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Federal Court

 

 

 

 

 

 

 

 

Cour fédérale

 

Date : 20090611

Dossier : T-1463-08

Référence : 2009 CF 613

Ottawa (Ontario), le 11 juin 2009

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

 

PEDRO CAMORLINGA-POSCH

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Aperçu

[1]               Comme l’a dit Me Patrica Nobl, dans la salle d’audience, au nom du sous-procureur général du Canada, [traduction] « [i]l ne fait aucun doute qu’il (M. Pedro Camorlinga‑Posch) deviendra un citoyen canadien exceptionnel »; toutefois, comme elle l’a expliqué, M. Camorlinga‑Posch doit passer au Canada la période de temps requise telle qu’elle est prévue par la loi et telle qu’elle est interprétée par la jurisprudence.

 

[2]               Il est tentant de dire, comme d’autres et moi-même l’avons fait dans le passé, qu’elle deviendra une citoyenne si remarquable qu’elle devrait se voir attribuer la citoyenneté sans être tenue d’attendre plus longtemps. Il s’agirait alors d’un refus d’appliquer la loi aux faits en l’espèce. Il n’y a heureusement aucun problème lié à l’immigration. Elle demeure une immigrante ayant reçu le droit d’établissement, il y a peu de doute que ses permis de retour continueront d’être renouvelés, de sorte qu’elle ne subira pas d’inconvénients graves dans son travail ou sa vie, et qu’elle ne se verra pas empêchée de quitter périodiquement le pays au besoin pour affaires. Cependant, pour se voir accorder la citoyenneté, elle doit cesser d’avoir une relation ambivalente à l’égard du Canada et établir que sa résidence principale est ici, en y passant plus de temps que celui qu’elle consacre à des visites en Orient dans le cadre de ses activités commerciales canadiennes à titre de consultante en relations publiques.

 

(Leung (Re) (1991), 42 F.T.R. 149, [1991] A.C.F. no 160 (QL)).

 

[3]               Et, comme l’a réitéré Me Nobl à plusieurs reprises au cours de ses plaidoiries, [traduction] « il deviendra un citoyen canadien remarquable lorsqu’il satisfera à l’objet de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la Loi); il ne peut toutefois pas être soustrait à l’application de la loi ».

 

[4]               MNobl a poursuivi en affirmant ceci : [traduction] « peut‑être que, s’il présentait une demande de citoyenneté aujourd’hui, il serait admissible à la citoyenneté, mais ce n’est pas le rôle du contrôle judiciaire, son rôle consiste à examiner la décision du juge de la citoyenneté » dont la Cour est saisie, compte tenu de la preuve qui a été soumise au juge de la citoyenneté.

 

II.  Procédure judiciaire

[5]               Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi d’une décision rendue le 22 juillet 2008, par laquelle le juge de la citoyenneté a accueilli la demande de citoyenneté canadienne présentée par le défendeur.

 

III.  Les faits

[6]               Le 14 août 2005, le défendeur, M. Camorlinga-Posch, a déposé sa demande de citoyenneté.

 

[7]               Au cours de la période de quatre ans qui a précédé la date du dépôt de sa demande de citoyenneté (du 14 août 2001 au 14 août 2005), M. Camorlinga-Posch a été présent au Canada pendant 405 jours et a été absent pendant 787 jours. Il lui manquait donc 690 jours pour satisfaire à l’exigence de 1 095 jours de résidence au Canada.

 

[8]               Après avoir apprécié la preuve eu égard aux critères établis par la juge Barbara Reed dans la décision Re Koo, [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.), la juge de la citoyenneté a accueilli la demande de citoyenneté canadienne de M. Camorlinga-Posch parce qu’elle [traduction] « estimait […] qu’il avait établi et centralisé son mode de vie au Canada en présentant la preuve pertinente » (dossier du tribunal, aux pages 11 et 12).

 

IV.  La question en litige

[9]               La juge de la citoyenneté a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le défendeur a satisfait à la condition en matière de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi?

 

V.  L’analyse

            La norme de contrôle

[10]           Bien que le paragraphe 14(5) de la Loi fasse mention d’une possibilité d’« appel », il est bien établi que la présente instance est un contrôle judiciaire. Alors, la norme de contrôle applicable aux décisions rendues par des juges de la citoyenneté est la norme de la raisonnabilité :

[19]      Il est de jurisprudence constante, à la Cour fédérale, que la norme de contrôle applicable en ce qui concerne les décisions des juges de la citoyenneté sur la question de savoir si les demandeurs respectent ou non l’obligation de résidence, laquelle est une question mixte de fait et de droit, est la norme de la décision raisonnable simpliciter (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Chang, 2003 CF 1472; Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1641; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 85; Zhao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1536). Vu l’arrêt récent Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], dans lequel la Cour suprême du Canada a fondu la norme de la décision raisonnable simpliciter et la norme de la décision manifestement déraisonnable en une seule norme, celle de la décision raisonnable, j’estime que la norme de contrôle applicable à la conclusion tirée en l’espèce par la juge de la citoyenneté sur la question de savoir si la demanderesse satisfaisait ou non l’obligation en matière de résidence est celle de la décision raisonnable.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Pourzand c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 395, 166 A.C.W.S. (3d) 222; on renvoie également à Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Ntilivamunda, 2008 CF 1081, 302 D.L.R. (4th) 345.)

 

[11]           En l’espèce, la juge de la citoyenneté a commis une erreur en concluant que M. Camorlinga‑Posch satisfaisait aux exigences de la Loi et sa décision de lui accorder la citoyenneté était déraisonnable.

 

La jurisprudence relative à l’exigence en matière de résidence prévue par la Loi

[12]           En l’espèce, la juge de la citoyenneté a appliqué le critère établi dans la décision Re Koo, susmentionnée, afin de décider si le défendeur satisfaisait aux exigences mentionnées dans l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

 

[13]           Le paragraphe 5(1) de la Loi est ainsi libellé :

5.      (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

[...]

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

(i)       un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

5.      (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i)       for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

[14]           Dans la décision Ibrahim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 633, le juge Sean Harrington nous rappelle ce qui suit :

[10]      Dans la décision Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, 88 D.L.R. (3rd) 243, le juge en chef adjoint Thurlow était d’avis qu’une personne est généralement résidente du Canada seulement si elle y est physiquement présente. Cependant, à titre exceptionnel, si une personne y a établi sa résidence permanente, les jours où elle se trouve temporairement à l’étranger comptent comme des jours de résidence au Canada. L’établissement de la résidence est néanmoins une condition principale (Goudimenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 447, [2002] A.C.F. no 581, et Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 225 F.T.R. 215, 2002 CFPI 1067).

 

[15]           Il est bien établi dans la jurisprudence que la notion de « résidence » peut être interprétée de trois façons différentes et il incombe au juge de la citoyenneté de choisir quel critère d’analyse il entend utiliser :

[9]        La Cour a interprété le terme « résidence » de trois façons différentes. Premièrement, il peut s’agir de la présence réelle et physique au Canada pendant un total de trois ans, selon un comptage strict des jours (Pourghasemi (Re), [1993] A.C.F. no 232 (QL) (1re inst.)). Selon une interprétation moins rigoureuse, une personne peut résider au Canada même si elle en est temporairement absente, pour autant qu’elle conserve de solides attaches avec le Canada (Antonios E. Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.)). Une troisième interprétation, très semblable à la deuxième, définit la résidence comme l’endroit où l’on « vit régulièrement, normalement ou habituellement » ou l’endroit où l’on a « centralisé son mode d’existence » (Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.), au paragraphe 10).

