Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20090623

Dossier : T-1268-08

Référence : 2009 CF 661

Vancouver (Colombie-Britannique), le 23 juin 2009

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]
ENTRE :

PEAK INNOVATIONS INC.

demanderesse

et

 

MEADOWLAND FLOWERS LTD.

défenderesse

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] La demanderesse interjette appel de l’ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière le 2 juin 2009, dans laquelle il radie les paragraphes 3 à 11, 35, 36 et 38 de la déclaration modifiée de la demanderesse, au motif qu’une déclaration de non-contrefaçon d’un enregistrement de dessins industriels n’est pas une cause d’action relevant de la compétence de la Cour fédérale.

 

  • [2] La demanderesse a intenté cette action au moyen de la déclaration du 29 août 2008 et de la déclaration modifiée du 24 octobre 2008. La demanderesse désigne la genèse de cette action comme une lettre écrite par l’avocat de la défenderesse, dans laquelle il allègue la contrefaçon des dessins industriels et la violation du droit d’auteur. La déclaration modifiée vise, entre autres, à obtenir des déclarations selon lesquelles certains des produits de la demanderesse ne contreviennent pas à certains des enregistrements de dessins industriels de la défenderesse.

 

  • [3] La défenderesse soutient que la demanderesse a fondé cette action sur une interprétation déraisonnable et intenable de deux lettres qui n’ont jamais allégué la contrefaçon des dessins industriels en cause dans la présente action. Pour clarifier la question, le cabinet d’avocats Smart & Biggar a confirmé que la défenderesse n’avait pas, ni antérieurement ni à ce moment-là, allégué la contrefaçon des enregistrements de dessins industriels attaqués dans la déclaration et la déclaration modifiée. C’est dans ce contexte que le protonotaire Lafrenière a rendu son ordonnance du 2 juin 2009.

 

  • [4] La seule question qui se pose en l’espèce est de savoir si la Cour fédérale a compétence pour instruire une instance introduite par une partie afin qu’il soit décidé et déclaré si les produits de cette partie contreviennent aux enregistrements de dessins industriels d’une autre partie, en l’absence d’une action en contrefaçon.

 

  • [5] La compétence de la Cour fédérale est conférée par la loi, est exceptionnelle et doit être démontrée (R.W. Blacktop Ltd. c. Artec Equipment Co, (1991), 39 C.P.R. (3d) 432 (C.F. 1re inst.), à la page 435). En outre, pour étayer une conclusion de compétence, il faut être en présence des trois éléments suivants (Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998], 1 R.C.S. 626, au paragraphe 8) :

1) Il doit y avoir attribution de compétence expresse par une loi du Parlement fédéral.

2) Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

3) La loi invoquée dans l’affaire doit être une « loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

 

 

  • [6] Par conséquent, en l’absence d’une attribution de compétence légale pour une cause d’action visant à obtenir une déclaration de non-contrefaçon, il est clair et évident que la Cour fédérale n’a pas la compétence requise pour instruire une telle instance, et que les parties de la déclaration modifiée demandant cette réparation doivent être radiées.

 

  • [7] Les dispositions de la Loi sur les dessins industriels, L.R.C. 1985, ch. I-9, qui établissent les causes d’action sont les articles 15, 15.1, 15.2, 22 et 23. Aucune d’entre elles n’établit une cause d’action en déclaration de non-contrefaçon.

 

  • [8] La demanderesse s’en remet au paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, pour faire valoir que la Cour fédérale a compétence pour rendre un jugement déclaratoire sous la forme d’une déclaration de non-contrefaçon, puisqu’elle a le pouvoir de traiter de [traduction] « toute mesure de réparation » – la Cour fédérale a une vaste compétence en ce qui a trait aux recours liés aux dessins industriels, et celle-ci s’étend à toute mesure de réparation demandée en vertu des lois générales portant sur les dessins industriels. Je ne suis pas d’accord.

 

  • [9] Le paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales ne fait qu’établir la compétence à l’égard des recours dans les cas où la compétence pour la cause d’action sous-jacente est établie dans une autre loi. Cet argument est corroboré par l’analyse utilisée dans les arrêts Radio Corporation of America c. Philco Corporation (Delaware), [1966], R.C.S. 296 (C.S.C.) et Cellcor Corp. of Canada Ltd. c. Kotacka, (1976), 27 C.P.R. (2d) 68 (C.A.F.).

 

  • [10] Il est clair et évident que le paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales ne peut, à lui seul, établir la compétence à l’égard d’une cause d’action en déclaration de non-contrefaçon d’un dessin industriel.

 

  • [11] La demanderesse s’en remet également à l’article 64 des Règles des Cours fédérales (les Règles), DORS/98-106, pour démontrer que la Cour fédérale a le pouvoir d’accorder tout jugement déclaratoire. Toutefois, l’article 64 des Règles, à lui seul, ne confère pas la compétence pour une cause d’action. La décision Pieters c. Canada (Procureur général), F.T.R. 227, 2004 CF 27 (C.F.), au paragraphe 17, confirme que l’article 64 des Règles traite de réparation et n’établit pas la compétence pour une cause d’action qui n’est pas autrement établie :

[17]     Selon moi, l’article 64 des Règles n’appuie pas la position du demandeur. Cet article porte que la Cour ne peut refuser une demande pour le seul motif qu’une partie ne vise que l’obtention d’un document déclaratoire. Toutefois, cet article des Règles ne peut être utilisé en l’absence d’une demande sous-jacente. L’article 64 porte sur la réparation et non sur la procédure. En d’autres mots, il doit y avoir un fondement sur lequel la demande s’appuie et non seulement une sorte de désir abstrait d’obtenir une clarification ou bien une arme pour prolonger la négociation. Le rôle de la Cour est d’assurer un contrôle judiciaire face à certaines actions. En l’absence d’un fondement factuel qui est de la compétence de notre Cour, les réparations n’ont pas de sens. En l’espèce, la Cour ne peut exercer le contrôle judiciaire de la décision puisqu’elle est privée de compétence par l’opération de la convention collective et de la LRTFP. La nature de la réparation recherchée par M. Pieters est une question d’ordre secondaire et il n’y a lieu de l’examiner que si la Cour est convaincue qu’elle a la compétence pour examiner la conduite de Mme Brouillette.

 

  • [12] Les dispositions législatives présentées par la demanderesse ne permettent donc pas d’étayer son argument de compétence. Par conséquent, il est clair et évident que la Cour fédérale ne dispose d’aucune compétence à l’égard d’une cause d’action en déclaration de non-contrefaçon d’un dessin industriel.


CONCLUSION

  • [13] Pour les motifs qui précèdent, le présent appel de l’ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière le 2 juin 2009, dans laquelle il radie les paragraphes 3 à 11, 35, 36 et 38 de la déclaration modifiée de la demanderesse, est rejeté avec dépens adjugés à la défenderesse immédiatement et quelle que soit l’issue de la cause.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que l’appel soit rejeté avec dépens adjugés à la défenderesse immédiatement et quelle que soit l’issue de la cause.

 

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1268-08

 

INTITULÉ :  PEAK INNOVATIONS INC.

  c. MEADOWLAND FLOWERS LTD.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 22 juin 2009

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE :
  Le 23 juin 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Paul Smith

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Karen MacDonald

Me Jonas Gifford

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smiths IP

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Smart & Biggar

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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