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Cour fédérale

 

 

 

 

Federal Court

 


Date : 20090728

Dossier : IMM-233-09

Référence : 2009 CF 764

Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

ENTRE :

KASHMIR SINGH GHOTRA

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la loi) à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue le 11 décembre 2008, selon laquelle le demandeur n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger.

 

Question en litige

[2]               La question en litige est de savoir si le tribunal a erré en concluant que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption que l’Inde était capable de le protéger.

 

Contexte factuel

[3]               Le demandeur, un citoyen de la province du Pendjab en Inde, craint d’être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social particulier et de ses opinions politiques.

 

[4]               Son père a longtemps milité au sein du parti Akali Dal Badal. Il a été arrêté et détenu en prison en 1984. À cette époque, les policiers ont fait des descentes chez la famille du demandeur et ils les ont accusés d’être antinationales.

 

[5]               En février 2002, le demandeur a aidé le même parti. Il dit qu’il a été harcelé par des travailleurs du parti du Congrès. Après que cette formation politique ait été portée au pouvoir, les policiers l’ont harcelé et les leaders du parti Akali Dal Badal ont été emprisonnés et accusés de corruption.

 

[6]               Après avoir fourni son aide à son parti politique en 2003, le demandeur a été interpellé et frappé par l'inspecteur Garcha. Ce dernier a alors commencé à faire des descentes chez lui. Il lui a montré des photos et lui a demandé d’identifier des personnes.

 

[7]               En avril 2004, l'inspecteur est parti travailler dans une autre région, mais il est revenu en mars 2005. À la fin avril 2005, il a fait une autre descente chez le demandeur, et a battu son père. Ce dernier est décédé un an plus tard.

 

[8]               Durant cette même année, le demandeur aurait été arrêté, battu et torturé. Il aurait été obligé de signer des papiers en blanc, dêtre photographié et de promettre de se rapporter au poste de police tous les mois afin d’être libéré.

 

[9]               En septembre 2006, le demandeur s'est réfugié à Delhi chez un agent. Il aurait alors été informé que les policiers avaient fait des descentes chez lui et que l’inspecteur Garcha le cherchait.

 

[10]           Arrivé au Canada par avion en utilisant un faux passeport le 16 janvier 2007, il a immédiatement demandé l’asile.

 

Décision contestée

[11]           Après avoir considéré les arguments du demandeur, sa situation personnelle, la preuve documentaire et la jurisprudence, le tribunal a conclu que la protection de l’État était disponible pour ce dernier en Inde et qu'il aurait dû alerter les autorités indiennes et se prévaloir de cette protection avant de revendiquer l’asile au Canada.

 

 

 

Question préliminaire

[12]           Le défendeur plaide qu’aux paragraphes 28 à 38 de son mémoire supplémentaire, le demandeur allègue que le tribunal a omis de procéder à l’évaluation suivant l’article 97 de la loi de sa situation personnelle advenant un renvoi en Inde considérant le fait qu’il n’a pas de passeport.

 

[13]           Le défendeur soumet que cet argument du demandeur est nouveau et n’a jamais été présenté devant le tribunal. Il est reconnu que, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, on ne peut plaider un argument qui n’était pas devant le tribunal administratif (Toussaint c. Canada (Conseil canadien des relations de travail) (C.A.F.), (1993), 160 N.R. 396, 42 A.C.W.S. (3d) 288 au paragraphe 5; Tozzi c. Canada (Procureur général), 2007 CF 825, [2007] A.C.F. no 1085 au paragraphe 22). Par conséquent, le défendeur soumet que cette allégation et la preuve documentaire déposées doivent être rejetées.

 

[14]           Il est de droit constant que le contrôle judiciaire d’une décision devrait uniquement être fondé sur la preuve dont disposait le tribunal administratif (Gallardo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 45, 230 F.T.R. 110). Le demandeur peut seulement se fonder sur les documents dont était saisi le décideur lorsqu’il fait valoir ses arguments. Par conséquent, la Cour n’examinera pas cet argument du demandeur.

 

Norme de contrôle

[15]           La question de la protection de l’État est une question mixte de faits et de droit et la norme de contrôle applicable est la norme de la décision raisonnable (Chagoya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 721, [2008] A.C.F. no 908 (QL) au paragraphe 3; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, 137 A.C.W.S. (3d) 392; Mendoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 634, 139 A.C.W.S. (3d) 151 au paragraphe 16).

 

[16]           Selon la Cour suprême du Canada, les éléments à considérer sont : la justification de la décision, sa transparence et son intelligibilité. Les solutions retenues doivent pouvoir se justifier eu égard aux faits et au droit (Dunsmuir au paragraphe 47).

 

Analyse

[17]           Pour que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, le demandeur doit faire la démonstration  qu’il était déraisonnable pour le tribunal de conclure que ce dernier n’avait pas renversé la présomption que son pays pouvait le protéger.

 

[18]           Malgré le fait que le tribunal n'a pas mentionné dans sa décision que le demandeur était caché lorsqu'il a vécu à Delhi, la Cour considère qu'il n'était pas déraisonnable pour le tribunal de conclure que les explications du demandeur de ne pas chercher à obtenir la protection de son État ou d’autres autorités étaient insuffisantes.

 

[19]           Dans Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 343, 146 A.C.W.S. (3d) 1052 au par. 10, il a été établi qu’un tribunal ne devrait pas automatiquement conclure que les actions d’un petit nombre de personnes constituent de la persécution par un État. Lorsque les persécuteurs présumés se retrouvent à un endroit précis comme c'est le cas en l'espèce,  le tribunal doit tout de même déterminer s’il est objectivement raisonnable pour le demandeur de demander la protection de son pays.

 

[20]           Dans la cause qui nous occupe, le décideur en se basant sur la preuve documentaire autant positive que négative a jugé qu’il existait des recours à la disposition du demandeur contre ses persécuteurs en Inde.

 

[21]           Tenant compte des circonstances particulières ici, l'intervention de la cour n'est pas souhaitable.

 

[22]           La décision est justifiée et intelligible, et la solution retenue en est une qui se justifie eu égard aux faits et au droit.

 

[23]           Aucune question à certifier n’a été proposée et ce dossier n’en contient aucune.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                          IMM‑233-09

 

INTITULÉ :                                         KASHMIR SINGH GHOTRA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                  MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 LE 23 JUILLET 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                        LE 28 JUILLET 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michel LeBrun

(514) 392-9189

POUR LE DEMANDEUR

Me Marilyne Trudeau

(514) 496-4070

Me Alexandre Tavadian

(514) 496-2447

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Michel LeBrun

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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