 

[10]      Je suis d’accord pour l’essentiel avec le juge James O’Reilly lorsqu’il écrit, au paragraphe 11 de la décision Nandre, précitée, que le premier critère exige la présence physique, alors que les deux autres nécessitent un examen plus qualitatif :

 

Manifestement, la Loi peut être interprétée de deux manières, l’une exigeant une présence physique au Canada pendant trois ans sur un total de quatre, et l’autre exigeant moins que cela, pour autant que le demandeur de citoyenneté puisse justifier d’attaches étroites avec le Canada. Le premier critère est un critère physique et le deuxième un critère qualitatif.

 

[11]      Il a aussi été reconnu que le juge de la citoyenneté est libre d’appliquer l’un ou l’autre de ces trois critères (Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 410 (1re inst.) (QL)). Par exemple, dans la décision Hsu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 579, [2001] A.C.F. no 862 (QL), la juge Elizabeth Heneghan conclut, au paragraphe 4, que l’un ou l’autre de ces critères peut être appliqué pour rendre une décision sur la question de la résidence :

 

La jurisprudence sur les appels en matière de citoyenneté a clairement établi qu’il existe trois critères juridiques permettant de déterminer si un demandeur a démontré qu’il était un résident selon les exigences de la Loi sur la citoyenneté [...] le juge de la citoyenneté peut soit calculer de façon stricte le nombre de jours de présence physique, soit examiner la qualité de la résidence, soit analyser la centralisation au Canada du mode de vie du demandeur.

 

[Renvois omis.]

 

[12]      Si le juge de la citoyenneté peut choisir d’appliquer l’un ou l’autre des trois critères, il ne lui est pas permis de les « fusionner » (Tulupnikov, précitée, au paragraphe 17).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Farrokhyar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 697, 158 A.C.W.S. (3d) 878.)

 

[16]           En bref, en ce qui concerne l’interprétation de la notion de résidence qui figure à l’alinéa 5(1)c) de la Loi, bien qu’une certaine jurisprudence de la Cour discerne trois interprétations différentes, il est possible de les résumer en deux principales catégories (Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 164 F.T.R. 177, 87 A.C.W.S. (3d) 432; Badjeck c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1301, 214 F.T.R. 204).

 

[17]           Selon la première catégorie, un demandeur doit avoir été physiquement présent au Canada pendant 1 095 jours pour que sa demande de citoyenneté canadienne soit acceptée (Re Harry (1998), 144 F.T.R. 141, 77 A.C.W.S. (3d) 933).

 

[18]           Selon la deuxième catégorie, les absences prolongées du Canada ne seront pas fatales à une demande de citoyenneté si le demandeur peut démontrer qu’il a établi sa résidence au Canada avant de quitter et si le Canada est le pays dans lequel il a centralisé son mode d’existence (Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Nandre, 2003 CFPI 650, 234 F.T.R. 245).

 

[19]           Dans le cas de M. Camorlinga‑Posch, la juge de la citoyenneté a adopté l’interprétation la plus libérale et elle s’est demandée s’il avait établi sa résidence au Canada avant de quitter et si le Canada était le pays où il avait centralisé son mode d’existence (dossier du tribunal, à la page 10).

 

[20]           Afin de trancher ces questions, la juge de la citoyenneté a analysé chacun des six critères énumérés par la juge Reed dans la décision Koo (Re) :

a.       La personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s’absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

b.      Où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

c.       La forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu’elle n’est qu’en visite?

d.      Quelle est l’étendue des absences physiques (lorsqu’il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

e.       L’absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l’étranger)?

f.        Quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

 

[21]           Comme l’a affirmé le juge Harrington dans la décision Ibrahim, précitée, cette liste non exhaustive de six questions offre des lignes directrices visant à aider le juge de la citoyenneté à déterminer si le demandeur a « centralisé son mode d’existence » au Canada :

[11]      […] dans la décision Re Koo, [1993] 1 C.F. 286, 59 F.T.R. 27, la juge Reed a conclu que le critère en matière de résidence devrait être axé sur la question à savoir si le Canada est le lieu où un demandeur « vit régulièrement, normalement ou habituellement ». En d’autres mots, il s’agit de savoir si le Canada est le pays dans lequel un demandeur a centralisé son mode d’existence. La juge Reed a dressé une liste non exhaustive de six questions pour aider à trancher la question.

 

[22]           Dans la décision Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1067, 225 F.T.R. 215, la juge Carolyn Layden-Stevenson a mentionné que la réponse à la question de savoir si le demandeur « a centralisé son mode d’existence » est directement lié à une enquête en deux étapes. Dans sa démarche visant à établir qu’il a résidé au Canada pendant la période exigée, le demandeur doit premièrement, avant même de déposer sa demande de citoyenneté, avoir élu domicile au Canada; deuxièmement, il doit avoir maintenu sa résidence au Canada pendant toute la période de temps exigée dans la Loi, c’est‑à‑dire dans les quatre ans avant le dépôt de la demande de citoyenneté :

[7]        […] À mon avis, Re Koo énonce la proposition selon laquelle, les périodes d’absence peuvent être assimilées à des périodes de résidence si la personne a centralisé son mode d’existence au Canada. L’expression « centralisé son mode d’existence », inéluctablement, exige du demandeur qu’il ou elle ait établi sa résidence au Canada. S’il en est ainsi, l’expression peut également être valable pour savoir si la personne a maintenu son mode d’existence au Canada. Les éléments énoncés dans Re Koo visaient à servir de lignes directrices devant faciliter la décision à savoir si les périodes d’absence pendant la période visée peuvent être assimilées à des périodes de résidence. Ils ne constituent pas des critères qui requièrent une analyse exhaustive de chacun de leurs aspects.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(On renvoie également à Goudimenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 447, 113 A.C.W.S. (3d) 766; Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1384, 242 F.T.R. 185; Dans Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 270, 113 A.C.W.S. (3d) 23, le juge Denis Pelletier a déclaré que la « résidence n’est pas établie par la seule arrivée au Canada ».)

 

[23]           Puis, portant son attention sur les faits entourant la demande de M. Ahmed, la juge Layden‑Stevenson a ensuite déclaré ce qui suit dans la décision Ahmed, précitée :

[8]        En l’espèce, l’argument de l’appelant en ce qui a trait au fait que le juge de la citoyenneté n’a pas tenu compte de sa situation particulière n’est pas fondé. Alors que l’appelant montre les signes passifs habituels de résidence au Canada, les éléments de preuve avancés en ce qui a trait au fait de savoir s’il s’est établi au Canada ne sont pas convaincants. L’avocat accorde une grande importance au fait que l’épouse de l’appelant et ses enfants vivent au Canada. C’est vraisemblablement une des raisons pour lesquelles l’épouse de l’appelant et ses deux enfants qui ne sont pas nés au Canada se sont vu attribuer la citoyenneté canadienne.

