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Date: 20090610

Dossier : IMM-4765-08

Référence : 2009 CF 619

Ottawa (Ontario), le 10 juin 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

CHUANXI WANG

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite l’annulation du rejet de sa demande de prolongation de son permis d’étude par un agent d’immigration (l’agent). La décision contestée a été rendue le 17 octobre 2008. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Contexte

[2]               M.  Chuanxi Wang est un citoyen chinois âgé de 26 ans. Il est entré pour la première fois au Canada en vertu d’un visa d’étudiant, valide du 24 décembre 2001 au 3 avril 2004. Le visa a ensuite été prolongé jusqu’à mai 2008.  

 

[3]               M. Wang s’est inscrit en tant qu’étudiant à plusieurs institutions en Colombie-Britannique depuis son arrivée au Canada. De janvier 2002 à août 2004, il a étudié l’anglais, langue seconde, au Collège Dorset, au Collège Alice et au Collège Century. De septembre 2004 à avril 2005, il a suivi un cours d’entretien d’aéronef au Collège Dorset, où, après avoir terminé son cours, il s’est inscrit à l’Institut de technologie de la Colombie-Britannique, où il a obtenu son diplôme de technicien d’entretien d’aéronef en octobre 2006. Il est ensuite retourné au Collège Dorset en janvier 2007, où il s’est inscrit au programme de passage à l’université, dans l’intention d’étudier ensuite à l’Université Acadia pour obtenir un baccalauréat en administration des affaires. Des raisons médicales l’ont contraint à ne pas se présenter à la session d’automne 2007, mais il s’est réinscrit en janvier 2008. Il a quitté le collège au cours de la session d’automne 2008, à la suite de la décision du défendeur de ne pas renouveler son permis d’études.

 

[4]               Le demandeur a sollicité le renouvellement de son permis d’études en mai 2008, demandant à ce qu’il soit prolongé jusqu’à avril 2010. Il a été interrogé par l’agent le 9 octobre 2008. Le demandeur a fourni plusieurs documents à l’agent, tels que des relevés de notes du collège, des états de présence, des exemplaires de devoirs, des attestations bancaires, ainsi que des déclarations portant sur les motifs pour lesquels il a étudié au Canada, sa situation familiale et ses projets d’avenir. Parmi les autres documents qu’il a présentés, on retrouve un connaissement d’une livraison de biens ménagers en provenance de Chine vers Vancouver, ainsi que des copies des cartes de résident permanent canadien de ses parents.

 

[5]               À l’entrevue, le demandeur a été questionné à propos de son programme d’études et de sa famille. Il a affirmé à l’agent que ses parents le soutiennent financièrement et que son père est propriétaire d’une entreprise d’équipement médical en Chine

 

[6]               Dans l’affidavit qu’il a produit dans la présente instance, le demandeur énonce que ses parents se sont vu octroyer, à la suite d’une demande faite en 2005, le statut de résident permanent au Canada en novembre 2007. Le demandeur était initialement inclus dans la demande de ses parents, mais il a plus tard été retiré de la demande. Il a lui-même demandé la résidence permanente au Canada en mai 2008, après avoir présenté sa demande de prolongation de son permis d’études. 

 

[7]               Les notes versées par l’agent au Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI) font état des motifs de refus du renouvellement du visa d’étudiant du demandeur :

[traduction]

