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Federal Court

 

Cour fédérale

 


Date : 20090730

Dossier : IMM-19-09

Référence : 2009 CF 786

Ottawa (Ontario), le 30 juillet 2009

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

 

ENTRE :

Vivek Kumar SHARMA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               M. Vivek Kumar Sharma et sa famille, des citoyens de l’Inde, souhaitent venir s’établir au Canada en tant que résidents permanents. Ils ont présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés. Dans une lettre de décision du 30 septembre 2008, le Deuxième secrétaire de l’Immigration (l’agent des visas) a informé M. Sharma que leur demande était rejetée parce que lui et son épouse n’avaient pas obtenu  suffisamment de points lors de leur évaluation pour être admissibles à la résidence permanente. Ils ont obtenu 65 points, alors qu’il fallait 67 points. Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, le fait que l’agent des visas n’ait pas attribué de points pour les études de Mme Sharma parce qu’elle [traduction] « n’a pas fourni une preuve satisfaisante selon laquelle elle avait obtenu un baccalauréat », est particulièrement pertinent. Il appert qu’une telle preuve aurait valu des points supplémentaires qui auraient suffi à l’acceptation de la demande.

 

[2]               M. Sharma n’a pas demandé le contrôle judiciaire de cette décision.

 

[3]               Par la suite, le consultant en immigration de M. Sharma a fait parvenir une lettre en date du 16 octobre 2008, puis une autre en date du 12 novembre 2008, à l’agent d’immigration, lui demandant de réexaminer sa décision parce que Mme Sharma détenait en fait un diplôme et que l’agent a enfreint les principes d’équité procédurale en ne portant pas à l’attention du demandeur le fait que la documentation était incomplète dans le cadre de la demande afin de lui donner l’occasion de compléter le dossier lacunaire. Dans une lettre du 29 octobre 2008, l’agent d’immigration a déclaré ce qui suit :

[traduction] Votre demande de résidence permanente au Canada a été évaluée selon son bien-fondé et a été rejetée. Une lettre faisant état de la décision ainsi que des motifs du rejet vous a été envoyée le 30 septembre 2008. L’envoi de cette lettre a mis fin au traitement de votre demande.

 

Si vous désirez fournir d’autres renseignements afin que nous les examinions, vous devez présenter une nouvelle demande de résidence permanente au Canada.

 

[4]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 29 octobre 2008.

 


[5]               Dans la récente décision Kurukkal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 695, la juge Anne Mactavish a accueilli une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un agent d’immigration dans des circonstances similaires à celles dont je suis saisie. L’agent avait refusé d’examiner un nouvel élément de preuve dans le cadre d’une demande de résidence permanente présentée au Canada pour motifs d’ordre humanitaire (demande CH). Il a refusé d’examiner le nouvel élément de preuve en raison du principe du functus officio qui s’appliquait après qu’il ait rendu sa décision au sujet de la demande CH. Voici ce que la juge Mactavish a conclu (au paragraphe 75) :

 [L]e principe du functus officio ne s’applique pas au processus décisionnel informel et de nature non juridictionnelle que comporte la détermination des demandes CH. En conséquence, je conclus que l’agent d’immigration a commis une erreur en refusant de tenir compte du certificat de décès fourni par M. Kurukkal en l’espèce et la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

[6]               La juge Mactavish a jugé l’affaire suffisamment importante pour certifier une question. Donc, si un appel est interjeté, la Cour d’appel pourra fournir un avis au sujet de la question du principe du functus officio dans le contexte des demandes de résidence permanente, qu’elles aient été présentées en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), ou autrement. Mais, pour l’instant, la règle de droit à suivre est celle énoncée par la juge Mactavish et par courtoisie judiciaire, je suivrai sa décision. En conséquence, dans la présente affaire dont je suis saisie, il semble exister des motifs pour infirmer la décision rendue par l’agent des visas.

 


[7]               Je me demande néanmoins s’il est utile de renvoyer cette affaire à cet agent ou à un autre agent des visas. Je pense que la réponse à cette question est « non ». Si j’annule la décision du 29 octobre 2008, je renverrai l’affaire à un autre agent des visas pour qu’il détermine uniquement s’il y a eu manquement à la justice naturelle lorsque l’agent des visas a omis de signaler au demandeur l’insuffisance des documents et de lui donner l’occasion de fournir d’autres éléments de preuve. Dans le contexte de la présente demande de contrôle judiciaire et de ce dossier en particulier, la question de savoir s’il y a eu manquement à la justice naturelle est une question sur laquelle la Cour peut se pencher.

