Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Cour fédérale

 

 

 

 

Federal Court


Date : 20090623

Dossier : T-1793-07

Référence : 2009 CF 654

Ottawa (Ontario), le 23 juin 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

MARIA POON

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du Commissaire des tribunaux de révision Régime de pensions du Canada / Sécurité de la vieillesse (le tribunal) datée du 7 septembre 2007. Le tribunal a jugé que la défenderesse n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande plus tôt et a réputé sa demande de pension de sécurité de la vieillesse (SV) et de prestations du supplément de revenu garanti (SRG) faite en septembre 2003, soit le mois de son soixante-cinquième anniversaire de naissance.

 

Contexte factuel

[2]               Maria Poon est née aux Philippines le 28 septembre 1938. Elle vit au Canada depuis 1963 et elle a eu 65 ans en 2003. En juin 2003, la défenderesse a rempli une demande de pension de SV. Toutefois, elle n’a présenté sa demande que le 20 janvier 2005. La défenderesse a également fait des demandes de prestations du SRG pour les années 2003-2004 et 2004-2005 le 21 janvier 2005.

 

[3]               Dans une lettre datée du 29 mars 2005, la défenderesse a expliqué pourquoi elle n’avait pas présenté sa demande de pension de SV en juin 2003. Elle affirme qu’après le décès de sa mère, des membres de sa famille l’ont informée qu’elle avait été adoptée et qu’elle avait quitté les Philippines avec sa mère adoptive en 1949. Elle ajoute qu’elle a perdu son certificat de naissance et tous les autres renseignements connexes lors d’un incendie à son domicile en 1970. En raison de complications dues à l’incendie et de son statut de personne adoptée, la défenderesse a hésité à chercher à récupérer les renseignements relatifs à sa naissance. La défenderesse a également admis qu’on l’avait informée qu’elle recevrait des versements rétroactifs et qu’elle croyait qu’il serait [traduction] « bien de recevoir un paiement forfaitaire ». Elle ne voyait donc pas pourquoi elle devait s’empresser de présenter sa demande. Elle a également admis qu’elle était de nature à tout remettre au lendemain, qu’elle avait produit ses déclarations de revenus en retard à quelques reprises, et qu’elle [traduction] « ne pren[ait] pas [s]es REER à temps ». La défenderesse n’a ni affirmé ni laissé entendre qu’elle avait fait sa demande en retard en raison d’une incapacité médicale.

 

[4]               Dans une lettre datée du 13 avril 2005, le ministre a fait droit à la demande de pension de SV et de prestations du SRG de la défenderesse et lui a accordé le versement rétroactif maximal permis au titre du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (le Régime). Les demandes de la défenderesse ont été réputées avoir été faites en janvier 2005, de sorte que le versement des prestations devait commencer en février 2004. La défenderesse a été informée par la même lettre qu’elle pouvait interjeter appel de cette décision au ministre dans les 90 jours suivant la date de la réception de la lettre.

 

[5]               Dans une lettre datée 6 juin 2005, la défenderesse a demandé une reconsidération de la décision du ministre et a affirmé pour la première fois qu’elle avait fait sa demande en retard en raison d’un problème de santé. Plus particulièrement, la défenderesse a joint à sa demande un questionnaire rempli par son médecin, la Dre Kovacs, dans laquelle il était écrit que la défenderesse n’avait pas présenté sa demande plus tôt parce qu’elle était [traduction] « distraite et inattentive ». La Dre Kovacs n’a alors ni fait état ni fourni de rapports médicaux ou de résultats d’examens médicaux objectifs additionnels établissant que la défenderesse était incapable de présenter sa demande plus tôt en raison d’une incapacité médicale.

 

[6]               Dans une lettre datée du 5 janvier 2006, le ministre a reconsidéré et confirmé la décision accordant à la défenderesse une pension de SV à partir de février 2004.

 

[7]               Dans une lettre envoyée au tribunal le 4 avril 2006, la défenderesse a interjeté appel de la décision par laquelle le ministre avait refusé de fixer une date antérieure de demande réputée en raison de son incapacité. Dans une lettre du 8 juin 2006, le ministre a demandé que la défenderesse remplisse une déclaration d’incapacité pour qu’il puisse traiter sa demande de versement rétroactif de prestations de SV.

 

[8]               Dans la déclaration d’invalidité, datée du 28 juillet 2006, la psychiatre de la défenderesse, la Dre Plante, a affirmé qu’en raison de son état de santé, la défenderesse n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande, et que la défenderesse souffrait de cette incapacité depuis avril 1996 et en souffrait toujours à la date de la déclaration. La Dre Plante n’a pas annexé de rapports médicaux ou de résultats d’examens médicaux additionnels à son rapport, mais elle a fait référence à une lettre datée du 22 mars 2004 adressée au tribunal. Dans cette lettre, la Dre Plante affirmait que la défenderesse était patiente au Centre de santé mentale communautaire de l’hôpital Saint‑Luc d’avril 1996 à 2001 en raison d’un « état délirant paranoïde ».

 

[9]               Dans une lettre datée du 26 septembre 2006, le ministre a rejeté la demande de la défenderesse visant à obtenir une date antérieure de versement rétroactif des prestations de SV parce que les renseignements additionnels figurant dans la déclaration d’incapacité ne confirmaient pas qu’elle souffrait d’une incapacité continue avant la date de sa demande initiale en janvier 2005.

 

[10]           L’appel au tribunal a été entendu le 20 juin 2007 à Montréal (Québec).