 

[9]        J’ai été exhortée à tenir compte du fait que l’appelant a vécu au Canada pendant quinze mois avant de partir pour l’Afghanistan dans le cadre de son travail. L’appelant a invoqué plusieurs décisions dans lesquelles il a été conclu qu’une personne avait établi sa résidence au Canada après avoir vécu ici pendant bien moins que quinze mois. La conception que l’appelant a du résultat obtenu dans ces affaires est juste mais il n’a pas tenu compte de la nature et du sens de la preuve avancée par les intéressés pour appuyer le résultat obtenu.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[24]           Il convient, en l’espèce, de souligner les principes de base énoncés dans la décision Ahmed car il a été conclu dans cette affaire que l’on ne peut pas nécessairement conclure qu’un demandeur de citoyenneté a satisfait au premier volet (c’est‑à‑dire qu’il « s’est établi » au Canada) du seul fait qu’il a vécu sans interruption au Canada pendant 15 mois avant de quitter pour son emploi (également, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Jasmine, 2006 CF 1048, 151 A.C.W.S. (3d) 767).

 

[25]           Par ailleurs, la décision Ahmed milite en faveur de la thèse que les « signes passifs habituels de résidence » ne représentent pas, en soi, une preuve que le demandeur a centralisé son mode de vie au Canada (c’est‑à‑dire l’établissement et le maintien de son existence au Canada).

 

[26]           Quant à ce qui représente un « signe passif de résidence » au Canada, la décision Paez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 204, 165 A.C.W.S. (3d) 228 donne l’illustration suivante :

[18]      […] ce qui concerne la qualité des attaches avec le Canada, la Cour a été peu disposée à conclure qu’en eux‑mêmes les indices « passifs » – comme la possession de maisons, d’automobiles, de cartes de crédit, de permis de conduire, de comptes en banque, de cartes de bibliothèque, ainsi que la souscription à un régime d’assurance‑santé et les déclarations de revenus – montrent suffisamment l’existence d’une attache réelle (Sleiman, précitée, paragraphe 26; Eltom, précitée, paragraphe 25; Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration) c. Xia, 2002 CFPI 453, [2002] A.C.F. no 613 (QL), paragraphe 25) […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[27]           Sur le même point, les commentaires formulés par le juge Francis Muldoon dans la décision Re Hui (1994), 75 F.T.R. 81, [1994] A.C.F. no 238 (QL) (C.F.P.I.) sont également pertinents. Il a affirmé ce qui suit :

[15]      Le législateur entend conférer la citoyenneté non pas à des étrangers de fait, mais à des personnes qui ont résidé au Canada, et non pas à l’étranger, pendant trois des quatre années précédentes. Il entend conférer la citoyenneté à ceux qui se sont « canadianisés » en résidant avec les Canadiens au Canada. Ceci ne peut se faire en habitant à l’étranger, ni d’ailleurs en ouvrant des comptes bancaires et en déposant des loyers, des meubles, des vêtements et, encore plus important, des enfants et des conjoints -- en un mot, tout sauf la personne intéressée elle-même -- au Canada, tout en demeurant personnellement en dehors du Canada. Le législateur exige, pour être admissible à la citoyenneté, trois années de présence au Canada au cours des quatre années précédentes. Le législateur ne parle pas de déposer quoi que ce soit, ni d’établir un pied-à-terre où les meubles du requérant pourraient se « canadianiser », ni de former l’intention, un jour, de devenir citoyen, ni d’acquérir un permis de conduire provincial. Il est vrai qu’il est possible de contourner l’objectif du législateur en résidant dans un ghetto religieux au Canada, mais cette conduite exceptionnelle, cette adoption de l’apartheid comme mode de vie au Canada ne porte pas atteinte à l’objectif manifeste de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Il s’agit là d’une interprétation stricte, qui semble être une interprétation justifiable et correcte de la volonté du législateur.

 

(On fait également référence à Re Reza (1988), 20 F.T.R. 188, 11 A.C.W.S. (3d) 6; Pourghasemi (Re) (1993), 62 F.T.R. 122, 39 A.C.W.S. (3d) 251 (C.F.P.I.).)

 

[28]           Dans la décision Shrestha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 594, 123 A.C.W.S. (3d) 226, le juge Luc Martineau a clairement souligné ce qui suit concernant les justifications raisonnables qu’un demandeur peut offrir quant à ses longues absences du Canada :

[14]      À mon avis, même si le demandeur a une explication raisonnable pour ses longues absences, il n’en demeure pas moins qu’il n’a jamais prouvé qu’il avait centralisé son mode de vie au Canada. Il a démontré qu’il avait loué un appartement, acheté une maison et une automobile, obtenu un permis de conduire ainsi qu’une carte d’assurance-maladie de la province de l’Ontario, conservé une police d’assurance, produit des déclarations de revenus, rendu visite à sa famille immédiate qui habite au Canada chaque fois qu’il en a eu l’occasion et renouvelé à temps son permis de retour […]

 

[…]

 

[16]      Je souligne que le demandeur ne semble avoir aucun lien important avec un autre pays. Toutefois, ce n’est pas le seul critère qui permette de satisfaire aux conditions de résidence prévues dans la Loi. Une décision récente importante dont les faits ressemblent beaucoup à ceux de la présente espèce est Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. no 1415 (Ahmed). […]

 

[17]      Dans Ahmed, précitée, la juge Layden-Stevenson a insisté sur le fait que « dans un courant jurisprudentiel bien établi, la Cour a décidé que pour remplir les conditions requises par la Loi sur la citoyenneté, la résidence doit, dans une première étape, être établie et, dans une deuxième étape, être maintenue [...] ». Même si le demandeur semblait avoir résidé pendant 15 mois au Canada avant son départ […]

 

[18]      La juge Layden-Stevenson a statué dans Ahmed, précitée, que l’appelant ne remplissait pas les conditions de résidence parce qu’il n’avait pas établi sa résidence au Canada même s’il avait été affecté à un poste à l’étranger.

 

[…]

[20]      […] Toutefois, il ressort aussi de la jurisprudence que l’établissement de la résidence au Canada est une condition préalable à l’acquisition de la citoyenneté. Comme l’a indiqué le juge Walsh dans la décision Leung, Re (1991), 42 F.T.R. 149 (C.F. 1re inst.) :

 

Un grand nombre de citoyens canadiens, qu’ils soient nés au Canada ou naturalisés, doivent passer une grande partie de leur temps à l’étranger en relation avec leur entreprise, et il s’agit là de leur choix. Une personne qui veut obtenir la citoyenneté, toutefois, ne dispose pas de la même liberté, à cause des dispositions du paragraphe 5(1) de la Loi.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[29]           En bref, même si un demandeur de citoyenneté offre une explication raisonnable quant à ses longues absences du Canada, le fait d’acheter une maison et une voiture au Canada, d’obtenir un permis de conduire et de produire des déclarations de revenus ne suffit pas en soi pour pouvoir affirmer qu’il a établi et maintenu sa résidence au Canada.