[8]               S’agissant de la question du manquement aux principes d’équité procédurale, je souligne qu’il incombe au demandeur de fournir des éléments de preuve adéquats et suffisants pour appuyer sa demande. Un agent des visas n’est nullement tenu de clarifier une demande incomplète (voir, par exemple, Fernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 994 (QL); Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 152 F.T.R. 316 (C.F. 1re inst.) au paragraphe 4). L’imposition d’une telle exigence équivaudrait à exiger de la part de l’agent des visas de donner préavis d’une décision défavorable, une obligation que le juge Rothstein (tel était alors son titre) a expressément rejetée dans Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 940 (QL).

 

[9]               Lors de la demande initiale présentée en 2002, le demandeur a déclaré que son épouse comptait quatorze années d’études et qu’elle détenait un baccalauréat. Dans un courriel du 11 avril 2008, le demandeur a été avisé qu’il lui fallait fournir d’autres documents pour que l’évaluation de sa demande puisse se poursuivre. Sous la rubrique [traduction] « Époux ou conjoint de fait », il était indiqué ce qui suit au demandeur : « vous devez fournir des documents certifiés afin d’étayer les études ou le travail de votre épouse ». Cette partie du courriel était en caractères gras, sans doute pour la faire ressortir. Aucun autre document lié aux études de son épouse n’a été fourni.

 

[10]           Dans les notes qu’il a préparées avant de rendre la décision, l’agent des visas a indiqué ce qui suit :

[traduction] Études de l’époux/conjoint de fait : 0 point. Le demandeur principal (DP) indique que son épouse possède un baccalauréat, mais il n’a pas fourni de preuve à cet égard dans le cadre de la demande. Des relevés de notes sont fournis pour l’année 1 et l’année 2 du baccalauréat; il n’y a pas de relevés pour l’année 3 ni de copie d’un certificat provisoire ou d’un diplôme final. Dans son Annexe 1, l’épouse indique qu’elle a obtenu un certificat d’immatriculation, achevé des études secondaires supérieures, puis deux années dans le cadre d’un programme de baccalauréat. Je ne suis pas convaincu qu’elle a obtenu un baccalauréat; par conséquent, je n’accorde aucun point pour la capacité d’adaptation.

[11]           En ce qui a trait à ce dossier, je pense que la communication du 11 avril a constitué un avis adéquat selon lequel d’autres documents portant sur les études de son épouse étaient requis. La lettre a offert au demandeur une autre possibilité de s’acquitter du fardeau qui lui incombait. L’agent des visas n’était pas tenu de préciser au demandeur ce qui constituerait les éléments de preuve nécessaires pour les études de son épouse. Bref, l’agent n’a pas manqué à son obligation de respecter les principes d’équité procédurale. 

 

[12]           Le demandeur souligne avoir reçu une lettre relative à l’équité procédurale que lui a fait parvenir un agent des visas au sujet de ses antécédents de travail. Il prétend que l’agent aurait dû l’aviser de la même façon de l’insuffisance d’éléments de preuve pour les études de son épouse. Les deux situations sont nettement différentes. En ce qui a trait aux antécédents de travail du demandeur, l’agent responsable craignait que le demandeur puisse avoir fait une fausse déclaration. La lettre visait à porter à l’attention du demandeur la possibilité d’une fausse déclaration qui aurait pu entraîner une interdiction de territoire aux termes de l’alinéa 40(2)a) de la LIPR. En pareil cas, l’agent des visas est tenu d’informer le demandeur d’une violation possible de l’alinéa 40(2)a) de la LIPR et de lui donner la possibilité de répondre aux préoccupations. Cette obligation pour un agent des visas ne s’étend pas jusqu’à l’obligation d’aviser un demandeur de chaque préoccupation ou lacune relevée dans une demande.

 

[13]           Eu égard aux faits de la présente affaire, je conclus que l’agent des visas n’a pas enfreint les principes d’équité procédurale lors de l’évaluation de la demande de résidence permanente du demandeur. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de renvoyer cette affaire à un autre agent des visas afin de déterminer s’il y a eu manquement aux principes de l’équité procédurale. La décision de l’agent des visas en date du 29 octobre 2008 est confirmée.

 

[14]           La conclusion déterminante en l’espèce est que l’agent des visas n’a pas enfreint les principes de l’équité procédurale. Ma décision ne porte pas sur l’erreur commise par l’agent des visas du fait de ne pas avoir tenu compte de documents produits en retard. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de certifier la même question que celle certifiée par la juge Mactavish dans la décision Kurukkal.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  que la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

2.                  qu’aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger,LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-19-09

 

INTITULÉ :                                       VIVEK KUMAR SHARMA

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 22 JUILLET 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 30 JUILLET 2009 

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Wennie Lee

 POUR LE DEMANDEUR

 

Mme Bridget A. O’Leary

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wennie Lee

Lee & Company

Services d’assistance judiciaire, d’avocats et de litiges en matière d’immigration

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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