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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20090601

Dossier : T-1539-08

Référence : 2009 CF 564

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 1er juin 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

PAUL SPANEVELLO

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Paul Spanevello et Charles Bickford sont incarcérés à l’Établissement Mountain, en Colombie‑Britannique. Une émeute a éclaté dans l’établissement, dans la nuit du 29 mars 2008, et a continué le jour suivant. À la suite de cet événement, ils ont tous les deux été accusés de [traduction] « désobéissance à l’ordre légitime d’un agent ». Ni l’un ni l’autre n’était directement impliqué dans l’émeute.

 

[2]               Il a été allégué que les deux ont refusé d’obéir aux instructions de retourner dans leurs unités d’habitation. Ils prétendent tous les deux que l’agente de correction Anna English est entrée dans l’unité au moment où les troubles ont commencé, après quoi l’unité a été fermée à clé. Ils affirment en outre que l’agent Gunner Cordsen, qui, à ce moment, était à l’extérieur, a reconnu qu’ils avaient été enfermés à l’extérieur de l’unité et qu’il leur avait donné un ordre quant à l’endroit où ils devaient se tenir, lequel ordre ils ont suivi.

 

[3]               Ces messieurs ont été accusés le 18 avril 2008 et la première date d’audience pour l’accusation était fixée au 26 mai 2008. Cette audience a été ajournée par suite de l’indisponibilité des agents et des témoins. L’audience a repris le 9 juin 2008, mais elle fut par la suite ajournée en raison de l’indisponibilité des témoins. Il y avait eu un certain nombre de reports dus à l’indisponibilité des témoins et, une fois, à celle des avocats. Les audiences ont finalement été programmées et elles ont eu lieu le 4 septembre 2008.

 

[4]                Pendant tout ce temps, ces détenus ont précisé que les agents English et Cordsen étaient des témoins essentiels à l’appui de leur allégation selon laquelle ils n’avaient pas désobéi à un ordre. Ils ont demandé à ce qu’ils comparaissent et témoignent. Le président indépendant qui entendait ces affaires a refusé d’ordonner à ces agents de comparaître et de témoigner. Les détenus n’avaient pas d’autre moyen indépendant d’exiger leur présence.

 

[5]               Avant la tenue de la dernière audience sur ces accusations, l’avocat du demandeur a demandé au président indépendant de rejeter les accusations en raison du délai écoulé. Il ressort clairement de la loi applicable et des ordonnances du commissaire que les affaires disciplinaires doivent être entendues avec diligence et rapidité et qu’un délai devrait entrainer le rejet. Le président indépendant a refusé d’accueillir cette requête. Ils ont tous les deux été reconnus coupables des accusations portées contre eux et condamnés à une période de cinq (5) jours d’isolement, avec sursis.

 

[6]               Ils ont tous les deux présenté une demande de contrôle judiciaire (les dossiers de la Cour T‑1539-08 et T-1540-08).

 

[7]               Le défendeur a déposé une requête, qui devait être présentée le 1er juin 2009, sollicitant une ordonnance qui accueillerait les présentes demandes de contrôle judiciaire, qui annulerait les décisions du président indépendant et qui exigerait qu’une décision sur les accusations soit rendue par un autre président indépendant. Le défendeur reconnaît, à juste titre, que le président indépendant a commis une erreur en omettant ou en refusant de convoquer ces témoins oculaires précis réclamés par ces détenus.

 

[8]               Le demandeur, tout en acceptant les concessions du défendeur, demande à la Cour d’ordonner un acquittement par rapport aux accusations.

 

[9]               Après examen du dossier soumis à la Cour, je ne suis pas convaincu qu’il s’agit ici d’une affaire où il conviendrait d’exiger qu’elle soit renvoyée avec des directives qui dicteraient une décision précise à prendre. Les critères énoncés dans l’affaire Johnson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1262, au paragraphe 20, ne sont pas établis. J’estime en particulier que la preuve versée au dossier n’est pas si nettement concluante qu’il n’y ait qu’une seule conclusion possible.

 

[10]           Toutefois, je suis convaincu que le renvoi de l’affaire avec certaines directives est approprié, compte tenu de la conduite du président indépendant que la Cour estime avoir été scandaleuse. Son refus d’examiner une requête en rejet pour cause de délai, et son refus d’appeler les témoins à comparaitre, reconnus maintenant comme ayant été essentiels, remettent en cause la question de l’équité procédurale et de l’indépendance du président indépendant.

 

[11]           Par conséquent, la présente affaire sera renvoyée, pour une nouvelle décision, à un autre président indépendant qui sera désigné sans délai. Si le demandeur souhaite présenter une requête en rejet pour cause de délai, il a la liberté de le faire après avoir avisé le président indépendant dans les 15 jours de la présente décision. Le président indépendant examinera tous les éléments de preuve relatifs au délai, et ce à partir de l’infraction initiale. Compte tenu de l’exigence selon laquelle de telles audiences doivent être tenues promptement, le président indépendant est appelé à statuer sur la requête, si elle est présentée, et à rendre une décision dans les 30 jours suivant la date de la présente décision. Si l’accusation n’est pas rejetée en raison du délai écoulé, le président indépendant tiendra une audience et rendra une décision sur les accusations dans les 60 jours de la date de la présente décision. Le président indépendant exigera des agents English et Cordsen qu’ils témoignent à l’audience. Si l’un ou l’autre n’était pas disponible ou ne se présentait pas à l’audience, le président indépendant devrait rejeter les accusations portées contre le demandeur, étant donné que leur témoignage est essentiel à la défense de ce dernier.


ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE que :

1.         La présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie;

2.         La décision rendue par le président indépendant le 4 septembre 2008 soit annulée et que toutes les mentions s’y rapportant soient retirées du dossier du demandeur;

3.         L’affaire soit renvoyée, pour une nouvelle décision, à un autre président indépendant qui est tenu de mener l’audience conformément aux présents motifs, et de la clore et de rendre une décision au plus tard dans les 60 jours de la présente décision.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1539-08

 

INTITULÉ :                                       PAUL SPANEVELLO c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er juin 2009

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge Zinn

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 1er juin 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bibhas Vaze

POUR LE DEMANDEUR

 

Susanne Pereira

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Conroy & Company

Abbotsford (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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