Le client est originalement entré au Canada dans l’intention d’obtenir un diplôme en administration des affaires, mais a passé deux années à étudier l’entretien d’aéronef. Le client a déclaré qu’il veut demeurer au Canada avec ses parents, parce que ceux-ci ont déjà immigré au Canada et qu’il serait extrêmement difficile pour lui de retourner vivre en Chine par ses propres moyens. Le client a fourni un connaissement du transporteur par conteneur KLN qui dressait une liste de certains objets envoyés au Canada; le client a déclaré que le connaissement démontre que tous ses biens sont au Canada et que sa famille n’a plus rien en Chine. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il ferait dans l’éventualité où sa demande était refusée, le client a répondu : « Je vais prendre connaissance des motifs, et si j’ai la preuve que je peux contester, je voudrais réessayer. Si je ne peux vraiment pas, je peux retourner en Chine pour étudier, mais ce serait presque impossible, car j’ai gaspillé à la fois du temps et de l’argent, et je n’ai terminé que la moitié de mes études. » Même si le client a déclaré qu’il peut retourner en Chine, je ne suis pas convaincu qu’il va quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, conformément à l’alinéa 20(1)b). Le client a peu de liens avec la Chine, ses parents sont au Canada, il n’a pas d’emploi et fort peu de biens en Chine. Le client a déclaré « mes parents ont déjà immigré ici, ils ont envoyé mes effets personnels ici, ce qui prouve qu’il ne nous reste plus rien en Chine ». Demande rejetée.

 

 

[8]               Le demandeur prétend que l’agent a commis une erreur en concluant qu’il ne quitterait pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, et « que l’agent n’avait pas de preuve devant lui » pour corroborer sa conclusion. Il prétend que son intention avouée de rester au Canada à la fin de ses études ne veut pas dire qu’il ne quittera pas le Canada s’il ne reçoit pas l’autorisation d’y rester, et s’appuie sur Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1381, pour soutenir que [traduction] « l’intention de travailler au Canada ou d’y immigrer ne signifie pas qu’un étudiant ne quittera pas le Canada s’il n’est pas autorisé à y rester ». Il attire aussi l’attention de la Cour sur le paragraphe 22(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27, lequel « permet expressément qu’un demandeur puisse simultanément demander le statut de résident permanent et celui de résident temporaire ». Il soutient de plus qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de conclure qu’il n’avait pas de liens familiaux avec la Chine, puisque son père lui envoie de l’argent de la Chine et y exploite son entreprise.

 

[9]               Le défendeur prétend que la décision qui fait l’objet du contrôle judiciaire est raisonnable et ne devrait pas être infirmée. Pour ce qui est de la présence du père du demandeur et des liens avec la Chine, le défendeur allègue qu’il était raisonnable de la part de l’agent de tenir compte du statut d’immigration des parents du demandeur au Canada comme facteur tendant à réfuter les liens familiaux avec la Chine. Le défendeur soutient qu’indépendamment du paragraphe 22(2) de la Loi, l’agent devait tout de même être convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de ses études, ce qui n’était visiblement pas le cas, compte tenu de la preuve dont il disposait.

 

Question

[10]           La seule question soulevée par le demandeur est de savoir si l’agent a commis une erreur en rejetant sa demande de renouvellement du permis d’étude.

 

Analyse

[11]           Les dispositions suivantes de la Loi régissent le renouvellement des permis d’études :

20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

a) []

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

 

20. (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

(a) (…)

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

 

22. (2) L’intention qu’il a de s’établir au Canada n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

22. (2) An intention by a foreign national to become a permanent resident does not preclude them from becoming a temporary resident if the officer is satisfied that they will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

 

[12]           Le demandeur allègue que l’agent a mis en doute le caractère authentique de son statut d’étudiant. Il convient d’affirmer que le demandeur a des antécédents scolaires au Canada inhabituels et éclectiques. Cependant, l’agent n’a pas conclu que le demandeur n’était pas un étudiant authentique, et il n’y a pas de preuve que cela a été pris en compte dans la décision que le demandeur n’avait pas réussi à convaincre l’agent qu’il retournerait en Chine.

 

[13]           Pour revenir sur le fond du litige dont la Cour est saisie, la seule question est de savoir s’il était raisonnable pour l’agent, compte tenu de la preuve qu’il avait devant lui, de douter que le demandeur quitterait le Canada à la fin de ses études. À ce sujet, je fais remarquer que le demandeur semble avoir mal compris le fardeau de la preuve. Il incombe au demandeur de convaincre l’agent qu’il retournerait en Chine, et non à l’agent de démontrer que le demandeur ne quitterait probablement pas le Canada.

