquées à des faits, la raisonnabilité est la norme de contrôle applicable. En ce qui a trait aux questions relatives à l’équité procédurale ou aux principes de justice naturelle, la norme applicable est celle de la décision correcte.

 

[15]           La Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. New Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, et dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 SCC 12, a réitéré qu’une déférence doit être manifestée à l’égard des décisions des tribunaux administratifs. Dans Dunsmuir, elle a présenté des lignes directrices relativement à la façon de déterminer la norme de contrôle appropriée. Il faut d’abord examiner la jurisprudence et voir si la norme est appliquée à des cas particuliers et ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la Cour entreprendra l’analyse des quatre éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle. Dans le cas particulier de l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires prononcée par l’agent des visas, la jurisprudence applique la norme de la raisonnabilité. (Vashishat c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 1346; Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Burgon, [1991] 3 C.F. 44 (C.A.F)). J’appliquerai donc la norme de la raisonnabilité au jugement porté en appel en l’espèce.

 

VI.  Dispositions législatives pertinentes

[16]           Le paragraphe 38(1) et l’alinéa 67(1)c) de la Loi se lisent comme suit :

  38. (1) Emporte, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour motifs sanitaires l’état de santé de l’étranger constituant vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risquant d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

 

  67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 [. . .]

 c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a – compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché – des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

  38. (1) A foreign national is inadmissible on health grounds if their health condition

(a)   is likely to be a danger to public health;

(b)   is likely to be a danger to public safety; or

(c)    might reasonably be expected to cause excessive demand on health or social services.

 

  67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 […]

 (c)       other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

VII.  Analyse

[17]           C’est l’agent de l’immigration (ou un agent des visas) qui est appelé à trancher en se fondant sur un avis médical si un demandeur vivant à l’étranger doit être interdit de territoire pour motifs sanitaires. En l’espèce, la décision a été prise sur la foi d’un avis médical relativement à l’état de santé de la mère de la demanderesse en date du 4 mars 2007, selon lequel cette dernière était considérée interdite de territoire en raison de son état de santé à cette date. Cette décision n’est pas contestée par la demanderesse, mais cette dernière prétend que la SAI a commis une erreur parce qu’elle n’a pas considérée le fait que l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires n’existait plus étant donné que, depuis que la décision avait été rendue, sa mère avait subi une arthroplastie du genou droit.

 

[18]           La demanderesse soutient qu’à l’audience de la SAI, qui était une nouvelle audience, la SAI n’a pas tenu compte de l’état de santé récent de l’appelante. Le défendeur répond aux observations de la demanderesse par un argument à deux volets. D’abord, il prétend que la simple lecture du jugement de la SAI démontre que cette dernière a analysé l’état de santé tel qu’il était au moment où l’agent des visas a pris sa décision en 2007 et tel qu’il était au moment de l’audience de la SAI en 2008, y compris les éléments de preuve relatifs à l’arthroplastie du genou, la physiothérapie et l’avis du spécialiste orthopédiste de l’appelante. Cependant, la SAI réitère ou cite l’avis médical initial qui, mis à part la probabilité d’une arthroplastie du genou, précise que la mère de l’appelante souffre d’autres problèmes médicaux, dont l’hypertension, l’obésité, l’ostéoporose et l’ostéoarthrite, de modifications dégénératives de la colonne et des mains ainsi que d’ostéoporose dégénérative de la colonne thoracique. En conséquence, l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires prononcée à l’égard de la mère de la défenderesse, n’a pratiquement pas changé depuis son arthroplastie, et compte tenu de son âge et des malaises qui l’affligent, les motifs sanitaires s’accentueront selon l’avis médical dominant. Compte tenu de ces faits, les observations de l’appelante relativement à cette question sont erronées eu égard aux faits parce que l’intervention chirurgicale qu’a subie la mère de la demanderesse n’a pas guéri ses malaises, dont certains sont dégénératifs.

 

[19]           Deuxièmement, le défendeur allègue que seule la SAI peut infirmer l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires prononcée à l’égard d’un demandeur vivant à l’étranger lorsque de nouveaux éléments de preuve démontrent que la décision de l’agent était erronée ou pour des motifs fondés sur l’équité procédurale.

 

[20]           Dans Mohamed c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 3 C.F. 90, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’état de santé au moment où l’agent des visas a refusé d’octroyer le visa était la seule considération pertinente et qu’une amélioration subséquente de l’état de santé était seulement une considération pertinente eu égard à l’octroi de mesures spéciales.

 

[21]           La Cour d’appel fédérale avait répondu à la même question de la même manière dans Shanker c. Canada (M.E.I.), [1987] A.C.F. no 557 (QL), et Canada (M.E.I.) c. Jiwanpuri (1990), 109 N.R. 293. Voir aussi Jugpall c. Canada (M.C.I.), 2 Imm. L.R. (3d) 222, au paragraphe 25, et Lao c. Canada (M.C.I.), 36 Imm. L.R. (2d) 265.

 

[22]           Je dois conclure que le raisonnement du défendeur est exact.