 

[30]           En fait, en dehors de toute explication raisonnable qu’un demandeur peut offrir à l’appui de ses longues absences, le juge de la citoyenneté doit en bout de ligne évaluer si ces absences sont temporaires ou si elles sont un mode de vie régulier :

[16]      En outre, bien que la présence physique du demandeur ne soit pas le facteur le plus important, il demeure essentiel dans le cadre d’une analyse fondée sur les six facteurs de la décision Re Koo, et le juge peut et doit prendre en considération les absences du demandeur et les raisons les justifiant (voir Canada (Secrétaire d’État c. Nakhjavani), [1988] 1 C.F. 84, [1987] A.C.F. no 721 (QL), paragraphe 15; Agha (Re), [1999] A.C.F. no 577 (QL), paragraphe 45). Plus particulièrement, le juge Martineau a conclu dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration c. Chen), 2004 CF 848, [2004] A.C.F. no 1040 (QL), au paragraphe 10 :

 

Quand les absences sont un mode de vie régulier plutôt
qu’un phénomène temporaire, elles indiquent que la vie
est partagée entre les deux pays, et non pas un mode de
vie centralisé au Canada, comme le prévoit
la Loi [...]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Paez, précitée, on renvoie également à Sleiman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 230, [2007] A.C.F no 296 (QL).)

 

[31]           Dans les paragraphes qui suivent, M. Camorlinga‑Posch démontrera que la juge de la citoyenneté, à l’aide des six facteurs énoncés par la juge Reed dans la décision Koo (Re), n’a pas bien évalué la preuve quant à savoir si M. Camorlinga‑Posch avait bel et bien « centralisé son mode d’existence », premièrement en établissant sa résidence au Canada au cours de la période prévue dans la Loi, deuxièmement, en maintenant sa résidence au Canada pour l’ensemble de la période exigée.

 

[32]           Le demandeur démontrera également que la décision de la juge de la citoyenneté ne mentionne absolument rien quant à différents aspects de la preuve qui démontrent que les absences prolongées de M. Camorlinga‑Posch ne sont pas « temporaires et qu’elles témoignent plutôt d’un mode de vie structuré ».

 

Un examen de la décision de la juge de la citoyenneté

[33]           La juge de la citoyenneté a souligné dans sa décision que, sur les 1 095 jours de présence exigés, M. Camorlinga‑Posch n’a été présent au Canada que pendant 405 jours (Agha (Re) (1999), 166 F.T.R. 245, 88 A.C.W.S. (3d) 26).

 

[34]           Contrairement à la conclusion de la juge de la citoyenneté, selon l’interprétation libérale de la notion de résidence, les absences de M. Camorlinga‑Posch ne devraient pas être comptées comme des jours de résidence au Canada parce qu’il ne satisfaisait pas au critère mentionné dans Koo (Re), qui, en l’espèce, a été choisi par la juge de la citoyenneté.

 

[35]           La juge de la citoyenneté, dans sa décision, n’a pas bien appliqué les faits aux différents facteurs énoncés dans la décision Koo (Re). Plus précisément, la juge de la citoyenneté a commis une erreur dans l’analyse qu’elle a faite de cinq des six critères énumérés dans la décision Koo (Re). Il s’agit des premier, troisième, quatrième, cinquième et sixième critères.

 

[36]           En conséquence de son appréciation erronée de la preuve au dossier en ce qui a trait à ces cinq critères, la juge de la citoyenneté a conclu à tort que M. Camorlinga‑Posch avait centralisé son mode d’existence au Canada.

Les motifs invoqués par la juge de la citoyenneté dans sa décision sont muets quant à différents aspects clés de la preuve et cette lacune démontre que ceux‑ci n’ont pas été pris en compte.

 

 

[37]           Dans la décision Agha (Re), précitée, le juge François Lemieux énumère les éléments qui doivent être pris en compte lorsque le critère énoncé dans la décision Koo (Re) est le critère choisi par le juge de la citoyenneté dans le cadre de l’appréciation de la résidence :

[45]      À mon avis, le critère de l’affaire Koo oblige le juge de la citoyenneté à examiner soigneusement la nature, l’objet, la durée des absences physiques du Canada et toutes leurs circonstances afin de déterminer la nature véritable du rapport et des liens du demandeur avec le Canada et son engagement envers celui-ci.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[38]           En l’espèce, la juge de la citoyenneté n’a pas « examiner soigneusement » la durée des absences physiques du Canada de M. Camorlinga‑Posch et toutes leurs circonstances.

 

[39]           Comme la juge de la citoyenneté l’a à bon droit mentionné dans sa décision en l’espèce, M. Camorlinga‑Posch a bel et bien offert une explication raisonnable quant à ses longues absences du Canada au cours de la période de temps exigée. En effet, en raison de la nature du poste d’intégrateur de système client qu’il occupait dans une société multinationale comme Ericsson M. Camorlinga‑Posch a souvent été appelé à voyager par affaires.

 

[40]           La juge de la citoyenneté a commis une erreur dans son appréciation des longues absences de M. Camorlinga‑Posch en concluant que lesdites absences étaient « réparties également sur l’ensemble de la période de temps exigée » (dossier du tribunal, à la page 10). Cette appréciation erronée a amené la juge de la citoyenneté à conclure à tort que M. Camorlinga‑Posch avait « établi et centralisé son mode de vie au Canada » (dossier du tribunal, à la page 11).

 

[41]           Le fait que la liste d’absences fournie par M. Camorlinga‑Posch avec sa demande de citoyenneté révèle très clairement que ses absences n’étaient pas « réparties également », mais qu’elles augmentaient constamment et qu’elles avaient particulièrement beaucoup augmenté au cours des deux années précédant le dépôt de sa demande de citoyenneté : 95 jours en 2001, 139 jours en 2002 et 176 jours en 2003, mais 339 jours en 2004, 272 jours en 2005, et enfin, 71 jours sur une période de seulement trois mois en 2006.

 

[42]           La décision de la juge de la citoyenneté ne mentionne absolument rien quant à cette forte augmentation des absences de M. Camorlinga‑Posch entre 2004 et 2006.

 

[43]           De plus, la juge de la citoyenneté a souligné dans les motifs de sa décision que, [traduction] « [à] l’audience, le demandeur a affirmé qu’il travaille pour Ericsson Canada Inc. […] » et elle a de plus déclaré que [traduction] « [l]e demandeur a produit une lettre émanant d’Ericsson mentionnant qu’il est un employé à temps plein de la société dont les bureaux sont situés à Ville Mont‑Royal (Québec) » (dossier du tribunal, aux pages 8 et 10).

 

[44]           Dans ladite lettre produite par la succursale canadienne d’Ericsson Canada (dont le siège social est situé à Ville Mont‑Royal (Québec)), il est mentionné que l’emploi de M. Camorlinga‑Posch à la succursale canadienne d’Ericsson a pris fin le 1er janvier 2005. En effet, dans ladite lettre datée du 30 juin 2005 émanant d’Ericsson Canada, on peut lire ce qui suit :

[traduction]

 

La présente lettre confirme que M. Pedro Camorlinga occupe un emploi permanent à temps plein chez Ericsson Canada Inc., un chef de file dans l’industrie des télécommunications.