 

Questions en litige

[11]           Le demandeur soulève les questions suivantes en l’espèce :

1.                  Le tribunal a‑t‑il commis une erreur de droit en concluant que la défenderesse n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations de SV et du SRG au sens du paragraphe 28.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse?

2.                  Le tribunal a‑t‑il fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’il a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans dûment tenir compte de la preuve?

3.                  Le tribunal a‑t‑il suffisamment motivé sa décision?

Décision contestée

[12]           Le tribunal a conclu que la défenderesse n’avait pas la capacité d’exprimer ou de former l’intention de faire une demande de pension de SV ou de prestations du SRG au titre des paragraphes 8(1) et 8(2) et des paragraphes 11(1), 11(2) et 11(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O-9 (la Loi), avant janvier 2005.

 

[13]           La question en l’espèce est de savoir si Maria Poon est autorisée à recevoir des prestations au‑delà de la période maximale de rétroactivité de 12 mois au motif qu’elle n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle la demande a réellement été faite en janvier 2005 conformément aux paragraphes 8(1) et 8(2) de la Loi et aux paragraphes 3(1) et 3(2) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, C.R.C., ch. 1246.

 

[14]           Les dispositions relatives à l’incapacité protègent le droit aux prestations de personnes incapables de présenter une demande de prestations à temps en raison d’une incapacité. Plus particulièrement, ces dispositions permettent au ministre de fixer une date antérieure de demande réputée de prestations s’il est convaincu que l’intéressé n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire sa demande à temps et que l’incapacité était continue.

 

[15]           La défenderesse a admis à l’audience ne pas avoir présenté ses demandes en 2003 parce qu’elle était un peu paresseuse et qu’elle avait plutôt tendance à remettre les choses au lendemain, mais aussi parce qu’elle ne savait pas que la Loi limitait la période de rétroactivité du versement. Elle a témoigné qu’elle avait signé ses demandes en 2003, mais qu’elle ne les avait pas mises à la poste parce qu’elle attendait des documents de l’ambassade des Philippines qui permettraient d’établir sa date de naissance. Elle avait perdu des documents dans un incendie à son appartement à Montréal en 1970.

 

[16]           Après cet incendie, qui lui a causé un grand traumatisme, la défenderesse a commencé à consulter un psychiatre, bien qu’elle n’ait pu donner son nom au tribunal. Dans son témoignage, la défenderesse revenait souvent à l’incendie de 1970, aux politiciens au pouvoir à l’époque et aux avocats ayant participé à l’action en justice à laquelle cette affaire avait donné lieu. Le tribunal a noté qu’elle semblait confuse, désorientée et incapable de se concentrer sur l’affaire dont il était saisi. La défenderesse a également mentionné à plusieurs reprises que [traduction] « certaines personnes essayaient de s’en prendre à elle ».

 

[17]           La note de la Dre Plante datée du 22 mars 2006 indique que la défenderesse a été patiente à sa clinique de 1996 à 2001. La Dre Plante y a affirmé ce qui suit :

Elle demeure confuse et désorientée dans ses affaires personnelles, incapable de tenir ses affaires à jour avec diligence… Elle demeure une personnalité avec syndrome anxiété sévère et à coloration interprétative et paranoïde.

 

[18]           Une note de la Dre Kovacs indique :

[traduction] J’atteste que cette patiente, que je soigne depuis 1982, souffre de problèmes de personnalité se manifestant principalement par des problèmes de mémoire à court [et] à long terme, et qu’elle a besoin d’aide dans l’administration de ses affaires.

 

[19]           Le tribunal a conclu que le témoignage de la défenderesse confirmait les rapports médicaux quant à son état mental depuis 1982. Compte tenu du témoignage de la défenderesse et des rapports médicaux, le tribunal a conclu que la défenderesse n’avait pas la capacité d’exprimer ou de former l’intention de faire une demande avant janvier 2005. Le tribunal a également conclu sur la base de cette preuve que l’incapacité en question était continue depuis 1982 et qu’elle était donc présente lorsque Maria Poon avait eu 65 ans en septembre 2003.

 

[20]           La demande de pension de SV et les demandes de prestations du SRG présentées par la défenderesse devaient donc, selon le tribunal, être réputées avoir été faites en septembre 2003. Le tribunal a conclu que les conditions prévues au paragraphe 28.1(2) de la Loi étaient remplies et que la demande de la défenderesse devait être réputée avoir été faite au cours du mois précédant le premier mois au cours duquel le versement de la prestation aurait pu commencer, soit en l’espèce le mois du 65e anniversaire de naissance de la défenderesse.

 

Dispositions législatives pertinentes

[21]           Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’annexe A à la fin des présents motifs.

 

Analyse

Norme de contrôle

[22]           Le demandeur soutient que l’article 83 du Régime prévoit le droit de demander l’autorisation d’interjeter appel d’une décision du tribunal auprès de la Commission d’appel des pensions (la CAP). Les décisions de la CAP sur les questions de droit sont assujetties à la norme de la décision correcte (Spears c. Canada, 2004 CAF 193, 320 N.R. 351, aux paragraphes 9 à 11; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Scott, 2003 CAF 34, 300 N.R. 136, au paragraphe 7).

 

[23]           Le demandeur prétend que le tribunal et la CAP sont deux organismes créés par la loi qui exercent des fonctions et des pouvoirs semblables. À titre d’exemple, le Régime confère au tribunal et à la CAP le même pouvoir de confirmer ou de modifier une décision prise par le décideur, et de prendre toute mesure qu’aurait pu prendre le décideur (Régime, aux paragraphes 82(11) et 83(11)). De plus, selon le paragraphe 84(1) du Régime, le tribunal et la CAP ont tous deux autorité pour décider des questions de droit et de fait. Ce paragraphe prévoit également que les décisions du tribunal et de la CAP sont définitives et obligatoires pour l’application du Régime, sauf disposition contraire du Régime.

