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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court

 


Date : 20090630

Dossier : IMM-5717-08

Référence : 2009 CF 681

Ottawa (Ontario), le 30 juin 2009

En présence de madame la juge Snider

 

ENTRE :

MEI YANG

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse allègue être une citoyenne de la République populaire de Chine (la Chine) et craindre d’y être persécutée du fait de son appartenance à une église chrétienne clandestine. Dans une décision datée du 2 décembre 2008, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté sa demande de protection présentée en vertu de l’article 96 ou de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). La conclusion décisive de la Commission était que la demanderesse n’avait pas établi son identité à titre de ressortissante chinoise. En raison de cette conclusion, la Commission n’a pas examiné le bien-fondé de la demande de la demanderesse.

 

[2]               La conclusion générale de la Commission au sujet de l’identité était fondée sur de nombreuses conclusions. La Commission avait évidemment des préoccupations quant au fait que la demanderesse n’avait présenté aucun document original sur lequel les éléments de sécurité pouvaient être vérifiés. La Commission a mentionné les documents sur la situation du pays dans lesquels il était précisé qu’il existait un commerce florissant de documents d’identité frauduleux pour les demandeurs d’asile. En bref, la Commission n’a pas accepté les explications de la demanderesse au sujet des points suivants :

 

·                    le défaut de produire sa carte d’identité de résidente originale (CIR) ou un hukou original;

 

·                    le fait qu’elle a obtenu une nouvelle CIR en 2005;

 

·                    le manque de connaissances au sujet des utilisations d’une CIR;

 

·                    les modifications manuscrites aux numéros d’identité sur les deux hukous, sans tampon d’autorisation pour les modifications;

 

·                    l’explication pour le fait qu’elle avait deux hukous;

 

·                    l’omission du fils et du beau-fils de la demanderesse des deux hukous;

 

·                    les renseignements incohérents au sujet de la date de la délivrance de son passeport;

 

·                    l’allégation selon laquelle les autorités chinoises n’avaient pas vérifié son nom, malgré le fait qu’elle soit passée par trois points de contrôle lorsqu’elle a censément quitté Beijing.

 

[3]               La demanderesse demande le contrôle judiciaire de la décision de la Commission. Elle soutient que la Commission n’a pas examiné toute la preuve dont elle était saisie et qu’elle a mal examiné certains aspects essentiels de la preuve qui lui avait été présentée.

 

[4]               La décision de la Commission est fondée sur son appréciation des faits. Par conséquent, à moins que l’ensemble de la décision soit déraisonnable, la Cour ne devrait pas intervenir.

 

[5]               L’article 106 de la LIPR et l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 (les Règles), soulignent l’importance d’établir l’identité du demandeur.

106.     La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s’agissant de crédibilité, le fait que, n’étant pas muni de papiers d’identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n’a pas pris les mesures voulues pour s’en procurer.

 

 

 

 

 

7.         Le demandeur d’asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s’en procurer.

 

106.     The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.

 

7.         The claimant must provide acceptable documents establishing identity and other elements of the claim. A claimant who does not provide acceptable documents must explain why they were not provided and what steps were taken to obtain them.

 

[6]               Se fondant sur les décisions Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 84, [2006] A.C.F. no 104 (QL), aux paragraphes 10 et 11; Jiang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1292, 68 Imm. L.R. (3d) 127, au paragraphe 7; et Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 877, 74 Imm. L.R. (3d) 28, au paragraphe 15, la demanderesse soutient que la Commission doit tenir compte de son témoignage en entier, y compris en ce qui a trait à sa persécution alléguée à titre de chrétienne. Je ne souscris pas à cette interprétation large des décisions citées. D’après mon interprétation de la jurisprudence, il est bien établi en droit que, si l’identité du demandeur n’a pas été établie, il n’est pas nécessaire d’analyser plus à fond la preuve et la demande doit être rejetée (Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 296, [2006] A.C.F. nº 368 (QL), au paragraphe 8; Husein c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. nº 726 (QL)). Toutefois, lorsqu’elle tire des conclusions relatives à l’identité, la Commission doit tenir compte de l’ensemble de la preuve pertinente dont elle dispose quant à l’identité (voir, en particulier, Zheng, précitée, au paragraphe 15). Dans certains cas, il se peut que la Commission ait à examiner certains aspects de la demande qui pourraient l’aider à tirer une conclusion au sujet de l’identité. Par exemple, dans la décision Lin, précitée, la Commission a omis de tenir compte des réponses de la demanderesse aux nombreuses questions portant sur son passé et sur la région où elle prétendait avoir habité en Chine. Les connaissances approfondies et personnelles de la demanderesse au sujet de son présumé pays d’origine auraient pu appuyer les allégations quant à l’identité de la demanderesse. De tels éléments de preuve n’ont pas été présentés en l’espèce.

 

[7]               À la lecture du dossier et de la transcription du témoignage de la demanderesse devant la Commission, je suis convaincue que la conclusion de la Commission au sujet de l’identité était fondée sur la totalité de la preuve portant sur l’identité. En d’autres mots, il n’y avait aucun élément de preuve important au sujet de sa crainte de persécution alléguée qui aurait appuyé sa prétention d’être une citoyenne chinoise. Par exemple, la demanderesse aurait pu obtenir ses connaissances au sujet des églises chrétiennes clandestines et du fonctionnement de la police de sécurité auprès de sources qui n’étaient pas liées à son identité.

