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Date :  20090605

Dossier :  IMM-5049-08

Référence :  2009 CF 590

Ottawa (Ontario), le 5 juin 2009

En présence de L'honorable Max M. Teitelbaum 

 

ENTRE :

Roza MELIKYAN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, R.S. 2001, c. 27 (la loi) à l’encontre d’une décision rendue le 22 septembre 2008 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rejetant la demande d’asile de la demanderesse.

 

[2]               Il convient de savoir si le tribunal en l’espèce a manqué à son obligation d’équité procédurale en ne motivant pas suffisamment sa décision.

 

[3]               La demanderesse, Roza Melikyan, est une citoyenne d’Arménie âgée de 70 ans. Elle allègue que suite à des manœuvres frauduleuses qui impliquaient notamment le policier local, elle a perdu la propriété de son appartement.

 

[4]               La demanderesse possède un appartement dans la ville d’Erevan (ou Yerevan), en Arménie. La demanderesse a vécu toute sa vie dans le même appartement et elle n’est jamais déménagée. Elle n’a jamais accepté de vendre son appartement car elle a l’intention d’y vivre jusqu’à sa mort.

 

[5]               Au mois d’avril 2006, un policier nommé M. Sarkisyan est venu visiter la demanderesse. Ce dernier a fait part à la demanderesse qu’un jeune homme appelé Raffy Melitosyan était prêt à lui verser un montant de 1000$ pour obtenir chez elle une « Propiska », qui est l’enregistrement d’un droit de résider dans un logement. La demanderesse a immédiatement refusé l’offre.

 

[6]               La semaine suivante, le policier s’est présenté de nouveau à l’appartement de la demanderesse pour lui demander son passeport et lui demander de signer deux documents pour des motifs d’ordre strictement administratif. Ne suspectant rien, la demanderesse a accepté de signer les documents.

 

[7]               Le 3 mai 2006, le policier Sarkisyan a remis le passeport à la demanderesse et il lui a aussi versé le montant de 1000$ proposé antérieurement, en assumant qu’elle a accepté la demande de reconnaître la « Propiska ». La demanderesse a refusé de prendre l’argent, donc le policier lui a dit d’oublier cette conversation et il a repris l’argent.

 

[8]               Deux semaines plus tard, une dame s’est présentée à l’appartement de la demanderesse afin de la remercier d’avoir accepté de reconnaître la « Propiska » pour son neveu. La demanderesse a nié ceci et la dame a ensuite demandé à la demanderesse pourquoi elle aurait accepté un montant de 3000$ à cet effet.

 

[9]               La demanderesse est allée voir le policier Sarkisyan afin d’obtenir des informations mais ce dernier l’a expulsé en lui disant qu’il ne savait pas de quoi elle parlait et qu’elle devrait aller se faire soigner par un psychiatre. Le lendemain, on a confirmé à la demanderesse qu’elle avait en effet accepté la transaction en question. Conséquemment, la demanderesse est allée consulter un avocat qui lui a fait part qu’un juge conclurait probablement qu’elle avait accepté la transaction puisqu’elle avait volontairement signé le document pour la « Propiska ».

 

[10]           La demanderesse est retournée voir le policier pour lui dire qu’elle allait lutter contre cette injustice jusqu’à la fin de ses jours. Le policier lui a répondu qu’elle n’en aurait plus pour très longtemps à vivre. Par la suite, la demanderesse a commencé à recevoir des appels téléphoniques menaçants et elle a vécu des formes d’agressions sur sa personne.

 

[11]           La demanderesse a sollicité une invitation de son fils qui est citoyen canadien et elle a obtenu un visa de visiteur. Elle est arrivée au Canada le 7 octobre 2006 et elle a demandé l’asile le 12 octobre 2006.

 

[12]           Le tribunal a entendu le témoignage de la demanderesse et analysé toute la preuve et a noté que quant au mérite de la cause, toute l’histoire de la demanderesse, à l’appui de sa demande d’asile, repose sur le fait qu’elle est propriétaire d’un appartement en Arménie. Or, le tribunal note que la demanderesse ne dépose aucun document à cet effet et elle n’a entrepris aucune démarche pour obtenir les documents.

 

[13]           Le tribunal est en désaccord avec les arguments de l’avocate de la demanderesse à l’effet que de toute façon, cette dernière n’aurait pas pu obtenir les documents car, premièrement, ce n’est pas ce que la demanderesse dit dans son témoignage pour justifier le défaut et deuxièmement, ce ne serait qu’après avoir entrepris des démarches qui auraient été infructueuses que la demanderesse pourrait soulever cette explication pour justifier le fait qu’elle n’a pas les documents en sa possession.

 

[14]           Conséquemment, le tribunal rejette la demande d’asile pour le fait que la demanderesse n’a pas la preuve de l’élément essentiel de son histoire en l’occurrence, soit qu’elle était propriétaire d’un logement dans son pays d’origine.