 

[24]           Cela étant, le demandeur fait valoir que les décisions du tribunal sur les questions de droit devraient bénéficier du même degré de déférence que celui dont bénéficient les décisions de la CAP. Les décisions du tribunal sur les questions de droit devraient donc être assujetties à la même norme de la décision correcte que celle qui s’applique aux décisions de la CAP. La cour chargée du contrôle doit donc intervenir si la décision du Commissaire des tribunaux de révision est incorrecte.

 

[25]           Trois questions se posent en l’espèce : (1) la question de l’application en droit de l’incapacité prévue au paragraphe 28.1(2) de la Loi, soit une question assujettie à la norme de la décision correcte; (2) la question de la capacité de la défenderesse de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations d’invalidité au titre du Régime, soit une question de droit et de fait assujettie à la norme de la décision raisonnable; et (3) la question du caractère suffisant des motifs de la décision du tribunal, soit une question de droit assujettie à la norme de la décision correcte. Je souscris à l’analyse du demandeur quant aux normes de contrôle applicables (voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

[26]           Les décisions doivent être motivées valablement pour que le demandeur puisse bénéficier de l’équité procédurale et de la justice naturelle (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565, 139 A.C.W.S. (3d) 164), et cette question est assujettie à la norme de la décision correcte.

 

Arguments du demandeur

a)         Le tribunal a‑t‑il commis une erreur de droit en concluant que la défenderesse n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations de SV et du SRG au sens du paragraphe 28.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse?

 

[27]           Le demandeur soutient que le tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que la défenderesse n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations au titre du paragraphe 28.1(2) de la Loi. Le demandeur fait valoir que le législateur utilise les mêmes termes relativement à l’incapacité au paragraphe 28.1(2) de la Loi et au paragraphe 60(9) du Régime. Le critère juridique établi au titre du paragraphe 60(9) du Régime s’applique donc également au paragraphe 28.1(2) : le fait qu’une personne s’occupe des affaires personnelles d’une autre personne de façon diligente ne rend pas cette autre personne incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations.

 

[28]           Dans ses motifs, le tribunal a accepté la preuve de la Dre Kovacs selon laquelle la défenderesse [traduction] « souffre de problèmes de personnalité se manifestant principalement par des problèmes de mémoire à court [et] à long terme, et […] a besoin d’aide dans l’administration de ses affaires ». Toutefois, la Dre Kovacs n’a fourni aucune preuve objective à l’appui de cette opinion. De plus, le demandeur soutient que le fait pour une personne d’avoir besoin d’aide dans l’administration de ses affaires, particulièrement à l’âge de la défenderesse, ne fait pas d’elle une personne incapable.

 

[29]           Les termes utilisés au paragraphe 28.1(2) de la Loi consistent à se demander non pas si l’intéressé n’a pas été capable de faire une demande, mais plutôt s’il n’est pas capable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. De plus, l’incapacité doit être continue (paragraphe 28.1(3) de la Loi; Goodacre c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2000 LNCCAP 19, appel CP07661, le 21 juin 2000 (C.A.P.)). Les rapports médicaux et les activités exercées par la défenderesse durant la période d’incapacité alléguée sont cruciaux pour conclure à une incapacité.

 

[30]           Lorsqu’on interprète l’article 28.1 de la Loi, il faut se demander non pas si l’intéressé est capable de composer avec les conséquences d’une demande, mais plutôt s’il était capable de former l’intention de faire ou non une demande (Morrison c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1997 LNCPEN 49, appel CP04182, le 4 mai 1997 (C.A.P.)). En l’espèce, le tribunal a appliqué un critère beaucoup moins restrictif relativement à l’incapacité. En présence d’une preuve médicale équivoque, le tribunal a conclu que les problèmes d’administration par la défenderesse de ses affaires personnelles et ses problèmes de personnalité correspondaient à une incapacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations.

 

[31]           Le demandeur prétend en outre que le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la défenderesse souffrait d’une incapacité en septembre 2003 (au paragraphe 16 de la décision) et en se contredisant par la suite (au paragraphe 19) en affirmant que la demande de la défenderesse devait être réputée avoir été faite au cours du mois précédant le premier mois au cours duquel le versement de la prestation aurait pu commencer, soit en l’espèce le mois du 65e anniversaire de naissance de la défenderesse, ce qui signifierait en octobre 2003.

 

[32]           Il existe une preuve convaincante que la défenderesse a formé l’intention d’exercer diverses activités et qu’elle a pris des décisions avant de faire sa demande de prestations de SV et du SRG en janvier 2005, mais le tribunal n’a pas tenu compte de ces activités dans ses motifs. À titre d’exemple, la défenderesse a formé l’intention de remplir et de signer une demande de pension de SV en juin 2003 et elle a également formé l’intention de remplir et de signer des demandes de prestations du SRG pour les années 2003‑2004 et 2004‑2005, demandes qu’elle a présentées en janvier 2005. Elle a également formé l’intention de verser 3 667 $ dans ses REER entre juillet 2004 et juin 2005, ainsi que l’intention de demander une pension d’invalidité du Régime de rentes du Québec, laquelle a cessé d’être versée en octobre 2003.

