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Date : 20090721

Dossier : IMM-3545-09

Référence : 2009 CF 738

Ottawa (Ontario), le 21 juillet 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

SURINDER KAUR PADDA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               La présente décision porte sur une requête en sursis d’exécution visant une mesure de renvoi prévue pour le 22 juillet 2009.

 

[2]               La requête s’inscrit dans le cadre d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision défavorable rendue le 15 mai 2009 à la suite de l’examen des risques avant renvoi (ERAR). 

 

II.  Les questions en litige

[3]               Pour qu’une requête visant à faire surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi soit accueillie, les trois conditions du critère tripartite établi dans l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302, doivent être réunies :

a.       une question sérieuse à trancher;

b.      un préjudice irréparable;

c.       la prépondérance des inconvénients.

(Voir également : RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311; Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 3 C.F. 682, 2001 CFPI 148.)

 

III.  Analyse

            A.  Question sérieuse à trancher

[4]               Voici un résumé de l’argumentation soumise par la demanderesse lors de l’ERAR :

[traduction]

10.       Depuis l’audience devant la CISR, toute la preuve relative au danger a été soumise aux autorités chargées de statuer sur son cas. Il en ressort que la famille de la demanderesse est encore persécutée du fait de […] Elle a également présenté plusieurs affidavits récents au sujet du danger […] 

 

[…]

 

15.       […] Mme Padda souffre terriblement de ce traitement inhumain.

 

(Non mis en évidence dans l’original.)

(Dossier de requête de la demanderesse, p. 80 et 83.)

 

 

[5]               De plus, la demanderesse explique ce qui suit dans son affidavit :

[traduction]

14.       Je crois qu’il y a beaucoup de confusion au sujet de la situation des militants, comme le mentionne la décision antérieure de la CISR. Il existe une grande diversité d’opinions politiques et plus d’un parti nationaliste sikh. Il est faux de dire que tout est rentré dans l’ordre au Punjab, et la preuve documentaire n’étaye pas cette assertion.

 

(Dossier de requête de la demanderesse, p. 6.)

 

[6]               Les documents mis en preuve se rapportent à de présumés incidents et menaces qui avaient déjà été examinés par la Section de la protection des réfugiés (SPR). Un document non daté figurant à la page 75 du dossier de requête de la demanderesse indique :

[traduction]

[…] La vie de Surinder Kaur Padda, épouse de Nachhattar Singh Padda, continue d’être en danger […]

 

La police continue de harceler la famille de Nachhattar Singh Padda en affirmant que sa femme, Surinder Kaur Padda, et lui aident des militants recherchés par la police […] (Non mis en évidence dans l’original.)

 

[7]               Dans une autre lettre figurant aux pages 76 et 77 du dossier de requête de la demanderesse, on peut lire ce qui suit :

[traduction]

[…] Je suis très au fait de la situation passée et présente de Nachhattar Singh Padda et de sa femme, Surinder Kaur Padda. (Non mis en évidence dans l’original.)

 

[8]               Tous les incidents et menaces signalés dans les documents de la demanderesse se rapportent directement à l’exposé circonstancié de la demanderesse, lequel a été sérieusement mis en doute par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR).

 

[9]               À cet égard, voici un extrait de la décision de la SPR, joint comme pièce B à l’affidavit de Mme Sheila Markland :

Confrontée avec certaines de ces contradictions entre son récit et les informations fournies pour obtenir son visa de résidente temporaire au Canada, la demanderesse a répondu que toutes les démarches avaient été faites par un agent et que, pour sa part, elle ne comprenait pas l’anglais. Le Tribunal constate que la demanderesse a elle-même signé plusieurs des documents en question et que certains des documents proviennent d’institutions publiques. Attribuer au seul agent la responsabilité des informations alors fournies ne correspond donc pas à la réalité. Le Tribunal en conclut que les contradictions en question entachent la crédibilité générale de la demanderesse. (Non mis en évidence dans l’original.)

 

[10]           La demanderesse a invoqué à l’appui de la demande d’ERAR la même menace exactement que celle dont il avait été fait état devant la CISR.

 

[11]           La demanderesse a encore une fois joint la pièce A à son affidavit dans le dossier de requête (aux p. 10-11). L’exposé écrit est identique à celui qu’elle avait présenté à la CISR il y a deux ans.