 

M. Camorlinga a été à l’emploi d’Ericsson Canada du 1er mai 2000 au 31 janvier 2005. Il travaillait à temps plein, c’est‑à‑dire 37,5 heures par semaine.

 

M. Camorlinga travaillait sous la supervision de M. Peter Anzovino à titre d’intégrateur de système client.

 

À titre d’intégrateur de système client, M. Camorlinga devait […] (dossier du tribunal, à la page 34).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[45]           En fait, à la question no 9 du Questionnaire sur la résidence, daté du 20 mars 2006, M. Camorlinga‑Posch a mentionné qu’il a travaillé pour Ericsson Canada Inc. entre janvier 2001 et janvier 2005, et que, depuis février 2005, il travaille pour Ericsson Telecommunication, dont les bureaux sont situés aux Pays-Bas (dossier du tribunal, à la page 21, question no 9).

 

[46]           Ensuite, la juge de la citoyenneté a manifestement commis une erreur lorsqu’elle a conclu que M. Camorlinga‑Posch travaillait toujours à temps plein au siège social situé à Ville Mont‑Royal lorsqu’elle a rendu sa décision à l’appui de la demande de citoyenneté présentée par M. Camorlinga‑Posch.

 

[47]           En fait, la décision de la juge de la citoyenneté ne fait mention de rien quant au fait que M. Camorlinga‑Posch a cessé de travailler au siège social d’Ericsson, situé à Ville Mont‑Royal, pour aller travailler pour la filiale néerlandaise d’Ericsson.

 

[48]           En réalité, on constate que les visites répétées de M. Camorlinga‑Posch à Rijen (Pays‑Bas) en 2005, coïncident avec la fin de son emploi chez Ericsson Canada et avec son nouvel emploi chez Ericsson Telecommunication dont le siège social est situé aux Pays-Bas (il convient de mentionner que, contrairement aux années antérieures, M. Camorlinga‑Posch n’a produit aucune déclaration de revenus pour 2005).

 

[49]           On estime que le demandeur a l’intention de s’installer au Canada; toutefois, l’intention de M. Camorlinga‑Posch n’a aucune pertinence dans un contexte où il est manifeste qu’il n’a pas encore centralisé son mode de vie au Canada. En effet, compte tenu de la preuve susmentionnée, il faut conclure, à tout le moins, que M. Camorlinga‑Posch n’a pas maintenu sa résidence au Canada depuis 2005.

 

[50]           Compte tenu des séjours à l’étranger répétés et de plus en plus fréquents de M. Camorlinga‑Posch au cours des quatre ans qui ont précédé le dépôt de la demande de citoyenneté – et compte tenu surtout, plus récemment, de son nouvel emploi auprès de la filiale néerlandaise d’Ericsson – on doit conclure que les absences prolongées du Canada de M. Camorlinga‑Posch constituent en l’espèce un mode structurel de vie à l’étranger plutôt qu’une situation temporaire.

 

[51]           Compte tenu des éléments susmentionnés qui ressortent de la preuve au dossier, il est manifeste que les facteurs énoncés dans Koo (Re) ont été mal analysés.

 

L’analyse erronée des faits eu égard aux cinq facteurs énumérés dans Koo (Re) effectuée par la juge de la citoyenneté

 

a.       Le premier facteur du critère : la présence physique avant la période d’absence

[52]           La première question abordée par la juge de la citoyenneté dans sa décision découle du critère énoncé comme suit par la juge Reed dans la décision Koo (Re) : La personne était‑elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s’absenter. La plupart des absences sont-elles récentes et ont-elles eu lieu immédiatement avant le dépôt de la demande de citoyenneté (dossier du tribunal, à la page 10)?

 

[53]           La juge de la citoyenneté a répondu de la façon suivante à la question susmentionnée :

[traduction]

 

Le demandeur travaille chez Ericsson comme intégrateur de système client. En raison de la nature de son poste, il est souvent appelé à voyager par affaires. Les absences du demandeur ont été réparties également au cours de la période en question (dossier du tribunal, à la page 10).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[54]           La juge de la citoyenneté a commis une erreur lorsqu’elle a déclaré que « [l]es absences du demandeur étaient répartis également ». La preuve révèle effectivement une récurrence très importante des absences au cours des années 2004 et 2005. M. Camorlinga‑Posch a été très peu présent au Canada au cours de ces années (c’est‑à‑dire 339 jours d’absence en 2004 et 272 jours d’absence en 2005) (il convient de signaler ici que la juge de la citoyenneté aurait pu prendre en compte l’absence de M. Camorlinga‑Posch pendant toute l’année 2005 et non pas seulement pendant la période qui a précédé le dépôt de sa demande le 14 août 2005 (Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 87 A.C.W.S. (3d) 876, [1999] A.C.F. no 439 (QL)).

 

[55]           De plus, la juge de la citoyenneté n’a pas bien apprécié ce facteur qui consistait à déterminer si M. Camorlinga‑Posch était présent au Canada avant ses récentes absences qui se sont produites immédiatement avant le dépôt de la demande de citoyenneté.

 

[56]           La preuve révèle que non seulement les absences du Canada de M. Camorlinga‑Posch étaient récentes, mais qu’elles avaient été très répétées pendant des périodes de temps de plus en plus longues au cours de la période exigée de quatre ans avant le dépôt de sa demande de citoyenneté.

 

[57]           Par conséquent, les jours d’absence de M. Camorlinga‑Posch ne pouvaient pas être traités comme étant de la résidence au Canada parce que la preuve n’étaye pas la conclusion selon laquelle le Canada est l’endroit où M. Camorlinga‑Posch vit régulièrement, normalement ou ordinairement et dans lequel il a centralisé son mode d’existence.

 

2)      Le deuxième facteur du critère : les allées et venues de la famille immédiate et des personnes à charge du requérant

 

[58]           À la question « Où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant? », la juge de la citoyenneté a souligné ce qui suit :

[traduction]

 

Les parents et la sœur du requérant vivent au Mexique.

La conjointe de fait du demandeur vit au Canada. Depuis le dépôt de la demande, le demandeur est devenu père. Sa conjointe et son enfant sont tous deux citoyens canadiens (dossier du tribunal, à la page 10).

 

[59]           Même si le deuxième critère n’a pas fait l’objet d’une discussion, ce qui suit s’applique.

 

[60]           La conjointe de fait de M. Camorlinga‑Posch a résidé au Canada et a effectué des visites aux Pays-Bas, mais les autres membres de sa famille vivaient ailleurs. Le fait d’avoir une conjointe de fait et même des biens immeubles dans un pays ne permet pas en soi d’établir que le demandeur satisfait aux exigences élémentaires de la loi. Comme une personne peut avoir une résidence dans plus d’un pays et une famille, même sa famille nucléaire, qui réside dans plus d’un pays, cela ne satisfait pas nécessairement aux exigences de la loi.

