Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                      

 

Federal Court

 

 

 

 

 

 

 

 

Cour fédérale

 


Date : 20090630

Dossier : IMM-52-09

Référence : 2009 CF 680

Ottawa (Ontario), le 30 juin 2009

En présence de madame la juge SNIDER

 

ENTRE :

MAGDY GAYSR MAGALY BESADH

ENTISAR HIZGYAL EXANDER

MARINA MAGDY GAYSR BESADH

MAKARYOUS BESADH

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.         LE CONTEXTE

 

[1]               Les demandeurs, M. Magdy Gaysr Magaly Besadh (le demandeur principal), son épouse (la demanderesse) et leurs enfants (les demandeurs mineurs) sont des citoyens du Soudan. Ils ont quitté ce pays en 1994 et vivent en Égypte depuis. Les demandeurs ont présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières ou de personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières. Dans une décision datée du 20 novembre 2008, la première secrétaire H. Dubé (l’agente) du gouvernement du Canada, ambassade du Canada au Caire, en Égypte, a informé les demandeurs que leurs demandes avaient été rejetées. Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de cette décision.

 

II.        LA DÉCISION L’AGENTE

 

[2]               Dans sa lettre de décision, l’agente a déclaré qu’elle avait établi que les demandeurs [traduction] « ne satisfont pas aux critères pour immigrer au Canada ». Les motifs de son refus étaient les suivants :

[traduction]

 

L’alinéa 139(1)e) du Règlement dispose qu’un visa de résident permanent doit être délivré à l’étranger qui a besoin de protection et aux membres de sa famille qui l’accompagnent si, à l’issue d’un contrôle, il est établi qu’il fait partie d’une catégorie établie dans la section en cause, soit la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières, la catégorie de personnes de pays d’accueil et la catégorie de personnes de pays source.

 

Après avoir évalué attentivement tous les facteurs relatifs à votre demande, je ne suis pas convaincue que vous êtes membre de l’une des catégories prévues, parce que vous ne m’avez pas persuadée que votre crainte de persécution est fondée. Je ne suis pas convaincue que vous ne disposez pas d’une solution durable au Soudan. Bien que vous ayez déclaré avoir été harcelé, vous n’avez pas été, et vous ne continuez pas d’être, touché personnellement et gravement par une grande violation de vos droits de la personne et n’avez pas une crainte de persécution qui soit fondée. Je ne suis pas convaincue que vous satisfaites à la définition de personne de pays d’accueil ou de réfugié au sens de la Convention. Vous avez obtenu l’aide du gouvernement du Soudan lorsque vous avez porté des accusations contre les hommes que vous avez accusés de vous avoir agressé dans la rue. Vous avez déclaré que les agresseurs avaient été appréhendés, puis inculpés. En outre, vous vous êtes chargé de votre propre départ du Soudan. Vous avez réussi à obtenir une prolongation de votre passeport soudanais auprès de votre ambassade au Caire. Par conséquent, je suis persuadée que vous et votre famille disposez d’une solution durable au Soudan. Pour tous ces motifs, je suis convaincue que vous ne satisfaites pas à la définition de réfugié au sens de la Convention ni à celle de personne de pays d’accueil. En conséquence, vous ne satisfaites pas aux conditions de cette disposition.

 

III.      LA NORME DE CONTRÔLE

 

[3]               La décision de l’agente est révisable selon la raisonnabilité (se reporter, par exemple, à Kamara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 785, paragraphe 19; Qarizada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1310, paragraphes 15 à 18). Comme la Cour suprême du Canada l’a affirmé dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 47, le caractère raisonnable d’une décision tient « à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Cependant, la norme, quand il s'agit du caractère suffisant des motifs, en tant que question d’équité procédurale, est la décision correcte.

 

IV.       LE CARACTÈRE SUFFISANT DES MOTIFS

 

[4]               La première question soulevée par les demandeurs a trait au caractère suffisant des motifs de l’agente. Toutefois, les demandeurs semblent aborder cette question en posant comme hypothèse que la lettre de refus représente l’ensemble des motifs. Ce n’est pas le cas. Les notes de l’agente versées au Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) font aussi partie du dossier certifié et des motifs en l’espèce. J’estime que la lettre et les notes versées au STIDI, lorsqu’elles sont considérées ensemble, sont suffisantes puisqu’elles fournissent aux demandeurs les motifs de refus de leurs demandes.


