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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court


Date : 20090601

Dossier : T‑643‑09

Référence : 2009 CF 545

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2009

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

THE ST. LAWRENCE COLLEGE OF

APPLIED ARTS AND TECHNOLOGY

 

demandeur

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Par la présente demande de contrôle judiciaire, le St. Lawrence College of Applied Arts and Technology (le collège) conteste la décision de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (Travaux publics) de déclarer irrecevable l’offre présentée par le collège pour la fourniture d’espaces locatifs à Cornwall, en Ontario, en réponse à un appel d’offres de Travaux publics. Le collège demande un jugement déclaratoire selon lequel son offre était conforme aux conditions de l’appel d’offres, et une ordonnance enjoignant à Travaux publics de prendre cette offre en considération. Le protonotaire Kevin Aalto a ordonné que la présente demande fasse l’objet d’une instruction accélérée, l’étape finale du processus d’appel d’offres étant fixée au 15 juin 2009.

I.          Contexte

[2]               Au début de 2009, Travaux publics a sollicité des offres en vue de la fourniture d’une superficie de 3 085 mètres carrés de locaux à bureaux à Cornwall (Ontario), pour une location d’une durée de dix ans. Le processus a été engagé au moyen d’un appel d’offres, assorti de conditions détaillées et auquel étaient joints une formule d’offre et un bail type. L’appel d’offres renfermait des dispositions types, dont les suivantes traitant de l’évaluation et de l’acceptation des offres :

[traduction]

 

10.       ÉVALUATION

 

1.         L’évaluation des offres est un processus continu et le locataire se réserve le droit de mettre fin à l’examen de toute offre en tout temps pendant le délai d’acceptation de l’offre, pour quelque motif que ce soit et sans préavis.

 

2.         Le soumissionnaire permet aux employés, préposés, mandataires et entrepreneurs du locataire d’avoir raisonnablement accès aux lieux loués, à l’édifice et aux terrains sur lesquels ils se trouvent pour faire les évaluations desdits lieux loués incluant les évaluations des systèmes de l’édifice et les évaluations environnementales que le locataire juge appropriées. Ces évaluations ne constituent pas une prise de possession de la part du locataire.

 

3.         Une offre ne peut faire l’objet d’une évaluation si, d’après le seul avis du locataire, l’offre en question ne respecte pas les dispositions, exigences ou normes énoncées dans la présente trousse de documentation.

 

4.         L’offre ne fera pas l’objet d’une évaluation si, de l’avis du locataire, l’offre est conditionnelle ou des réserves quelconques y sont énoncées.

 

[…]

 

6.         Malgré ce qui précède, le locataire se réserve le droit absolu de procéder à une évaluation comparative de n’importe quelle offre et de les évaluer en se fondant sur les éléments qui, à son seul avis, lui donneraient la meilleure valeur. Cette évaluation peut porter, notamment, mais sans s’y limiter, sur la qualité des lieux loués offerts, sur leur efficacité, sur la conception et sur l’accessibilité de l’immeuble, sur la mesure dans laquelle les exigences sont respectées ou sur le délai dans lequel elles le seront.

 

11.       ACCEPTATION

 

1.         Le locataire peut accepter toute offre, qu’il s’agisse du prix le plus bas ou non, ou rejeter toutes les offres.

 

 

[3]               Comme il est exonéré d’imposition municipale, le collège s’est soucié de savoir si la clause fiscale du bail type lui était ou non applicable. Il s’en est enquis auprès de Travaux publics, qui a par la suite établi un addenda au bail type tenant compte de la situation fiscale particulière du collège.

 

[4]               Le 5 février 2009, le collège a soumis son offre à Travaux publics, à laquelle était jointe une lettre d’envoi, signée par Carey McCartney, son directeur des achats, et précisant ce qui suit :

[traduction]

Le St. Lawrence College est heureux de pouvoir soumettre sa proposition à votre examen. L’information fournie aux présentes donne suite à votre demande de proposition pour des espaces locatifs. On ne doit pas considérer l’offre jointe comme un accord contractuel définitif. Tel qu’il est déclaré dans votre DDP (à la page 52), l’offre du bailleur, l’acceptation par le locataire et le contrat de location constitueront la totalité de l’entente. Tant le bailleur que le locataire se réservent le droit de négocier le texte définitif du contrat. C’est l’entente en résultant qui constituera l’expression définitive du contrat. Le défaut de conclure un accord contractuel n’engagera ni l’une ni l’autre partie ni ne pourra fonder une demande quelconque de dommages‑intérêts.