 

[12]           Il s’agit de l’exposé même qui, à l’issue du témoignage devant la CISR, avait été jugé contradictoire aux renseignements que la demanderesse avait fournis pour obtenir son visa de résident temporaire au Canada.

 

[13]           Relativement à cette question, le juge Sean Harrington s’est appuyé sur la citation suivante dans Kouka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1236 :

[27]      […] monsieur le juge Nadon écrit ce qui suit dans la décision Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 751 (QL) :

 

[12]      […] Les demandeurs semblent croire que s'ils continuent à ajouter des documents au dossier, les conclusions de la Commission du statut de réfugié quant à leur crédibilité seront « infirmées » ou « oubliées ». Selon moi, ils sont dans l'erreur puisque l'agent qui traite une demande pour motifs humanitaires ne siège ni en appel ni en contrôle de la Commission du statut de réfugié ou de la décision de l'agente chargée de la CDNRSRC. Par conséquent, en traitant la demande pour motifs humanitaires, M. St. Vincent ne pouvait se fonder sur le fait que M. Hussain aurait été membre du MMQ, étant donné les conclusions de la Commission du statut de réfugié sur cette question. En bref, l'objectif d'une demande pour motifs humanitaires n'est pas de rediscuter des faits dont avait été saisie la Commission du statut de réfugié, non plus que de faire indirectement ce qui ne peut être fait directement, savoir contester les conclusions de la Commission du statut de réfugié.

 

            (Non mis en évidence dans l’original.)

 

[14]           Dans une décision récente relative à une demande pour motifs d’ordre humanitaire faisant suite au rejet d’une demande d’asile par la CISR, Yansane c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1213, le juge Maurice Lagacé a parlé, au paragraphe 51 in fine, d’une demande dans laquelle on tentait de « produire des documents qui ne font que donner un nouvel emballage aux mêmes éléments de risque déjà considérés par le décideur antérieur ».

 

[15]           À l’appui de la requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi, l’avocat de la demanderesse a fait une très grave allégation selon laquelle la demanderesse aurait été [traduction] « mal représentée » à l’ERAR par un [traduction] « faux consultant en immigration ».

 

[16]           Notre Cour a statué sur la question des allégations d’inconduite professionnelle faites sans preuve claire.  Dans Nunez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 189 F.T.R. 147, [2000] A.C.F. no 555 (QL), le juge Denis Pelletier a dit :

[19]      […] sans la preuve que l'affaire a été soumise à l'ordre des avocats pour enquête. En l'espèce, il y avait amplement de temps pour faire l'une ou l'autre de ces deux choses, mais ni l'une ni l'autre n'a été faite. [...] La Cour ne fait que reconnaître qu'il est facile de faire des allégations de faute professionnelle et que, une fois jugées fondées, celles-ci aboutissent généralement au redressement demandé. La preuve administrée à l'appui d'une allégation de ce genre doit être à la mesure de la gravité des conséquences pour tous les intéressés. (Non mis en évidence dans l’original.)

 

[17]           Il appert que la demanderesse était représentée par avocat devant la CISR et que c’est également un avocat qui a déposé devant la Cour fédérale la demande d’autorisation faisant suite à l’audience devant la CISR, laquelle a été rejetée par le juge Yvon Pinard.

 

[18]           Pour tous ces motifs, il n’y a pas de question sérieuse à trancher.

 

B.  Préjudice irréparable

[19]           La demanderesse allègue dans son dossier de requête :

[traduction]

28.       Elle ne jouit d’aucune garantie de sécurité en Inde, elle pourrait facilement être tuée ou être longuement emprisonnée. Elle a déjà connu la détention, et son mari a été gravement torturé. La police croit que son beau-frère est membre de l’organisation militante Babbar Khalsa, un groupe sikh qui a commis de nombreux actes terroristes. C’est le type de personne qui est nettement ciblée encore aujourd’hui. (Non mis en évidence dans l’original.)

 

(Dossier de requête de la demanderesse, p. 86.)