 

[33]           La défenderesse a formé l’intention d’écrire une lettre à l’ambassade des Philippines en janvier 2005 pour lui demander de l’aider à retrouver sa date de naissance et d’autres renseignements connexes, et elle a formé l’intention d’expliquer pourquoi elle n’avait pas fait de demande de prestations avant janvier 2005. Dans une lettre relativement détaillée datée du 29 mars 2005, la défenderesse explique que c’est en raison de son statut de personne adoptée et des complications liées à l’incendie survenu à son domicile au cours duquel elle a perdu son certificat de naissance et autres renseignements connexes qu’elle a tardé à présenter sa demande. La défenderesse a également admis qu’elle était de nature à tout remettre au lendemain, qu’elle croyait qu’[traduction] « il serait bien de recevoir un paiement forfaitaire » et qu’elle [traduction] « ne vo[yait] pas pourquoi [elle] d[evait] [s]’empresser de [s]’acquitter de cette obligation ». De plus, la défenderesse a reconnu qu’elle avait fait une [traduction] « folie » en tardant à présenter sa demande et s’est excusée pour les [traduction] « problèmes occasionnés [au] ministère dans le traitement de [s]on dossier ».

 

[34]           Aucun élément de preuve au dossier ne montrait que la défenderesse avait nommé un fondé de pouvoir, qu’elle était en tutelle ou en curatelle ou qu’elle recevait une aide régulière dans l’administration de ses affaires personnelles. En outre, le demandeur souligne que rien au dossier n’indiquait que la défenderesse était placée dans un établissement ou incapable de vivre de façon autonome avant janvier 2005.

 

[35]           Le demandeur prétend que le tribunal a commis une erreur de droit en appliquant mal le critère juridique applicable au paragraphe 28.1(2) de la Loi et en ne tenant pas compte des activités de la défenderesse pendant la période d’incapacité alléguée. La défenderesse a pris plusieurs décisions durant cette période, ce qui confirme qu’elle était capable de former et d’exprimer ses intentions.

 

b)         Le tribunal a‑t‑il fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’il a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans dûment tenir compte de la preuve?

 

 

[36]           Le demandeur fait valoir que le tribunal n’a pas pris acte de l’absence de preuve médicale objective.

 

[37]           Le tribunal ne disposait que des rapports de deux médecins, la Dre Kovacs et la Dre Plante, et aucun de ces rapports ne renfermait de conclusions médicales objectives, comme des tests ou des résultats d’examens. La Dre Plante a écrit une lettre au tribunal, datée du 22 mars 2004, dans laquelle elle résume les antécédents médicaux de la défenderesse. Dans le rapport, difficile à lire, la Dre Plante souligne que la défenderesse a été patiente au Centre de santé mentale communautaire de l’hôpital Saint‑Luc « pour état délirant paranoïde » d’avril 1996 à juillet 2001, soit avant la période d’incapacité alléguée, ce qui est donc non pertinent.

 

[38]           La Dre Kovacs a soumis une courte lettre datée du 27 novembre 2006. Dans cette lettre, rédigée sur papier d’ordonnance et adressée « à qui de droit », elle affirmait qu’elle soignait la défenderesse depuis 1982 et que celle‑ci souffrait de problèmes de personnalité causant des problèmes de mémoire. Le tribunal s’est fondé sur cette courte lettre pour conclure que la défenderesse souffrait d’une incapacité depuis 1982 parce qu’il ne disposait d’aucune autre preuve médicale pour appuyer cette conclusion. De plus, le tribunal n’a pas tenu compte de la preuve de la Dre Kovacs contenue dans un questionnaire daté de juin 2005; dans ce formulaire, la Dre Kovacs expliquait que la défenderesse n’avait pas présenté sa demande plus tôt parce qu’elle était simplement [traduction]  « distraite et inattentive », et ne parlait pas d’incapacité. Le tribunal n’a donc tenu aucun compte de la preuve médicale selon laquelle la défenderesse était simplement inattentive et non pas une personne incapable au sens de la Loi.

 

c)         Le tribunal a‑t‑il suffisamment motivé sa décision?

 

[39]           Le demandeur soutient que les motifs fournis par le tribunal à l’appui de sa décision sont insuffisants eu égard à l’arrêt VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25 (C.A.), aux paragraphes 17 à 21, où la Cour d’appel fédérale a conclu que des motifs sont suffisants « lorsqu’ils remplissent les fonctions pour lesquelles l’obligation de motiver a été imposée ».

 

[40]           L’obligation de fournir une analyse adéquate de la preuve ne varie pas selon l’auteur de la demande de contrôle judiciaire (Mahy c. Canada, 2004 CAF 340, 327 N.R. 287, au paragraphe 13; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Quesnelle, 2003 CAF 92, 301 N.R. 98, aux paragraphes 11 et 12). De plus, des motifs suffisants offrent des avantages importants non seulement pour les parties, mais aussi pour les autres personnes touchées ou susceptibles d’être touchées par la décision (Baker, précité, au paragraphe 39).

 

[41]           Bien qu’il ait pu y avoir des éléments de preuve contradictoires quant à la capacité de la défenderesse de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations, le tribunal n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas tenu compte de la preuve au dossier relative à la capacité de la défenderesse. Plus particulièrement, le tribunal n’a pas expliqué pourquoi il n’avait tenu aucun compte de la preuve relative à la capacité de la défenderesse de former l’intention d’exercer diverses activités avant le 20 janvier 2005, y compris sa capacité :

a.                  de remplir et de signer une demande de prestations de SV en 2003;

b.                  de reconnaître qu’elle avait besoin de l’aide d’un professionnel;¸

c.                     de décider d’elle-même de demander des soins médicaux professionnels entre 1996 et 2001;

d.                  d’essayer d’obtenir des renseignements au sujet de son certificat de naissance auprès de l’ambassade des Philippines en 2005;

e.                  de présenter de sa propre initiative une demande de prestations de SV et du SRG en 2005;

f.          d’investir dans ses REER; et

g.         de demander et de recevoir une pension d’invalidité du Québec.