 

Nous croyons sincèrement que notre établissement de pointe, de même que nos nombreuses commodités, notre ambiance chaleureuse et amicale ainsi que notre site pittoresque, conduiront à un long et fructueux partenariat.

 

Veuillez communiquer avec moi si vous avez des questions ou avez besoin de précisions au sujet de notre proposition ou des documents à l’appui.

 

 

[5]               Malgré l’addenda au bail type, l’offre du collège comportait également la note suivante relativement aux taxes municipales :

[traduction]

Note : Seront à la charge du locataire toutes les taxes (c.‑à‑d. les taxes foncières, municipales, d’eau, scolaires, d’améliorations locales et toutes autres taxes applicables) payables à l’égard de la partie de la surface de location taxable occupée par le locataire. Le taux d’imposition fera chaque année l’objet d’un examen ainsi que d’un rajustement en fonction des modifications visant les lieux loués, notamment la valeur cotisée de la propriété, le taux d’imposition et les améliorations locales. Le tarif de location à la date du début du bail variera chaque année subséquente jusqu’à la fin du bail en fonction de l’augmentation ou de la diminution des taxes payables.

 

 

[6]               Le 24 février 2009, Travaux publics a informé le collège par écrit que son offre était non conforme et que, par conséquent, elle ne serait pas prise en considération. Le motif de cette décision était qu’on avait indûment assorti l’offre d’une réserve, sous la forme d’un droit de négocier les conditions du bail et d’une modification apportée aux clauses fiscales du bail type. C’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.        Questions en litige

[7]               a)         Quelle est la norme de contrôle applicable?

b)         Travaux publics a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en déclarant irrecevable l’offre du collège?

 

III.       Analyse

[8]               Les parties s’entendent de manière générale sur les principes juridiques applicables en l’instance. Là où elles ne s’entendent pas, c’est sur l’application de ces principes aux faits d’espèce. Il s’agit là d’une question mixte de fait et de droit, qui appelle comme norme de contrôle celle de la raisonnabilité (se reporter à H B Lynch Investments Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2005 CAF 237, [2005] A.C.F. n° 1091, au paragraphe 6).

 

[9]               Dans la décision Derby Holdings Limited c. Wright Construction Western Inc., 2002 SKQB 247, [2002] 9 W.W.R. 126, au paragraphe 32, le juge Baynton fournit un résumé utile du droit en la matière :

[traduction]

32        Le droit des contrats applicable au processus d’appel d’offres a été formulé encore et encore par la Cour suprême dans ces arrêts, et il n’y a pas lieu de revenir sur cette question en l’espèce. Afin de trancher les questions dont je suis saisi, les principes généraux qui vont suivre peuvent être dégagés des arrêts précités.

 

1.         Un appel d’offres lancé par un maître d’ouvrage peut être qualifié d’offre d’examiner la soumission présentée par un entrepreneur (le contrat A) en vue de la conclusion d’un contrat (le contrat B) pour l’exécution du travail, conformément aux conditions précisées par le maître d’ouvrage dans l’appel d’offres et au prix précisé par l’entrepreneur dans la soumission. La présentation d’une soumission qui se conforme aux conditions de l’appel d’offres constitue l’acceptation de l’offre présentée dans l’appel d’offres et crée le contrat A. Il y a ainsi une contrepartie valable pour la promesse faite par l’entrepreneur de conclure le contrat B si le maître d’ouvrage accepte la soumission.

 

2.         Pourvu que les parties aient entendu engager des relations contractuelles, le contrat A est créé par la présentation de la soumission. Ses conditions sont celles énoncées dans l’appel d’offres ainsi que dans la soumission en conformité avec ces conditions. Habituellement, lorsque les parties ont recours au processus d’appel d’offres pour le choix d’un entrepreneur et l’établissement du prix pour la réalisation du projet, elles ont l’intention d’engager des relations contractuelles.

 

3.         Les conditions du contrat A ont un caractère unique. Elles sont constituées des dispositions expresses de l’appel d’offres et de la soumission même ainsi que des autres conditions que la cour peut juger être implicites. Selon les conditions expresses, habituellement, la soumission est irrévocable pendant une certaine période de temps et, si elle est acceptée, le soumissionnaire est tenu de conclure un contrat de construction avec le maître d’ouvrage en vue de l’exécution du travail. Par ailleurs, la cour estime habituellement qu’il existe comme condition implicite que le maître d’ouvrage doit traiter tous les soumissionnaires équitablement et que seules les soumissions conformes seront examinées et acceptées.