 

3)   Le troisième facteur du critère : retour au Canada ou simples visites au Canada (c’est‑à‑dire la tendance des présences de M. Camorlinga‑Posch au Canada)

 

[61]           À la question « la forme de présence physique du requérant au Canada dénote-t-elle que ce dernier revient dans son pays ou, alors, qu’il n’est qu’en visite? », la juge de la citoyenneté a tiré la conclusion suivante :

[traduction]

 

Le demandeur a produit une lettre émanant d’Ericsson mentionnant qu’il est un employé à temps plein de cette société dont le siège social est situé à Ville Mont‑Royal (Québec). Le demandeur déclare que, au cours de la période en question, il a résidé au 5481, chemin Queen Mary, à Montréal, et que, en 2004, il a acheté un immeuble dans lequel il vit encore aujourd’hui. Le demandeur a produit des documents afin de prouver cette déclaration, notamment l’acte de vente, le prêt hypothécaire, les taxes municipales, l’assurance‑habitation pour prouver le bail de 2001, l’impôt foncier pour l’habitation du 5481, chemin Queen Mary pour 2002 et les factures de services publics (dossier du tribunal, à la page 10).

 

[62]           Le problème avec cette déclaration est que la juge de la citoyenneté n’a tenu aucun compte du fait que – précisément – M. Camorlinga‑Posch ne travaillait plus à temps plein pour la filiale d’Ericsson situé au Canada, et qu’il travaille actuellement pour la filiale néerlandaise d’Ericsson.

 

[63]           Comme il a déjà été mentionné, il n’y a absolument rien dans la décision de la juge de la citoyenneté concernant cet élément de preuve principal et rien dans la décision ne démontre que, à l’audience, elle a examiné à fond cette question avec M. Camorlinga‑Posch.

 

[64]           De plus, la présence de M. Camorlinga‑Posch au Canada est davantage caractérisée par de brèves visites plutôt que par des retours à un endroit où il « vit régulièrement, normalement ou ordinairement » et cela est particulièrement vrai pour les années 2004 et 2005.

 

      4)   Le quatrième facteur du critère : longues absences

[65]           Concernant ce facteur, la juge de la citoyenneté mentionne ce qui suit : [traduction] « [l]e demandeur a été physiquement présent au Canada pendant 405 jours. Le demandeur a été à l’extérieur du Canada pendant 787 jours » (dossier du tribunal, à la page 10). M. Camorlinga‑Posch est donc loin d’avoir atteint le seuil exigé de 1 095 jours.

 

[66]           M. Camorlinga‑Posch n’a pas vécu au Canada « régulièrement, normalement ou ordinairement ». Comme l’a expliqué le juge Yvon Pinard dans la décision Abderrahim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1486, [2004] A.C.F. no 1867 (QL), il est important qu’un demandeur de citoyenneté passe du temps au Canada afin de pouvoir affirmer qu’il a centralisé son mode de vie au Canada :

[7]        Plus particulièrement, je considère que même si le juge de la citoyenneté a erré dans le calcul du nombre de jours d’absence du demandeur (il a mentionné 942 jours), cette erreur est insignifiante, le demandeur lui-même ayant indiqué, dans sa demande de citoyenneté, avoir été absent pendant 864 jours en raison de son travail à l’étranger. Le demandeur n’ayant été présent au Canada que pendant 596 jours pendant la période de référence, il était loin de rencontrer la période de résidence minimale prescrite de 1 095 jours, ce qui était suffisant pour permettre au juge de la citoyenneté de raisonnablement refuser sa demande.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[67]           Dans une autre décision semblable, Zeng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1752, 136 A.C.W.S. (3d) 15, rendue par le juge Richard Mosley, le demandeur de citoyenneté travaillait pour une société canadienne et il devait souvent voyager à l’étranger. Même s’il possédait une maison et que son épouse et sa fille demeuraient au Canada de façon permanente, le juge de la citoyenneté a conclu, après avoir analysé les facteurs énoncés dans la décision Koo (Re), que le demandeur n’avait pas centré son mode de vie Canada. Puis, la Cour fédérale a rejeté l’appel du demandeur pour les raisons suivantes :

 

[21]      Il n’est pas surprenant, vu le temps considérable passé par M. Zeng à l’extérieur du Canada au cours des quatre années précédant sa demande de citoyenneté, que le juge de la citoyenneté ait mis l’accent, pour arriver à ses conclusions, sur les absences de M. Zeng et sur les raisons de telles absences. Eu égard aux facteurs exposés dans la décision Koo (Re), il n’y avait pas eu de présence physique au Canada durant une longue période avant les absences récentes. Nous avons affaire en effet à de longues absences entrecoupées de quelques périodes au Canada. Ce ne sont pas « quelques jours » qui manquaient à M. Zeng pour atteindre le nombre de jours requis. Il ne s’était pas le moindrement établi ici avant qu’il accepte un emploi chez Cargill et qu’il commence à voyager à l’étranger durant de longues périodes. Le juge de la citoyenneté avait devant lui une preuve établissant que M. Zeng allait être réintégré au siège social de Cargill à Winnipeg au bout de quatre ans, mais à mon avis son emploi à l’étranger n’était pas le genre de situation temporaire dont parlait la juge Reed dans la décision Koo (Re).

 

[…]

 

[23]      Contrairement aux observations du demandeur, je ne puis trouver dans les motifs du juge de la citoyenneté aucun élément indiquant qu’il a omis de tenir compte des autres faits qui favorisaient M. Zeng. Il a même reconnu que son dossier comportait des points forts, notamment l’acquisition d’un logement pour son épouse et sa fille à Burnaby, en Colombie-Britannique. À mon avis cependant, le juge était fondé à comparer ce facteur aux autres facteurs et à dire qu’il n’atteignait pas le niveau requis d’attaches avec le Canada.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[68]           La juge de la citoyenneté a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que M. Camorlinga‑Posch avait centralisé son mode d’existence au Canada au cours de la dernière période prescrite de quatre ans, notamment au cours des années 2004 et 2005.

 

      5)   Le cinquième facteur du critère : absences temporaires ou absences d’une durée indéfinie

 

[69]           La juge de la citoyenneté a écrit ce qui suit relativement à la question « l’absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire, par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l’étranger? » :

Tous les voyages à l’extérieur du Canada que le demandeur a fait étaient des voyages d’affaires, sauf au cours de ses vacances annuelles. Le demandeur a produit des lettres émanant de son employeur adressées à diverses ambassades afin de demander qu’un visa lui soit délivré afin qu’il puisse exécuter ses tâches auprès des clients d’Ericsson ou dans les installations à l’étranger. Le demandeur a produit un livret de vaccins qu’il s’est fait donner au Canada à titre de précaution pour ses voyages à l’étranger. Le demandeur, lorsqu’il avait terminé son travail à l’étranger, retournait toujours dans son logement et à son travail à Montréal (dossier du tribunal, à la page 11).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[70]           Compte tenu de ce qui précède, la juge de la citoyenneté a conclu ce qui suit dans la section consacrée à sa décision :

[…] Lorsqu’il avait terminé son affectation, le demandeur retournait dans son logement sur le chemin Queen Mary, à Montréal, loué en 2001 et, par la suite, à son condominium acheté en 2004 […] Il est évident que toutes les absences du demandeur étaient dues à une situation temporaire et étaient liées à la nature de son emploi […] (dossier du tribunal, à la page 11).

 

[71]           La juge de la citoyenneté n’a pas traité adéquatement ce cinquième critère.