 

[23]           En l’espèce, la demanderesse n’a pas contesté la décision de l’agent des visas relativement à l’interdiction de territoire pour motif sanitaires et ce qui s’est passé depuis, et la  preuve ne remet pas en question la décision rendue.

 

[24]           La demanderesse prétend que la SAI n’a pas tenu compte de toute l’information dont elle disposait ni de la demande écrite de son avocat. Elle soutient que la SAI aurait dû, à l’exemple de Jugpall, précitée, considérer que les motifs d’interdiction de territoire doivent être examinés en premier et que si l’interdiction est maintenue, la décision à l’égard des motifs d’ordre humanitaire doit être prise en fonction d’une échelle permettant de juger des circonstances. Il faut souligner que la décision en question a été rendue par la Section d’appel de l’immigration et que les faits ne portaient pas sur l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires. De plus, elle se distingue considérablement de la décision qui nous concerne parce que dans Jugpall la question à trancher ne pouvait l’être que dans un « délai [d’un an précédant la demande] prescrit par règlement ». En l’espèce, il s’agit d’une interdiction de territoire pour motifs sanitaires qui n’est pas assujettie à un délai de prescription par l’article 38 de la Loi.

 

[25]           Le défendeur rétorque que la SAI a fait remarquer que la demanderesse n’avait pas contesté la validité juridique de l’interdiction pour motifs sanitaires prononcée par l’agent des visas avant qu’elle apprécie l’affaire sur le fondement de l’alinéa 67(1)c) de la Loi, pour motifs d’ordre humanitaire. Le défendeur soutient que, dans ses motifs, la SAI a soigneusement évalué l’ensemble des éléments de preuve dans le contexte propre aux motifs d’ordre humanitaire, tenant compte de l’arthroplastie et de la lettre du spécialiste orthopédique iranien. La SAI a ensuite évalué les motifs d’ordre humanitaire à partir d’un critère moins élevé compte tenu de l’état de santé plus récent de la mère de la demanderesse et de sa situation. Elle a conclu qu’en l’espèce, les facteurs étaient neutres et, exerçant son pouvoir discrétionnaire, elle a conclu que les circonstances de l’affaire ne justifiaient pas la prise de mesures spéciales.

 

[26]           La jurisprudence est claire : à moins que le demandeur puisse établir que la décision de l’agent ou de la SAI relativement à l’interdiction de territoire fondée sur le paragraphe 38(1) de la Loi est erronée compte tenu du risque de fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée (Newton-Juliard c. Canada (M.C.I.), 57 Imm. L.R. (3d) 15; Kirec c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 800; Airapetyan c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 42).

 

[27]           En l’espèce, la décision de l’agent des visas n’est pas contestée par la demanderesse et la décision de la SAI a été rendue en tenant compte de tous les faits pertinents, y compris l’arthroplastie du genou droit et des avis médicaux divergents relativement au genou gauche, ainsi que tous les autres malaises dont souffre toujours la mère de la demanderesse.

 

[28]           À mon avis, la décision est bien fondée en ce qui a trait aux faits et au droit, satisfait amplement au critère de la décision raisonnable (Dunsmuir, précitée) et n’a pas rempli le critère de la cause défendable établi dans Bains c. Canada (M.E.I.) (1990), 109 N.R. 239 (C.A.F.).

 

[29]           La présente demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.

 

[30]           Aux fins de certification, l’avocate de la demanderesse a soulevé les questions suivantes auxquelles s’est opposé le défendeur :

[traduction]

Quel critère doit être appliqué par le commissaire de la Section d’appel de l’immigration (SAI) dans les affaires où le demandeur est interdit de territoire pour motifs sanitaires et compte tenu du fait que l’audience devant la SAI constitue une nouvelle audience :

 

1)  CRITÈRE À DEUX VOLETS : Lors de l’audience de la SAI, le commissaire doit‑il d’abord déterminer si l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires continue d’exister (comme le précise l’art. 38 de la LIPR), et ensuite

a)      s’il y a toujours interdiction, le commissaire devrait-il tenir compte des motifs d’ordre humanitaire?

b)      si l’interdiction de territoire n’existe PLUS (c’est‑à‑dire que les motifs sanitaires d’interdiction n’existent plus), l’examen du commissaire doit-il s’arrêter là? (Il n’y a pas lieu de poursuivre l’examen pour motifs d’ordre humanitaire.)

 

OU

 

2)  CRITÈRE UNIQUE : Le critère est-il simplement d’évaluer jusqu’à quel point l’obstacle de nature médicale a été réduit ou surmonté et donc, jusqu’à quel point il a diminué les motifs d’ordre humanitaire (en fonction d’une échelle)?

NOTE : Selon le chapitre ENF 19 – Appels à la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, section 6 – c’est le critère de l’équité qu’il faut appliquer en présence de motifs d’ordre humanitaire.

 

ET/OU

 

3) Que constitue une « erreur de droit », dans le contexte de l’article 67 de la LIPR et est‑elle assujettie à un délai de prescription (au moment du premier refus ou à celui de l’audience de la SAI)?