 

[8]               Dans les audiences relatives au statut de réfugié, les demandeurs ont le fardeau de produire des documents acceptables permettant d’établir leur identité. Lorsqu’un demandeur ne présente pas de documents acceptables, la Commission doit examiner s’il a raisonnablement justifié l’absence de tels documents ou s’il a pris des mesures raisonnables pour s’en procurer (voir, par exemple, Zheng, précitée, au paragraphe 14). Je suis convaincue qu’en l’espèce, la Commission a fait connaître toutes ses préoccupations à la demanderesse et a tenu compte de toutes ses explications.

 

[9]               Je conviens avec la demanderesse que l’incohérence d’un mois dans la date à laquelle elle a soutenu avoir reçu son passeport était mineure. Cette incohérence, à elle seule, ne justifierait pas la conclusion générale de la Commission. Cependant, bien que cette incohérence ait contribué à la conclusion de la Commission, elle n’était pas déterminante.

 

[10]           La prochaine erreur alléguée porte sur les conclusions de la Commission au sujet de la CIR de la demanderesse. La Commission a posé un certain nombre de questions à la demanderesse au sujet des efforts qu’elle a déployés pour obtenir sa CIR originale. Un des sujets abordés portait sur la déclaration de la demanderesse selon laquelle sa CIR originale lui avait été envoyée par la poste par son mari dans un paquet séparé. La Commission a déclaré :

Priée de dire pourquoi [son mari] n’avait pas envoyé la CIR avec les hukous, la demandeure d’asile a déclaré que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) lui avait demandé de produire d’abord la CIR et que son mari la lui avait donc envoyée en premier.

 

[11]           Je conviens avec la demanderesse qu’elle n’a pas fait cette déclaration; la transcription montre qu’elle a déclaré qu’Immigration Canada – et non la CISR – lui avait demandé sa CIR. Néanmoins, à mon avis, cette erreur est sans conséquence. En effet, il semble que rien ne repose sur cette phrase. Les phrases qui suivent contiennent la conclusion :

Le tribunal estime que la demandeure d’asile savait en même temps que ces deux documents étaient requis lorsqu’elle a rempli son formulaire de renseignements personnels (FRP) le 18 octobre 2006, indiquant qu’elle produirait son CIR et son hukou de la Chine. La CIR n’a pas été demandée expressément avant le 15 janvier 2007. Le tribunal n’accepte donc pas son explication et il en tire une conclusion défavorable.

 

[12]           Par conséquent, la question de savoir si Immigration Canada ou la CISR avait demandé la CIR en premier n’est pas pertinente quant à la conclusion.

 

[13]           La troisième erreur « importante » selon la demanderesse a aussi trait aux conclusions de la Commission au sujet de la CIR. La Commission a déclaré ce qui suit :

Aux dires de la demandeure d’asile, elle a obtenu sa première CIR en 1985, la deuxième en 1995 et la troisième en 2005. […] [L]a demandeure a répondu que tout le monde dans sa région était tenu d’obtenir une nouvelle carte, car la carte initiale avait 15 chiffres. La demandeure d’asile n’a produit aucun document de la Chine à l’appui de son allégation. Les documents du pays, que la Section de la protection des réfugiés a déposés en preuve, n’indiquent pas que tous les citoyens du pays doivent obtenir une nouvelle CIR avant son échéance et, compte tenu de sa spécialisation qui lui a permis d’entendre des centaines de demandes d’asile de Chinois, le tribunal a même vu des CIR de première génération délivrées en 2005.

 

Le tribunal ne peut donc pas admettre la raison invoquée par la demandeure d’asile pour avoir obtenu une nouvelle carte en 2005 et il tire une conclusion défavorable.

 

[14]           La prétendue CIR de la demanderesse était une CIR de « seconde génération »; elle comprenait certains éléments de sécurité et d’autres éléments qui ont été adoptés en juin 2003 afin de diminuer la fraude et la contrefaçon. La demanderesse soutient que la preuve documentaire mentionnée par la Commission appuie sa prétention selon laquelle tous les habitants de sa région ont dû obtenir une carte de seconde génération. À mon avis, la preuve documentaire n’appuie pas la version des événements de la demanderesse. Les CIR de seconde génération sont émises dans deux circonstances. Premièrement, une carte expirée est remplacée par une CIR de seconde génération. Cependant, comme il l’est précisé dans le document, [traduction] « les CIR délivrées conformément au règlement antérieur restent valides jusqu’à leur date d’expiration ». La demanderesse a témoigné qu’elle avait reçu une CIR en 1995 qui devait expirer vingt ans plus tard; par conséquent, selon le déroulement normal, sa CIR n’aurait expiré qu’en 2015. Deuxièmement, les autorités remplacent aussi les cartes de façon systématique. L’émission des nouvelles cartes a débuté à la fin 2004 dans les grands centres et [traduction] « devrait être terminée dans toute la Chine à la fin 2008 ». La demanderesse a été incapable de produire une preuve démontrant que Tianjin était une ville assujettie au remplacement systématique de la CIR en 2005, lorsque sa CIR aurait censément été émise. Compte tenu de cette preuve documentaire, il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission de rejeter la prétention de la demanderesse selon laquelle tous les habitants de sa région ont obtenu des cartes de seconde génération en 2005.

 

[15]           En somme, je suis convaincue que la Commission a tiré une conclusion raisonnable en se fondant sur l’ensemble de la preuve dont elle disposait quant à l’identité. La décision de la Commission au sujet de l’identité appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

[16]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé la certification d’une question. À mon avis, aucune question ne devrait être certifiée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

2.                  aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                        IMM-5717-08

 

INTITULÉ :                                       MEI YANG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 30 JUIN 2009

 

Comparutions :

 

Shelley Levine

 

POUR LA DEMANDERESSE

Melissa Mathieu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Levine Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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