 

[20]           La demanderesse ne tient pas compte de la décision de la SPR qui a été rendue précisément sur ces mêmes questions et qui a traité de l’allégation de danger se rapportant au beau‑frère de la demanderesse :

Tout compte fait, le Tribunal juge que la demanderesse n’est pas crédible. En conséquence, elle n’a pas établi, par prépondérance de probabilité, que, si elle devait retourner dans son pays, il existerait une possibilité sérieuse qu’elle soit persécutée à cause des agissements de son beau-frère, ou encore qu’elle soit personnellement exposée à un risque de torture ou de voir sa vie menacée par les policiers du Punjab.

 

(Décision de la SPR, p. 5.)

 

[21]           Dans Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 931, 124 A.C.W.S. (3d) 1119, le juge Luc Martineau a écrit :

[8]        [...] La jurisprudence de la Cour établit que lorsque le récit d'un demandeur est jugé non crédible, ce récit ne peut servir de base à une allégation de préjudice irréparable dans le cadre d'une demande de sursis : Saibu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 103, [2002] A.C.F. no 151, 2002 CFPI 103, au paragraphe 11; Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 751, au paragraphe 12; Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 1 C.F. 483, aux pages 492 et 493 (1re inst.)). (Non mis en évidence dans l’original.)

 

(Voir aussi : Mahadeo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 166 F.T.R. 315, 86 A.C.W.S. (3d) 773, juge Marc Nadon.); Iyare c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 102 A.C.W.S. (3d) 153, [2000] A.C.F. no 1995 (QL), juge Yvon Blais.)

 

[22]           La preuve n’établit pas que le renvoi de la demanderesse en Inde causerait à celle‑ci un préjudice irréparable.

 

C.  Prépondérance des inconvénients

[23]           Puisqu’on n’a pas démontré qu’il existe une question sérieuse à trancher et que la preuve d’un préjudice irréparable n’a pas été faite, la prépondérance des inconvénients favorise le défendeur (Naseem c. Canada (Solliciteur général), [1993] 68 F.T.R. 230, 43 A.C.W.S. (3d) 293).

 

[24]           L’existence d’un préjudice irréparable exigée par l’arrêt Toth n’ayant pas été démontrée, il est dans l’intérêt du ministre d’exécuter la mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent, conformément à l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) (Aquila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 94 A.C.W.S. (3d) 293, [2000] A.C.F. no 36 (QL); RJR-MacDonald, précité; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 616, [1998] A.C.F. no 28 (QL), juge Marshall Rothstein).

 

[25]           Le ministre assume l’obligation explicite de mettre à exécution les mesures de renvoi valides compte tenu de l’intérêt public exigeant la prompte exécution de ce type d’ordonnances. Dans Membreno-Garcia c. Canada (M.E.I.), [1992] A.C.F. no 535 (C.F. 1re inst.), la juge Barbara Reed a interprété les considérations d’intérêt public sous‑jacentes à l’évaluation de la prépondérance des inconvénients :

Cependant, d'après la prépondérance des inconvénients, il faut se demander à quel point le fait d'accorder des sursis risque de devenir une pratique qui contrecarre l'application efficace de la législation en matière d'immigration. Chacun sait que la procédure actuelle a été mise en place parce qu'une pratique s'était développée par laquelle de très nombreuses demandes, tout a fait dénuées de fondement, étaient introduites devant la Cour et encombraient les rôles, uniquement pour permettre aux appelants de demeurer plus longtemps au Canada. Il y va de l'intérêt public d'avoir un régime qui fonctionne de façon efficace, rapide et équitable, et qui, dans la mesure du possible, ne se prête pas aux abus. Tel est, à mon avis, l'intérêt public qu'il faut soupeser par rapport au préjudice que pourrait éventuellement subir le requérant si un sursis n'était pas accordé.

 

[26]           La prépondérance des inconvénients ne favorise pas la demanderesse.

 

IV.  Conclusion

[27]           En dépit des efforts extrêmes déployés par Me Stewart Istvanffy, l’analyse de l’interprétation du critère de l’arrêt Toth à la lumière de la jurisprudence de notre Cour amène à la conclusion qu’il y a lieu de rejeter la requête de la demanderesse visant à faire surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la requête pour sursis d’exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-3545-09

 

INTITULÉ :                                       SURINDER KAUR PADDA

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario) (par téléconférence)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 juillet 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 juillet 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Stewart Istvanffy

 

POUR LA DEMANDERESSE

Mario Blanchard

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Étude légale Stewart Istvanffy,

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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