 

[72]           La juge de la citoyenneté ne pouvait pas conclure de manière réaliste que les absences physiques de M. Camorlinga‑Posch étaient « imputables à une situation manifestement temporaire » compte tenu que :

a.       Les absences de M. Camorlinga‑Posch ne sont pas « réparties également » sur l’ensemble de la période de temps exigée comme l’a déclaré à tort la juge de la citoyenneté, mais les absences ont été longues et ont augmenté de façon importante en 2004 et en 2005;

b.      M. Camorlinga‑Posch ne travaille plus pour la filiale canadienne d’Ericsson depuis 2005;

c.       M. Camorlinga‑Posch travaille actuellement pour la filiale néerlandaise d’Ericsson, rien n’indique que ce poste n’est qu’une affectation et n’est que temporaire.

 

[73]           Le fait que M. Camorlinga‑Posch travaille pour une société multinationale comme Ericsson qui a des succursales et qui fait des affaires partout dans le monde n’est pas une justification valable pour ne pas se conformer à son obligation de résidence prévue dans la Loi (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Chang (1999), 91 A.C.W.S. (3d) 198, [1999] A.C.F. no 1352 (QL)). Par exemple, dans la décision Sharma, précitée, le juge John O’Keefe a déclaré ce qui suit :

[37]      Le fait que le demandeur travaille pour un organisme des Nations Unies, l’UNICEF, ne lui est d’aucun secours, car notre Cour a jugé que des personnes se trouvant dans une situation comme la sienne doivent élire domicile au Canada et y maintenir leur résidence pour la durée exigée (voir les décisions Ahmed, précitée et Shrestha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 594).

 

(On renvoie également à la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Woldemariam (1999), 175 F.T.R. 108, [1999] A.C.F. no 1545 (QL); Shreshta, précitée; Ahmed, précitée.)

 

[74]           Dans la décision Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 47, 145 A.C.W.S. (3d) 379, la juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté déposée par M. Khan, qui était originaire du Pakistan. Dans cette affaire, le demandeur était arrivé au Canada en janvier 2000, et au cours des quatre années précédant le dépôt de sa demande, il s’était absenté pendant de longue période de temps (c’est‑à‑dire pendant un nombre total de 419 jours) car, dans le cadre de son emploi, il devait travailler en République de Guinée. Même si M. Khan travaillait pour une société canadienne, la Cour a rejeté son appel en affirmant ce qui suit :

[22]      Le demandeur a choisi de travailler pour une société qui l’oblige à travailler à son site d’exploitation de mines de diamants en Guinée. Tel que mentionné dans Re Leung (1991), 42 F.T.R. 149, à la page 154, 13 Imm. L.R. (2d) 93, un grand nombre de citoyens canadiens, qu’ils soient nés au Canada ou naturalisés, doivent passer une grande partie de leur temps à l’étranger dans le cadre des activités de leur entreprise, et il s’agit là de leur choix. Cependant, une personne qui veut obtenir la citoyenneté ne dispose pas de la même liberté à cause des dispositions du paragraphe 5(1) de la Loi.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(On renvoie également à la décision Leung (Re), précitée.)

 

[75]           Une autre décision a été rendue par la Cour dans Paez, précitée. Dans cette affaire, le demandeur avait passé 495 jours en Colombie, pour affaires, pendant la période requise. La Cour a rejeté l’appel du demandeur pour les motifs suivants :

[16]      En outre, bien que la présence physique du demandeur ne soit pas le facteur le plus important, il demeure essentiel dans le cadre d’une analyse fondée sur les six facteurs de la décision Re Koo, et le juge peut et doit prendre en considération les absences du demandeur et les raisons les justifiant (voir Canada (Secrétaire d’État c. Nakhjavani, [1988] 1 C.F. 84, [1987] A.C.F. no 721 (QL), paragraphe 15; Agha (Re), [1999] A.C.F. no 577 (QL), paragraphe 45). Plus particulièrement, le juge Martineau a conclu dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration c. Chen), 2004 CF 848, [2004] A.C.F. no 1040 (QL), au paragraphe 10 :

 

Quand les absences sont un mode de vie régulier plutôt
qu’un phénomène temporaire, elles indiquent que la vie
est partagée entre les deux pays, et non pas un mode de
vie centralisé au Canada, comme le prévoit la Loi [...]

 

(Voir, par exemple, le paragraphe 28 de la décision Sleiman, précitée.)

 

[17]      Je suis d’accord avec mon collègue. Bien que le critère de la décision Re Koo soit foncièrement souple puisqu’il prend en considération la situation personnelle du demandeur, cette souplesse a une limite. Si la personne souhaite devenir citoyen canadien, elle doit à un certain moment centraliser son mode d’existence au Canada.

 

[…]

 

[19]      Dans la présente affaire, je conclus que la décision du juge de la citoyenneté était raisonnable. Il a analysé la situation du demandeur à la lumière des six facteurs de la décision Re Koo, et il a souligné que le demandeur a effectué de nombreux voyages en Colombie, son pays d’origine, qu’il a continué de pratiquer la médecine et gardé sa lunetterie dans ce pays et qu’il a investi dans deux entreprises de construction canadiennes, desquelles il est dirigeant. En raison de ces facteurs, il était raisonnable que le juge de la citoyenneté conclût que les absences du demandeur n’étaient pas temporaires, mais qu’elles témoignaient plutôt d’un mode de vie structuré.

 

[20]      Il est vrai qu’à l’exception de l’omission du demandeur de payer ses impôts aux autorités canadiennes, le juge de la citoyenneté n’a mentionné aucun des indices passifs de résidence; cependant, comme je l’ai mentionné précédemment, les indices passifs, en soi, ne permettent pas de conclure que le demandeur a centralisé son mode de vie au Canada.

 

[21]      De plus, malgré que le juge de la citoyenneté ait affirmé que la présence de la famille du demandeur au Canada était un facteur important, cela n’était pas déterminant. Le fait que le demandeur ait été disposé à voyager pour subvenir aux besoins de sa famille est louable; cependant, en me fondant sur l’ensemble des facteurs, je conclus que la conclusion tirée par le juge de la citoyenneté, selon laquelle le demandeur a un lien plus fort avec la Colombie qu’avec le Canada, était raisonnable.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[76]           Compte tenu de la longue liste d’absences de M. Camorlinga‑Posch pendant les quatre années qui ont précédé le dépôt de sa demande – et plus particulièrement pendant les années 2004 et 2005, conjuguée avec son emploi chez Ericsson Telecommunication aux Pays-Bas – il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour permettre à la juge de la citoyenneté de conclure que ses absences n’étaient pas temporaires, mais qu’elles témoignaient plutôt d’un mode de vie structuré.

 

      6)   Le sixième facteur du critère : la qualité des attaches avec le Canada

[77]           La juge de la Citoyenneté a écrit ce qui suit en réponse aux questions « quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays? ».