 

 

[10]           Dans la décision Derby, le juge Baynton a traité du problème de la soumission non conforme et de la question de savoir s’il était possible de la rectifier après l’ouverture des soumissions. Il a statué que cela n’était pas possible pour les raisons suivantes :

[traduction]

43        La demanderesse considère que la reconnaissance par téléphone de Clifford Wright a constitué une rectification de l’aspect non conforme de la soumission de la défenderesse. La jurisprudence donne toutefois à entendre qu’on ne peut rendre conforme une soumission qui ne l’est pas (par exemple, si le prix est incertain) en corrigeant ses lacunes après l’ouverture des soumissions. Permettre une telle modification des soumissions après leur ouverture créerait des problèmes insolubles et compromettrait l’intégrité du processus d’appel d’offres (Vachon Construction Ltd. c. Cariboo (Regional District) (1996), 136 D.L.R. (4th) 307 (C.A. C.‑B.)). Dans la malheureuse affaire dont je suis saisi, le défaut de reconnaissance des addenda par la défenderesse dans sa soumission ne constituait pas une simple irrégularité. Un soumissionnaire astucieux pourrait ainsi éviter de reconnaître un addenda pour avoir une occasion additionnelle de peaufiner sa soumission une fois les autres soumissions connues. Il pourrait alors choisir de reconnaître ou de rejeter verbalement l’addenda en fonction de considérations pécuniaires.

 

[…]

 

47        Il n’y a toutefois aucune raison valable pour que l’application de ce principe juridique dépende de la source de la contestation. Le motif juridique de l’obligation pour les maîtres d’ouvrage de rejeter les offres non conformes c’est que celles‑ci ne sont pas recevables par lui dans le cadre d’un processus d’appel d’offres. Selon la jurisprudence, une soumission n’est pas conforme si elle a un caractère incertain ou est incompatible avec les conditions de l’appel d’offres. La question de savoir si une soumission est ou non conforme n’est pas fonction de la source de la contestation, mais plutôt de ses propres conditions et des conditions des documents d’appel d’offres. Ne pas appliquer ce principe juridique de manière uniforme compromettrait l’intégrité du processus d’appel d’offres. Il est clairement établi en jurisprudence moderne que la présentation d’une soumission et son acceptation n’entraînent pas automatiquement la formation d’un contrat A. C’est le maître d’ouvrage, et non l’entrepreneur, qui a la maîtrise du processus d’appel d’offres et qui peut définir ce qui constitue ou non une soumission conforme. Rien ne saurait justifier une règle de droit permettant à un maître d’ouvrage d’obliger un soumissionnaire à respecter la soumission qu’il a lui‑même établi à l’avance être non conforme.

 

 

[11]           Il se dégage de ces principes généraux du droit de l’adjudication que, lorsqu’il répond à un appel d’offres, un soumissionnaire est tenu de présenter une offre qui se conforme précisément à ses conditions. Toute modification de ces conditions – du moins quant à un élément important – rendra la soumission irrecevable, même si le destinataire de l’offre voulait la prendre en considération. Le motif est que le destinataire de l’offre a le devoir de traiter équitablement tous les soumissionnaires participant au processus d’appel d’offres, et qu’il manque à ce devoir en prenant en compte une soumission qui n’est pas conforme aux conditions de l’appel d’offres. C’est aussi le motif pour lequel un soumissionnaire ne peut rectifier sa soumission ex post facto, ou encore pour lequel le destinataire de l’offre ne peut renoncer à une exigence importante de l’appel d’offres pour un soumissionnaire avant l’attribution du contrat B.

 

[12]           Il ressort bien clairement du dossier de soumission en l’espèce que l’intention contractuelle des parties était que les offres soient conformes aux conditions de l’appel d’offres, et on a pris grand soin, quant à celles‑ci, de veiller à ne laisser aucune ouverture à des négociations ultérieures. La question qu’il reste alors à trancher est de savoir si la lettre du 5 février 2009 du collège jointe à son offre ainsi que la note de M. McCartney au sujet des taxes municipales constituaient des réserves ou des conditions importantes justifiant la décision de Travaux publics de rejeter l’offre pour non‑conformité.