 

[42]           En outre, le tribunal n’a pas expliqué pourquoi il avait conclu que la défenderesse souffrait d’une incapacité malgré l’absence marquée de preuve médicale au dossier à l’appui de sa conclusion. La preuve médicale soumise au tribunal comprenait essentiellement deux courtes notes médicales de la Dre Kovacs ainsi qu’un rapport manuscrit de deux pages et une déclaration d’incapacité de la Dre Plante, mais aucun de ces documents n’était étayé de conclusions médicales objectives. Le tribunal ne disposait pas de résultats d’examen psychiatrique, de résultats d’examen ou de notes cliniques décrivant de façon détaillée l’état mental de la défenderesse avant janvier 2005.

 

[43]           En outre, le demandeur soutient que la preuve médicale était équivoque. La Dre Plante a affirmé que la défenderesse était isolée, se laissait facilement influencer et se liait d’amitié avec tout le monde. Elle a ajouté que la défenderesse avait fini par se rendre compte de son erreur et qu’elle avait alors demandé l’aide d’un professionnel. Pour sa part, la Dre Kovacs a souligné que la défenderesse avait besoin d’aide dans l’administration de ses affaires personnelles. Ni l’un ni l’autre des médecins traitants n’a toutefois affirmé expressément que Mme Poon devait être placée dans un établissement, qu’elle devait être placée en tutelle ou en curatelle ou qu’elle avait besoin d’une surveillance constante en raison d’une maladie mentale ou d’une incapacité.

 

[44]           Bien qu’elle ait affirmé qu’elle soignait la défenderesse depuis 1982, la Dre Kovacs n’a pas fourni de preuve médicale objective d’incapacité, et encore moins d’incapacité continue. De même, dans la lettre manuscrite qu’elle a envoyée au tribunal, la Dre Plante conclut que la défenderesse avait des problèmes de personnalité et des problèmes de mémoire à court et à long terme, mais ne fournit aucune preuve objective à l’appui de son opinion. Le tribunal n’a pas analysé adéquatement cette opinion, ne l’a pas correctement replacée dans son contexte et n’a pas indiqué pourquoi il préférait ces opinions médicales à la preuve contraire convaincante selon laquelle la défenderesse était capable de former ou d’exprimer ses intentions. En outre, de simples problèmes de personnalité et de mémoire ne constituent pas une incapacité au sens de la Loi.

 

[45]           Le tribunal n’a pas non plus expliqué pourquoi il avait conclu que la défenderesse souffrait d’une incapacité eu égard à d’autres éléments de preuve de la défenderesse qui tendaient à établir le contraire, y compris son omission de soulever la question de l’incapacité médicale ou de la maladie mentale dans sa demande initiale de pension de SV. La défenderesse n’a plutôt soulevé la question de l’incapacité que lorsqu’elle a demandé la reconsidération de la décision initiale du ministre, soit près de sept mois après le dépôt de sa demande initiale.

 

[46]           De plus, le tribunal n’a pas expliqué pourquoi il n’avait nullement tenu compte de la preuve documentaire et testimoniale produite par la défenderesse et selon laquelle elle n’avait pas fait sa demande de prestations plus tôt parce qu’elle était de nature à tout remettre au lendemain, qu’elle croyait qu’il serait bien de recevoir un paiement forfaitaire, et qu’elle n’était pas au courant de la période de rétroactivité limitée applicable au versement des prestations. Les motifs du tribunal ne fournissent donc pas d’indications suffisantes quant au fondement de la décision et sont donc insuffisants.

Arguments de la défenderesse

[47]           La défenderesse a reçu signification à personne de la demande, mais elle n’a pas déposé d’acte de comparution. Elle n’a pas soumis d’observations à la Cour.

 

Analyse

[48]           La principale question soulevée en l’espèce est de savoir si le tribunal a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que la défenderesse n’était pas capable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension de SV et de prestations du SRG au sens de la Loi.

 

[49]           Dans Sedrak c. Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 86, 377 N.R. 216, la Cour d’appel fédérale a récemment affirmé que la capacité de former l’intention de faire une demande de prestations n’est pas de nature différente de la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent au demandeur de prestations. Le fait que celui‑ci n’ait pas l’idée d’exercer une faculté donnée en raison de sa vision du monde ne dénote pas chez lui une absence de capacité.

 

[50]           Dans la décision Morrison, précitée, au paragraphe 5, la Commission d’appel des pensions a affirmé :

[…] Les activités de la personne en cause pendant cette période gagnent une importance particulière si les avis médicaux spécialisés prennent une forme généralisée, variable ou équivoque, reposant peut-être sur une preuve médicale incomplète ou inadéquate, à l’égard du défaut de présenter une demande de prestations d’invalidité à une date antérieure. De plus, l’établissement du facteur qui a été le « déclencheur » de la demande lorsqu’elle a finalement et effectivement été présentée, avec la capacité requise, représente une question intéressante et significative. […]

 

 

[51]           Cette approche a récemment été approuvée par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Danielson, 2008 CAF 78, 165 A.C.W.S. (3d) 560, au paragraphe 7, et Canada (Procureur général) c. Kirkland, 2008 CAF 144, 167 A.C.W.S. (3d) 417, au paragraphe 7.