 

[14]           Le demandeur a témoigné qu’il avait l’intention de demeurer au Canada avec sa famille, qu’il a fait livrer ses effets personnels ici, qu’il « serait extrêmement difficile » pour lui de retourner en Chine et que sa famille « n’a plus rien » en Chine. Bien que le paragraphe 22(2) de la Loi permette à un demandeur de permis d’études d’avoir aussi l’intention de demander le statut de résident permanent, la preuve présentée à l’agent tendait fortement à démontrer que la seule intention du demandeur était de rester au Canada. Sa déclaration selon laquelle il « pourrait » retourner en Chine pour étudier dans l’éventualité où sa demande serait rejetée ne l’emporte pas sur le reste des éléments de preuve qui laissent entendre qu’il n’y retournerait pas. Comme il est mentionné précédemment, il incombait au demandeur de démontrer qu’il quittera le Canada à la fin de sa période d’études. L’agent a l’obligation d’évaluer la preuve qui lui a été présentée et de pondérer ces éléments de preuve afin de décider si elle démontre, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur quittera le Canada lorsque son permis d’études expirera.  

 

[15]           Je n’estime pas que l’agent a commis une erreur en évaluant la preuve qu’il avait devant lui.

 

[16]           Le demandeur prétend que l’agent a commis une erreur en affirmant qu’il n’avait plus de famille en Chine, puisque ses parents sont devenus des résidents permanents du Canada. Il est allégué qu’étant donné que l’agent s’est fait dire que le père du demandeur envoie à celui-ci de l’argent en provenance de la Chine et y exploite une entreprise, il était déraisonnable pour l’agent de conclure que le demandeur n’avait pas de parenté en Chine, [traduction] « puisqu’il était manifeste que le père du demandeur vivait et travaillait en Chine ». Avec égards, cela n’est pas du tout « manifeste » selon le dossier. Plusieurs personnes exploitent des entreprises dans un autre pays que l’endroit où l’entreprise est située et ont de l’argent dans un pays étranger, particulièrement lorsqu’elles y exploitent une entreprise. Il aurait été simple pour le demandeur de déclarer à l’agent que son père vivait et travaillait encore en Chine; il ne l’a pas fait. En fait, les notes de l’agent indiquent que le demandeur lui a relaté que « sa famille ne possède plus rien en Chine ». Compte tenu de l’information dont disposait l’agent, sa conclusion que le demandeur n’avait plus de famille vivant en Chine n’était pas déraisonnable.

 

[17]           Même si l’agent savait ou aurait du savoir que le père du demandeur reste en Chine, ce qui démontre d’ailleurs un lien avec la Chine dont il n’a pas été tenu compte, la famille est visiblement en train de s’établir au Canada. La conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur avait des « liens limités » avec la Chine n’aurait probablement pas été différente, et aurait tout de même été raisonnable.

 

[18]           Il est aussi prétendu que l’agent a commis une erreur dans l’examen de l’un des facteurs, soit l’emploi ou les actifs du demandeur en Chine. Il est prétendu que, puisque le demandeur est un étudiant qui dépend financièrement de ses parents, il était déraisonnable pour l’agent de s’attendre à ce que le demandeur ait un revenu. Il est impossible de blâmer l’agent d’avoir noté que le demandeur, contrairement à certains autres, n’avait pas de biens, ni d’emploi qui l’attendaient en Chine. Si cela avait été le cas, ces faits auraient peut-être indiqué que le demandeur avait une raison d’y retourner. Il s’agissait donc d’une considération pertinente.

 

[19]           La demande est rejetée.

 

[20]           Aucune partie n’a proposé de question à certifier, et il n’y en a pas.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4765-08

 

INTITULÉ :                                       CHUANXI WANG c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                                                                                                                                                   

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 26 mai 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Zinn

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 10 juin 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Vivian Yuen

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Edward Burnet

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Larlee & Associates Law Corporation

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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