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Date : 20090320

Dossier : IMM‑3790‑08

Référence : 2009 CF 289

Ottawa (Ontario), le 20 mars 2009

En présence de monsieur le juge Orville Frenette

ENTRE :

Gloria Isabel ZURITA VALLEJOS

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), rendue le 1er août 2008, dans laquelle la Commission a conclu que la demanderesse n’était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger, au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]               La demanderesse, qui se représente elle‑même, a reçu le 17 décembre 2008 l’ordonnance du juge Michel Shore qui lui accordait l’autorisation de contrôle judiciaire en l’espèce. L’audience a été prévue le jeudi 12 mars 2009, à 9 h 30, à la Cour fédérale à Montréal (Québec). Ce document a été signifié à la dernière adresse connue de la demanderesse, sur la rue Notre‑Dame à Montréal. La demanderesse ne s’est pas présentée à l’audience. L’avocat du défendeur a déposé une requête en rejet de la demande et il a aussi présenté des observations sur le fondement de la demande.

 

[3]               J’ai examiné la preuve au dossier et les mémoires écrits des deux parties et je conclus que la requête en rejet de la demande doit être accueillie, en raison de l’absence de la demanderesse et du manque de fondement de sa demande.

 

Les faits

[4]               La demanderesse, Mme Gloria Isabel Zurita Vallejos, une citoyenne du Chili de 22 ans, soutient qu’elle a une crainte fondée d’être persécutée par son ancien petit ami, un major de 43 ans de l’armée du Chili.

 

[5]               Elle soutient qu’en mars 2005, elle a rencontré Renato Figueroa lors d’une présentation de l’armée qu’il donnait à l’université qu’elle fréquentait. Leur relation a progressé et, en septembre 2005, le couple a emménagé ensemble dans un appartement à Valparaiso, malgré le désaccord des parents de la demanderesse.

 

[6]               Mme Vallejos soutient que M. Figueroa lui a fait subir des agressions physiques, psychologiques et sexuelles et elle soutient par conséquent qu’elle a une crainte de persécution raisonnable.

 

[7]               Elle fait aussi valoir qu’en mars 2006, M. Figueroa l’a forcée à se faire avorter et que l’avortement a eu lieu dans leur appartement. Après cet événement horrible, la demanderesse a quitté Valparaiso et s’est rendue à Talcahuano pour habiter avec un cousin. Elle est restée à Talcahuano jusqu’à son départ pour le Canada le 28 août 2006. Elle a demandé l’asile un mois plus tard.

 

[8]               Mme Vallejos a peur de son ancien petit ami qui, d’après elle, pourrait la tuer pour la réduire au silence parce qu’elle connaît des secrets à son sujet : il est marié et il a trompé son épouse.

 

[9]               À son arrivée au Canada, elle a déclaré au douanier qu’elle venait rendre visite à sa sœur. Cependant, elle a reconnu qu’elle avait l’intention de demander l’asile.

 

La décision contestée

[10]           La Commission a conclu que la demanderesse disposait d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Talcahuano, au Chili. Elle a tenu compte du fait que la demanderesse avait passé six mois à Talcahuano sans que son ancien petit ami la trouve.

 

[11]           Malgré le fait que M. Figueroa se soit rendu à la résidence de la mère de la demanderesse à Valparaiso en juillet 2006 et en juillet 2007 pour demander où se trouvait Mme Vallejos, menaçant de battre sa mère si elle ne lui révélait pas l’endroit où elle se trouvait, M. Figueroa ne la cherche plus. Comme Mme Vallejos ne souhaite pas discuter de leur relation, qu’elle a été incapable d’établir de façon crédible que M. Figueroa tenterait de la retrouver si elle retournait à Talcahuano et qu’elle n’a pas précisé d’obstacles ou de difficultés à s’établir à Talcahuano, la Commission a rejeté sa demande.

 

Les questions en litige

[12]           La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que la demanderesse disposait d’une PRI et qu’elle n’avait pas tenté d’obtenir la protection de l’État?

 

La norme de contrôle

[13]           La norme de contrôle applicable à l’appréciation des faits ou à des questions mixtes de faits et de droit est la raisonnabilité. Pour les questions de droit, la norme applicable est la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190). Les décisions de tribunaux administratifs portant sur des conclusions de faits doivent se voir accorder une certaine déférence (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12).

 

L’objection préliminaire du défendeur

[14]           Le défendeur soulève une objection au sujet de l’affidavit de la demanderesse, daté du 25 septembre 2008, c’est‑à‑dire après que la décision contestée a été rendue le 1er août 2008, pour les motifs suivants : (1) l’affidavit ne respecte pas l’alinéa 10(2)d) des Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22; (2) aucune importance ne devrait être accordée à l’affidavit, parce qu’il contient des opinions ou des arguments au sujet du bien‑fondé de la décision de la Commission, plutôt que des faits, comme l’exige le paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.