 

[52]           Les notes médicales de la Dre Plante et de la Dre Kovacs ne sont pas suffisamment détaillées pour que la Cour puisse conclure que la défenderesse n’était pas capable de former l’intention de demander une pension de SV et des prestations du SRG entre juin 2003 et janvier 2005.

 

[53]           Le tribunal n’a ni abordé ni analysé les diverses activités exercées par la défenderesse et mentionnées au paragraphe 41 ci‑dessus. Cette omission constitue une mauvaise application du critère juridique permettant de déterminer si la preuve appuie une conclusion selon laquelle la défenderesse n’était pas capable de former l’intention de demander une pension de SV et des prestations du SRG en 2003 (Danielson, précité, au paragraphe 11).

 

[54]           Cette erreur justifie l’intervention de la Cour.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision du tribunal datée du 7 septembre 2007 est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision, le tout sans frais.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


ANNEXE A

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O-9 :

28.1 (1) Dans le cas où il est convaincu, sur preuve présentée par une personne ou quiconque de sa part, qu’à la date à laquelle une demande de prestation a été faite, la personne n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation, le ministre peut réputer la demande faite au cours du mois précédant le premier mois au cours duquel le versement de la prestation en question aurait pu commencer ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité de la personne a commencé.

 

 

(2) Le ministre peut réputer une demande de prestation faite au cours du mois précédant le premier mois au cours duquel le versement de la prestation en question aurait pu commencer ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité de la personne a commencé, s’il est convaincu sur preuve présentée par la personne ou quiconque de sa part :

 

a) que la personne n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation avant la date à laquelle la demande a réellement été faite;

 

b) que la période d’incapacité de la personne a cessé avant cette date;

 

c) que la demande a été faite :

 

(i) au cours de la période — égale au nombre de jours de la période d’incapacité mais ne pouvant

dépasser douze mois — débutant à la date à laquelle la période d’incapacité de la personne a cessé,

 

(ii) si la période visée au sous-alinéa (i) est inférieure à trente jours, au cours du mois qui suit celui au cours duquel la période d’incapacité de la personne a cessé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(3) Pour l’application des paragraphes (1) et (2), une période d’incapacité est continue, sous réserve des règlements.

 

(4) Le présent article ne s’applique qu’aux personnes devenues incapables le 1er janvier 1995 ou après cette date.

28.1 (1) Where an application for a benefit is made on behalf of a person and the Minister is satisfied, on the basis of evidence provided by or on behalf of that person, that the person was incapable of forming or expressing an intention to make an application on the person’s own behalf on the day on which the application was actually made, the Minister may deem the application to have been made in the month preceding the first month in which the relevant benefit could have commenced to be paid or in the month that the Minister considers the person’s last relevant period of incapacity to have commenced, whichever is the later.

 

(2) Where an application for a benefit is made by or on behalf of a person and the Minister is satisfied, on the basis of evidence provided by or on behalf of that person, that

 

 

 

 

 

 

(a) the person was incapable of forming or expressing an intention to make an application before the day on which the application was actually made,

 

(b) the person had ceased to be so incapable before that day, and

 

(c) the application was made

 

(i) within the period beginning on the day on which that person had ceased to be incapable

and comprising the same number of days, not exceeding twelve months, as in the period of incapacity, or

 

(ii) where the period referred to in subparagraph (i) comprises fewer than thirty days, not more than one month after the month in which that person ceased to be so incapable,

 

the Minister may deem the application to have been made in the month preceding the first month in which the relevant benefit could have commenced to be paid or in the month that the Minister considers the person’s last relevant period of incapacity to have commenced, whichever is the later.

 

(3) For the purposes of subsections (1) and (2), a period of incapacity must be a continuous period, except as otherwise prescribed.

 

(4) This section applies only to persons who were incapacitated on or after January 1, 1995.

 

Règlement sur la sécurité de la vieillesse, C.R.C., ch. 1246 :

3. (1) Si le ministre l’exige, la demande de prestation doit être présentée sur une formule de demande.

 

(2) Sous réserve des paragraphes 5(2) et 11(3) de la Loi, une demande n’est réputée présentée que si une formule de demande remplie par le demandeur ou en son nom est reçue par le ministre.

3. (1) Where required by the Minister, an application for a benefit shall be made on an application form.

 

(2) Subject to subsections 5(2) and 11(3) of the Act, an application is deemed to have been made only when an application form completed by or on behalf of an applicant is received by the Minister.

 

Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 :

60. (8) Dans le cas où il est convaincu, sur preuve présentée par le demandeur ou en son nom, que celui-ci n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande le jour où celle-ci a été faite, le ministre peut réputer cette demande de prestation avoir été faite le mois qui précède celui au cours duquel la prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé.

 

 

 

(9) Le ministre peut réputer une demande de prestation avoir été faite le mois qui précède le premier mois au cours duquel une prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon lui, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé, s’il est convaincu, sur preuve présentée par le demandeur :

 

a) que le demandeur n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle celle-ci a réellement été faite;

 

b) que la période d’incapacité du demandeur a cessé avant cette date;

 

c) que la demande a été faite, selon le cas :

 

(i) au cours de la période — égale au nombre de jours de la période d’incapacité mais ne pouvant dépasser douze mois — débutant à la date où la période d’incapacité du demandeur a cessé,

 

 

(ii) si la période décrite au sous-alinéa (i) est inférieure à trente jours, au cours du mois qui suit celui au cours duquel la période d’incapacité du demandeur a cessé.

 

 

 

 

 

 

 

 

(10) Pour l’application des paragraphes (8) et (9), une période d’incapacité doit être continue à moins qu’il n’en soit prescrit autrement.