 

 

[31]           Je crois qu’il faut d’abord examiner le droit portant sur les questions à certifier afin d’établir si le critère ou les conditions sont remplis en l’espèce.

 

[32]           En matière de contrôle judiciaire, les appels interjetés devant la Cour d’appel fédérale sont régis par l’alinéa 74d) de la Loi dont voici le texte :

  74.  Les règles suivantes s’appliquent à la demande de contrôle judiciaire :

 [. . .]

d)   le jugement consécutif au contrôle judiciaire n’est susceptible d’appel en Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci.

 

  74.  Judicial review is subject to the following provisions:

 […]

(d) an appeal to the Federal Court of Appeal may be made only if, in rendering judgment, the judge certifies that a serious question of general importance is involved and states the question.

 

 

[33]           Dans Varela c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CAF 145, la Cour d’appel fédérale nous a rappelé qu’avant de pouvoir introduire une demande de contrôle judiciaire il faut d’abord obtenir l’autorisation de la Cour fédérale. Cette condition préalable fait partie de ce que la Cour d’appel a qualifié de disposition de « contrôle » :

[27]      Deux dispositions de « contrôle » sont partie intégrante de ce régime. La première prévoit l’obligation d’obtenir l’autorisation de la Cour avant de pouvoir introduire une demande de contrôle judiciaire. La seconde est l’absence de droit d’appel à moins qu’un juge de la Cour fédérale ne certifie que la demande de contrôle judiciaire soulève une question grave de portée générale. […]

 

 

[34]           Une question grave de portée générale est une question qui permet de trancher l’appel (voir Zazai c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CAF 89). Dans Varela, précitée, le juge Denis Pelletier ajoute au paragraphe 29 qu’il doit s’agir d’une question grave de portée générale qui découle des questions en litige dans l’affaire, et le juge qui a instruit la cause devrait être en mesure de dire si les faits soulèvent une telle question. Si le juge estime que l’affaire ne soulève pas une telle question, la condition préalable n’est pas remplie et le droit exceptionnel à un appel en vertu de l’article 74 n’existe pas (voir Denisov c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 550; Gittens c. Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 CF 526, et Varela, précitée, au paragraphe 22).

 

[35]           La demanderesse soutient que même si sa mère était interdite de territoire au moment de la décision négative de l’agent des visas, ce n’était plus le cas (en raison de l’arthroplastie du genou droit) à la date de l’audience de la SAI, laquelle constituait une nouvelle audience. Elle s’appuie sur la décision Jugpall où, au paragraphe 8, la SAI se fonde sur Kahlon c. Canada (M.E.I.) (1989), 7 Imm. L.R. (2d) 91 (C.A.F.), pour déclarer « [que conformément au principe] qui confère à la Section d’appel le mandat de tenir une nouvelle audition, les décideurs auraient pris en compte la situation financière actuelle de l’appelant ».

 

[36]           Sur ce point, j’estime que le raisonnement de la demanderesse comporte des erreurs fondamentales; d’abord la SAI a tenu compte du changement de l’état de santé de la mère de la demanderesse au moment de l’audience. Elle a tout de même, à la page 1 de sa décision, cité les motifs d’interdiction de territoire pour motifs sanitaires précisés dans l’avis médical, qui rappelle qu’elle souffre également « d’hypertension, d’ostéoporose et d’ostéoarthrite accompagnée de modifications dégénératives de la colonne et des mains ». À la date de l’audience de la SAI, aucun élément de preuve n’a démontré que ces problèmes médicaux n’existaient plus. Il est donc impossible de conclure que le fondement de l’interdiction de territoire n’existait plus.

 

[37]           Deuxièmement, la décision dans Kahlon a été rendue en 1989, bien que la majorité des décisions, y compris celles rendues par la Cour d’appel fédérale, n’ont pas suivi la décision dans Kahlon (voir Mohamed, précitée; Uppal c. Canada (Ministre de l’Emploi et l’Immigration), [1987] 3 C.F. 565 (C.A.F.); Jiwanpuri, précitée, et Lao, précitée).

 

[38]           J’estime qu’il s’ensuit que la demanderesse n’a pas satisfait aux conditions mentionnées précédemment justifiant la certification des questions soulevées ci‑dessus.

 

[39]           En l’espèce, aucune question grave de portée générale n’a été soulevée qui pourrait donner ouverture à un droit d’appel à la Cour d’appel fédérale.


JUGEMENT

 

 

            La demande de contrôle judiciaire déposée en application de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, à l’égard de la décision rendue 12 décembre 2008 par la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugiés, est par la présente rejetée.

 

Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Judes Basque, B. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-300-09

 

INTITULÉ :                                                   ZOHREH VAZIRIZADEH c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 16 JUILLET 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE SUPPLÉANT ORVILLE FRENETTE

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 10 AOÛT 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Cathryn Sawicki

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

 

A. Leena Jaakkimainen

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green and Spiegel LLP

POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

 

 

 

John H. Sims, c.r.

POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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