 

[15]           L’analyse de l’affidavit de la demanderesse montre qu’il contient principalement des opinions ou des commentaires négatifs de la demanderesse au sujet de la décision rendue, ce qui constitue un manquement au paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales, qui exigent que les affidavits se limitent aux faits (ou à ce que le déclarant croit être des faits).

 

[16]           La jurisprudence démontre que les cours, lorsque des affidavits contiennent des preuves par ouï‑dire ou des opinions, peuvent radier l’affidavit en entier ou en partie ou ne lui accorder aucune importance (Burns Lake Native Development Corp. c. Canada (Commissaire de la Concurrence), 2005 CAF 256; Bastide c. Société canadienne des postes, [2006] 2 R.C.F. 637, aux paragraphes 26 et 27).

 

[17]           En l’espèce, la demanderesse n’est pas représentée par un avocat. En équité, je ne radierai pas l’affidavit, mais je ne lui accorderai aucun poids.

 

Analyse

          La possibilité de refuge intérieur

[18]           La demanderesse soutient que son ancien petit ami s’est rendu deux fois à la résidence de ses parents à Valparaiso et qu’il a menacé de battre sa mère si elle ne lui disait pas où la demanderesse se cachait. De plus, elle soutient que sa vie est en danger si elle retournait au Chili, parce qu’elle croit que M. Figueroa la tuera pour la réduire au silence.

 

[19]           La jurisprudence établit clairement que le demandeur d’asile a le fardeau de prouver et de démontrer qu’il lui serait déraisonnable de chercher un refuge dans une autre partie du pays (Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.); Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.)).

 

[20]           La Cour a aussi reconnu que l’existence d’une possibilité de refuge intérieur est suffisante pour régler une demande d’asile (Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.)).

 

[21]           Comme la demanderesse a habité à Talcahuano pendant six mois sans problème, il était raisonnable que la Commission conclue qu’elle avait une possibilité de refuge intérieur.

 

          La protection de l’État

[22]           Après avoir analysé le récit de la demanderesse et la preuve documentaire objective sur le Chili, la Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption de l’existence de la protection de l’État.

 

[23]           Conformément à l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, aux paragraphes 49 et 50, de la Cour suprême du Canada, la demanderesse avait le fardeau de présenter une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État du Chili de protéger ses citoyens. Cette preuve doit démontrer que la demanderesse a d’abord épuisé toutes les avenues possibles dans son pays avant de demander la protection internationale.

 

[24]           La preuve démontre que dans la déclaration que la demanderesse a faite à l’agent d’immigration, lorsqu’elle a demandé l’asile, elle a précisé qu’elle avait demandé la protection de la police, mais qu’on ne l’avait pas prise au sérieux. Devant le tribunal, elle a admis que cette déclaration était fausse et qu’elle n’avait pas demandé la protection de la police, mais elle a par la suite contredit cette déclaration.

 

[25]           Il est évident que la demanderesse n’a pas réfuté la présomption de la protection de l’État. Par conséquent, la Commission pouvait raisonnablement conclure que la demanderesse n’avait pas épuisé tous les recours disponibles dans son pays afin d’obtenir une protection. La demanderesse a choisi de venir au Canada et de demander l’asile, alors qu’une telle demande n’est qu’une solution de dernier recours. Comme le juge Yves de Montigny l’a déclaré dans la décision Lopez c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 198 :

[22]     Bref, nous ne sommes pas ici en présence d’une situation où il était déraisonnable de s’attendre à ce que les demandeurs posent un geste pour alerter les autorités péruviennes.  Bien que je compatisse aux malheurs des demandeurs et à la situation difficile qu’ils ont eu à vivre, il ne faut jamais perdre de vue que la réclamation du statut de réfugié dans un État signataire de la Convention doit toujours être une solution de dernier recours.  Les voies de fait et les menaces de quelques policiers ne dispensaient pas les demandeurs de porter plainte auprès des autorités compétentes, dans les circonstances particulières de cette affaire.  Même si la SPR aurait pu mieux motiver sa décision et s’est peut‑être montrée trop exigeante quant à ce qui doit être démontré pour établir l’incapacité de l’État à protéger ses ressortissants, je suis d’avis qu’en l’occurrence, ces erreurs n’ont pas entaché sa décision et ne justifient pas que le dossier soit retourné pour une nouvelle évaluation.

 

 

 

Conclusion

 

[26]           Compte tenu de ce qui précède, je crois que les conclusions de la Commission étaient raisonnables et possibles en fonction de la preuve. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

 

 

 


JUGEMENT

 

 

 

            LA COUR ORDONNE que :

 

La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié datée du 1er août 2008 soit rejetée.

 

Aucune question ne sera certifiée.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑3790‑08

 

INTITULÉ :                                       Gloria Isabel ZURITA VALLEJOS c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge suppléant Frenette

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 mars 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aucune comparution                                         POUR LA DEMANDERESSE

 

Yaël Levy                                                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

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