[traduction]

 

Le demandeur a établi sa résidence à Montréal en louant d’abord un appartement, puis en achetant un immeuble où il vit actuellement avec sa famille. Le demandeur a accepté un emploi chez Ericsson Canada, il a contribué à la Régie des rentes du Québec et il a déclaré des revenus au Canada. Il travaille pour la même société depuis 2001 (dossier du tribunal, à la page 11).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[78]           Compte tenu de ce qui précède, la juge de la citoyenneté a conclu ce qui suit dans la section relative à sa décision :

[traduction]

 

[…] Le demandeur a trouvé une conjointe de fait au Canada, une citoyenne canadienne et le couple a eu un enfant depuis le dépôt de la demande de citoyenneté […] Le demandeur possède des comptes bancaires au Canada, une carte d’assurance‑maladie provinciale, il contribue au Régime des rentes du Québec et tout cela indique que le Canada est un endroit où le demandeur vit régulièrement, normalement ou habituellement (dossier du tribunal, à la page 11).

 

[79]           En l’espèce, les éléments dont la juge de la citoyenneté a tenu compte comme étant des « indices passifs » de résidence au Canada sont précisément du même type que ceux mentionnés dans Paez, précitée :

[18]      Enfin, en ce qui concerne la qualité des attaches avec le Canada, la Cour a été peu disposée à conclure qu’en eux-mêmes les indices « passifs » -- comme la possession de maisons, d’automobiles, de cartes de crédit, de permis de conduire, de comptes en banque, de cartes de bibliothèque, ainsi que la souscription à un régime d’assurance-santé et les déclarations de revenus -- montrent suffisamment l’existence d’une attache réelle (Sleiman, précitée, paragraphe 26; Eltom, précitée, paragraphe 25; Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration) c. Xia, 2002 CFPI 453, [2002] A.C.F. no 613 (QL), paragraphe 25). Lorsque l’on doit juger de l’attache, il doit y avoir un certain nombre d’éléments de preuve qui montrent une certaine communication avec la collectivité canadienne ou une explication rationnelle de l’absence de tels éléments de preuve, et non pas simplement des indices passifs (Xia, précitée, paragraphe 26).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[80]           Même si M. Camorlinga‑Posch possède un compte bancaire canadien, une carte d’assurance‑maladie provinciale ou qu’il contribue au Régime des rentes du Québec, ces éléments sont considérés par la Cour comme ayant peu de valeur dans le cadre de l’appréciation de l’attachement au Canada d’un candidat à la citoyenneté. En bref, ils ne suffisent pas à établir que M. Camorlinga‑Posch a centralisé son mode d’existence au Canada.

 

[81]           En ce qui concerne le fait que la famille immédiate de M. Camorlinga‑Posch vit au Canada, la juge de la citoyenneté a confondu le degré d’établissement de ce dernier avec celui de sa famille; toutefois, comme l’a déclaré la juge Danièle Tremblay‑Lamer dans la décision Paez, précitée, M. Camorlinga‑Posch ne pouvait pas « faire sienne la situation de sa famille pour fonder sa résidence ».

 

[82]           De plus, dans la décision Yip c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 91 A.C.W.S. (3d) 525, [1999] A.C.F. no 1393 (QL), même si la famille de M. Yip vivait au Canada, la juge Reed, comme il ressort des extraits suivants, a conclu que ses voyages au Canada n’étaient que des visites et qu’ils ne témoignaient pas d’une volonté bien arrêtée d’adopter le Canada comme étant le pays dans lequel il réside normalement et régulièrement. La juge Reed a affirmé ce qui suit :

[11]      Le deuxième facteur à prendre en considération consiste à savoir si la famille immédiate de l’appelant est établie au Canada. Comme il en a été fait mention, la conjointe et les enfants de l’appelant sont établis ici depuis qu’ils ont été admis à titre de résidents permanents. Ses parents sont venus au Canada. Il a deux soeurs au Canada. Le fait que des membres de la famille immédiate sont au Canada permet de considérer les absences de l’appelant comme des périodes de résidence au pays.

 

[…]

 

[15]      Un autre facteur à prendre en considération consiste à savoir si les absences de l’appelant tendent à montrer que lorsqu’il revient au Canada, il revient chez lui plutôt que d’effectuer simplement un séjour. Ce facteur est neutre dans le cas de l’appelant. Comme il en a été fait mention, la conjointe et les enfants de l’appelant sont ici et l’appelant et sa conjointe ont acheté une maison familiale ici. Ce sont des indices qui permettraient de conclure que lorsque l’appelant revient au Canada, il revient chez lui. D’autre part, la mobilité de la conjointe est assujettie à des contraintes, si elle veut devenir citoyenne canadienne elle doit résider au Canada pendant trois ans. Ce fait, auquel vient s’ajouter le fait que les activités commerciales de l’appelant se déroulent principalement à Hong Kong et en Chine, nous amène à conclure que les voyages que l’appelant effectue au Canada ne constituent que des séjours et n’établissent pas qu’il a l’intention d’adopter le Canada comme pays où il réside normalement et habituellement. Avec le temps, il deviendra peut-être clair que la famille a axé son mode de vie au Canada, mais en ce moment cela n’est pas évident.

           

[Non souligné dans l’original.]

 

[83]           Ensuite, malgré la présence au Canada de la famille immédiate de M. Camorlinga‑Posch, cet élément en soi a une incidence déterminante.

 

[84]           De plus, comme l’a déclaré le juge Lemieux dans Hsu (Re) (1999), 167 F.T.R. 72, 88 A.C.W.S. (3d) 25 :

[31]      L’avocat de M. Hsu a beaucoup insisté sur le fait que M. Hsu a toujours eu l’intention de revenir au Canada parce que sa famille et ses enfants étaient ici et qu’il avait vendu sa maison et apporté tous ses biens personnels au Canada. L’intention, à elle seule, n’est pas suffisante. La notion de résidence est aussi une question de faits objectifs.

 

[85]           De plus, comme il ressort du passage suivant tiré de la décision Leung, précitée, la simple intention de demeurer au Canada ou de retourner au Canada n’est pas suffisante et un demandeur doit établir que le Canada est sa résidence principale :

Je n’ai aucun doute que la croissance plus poussée de son entreprise au Canada depuis sa demande de citoyenneté produite en 1988 et, partant, la diminution de ses activités à Hong Kong amènent la requérante à passer plus de temps au Canada; je n’ai pas non plus de doute qu’elle a l’intention de faire du Canada son pays d’adoption. […]

 

[…]

 

[…] pour se voir accorder la citoyenneté, elle doit cesser d’avoir une relation ambivalente à l’égard du Canada et établir que sa résidence principale est ici, en y passant plus de temps que celui qu’elle consacre à des visites en Orient dans le cadre de ses activités commerciales canadiennes à titre de consultante en relations publiques.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[86]           Il ressort clairement du dossier, particulièrement des années 2004 et 2005, que M. Camorlinga‑Posch s’est absenté à de nombreuses reprises du Canada et la décision de la juge de la citoyenneté ne traduit pas adéquatement cet état de fait. Ces lacunes constituent une erreur susceptible de contrôle.

 

VI.  Conclusion

[87]           Pour les motifs susmentionnés, la décision est annulée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que l’appel interjeté par le demandeur soit accueilli.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1463-08

 

INTITULÉ :                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION c.

                                                            PEDRO CAMORLINGA‑POSCH

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 11 juin 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Patricia Nobl

 

POUR LE DEMANDEUR

Pedro Camorlinga‑Posch

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

Pedro Camorlinga‑Posch

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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