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Date : 20090622

Dossier : T‑1227‑08

Référence : 2009 CF 652

Ottawa (Ontario), le 22 juin 2009

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

JERROD BYARD

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Jerrod Byard a fait une demande de transfèrement d’un établissement à sécurité moyenne à un établissement à sécurité minimale. Service correctionnel Canada (SCC) a rejeté sa demande principalement parce qu’il était encore considéré comme une « personne d’intérêt » relativement à une enquête en cours sur un meurtre remontant à 2005, alors qu’il était en liberté conditionnelle. Sa liberté conditionnelle a été révoquée par la suite parce qu’il était impliqué dans le trafic de stupéfiants.

 

[2]               Selon M. Byard, il était illégal pour le SCC de se fonder sur des renseignements obtenus de la GRC. Il me demande d’annuler la décision du SCC et d’ordonner un réexamen de sa demande de transfèrement.

 

[3]               Je ne vois aucune raison d’annuler la décision du SCC et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Initialement, les observations de M. Byard incluaient des allégations selon lesquelles ses droits en vertu de l’article 7 de la Charte avaient été violés et invoquaient également des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P‑21. Le demandeur n’a pas fait valoir ces arguments à l’audience. La seule question qui m’est soumise est donc de savoir s’il était légal ou non pour le SCC de prendre en considération des renseignements fournis par la GRC.

 

I.               Contexte factuel

 

[4]               En 1998, M. Byard a été déclaré coupable de meurtre. On lui a accordé une semi‑liberté en août 2005. En novembre 2005, M. Jody Elliott a été assassiné. Des informateurs ont révélé à la police que M. Byard était présent au moment du meurtre, mais qu’il n’y avait pas participé activement. En janvier 2006, la liberté conditionnelle de M. Byard a été révoquée après que la police eut perquisitionné son appartement et trouvé des éléments de preuves démontrant qu’il était impliqué dans le trafic de stupéfiants.

 

[5]               La police considère toujours M. Byard comme une personne d’intérêt relativement au meurtre de 2005. D’autres personnes ont été inculpées, mais n’ont pas encore subi leur procès. En raison de sa participation reprochée au crime, la demande de transfèrement de M. Byard vers un établissement à sécurité minimale a été rejetée, et ses démarches pour contester cette décision par voie de grief ont été vaines.

 

[6]               Lorsqu’il a été interrogé à propos du meurtre, M. Byard a invoqué son droit à l’assistance d’un avocat et a décidé de garder le silence. Initialement, le SCC a tiré une inférence défavorable de la conduite de M. Byard. Toutefois, après avoir entendu le grief présenté par M. Byard au troisième palier, le décideur a conclu que c’était à tort que le SCC avait pris en considération le silence de M. Byard dans le rejet de sa demande de transfèrement.

 

I.               La conduite du SCC était‑elle légale?

 

[7]               Selon M. Byard, les renseignements sur lesquels s’est fondé le SCC ne font pas partie des facteurs qui doivent être pris en considération pour déterminer la cote de sécurité à assigner à un détenu conformément à l’article 17 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620 (les dispositions citées sont reproduites à l’annexe A). De plus, il prétend qu’en se basant sur les renseignements de la GRC, le SCC a effectivement restreint son pouvoir décisionnel discrétionnaire portant sur les cotes de sécurité et a délégué son pouvoir à la GRC.

 

[8]               L’article 17 du Règlement prévoit que le SCC doit notamment prendre en considération les facteurs suivants :

•           toute accusation en instance contre le détenu;

•           le rendement et la conduite du détenu pendant qu’il purge sa peine;

•           les antécédents sociaux et criminels du détenu, y compris ses antécédents comme jeune contrevenant s’ils sont disponibles;

 

•           la propension à la violence du détenu;

•           l’implication continue du détenu dans des activités criminelles.

 

[9]               M. Byard affirme que puisqu’il n’a jamais été inculpé relativement au meurtre de 2005, il n’y a pas d’accusation en instance contre lui et le SCC ne peut donc pas prendre en considération le fait que la GRC le considère toujours comme une personne d’intérêt. Toutefois, il est évident que les préoccupations de la GRC font partie des autres facteurs dont le SCC doit tenir compte, notamment la conduite du détenu pendant sa peine, ses antécédents criminels, sa propension à la violence et son implication continue dans des activités criminelles. De plus, je note que l’article 17 décrit les facteurs que le SCC doit prendre en considération, ce qui empêche le SCC de tenir compte d’autres facteurs qui pourraient être pertinents.

 

[10]           Le SCC avait le devoir « de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets » (paragraphe 24(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20). En ce sens, le SCC est tenu de prendre en compte les renseignements au sujet des détenus qui sont pertinents pour la prise de décisions en milieu correctionnel. Toutefois, il y aura certainement un moment où ces renseignements deviendront périmés et peu utiles ou pertinents pour la prise de décisions en matière de cote de sécurité. Comme il a été mentionné précédemment, les personnes inculpées relativement au meurtre de 2005 n’ont pas encore subi leur procès. Une fois la preuve produite, la GRC et le SCC auront probablement tous les renseignements disponibles concernant l’implication ou non de M. Byard dans ce crime. À ce moment‑là, s’il ne reste qu’une vague allégation selon laquelle M. Byard est une personne d’intérêt, je m’attends à ce que le SCC accorde peu de poids aux renseignements en question pour l’évaluation de la cote de sécurité à assigner à M. Byard. Il reste à voir si ces renseignements pourraient s’avérer pertinents à d’autres fins (voir : Brown c. Canada (Procureur général), 2006 CF 463, au paragraphe 36).

 

III.          Conclusion et dispositif

[11]           À mon avis, les renseignements sur lesquels le SCC s’est fondé sont visés par l’article 17 du Règlement. En se basant sur ceux‑ci, le SCC n’a pas restreint son pouvoir discrétionnaire ou délégué son pouvoir décisionnel à la GRC. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


Annexe « A »

 

 

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620

 

Cote de sécurité

  17. Le Service détermine la cote de sécurité à assigner à chaque détenu conformément à l’article 30 de la Loi en tenant compte des facteurs suivants :

a) la gravité de l’infraction commise par le détenu;

b) toute accusation en instance contre lui;

c) son rendement et sa conduite pendant qu’il purge sa peine;

d) ses antécédents sociaux et criminels, y compris ses antécédents comme jeune contrevenant s’ils sont disponibles et le fait qu’il a été déclaré délinquant dangereux en application du Code criminel;

e) toute maladie physique ou mentale ou tout trouble mental dont il souffre;

f) sa propension à la violence;

g) son implication continue dans des activités criminelles.

 

 

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20

 

Exactitude des renseignements

24. (1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

 

 

Corrections and Conditional Release Regulations, SOR/92‑620

 

Security Classification

  17. The Service shall take the following factors into consideration in determining the security classification to be assigned to an inmate pursuant to section 30 of the Act:

(a) the seriousness of the offence committed by the inmate;

(b) any outstanding charges against the inmate;

(c) the inmate’s performance and behaviour while under sentence;

(d) the inmate’s social, criminal and, if available, young-offender history and any dangerous offender designation under the Criminal Code;

(e) any physical or mental illness or disorder suffered by the inmate;

(f) the inmate’s potential for violent behaviour; and

(g) the inmate’s continued involvement in criminal activities.

 

Corrections and Conditional Release Act, 1992, c. 20

 

Accuracy, etc., of information

24. (1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑1227‑08

 

INTITULÉ :                                       Byard c. P.G.C.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 22 juin 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Douglas C. King

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Graham Stark

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pivot Egal LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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