 

[13]           Travaux publics a déclaré l’offre du collège irrecevable pour les deux motifs suivants :

a.                   l’offre était assortie d’une réserve du fait que la lettre d’envoi l’accompagnant prévoyait le droit de négocier les conditions définitives du bail;

b.                  l’offre incluait une note censée modifier les clauses fiscales du bail.

 

[14]           Le collège fait valoir que son offre, si on l’examine objectivement, se conformait pour l’essentiel à l’appel d’offres, et n’aurait pas dû être déclarée irrecevable. Il reconnaît par ailleurs que le besoin de certitude est le principe fondamental en fonction duquel on doit établir s’il y a eu conformité pour l’essentiel aux conditions de l’appel d’offres. Le collège soutient plus particulièrement que la lettre de M. McCartney ne faisait pas partie de son offre et que, même si tel avait été le cas, elle ne faisait que clarifier les choses. Il ajoute que, même si la responsabilité principale quant à la préparation de l’offre incombait à M. McCartney, celui‑ci n’était pas un signataire autorisé du collège. Le collège affirme également qu’il ne faut pas oublier, en interprétant la lettre de M. McCartney, sa déposition selon laquelle il avait simplement eu intention de reformuler des termes des documents d’appel d’offres et non d’assortir d’une réserve la soumission du collège.

 

[15]           Il ne fait aucun doute que la lettre d’envoi de M. McCartney apportait une importante réserve à l’appel d’offres. On prétendait par cette lettre nier le caractère obligatoire de l’offre en déclarant que les conditions du bail type étaient susceptibles de nouvelles négociations et en affirmant sans équivoque que le [traduction] « défaut de conclure un accord contractuel n’engagera[it] ni l’une ni l’autre partie ni ne pourra[it] fonder une demande quelconque de dommages‑intérêts ». À sa face même, la teneur de cette lettre empêcherait la formation du contrat B, découlant d’ordinaire de l’acceptation de l’offre par la Couronne. Cela irait à l’encontre de l’intention clairement exprimée dans l’appel d’offres de Travaux publics, l’objectif visé étant qu’un soumissionnaire présente une offre irrévocable de conclure en la forme proposée un bail qui lierait légalement les parties sur acceptation par Travaux publics. Ce n’était pas là une question sans importance et l’on avait affaire à bien davantage qu’à une simple clarification.

 

[16]           Le problème posé par la déposition de M. McCartney c’est qu’une preuve extrinsèque de l’intention des parties n’est pas pertinente pour l’interprétation d’un contrat lorsque, considéré objectivement, son libellé est suffisamment clair (se reporter à Gilchrist c. Western Star Trucks Inc., 2000 BCCA 70, [2000] 73 B.C.L.R. (3d) 102, à la page 108 (C.A.)). Quelles qu’aient pu être les intentions de M. McCartney, sa lettre énonce une réserve manifeste qui atteint l’essence de la relation contractuelle, et rien ne permet de l’interpréter d’une manière incompatible avec ses termes exprès.

 

[17]           Le collège n’a cité aucun précédent au soutien de son argument selon lequel le fait que M. McCartney n’était pas autorisé à assortir l’offre d’une réserve permettrait d’une manière ou d’une autre d’enlever à sa lettre d’envoi son importance apparente sur le plan juridique. Il n’a non plus fait valoir aucun fondement permettant de prétendre en droit qu’une lettre d’envoi apportant une réserve à un contrat devrait être interprétée comme ne faisant pas juridiquement partie de l’offre contractuelle. La décision J. Oviatt Ltd. c. Kitimat General Hospital Society, 2000 BCSC 911, [2000] B.C.J. No. 1196, permet d’ailleurs de prétendre le contraire.