 

(11) Les paragraphes (8) à (10) ne s’appliquent qu’aux personnes incapables le 1er janvier 1991 dont la période d’incapacité commence à compter de cette date.

 

(12) Le ministre peut demander à tout requérant ou autre personne ou à tout groupe ou catégorie de personnes de se rendre à une heure raisonnable à un endroit convenable pour présenter en personne une demande de prestations ou fournir des renseignements supplémentaires concernant la demande.

 

 

60. (8) Where an application for a benefit is made on behalf of a person and the Minister is satisfied, on the basis of evidence provided by or on behalf of that person, that the person had been incapable of forming or expressing an intention to make an application on the person’s own behalf on the day on which the application was actually made, the Minister may deem the application to have been made in the month preceding the first month in which the relevant benefit could have commenced to be paid or in the month that the Minister considers the person’s last relevant period of incapacity to have commenced, whichever is the later.

 

(9) Where an application for a benefit is made by or on behalf of a person and the Minister is satisfied, on the basis of evidence provided by or on behalf of that person, that

 

 

 

 

 

(a) the person had been incapable of forming or expressing an intention to make an application before the day on which the application was actually made,

 

(b) the person had ceased to be so incapable before that day, and

 

(c) the application was made

 

(i) within the period that begins on the day on which that person had ceased to be so incapable and that comprises the same number of days, not exceeding twelve months, as in the period of incapacity, or

 

(ii) where the period referred to in subparagraph (i) comprises fewer than thirty days, not more than one month after the month in which that person had ceased to be so incapable, the Minister may deem the application to have been made in the month preceding the first month in which the relevant benefit could have commenced to be paid or in the month that the Minister considers the person’s last relevant period of incapacity to have commenced, whichever is the later.

 

(10) For the purposes of subsections (8) and (9), a period of incapacity must be a continuous period except as otherwise prescribed.

 

(11) Subsections (8) to (10) apply only to individuals who were incapacitated on or after January 1, 1991.

 

 

(12) The Minister may require an applicant or other person or a group or class of persons to be at a suitable place at a suitable time in order to make an application for benefits in person or to provide additional information about an application.

 

 

81. (1) Dans les cas où :

 

a) un époux ou conjoint de fait, un ex-époux ou ancien conjoint de fait ou leurs ayants droit ne sont pas satisfaits d’une décision rendue en application de l’article 55, 55.1, 55.2 ou 55.3,

 

b) un requérant n’est pas satisfait d’une décision rendue en application de l’article 60,

 

c) un bénéficiaire n’est pas satisfait d’un arrêt concernant le montant d’une prestation qui lui est payable ou son admissibilité à recevoir une telle prestation,

 

d) un bénéficiaire ou son époux ou conjoint de fait n’est pas satisfait d’une décision rendue en application de l’article 65.1,

 

e) la personne qui a présenté une demande en application de l’article 70.1, l’enfant de celle-ci ou, relativement à cet enfant, la personne ou l’organisme visé à l’article 75 n’est pas satisfait de la décision rendue au titre de l’article 70.1,

 

ceux-ci peuvent, ou, sous réserve des règlements, quiconque de leur part, peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où ils sont, de la manière prescrite, avisés de la décision ou de l’arrêt, ou dans tel délai plus long qu’autorise le ministre avant ou après l’expiration de ces quatre-vingt-dix jours, demander par écrit à celui-ci, selon les modalités prescrites, de réviser la décision ou l’arrêt.

 

 

 

(2) Le ministre reconsidère sur-le-champ toute décision ou tout arrêt visé au paragraphe (1) et il peut confirmer ou modifier cette décision ou arrêt; il peut approuver le paiement d’une prestation et en fixer le montant, de même qu’il peut arrêter qu’aucune prestation n’est payable et il doit dès lors aviser par écrit de sa décision motivée la personne qui a présenté la demande en vertu du paragraphe (1).

 

81. (1) Where

 

(a) a spouse, former spouse, common-law partner, former common-law partner or estate is dissatisfied with any decision made under section 55, 55.1, 55.2 or 55.3,

 

(b) an applicant is dissatisfied with any decision made under section 60,

 

(c) a beneficiary is dissatisfied with any determination as to the amount of a benefit payable to the beneficiary or as to the beneficiary’s eligibility to receive a benefit,

 

(d) a beneficiary or the beneficiary’s spouse or common-law partner is dissatisfied with any decision made under section 65.1, or

 

(e) a person who made a request under section 70.1, a child of that person or, in relation to that child, a person or agency referred to in section 75 is dissatisfied with any decision made under section 70.1,

 

the dissatisfied party or, subject to the regulations, any person on behalf thereof may, within ninety days after the day on which the dissatisfied party was notified in the prescribed manner of the decision or determination, or within such longer period as the Minister may either before or after the expiration of those ninety days allow, make a request to the Minister in the prescribed form and manner for a reconsideration of that decision or determination.

 

(2) The Minister shall forthwith reconsider any decision or determination referred to in subsection (1) and may confirm or vary it, and may approve payment of a benefit, determine the amount of a benefit or determine that no benefit is payable, and shall thereupon in writing notify the party who made the request under subsection (1) of the Minister’s decision and of the reasons therefor.

 

82. (1) La personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application de l’article 81 ou du paragraphe 84(2) ou celle qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, peut interjeter appel par écrit auprès d’un tribunal de révision de la décision du ministre soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où la première personne est, de la manière prescrite, avisée de cette décision, ou, selon le cas, suivant le jour où le ministre notifie à la deuxième personne sa décision et ses motifs, soit dans le délai plus long autorisé par le commissaire des tribunaux de révision avant ou après l’expiration des quatre-vingt-dix jours.

