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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20090608

Dossier : T-2118-06

Référence : 2009 CF 625

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 juin 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

STORA ENSO PUBLICATION

PAPER GmbH & Co. KG

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Les parties dans la présente affaire ont été prises dans l’équivalent juridique d’une « crise » issue des décisions contradictoires de la Cour d'appel fédérale et de la Cour d'appel de l’Ontario. Il ne s’agit pas de savoir si la Cour fédérale possède la compétence matérielle de se prononcer sur le fond du litige, mais plutôt de savoir quelle est la méthode à suivre pour qu’elle puisse exercer cette compétence.


II.        NATURE DE L’AFFAIRE

[2]               La demanderesse a introduit une action dans laquelle elle contestait le refus du ministre du Revenu national de rembourser les impôts payés par une société reliée à la demanderesse. La demanderesse soutenait que ces fonds avaient été versés par erreur et que le ministre n’avait pas le pouvoir de refuser de les rembourser. La demanderesse a sollicité des ordonnances de certiorari et de mandamus et a également fondé ses prétentions sur l’enrichissement sans cause et le détournement.

 

[3]               Les parties avaient présenté un recueil conjoint de documents et un exposé conjoint partiel des faits et des admissions. Les faits essentiels ne semblent pas contestés.

 

[4]               Lorsque l’affaire a été instruite, aucun témoin n’a été entendu et le dossier a été instruit sur la seule base des arguments.

 

[5]               À l’audience, la Cour – et la défenderesse pour la première fois – a soulevé la question de savoir s’il n’aurait pas fallu introduire l’instance par voie d’avis de demande de contrôle judiciaire. Plutôt que d’ajourner l’audience, la Cour a entendu, avec le consentement des parties, les arguments sur le fond de l’affaire.

 

[6]               Après l’audience, les parties ont présenté d’autres arguments sur la question de la nature de l’instance et sur celle de savoir s’il était nécessaire que la demanderesse commence par présenter une demande de contrôle judiciaire des décisions et mesures prises par le ministre.

 

III.       NATURE DE LA QUESTION EN LITIGE

[7]               Dans l’arrêt Grenier c Canada, 2005 CAF 348, la Cour d'appel fédérale a jugé que lorsque la légalité de la décision d’un office fédéral (dans les circonstances présentes, le ministre) est en jeu, cette décision doit être contestée par voie de contrôle judiciaire. Une demande de dommages-intérêts ne peut être présentée qu’après que soit résolue la question de la légalité de la décision à l’origine des dommages-intérêts allégués.

 

[8]               L’arrêt Grenier a été confirmé et précisé en partie par l’arrêt Parrish & Heimbecker Ltd. c Canada (Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2008 CAF 362, qui a été rendu juste après les plaidoiries dans le présent dossier.

 

[9]               La demanderesse a déposé après l’audience d’autres observations dans lesquelles elle a invoqué l’arrêt de la Cour d'appel de l’Ontario TeleZone Inc. v Canada (P.G.) (2008), 94 O.R. (3d) 19 (C.A.), rendu le 24 décembre 2008. En fait, l’arrêt TeleZone est contraire à l’arrêt Grenier, non seulement en ce qui concerne la compétence de la Cour fédérale, mais également sur la méthode qui l’autorise à exercer cette compétence.

 

[10]           Pour ajouter au débat, la Cour d'appel fédérale a expressément écarté l’arrêt TeleZone dans Manuge c Canada, 2009 CAF 29, rendu le 3 février 2009, et réaffirmé que la Cour fédérale possédait une compétence exclusive en matière de contestation d’une décision fédérale.

 

[11]           Des demandes d’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada ont été déposées dans les affaires TeleZone et Manuge. Nous ne savons pas encore quel sera le dernier mot sur cette question.

 

[12]           La Cour doit toutefois se prononcer dans la présente affaire en fonction du droit actuel.

 

IV.       ANALYSE

[13]           Selon ce qu’est, à mon avis, l’état du droit dans ce domaine, tel qu’il s’applique à la Cour fédérale, j’estime que, lorsqu’une partie cherche à contester la légalité de la décision d’un « office fédéral », elle doit d’abord présenter une demande de contrôle judiciaire. Toute demande, y compris celles qui sont introduites au moyen d’une déclaration, qui découle d’une action ou d’une décision apparemment illégale (y compris toute demande de dommages-intérêts) doit être présentée après que soit déterminée la légalité de la décision.

 

[14]           La demanderesse invoque le fait que la défenderesse n’a soulevé la question de la compétence qu’au dernier moment. La Cour comprend l’argument de la demanderesse, mais le défaut de soulever la question de la compétence ne peut attribuer à la Cour une compétence qu’elle n’est pas autorisée à exercer.

 

[15]           Par conséquent, dans la présente affaire, la demanderesse doit se fonder sur l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales pour contester le refus du ministre de rembourser les retenues d’impôt en question. Le droit n’interdit pas à la demanderesse de présenter une déclaration à la Cour pour ce qui est des autres motifs invoqués, mais la compétence de la Cour pour connaître de ces demandes dépend de la présentation d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du ministre.

 

[16]           L’article 18.4 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit qu’une demande de contrôle judiciaire peut être instruite comme s’il s’agissait d’une action. Malheureusement pour la demanderesse, il n’existe pas de disposition permettant le contraire.

 

[17]           La Cour ne peut donc se prononcer sur les aspects soulevés dans la déclaration, tant que la décision du ministre n’aura pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire. Une fois la Cour régulièrement saisie, il existe des mesures procédurales qui ont pour but de faciliter un règlement juste, rapide et équitable du litige.

 

V.        CONCLUSION

[18]           La Cour rejettera la présente action si la demanderesse ne demande pas, dans les 30 jours de la date du jugement, l’autorisation de proroger le délai prévu pour déposer une demande de contrôle judiciaire à l’égard des points allégués dans la déclaration (dans la mesure où ces points sont susceptibles de contrôle judiciaire).

 

[19]           La Cour demeure saisie de l’affaire, notamment de la requête en vue d’obtenir l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire.

 

[20]           Les dépens suivront l’issue de la cause.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande sera rejetée si la demanderesse ne sollicite pas, dans les 30 jours de la date du jugement, l’autorisation de proroger le délai prévu pour déposer une demande de contrôle judiciaire à l’égard à l’égard des points allégués dans la déclaration (dans la mesure où ces points sont susceptibles de contrôle judiciaire). La Cour demeure saisie de l’affaire, notamment de la requête en vue d’obtenir l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire. Les dépens suivront l’issue de la cause.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2118-06

 

INTITULÉ :                                      STORA ENSO PUBLICATION PAPER GmbH & Co. KG

 

                                                            et

 

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 18 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 8 juin 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bruce Russell, c.r.

Dan Wallace

 

POUR LA DÉFENDERESSE

John Ashley

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McInnes Cooper

Avocats

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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