 

[18]           À mon avis, Travaux publics est loin d’avoir outrepassé le pouvoir discrétionnaire que lui conférait le paragraphe 10.4 de son appel d’offres de déclarer irrecevable toute soumission que, de manière raisonnable, il considérait être assortie d’une condition ou d’une réserve. Travaux publics n’était aucunement tenu de vérifier si M. McCartney avait le pouvoir de lier le collège, ou de prendre de nouveau en considération l’offre en fonction de renseignements révélés ultérieurement (se reporter à Double N Earthmovers Ltd. c. Edmonton, 2007 CSC 3, [2007] 1 R.C.S. 116, aux paragraphes 49 et 52). En outre, le collège ne peut soutenir que la lettre de M. McCartney n’avait aucun effet juridique et que Travaux publics aurait tout simplement dû en faire abstraction. Travaux publics n’était pas tenu d’accepter les incertitudes qu’engendrait sur le plan juridique la lettre de M. McCartney. Cette lettre ouvrait la porte à la controverse et aux désaccords en ce qui concerne non seulement le collège, mais aussi les autres participants au processus d’appel d’offres. Travaux publics avait le droit de jouir de la clarté et de la certitude qu’apporte une offre sans réserve et il lui était entièrement loisible de réagir comme il l’a fait. Le droit du destinataire de l’offre de déclarer une offre irrecevable pour non‑conformité, parce que cela pourrait engendrer un différend, a été confirmé dans les termes suivants par le juge Robert Décary dans l’arrêt H B Lynch Investments, précité, au paragraphe 7 :

7     Il ne s’agit pas d’une simple formalité, comme l’avocat de l’appelante le prétend. La question de la capacité de contracter est fondamentale en droit des contrats. Le ministre s’est donné la peine de rédiger une clause claire, précise et exhaustive à l’égard des formalités de signature afin d’éviter tout litige quant à la capacité du soumissionnaire de contracter.

 

 

[19]           Le collège souligne que Travaux publics aurait aisément pu lui demander de clarifier ses intentions. Cela peut être vrai, mais Travaux publics n’était nullement tenu d’aller demander au collège de clarifier son offre et, s’il l’avait fait en vue de rectifier celle‑ci, cela aurait pu entraîner de nouveaux problèmes avec ceux dont la soumission était conforme. Faute du droit prévu dans un appel d’offres de ne pas tenir compte de certaines lacunes rendant une soumission non conforme, il n’est pas loisible de rectifier après coup une soumission non conforme (se reporter à Robert C. Worthington, The Public Purchasing Law Handbook (Markham: Butterworths, 2004), à la page 344; M.J.B. Enterprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée, [1999] 1 R.C.S. 619, 170 D.L.R. (4th) 577, au paragraphe 41).

 

[20]           Il n’est pas absolument nécessaire de traiter du problème découlant de l’ajout à l’offre du collège d’une note dite de clarification relativement aux taxes payables. Qu’il suffise de dire qu’on ne peut raisonnablement qualifier de sans importance les problèmes d’interprétation créés par l’ajout de cette condition (se reporter à Graham Industrial Services Ltd. c. Greater Vancouver Water District, 2004 BCCA 5, 25 B.C.L.R. (4th) 214, aux paragraphes 31 à 34). La lettre du 11 mars 2009 envoyée par l’avocat du collège au ministère de la Justice et exposant un argument assez complexe fondé sur l’interprétation au soutien de la thèse du collège donne un bon indice des difficultés que la note pourrait engendrer. Malgré ses bonnes intentions, le collège n’avait pas le droit d’imposer dans son offre une nouvelle condition donnant la moindre ouverture à l’ambiguïté, à l’incertitude ou au doute. M. McCartney soutient que cette note ne visait qu’à expliquer la situation fiscale unique du collège, mais il n’est pas manifeste que cela ait pu justifier l’ajout de la note, puisqu’on s’était déjà attaqué au problème au moyen d’un addenda convenu. La note a en fin de compte introduit dans l’offre un élément d’incertitude que la Couronne n’était pas tenue d’accepter.

 

[21]           J’estime pour conclure que l’argumentation du demandeur n’était pas convaincante, et que la demande doit être rejetée. Les parties ont demandé qu’on leur permette de traiter par écrit de la question des dépens. Si elles ne peuvent s’entendre sur les dépens, j’accepterai des observations additionnelles d’une longueur maximale de cinq pages. La défenderesse disposera de sept jours pour présenter ses observations, puis le demandeur de sept jours pour y répondre.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée, la question des dépens étant différée dans l’attente des observations des parties.

 

 

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑643‑09

 

INTITULÉ :                                       THE ST. LAWRENCE COLLEGE OF APPLIED ARTS AND TECHNOLOGY

                                                            c.

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 20 MAI 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 1er JUIN 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony Ball

613‑544‑0211

 

POUR LE DEMANDEUR

Liz Tinker

416‑954‑5303

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cunningham, Swan, Carty, Little & Bonham LLP

Kingston (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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