 

82. (1) A party who is dissatisfied with a decision of the Minister made under section 81 or subsection 84(2), or a person who is dissatisfied with a decision of the Minister made under subsection 27.1(2) of the Old Age Security Act, or, subject to the regulations, any person on their behalf, may appeal the decision to a Review Tribunal in writing within 90 days, or any longer period that the Commissioner of Review Tribunals may, either before or after the expiration of those 90 days, allow, after the day on which the party was notified in the prescribed manner of the decision or the person was notified in writing of the Minister’s decision and of the reasons for it.

 

 

 

82. (11) Un tribunal de révision peut confirmer ou modifier une décision du ministre prise en vertu de l’article 81 ou du paragraphe 84(2) ou en vertu du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et il peut, à cet égard, prendre toute mesure que le ministre aurait pu prendre en application de ces dispositions; le commissaire des tribunaux de révision doit aussitôt donner un avis écrit de la décision du tribunal et des motifs la justifiant au ministre ainsi qu’aux parties à l’appel.

82. (11) A Review Tribunal may confirm or vary a decision of the Minister made under section 81 or subsection 84(2) or under subsection 27.1(2) of the Old Age Security Act and may take any action in relation to any of those decisions that might have been taken by the Minister under that section or either of those subsections, and the Commissioner of Review Tribunals shall thereupon notify the Minister and the other parties to the appeal of the Review Tribunal’s decision and of the reasons for its decision.

 

83. (1) La personne qui se croit lésée par une décision du tribunal de révision rendue en application de l’article 82 — autre qu’une décision portant sur l’appel prévu au paragraphe 28(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse — ou du paragraphe 84(2), ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, de même que le ministre, peuvent présenter, soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où la décision du tribunal de révision est transmise à la personne ou au ministre, soit dans tel délai plus long qu’autorise le président ou le vice‑président de la Commission d’appel des pensions avant ou après l’expiration de ces quatre-vingt-dix jours, une demande écrite au président ou au vice-président de la Commission d’appel des pensions, afin d’obtenir la permission d’interjeter un appel de la décision du tribunal de révision auprès de la Commission.

83. (1) A party or, subject to the regulations, any person on behalf thereof, or the Minister, if dissatisfied with a decision of a Review Tribunal made under section 82, other than a decision made in respect of an appeal referred to in subsection 28(1) of the Old Age Security Act, or under subsection 84(2), may, within ninety days after the day on which that decision was communicated to the party or Minister, or within such longer period as the Chairman or Vice-Chairman of the Pension Appeals Board may either before or after the expiration of those ninety days allow, apply in writing to the Chairman or Vice-Chairman for leave to appeal that decision to the Pension Appeals Board.

 

 

 

 

 

83. (11) La Commission d’appel des pensions peut confirmer ou modifier une décision d’un tribunal de révision prise en vertu de l’article 82 ou du paragraphe 84(2) et elle peut, à cet égard, prendre toute mesure que le tribunal de révision aurait pu prendre en application de ces dispositions et en outre, elle doit aussitôt donner un avis écrit de sa décision et des motifs la justifiant à toutes les parties à cet appel.

 

83. (11) The Pension Appeals Board may confirm or vary a decision of a Review Tribunal under section 82 or subsection 84(2) and may take any action in relation thereto that might have been taken by the Review Tribunal under section 82 or subsection 84(2), and shall thereupon notify in writing the parties to the appeal of its decision and of its reasons therefor.

 

 

 

84. (1) Un tribunal de révision et la Commission d’appel des pensions ont autorité pour décider des questions de droit ou de fait concernant :

 

a) la question de savoir si une prestation est payable à une personne;

 

b) le montant de cette prestation;

 

c) la question de savoir si une personne est admissible à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension;

 

d) le montant de ce partage;

 

e) la question de savoir si une personne est admissible à bénéficier de la cession de la pension de retraite d’un cotisant;

 

f) le montant de cette cession.

 

La décision du tribunal de révision, sauf disposition contraire de la présente loi, ou celle de la Commission d’appel des pensions, sauf contrôle judiciaire dont elle peut faire l’objet aux termes de la Loi sur les Cours fédérales, est définitive et obligatoire pour l’application de la présente loi.

 

(2) Indépendamment du paragraphe (1), le ministre, un tribunal de révision ou la Commission d’appel des pensions peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu’il a lui-même rendue ou qu’elle a elle-même rendue conformément à la présente loi.

84. (1) A Review Tribunal and the Pension Appeals Board have authority to determine any question of law or fact as to

 

(a) whether any benefit is payable to a person,

 

 

(b) the amount of any such benefit,

 

(c) whether any person is eligible for a division of unadjusted pensionable earnings,

 

 

(d) the amount of that division,

 

(e) whether any person is eligible for an assignment of a contributor’s retirement pension, or

 

(f) the amount of that assignment,

 

and the decision of a Review Tribunal, except as provided in this Act, or the decision of the Pension Appeals Board, except for judicial review under the Federal Courts Act, as the case may be, is final and binding for all purposes of this Act.

 

 

(2) The Minister, a Review Tribunal or the Pension Appeals Board may, notwithstanding subsection (1), on new facts, rescind or amend a decision under this Act given by him, the Tribunal or the Board, as the case may be.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1793-07

 

INTITULÉ :                                       LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.

MARIA POON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 23 juin 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sandra Gruescu                                                                        POUR LE DEMANDEUR

 

S/O                                                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

 

                                                           

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

S/O                                                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.