V.        LES DOCUMENTS SUR LES CONDITIONS DANS LE PAYS

 

[5]               Des questions plus graves ont été soulevées par les demandeurs :

 

1.                 L’agente a-t-elle commis une erreur en omettant de mentionner expressément et d’analyser la preuve documentaire sur la situation au Soudan?

 

2.                 L’agente a-t-elle commis une erreur en omettant d’examiner convenablement les prétentions de la demanderesse et de sa fille, l’un des demandeurs mineurs?

 

[6]               Les demandeurs n’ont pas produit de nombreux documents à l’appui de leur demande. Ils ont déposé quelques articles de presse sur les mauvais traitements infligés aux chrétiens en Égypte, mais ils n’ont pas fait référence à des documents qui pourraient être considérés comme des documents généraux sur la situation qui règne au Soudan. Dans sa décision, l’agente n’a pas renvoyé expressément à des documents généraux sur la situation au Soudan. Les demandeurs soutiennent que l’agente était tenue d’obtenir, d’examiner et d’apprécier la preuve documentaire, même s’ils n’y ont pas fait référence.

 

[7]               Des lignes directrices quant au traitement de demandes comme celles en cause en l’espèce sont formulées dans le guide opérationnel OP5 : Sélection et traitement à l’étranger des cas de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et de personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières (le guide OP5). Les demandeurs font référence à la section 11.2 du guide OP5. De l’avis des demandeurs, ce paragraphe imposait à l’agente l’obligation de se livrer à une recherche indépendante sur les conditions relatives aux pays. Les demandeurs soutiennent que si elle avait agi ainsi, elle aurait constaté la pénible situation des coptes au Soudan, un pays majoritairement musulman.

 

[8]               Le paragraphe 11.2 du guide OP5 n’est pas une directive. Son objet, tel qu’il y est énoncé, n’est que de guider un agent d’immigration qui connaît mal la situation politique et sociale d’une région particulière. En sa qualité d’agente d’immigration en Égypte – un pays peu éloigné du Soudan et à la situation culturelle assez semblablement complexe – il est raisonnable de conclure que cette agente connaissait bien les conditions relatives au Soudan. Et aucun élément de preuve ne démontre que l’agente n’a pas pris ces conditions en considération. Quoi qu’il en soit, la preuve documentaire, notamment les rapports sur la situation dans le pays, que les demandeurs souhaitaient voir prise en considération par l’agente aurait dû être produite dans le cadre de leur demande (Qarizada, précitée, paragraphe 30).

 

[9]               Qui plus est, même si l’agente avait examiné la preuve que les demandeurs tentent maintenant de faire valoir, cet examen ne l’aurait pas, à mon avis, conduite à conclure que les coptes vivant au Soudan sont systématiquement victimes de persécution. Bien que la preuve citée par les demandeurs fasse état de harcèlement fondé sur la religion et de pressions pour se convertir à l’islam, elle ne démontre pas que tous les coptes sont exposés au Soudan à un risque inhérent. Ainsi, même si l’agente avait l’obligation de chercher les documents relatifs au pays à l’appui de la demande des demandeurs, sa décision portant que ceux-ci n'avaient pas démontré que leur crainte d'être exposés à la persécution était fondée est néanmoins raisonnable.


VI.       LA PERSÉCUTION FONDÉE SUR L’APPARTENANCE SEXUELLE

 

[10]           Les demandeurs prétendent que l’agente était tenue de prendre en considération les facteurs liés au sexe énumérés à l’appendice B – « Déclaration de CIC sur la protection des femmes réfugiées » – guide OP5, étant donné que la demanderesse et sa fille de 16 ans affirmaient avoir été victimes de persécution fondée sur l’appartenance sexuelle. Le demandeur a fait valoir à ce sujet la décision Latif c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 63, du juge Campbell. Par conséquent, l’agente était tenue d’apprécier la preuve documentaire qui avait trait aux problèmes auxquels les femmes font face au Soudan. Parce que l’agente n’a pas compris ou appliqué les lignes directrices liées au sexe du guide OP5, il s’en est suivi qu’elle a commis une autre erreur en ne veillant pas à ce que l’interprète soit une femme.

 

[11]           Le problème que pose cet argument est que ni la demanderesse ni sa fille n’ont soulevé de préoccupations liées au sexe se rattachant au Soudan. Les seuls risques énumérés dans les observations écrites que la demanderesse a adressées à l’agente étaient très flous et ne se rattachaient qu’à son identité en tant que chrétienne. Elle n’a pas décrit d’incidents qui sont survenus parce qu’elle était une femme ni exprimé de craintes attribuables au fait qu’elle était une femme à Khartoum, au Soudan. La seule référence dans le dossier certifié du tribunal à son appartenance sexuelle paraît dans une lettre datée du 24 mars 1997 qui est signée par une personne se présentant comme étant le secrétaire général de l’organisation des droits de la personne du Soudan. L’auteur de cette lettre y fait la déclaration suivante à l’égard de la demanderesse :

[traduction]

 

[…] est victime de violations flagrantes des droits de la personne commises par le gouvernement du Soudan au Soudan, particulièrement parce qu’elle est chrétienne. [La demanderesse] était une professeure chrétienne à l’église Mar Girgis lorsque des partisans du régime se sont adressés à elle pour la convaincre de se convertir à l’islam. Après avoir refusé, elle a été victime d’intimidation, de persécution […] et, en fait, toute la famille a été ciblée par les intégristes musulmans.

 

[12]           Il convient de noter que la demanderesse n’a pas signalé cet incident dans l’exposé contenu dans sa demande. Quoi qu’il en soit, même s’il s’agit là d’un exposé fidèle des faits, la lettre fait état de préoccupations liées à la religion. Rien dans cette lettre ne pouvait amener l’agente à croire que la demanderesse pourrait être exposée à de la persécution fondée sur l’appartenance sexuelle. En outre, la demanderesse, pendant son entrevue avec l’agente, avait expressément nié à maintes reprises qu’elle avait été aux prises avec des difficultés ou des incidents au Soudan. Elle avait enfin convenu avec l’agente qu’elle avait été accusée de convertir des musulmans au christianisme au Soudan, mais elle avait déclaré que [traduction] « Je ne croyais pas qu’il s’agissait d’un véritable problème. »

 

[13]           La demanderesse et sa fille font partie d’une unité familiale stable. Il n’y a aucune allégation de violence familiale.

 

[14]           Bref, rien au dossier ne laissait transparaître le moindre signe de persécution fondée sur l’appartenance sexuelle, de vulnérabilité de la demanderesse ou de situation pour celle-ci de femme en péril au sens du guide OP5. À la lumière de ces faits, il était raisonnable que l’agente ne se livre pas à une analyse des risques possibles liés à l’appartenance sexuelle auxquels la demanderesse et sa fille pouvaient être exposées alors que ces femmes n’avaient pas elles-mêmes exprimé pareilles craintes.


VII.     CONCLUSION

 

[15]           Pour conclure, je n'ai trouvé aucune erreur sujette à révision dans le raisonnement de l’agente, aucune indication que sa décision reposait sur des conjectures ni aucune lacune dans les motifs fournis dans son refus. Pour tout dire, les demandeurs n’ont tout simplement pas réussi à établir qu’ils satisfont à la définition de réfugiés au sens de la Convention ou qu’ils appartiennent à la catégorie des personnes de pays d’accueil sans solution durable dans un pays autre que le Canada. Aucune erreur n’a par conséquent été commise. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Ni l’une ni l’autre partie n’ont soumis de question à certifier.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« Judith A. Snider »

juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-52-09

 

INTITULÉ :                                       MAGDY GAYSR MAGALY BESADH et al.

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 16 JUIN 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 30 JUIN 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Roger Rowe

 

POUR LES DEMANDEURS

Alison Engel-Yan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Roger Rowe

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.