 

[15]           La demanderesse soumet que l’équité procédurale exige qu’une décision du tribunal soit suffisamment motivée, ce qui est déterminé selon la norme de la décision correcte (S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539; Canada (M.C.I.) c. Charles, 2007 CF 1146, 161 A.C.W.S. (3d) 779.

 

[16]           Je suis d’accord que la norme de contrôle à appliquer lorsqu’il s’agit d’une question d’équité procédurale est la norme de la décision correcte (Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392).

 

[17]           La décision du tribunal est fondée sur une question de preuve matérielle non présentée et le tribunal n’a tiré aucune conclusion de non-crédibilité. Dans un tel cas, la demanderesse soumet que le tribunal doit prendre pour acquis les allégations qu’il a résumées (Addo c. Canada (M.E.I.), (1992), 142 N.R. 170, 33 A.C.W.S. (3d) 1117) et la jurisprudence de cette Cour ne requiert pas qu’elle fasse état d’une telle preuve lorsqu’aucune question de crédibilité n’est soulevée. Dans l’affaire Waheed c. Canada (M.C.I.), 2003 CFPI 329, 121 A.C.W.S. (3d) 929, cette Cour a rappelé qu’en l’absence d’une preuve contredisant ce qui a été dit dans un témoignage, il n’est pas loisible au tribunal de faire des inférences défavorables et de ne pas croire ce témoignage.

 

[18]           Si le tribunal ne peut alors faire ces inférences défavorables, il ne peut donc pas rejeter la revendication sur une telle base. Il est clair en l’espèce que le tribunal a demandé une preuve de corroboration, mais la demanderesse soutient qu’une telle preuve n’est pas requise car sa crédibilité n’est pas en cause. La demanderesse a expliqué que le document était dans son appartement et qu’il était caché dans un tiroir dans le mur. La demanderesse soumet que le tribunal se devait de considérer la plausibilité des raisons données par la demanderesse à cet égard.

 

[19]           Le tribunal ne se prononce pas sur les explications données par la demanderesse mais il s’attaquera aux arguments de l’avocate de la demanderesse, ce qui constitue une analyse incomplète.

 

[20]           Outre les explications lors du témoignage et les arguments de la demanderesse et de son avocate, le tribunal aurait dû aussi considérer ce qui était consigné au Formulaire de renseignements personnels (FRP) de la demanderesse, à savoir qu’elle a décidé de quitter l’Arménie, mais elle ne savait pas comment faire une demande d’asile au Canada. La demanderesse a donc demandé à son fils qui est citoyen canadien de lui envoyer une invitation et elle a ensuite envoyé ses documents à son autre fils en Russie qui a fait la demande pour un visa visiteur au nom de sa mère à l’ambassade du Canada. Selon la demanderesse, les documents qui démontraient ses biens et son attachement à l’Arménie avaient été envoyés à l’ambassade du Canada en Russie, qui ne lui a pas fourni de copie.

 

[21]           Dans l’affaire Kifoueti c. Canada (M.C.I.), (1999), 164 F.T.R. 116, 89 A.C.W.S. (3d) 124, soit une affaire qui portait sur un changement de circonstances, la Cour a statué qu’on ne peut exiger de la demanderesse une preuve qu’elle n’est pas en mesure de fournir car cela contrevient au principe d’équité.

 

[22]           Le défendeur croit que la demanderesse est en défaut de ne pas avoir cherché à communiquer avec l’individu qui vit dans l’appartement afin d’obtenir le titre de la propriété. Le défendeur demande donc à la demanderesse de communiquer avec le voleur qui a pris possession de sa propriété afin que celui-ci lui remette son titre de propriété. Selon la demanderesse, cette position est complètement déraisonnable. De plus, comme il n’y a pas eu de conclusion de non crédibilité, contrairement à la décision dans l’affaire Muthiyansa c. Canada (M.C.I.), 2001 CFPI 17, 103 A.C.W.S. (3d) 809, le tribunal ne peut demander un tel document dans les circonstances en l’espèce.

 

[23]           La demanderesse affirme que les motifs du tribunal ne permettent pas de comprendre les fondements de sa décision, ni de suivre le raisonnement menant à ses conclusions. Il est impossible de déterminer si la décision est raisonnable lorsque les motifs sous-jacents ne sont pas suffisamment clairs et élaborés. Il ne suffit pas de réciter la loi, mais il faut faire référence aux éléments de la preuve qui sont pertinents. Tel qu’expliqué par la Cour dans l’affaire Via Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25, 261 N.R. 184, l’obligation de motiver une décision n’est remplie que lorsque les motifs fournis sont suffisants.

 

[24]           D’ailleurs, le fond de la revendication de la demanderesse ne se résume pas à la question de l’appartement mais bien au fait que le policier local a fraudé la demanderesse et des menaces avaient été proférées à son endroit. Pourtant, le tribunal ne s’est pas prononcé sur ces menaces ni sur le risque que pourrait encourir la demanderesse advenant renvoi, ce qui constitue une erreur révisable selon cette dernière. N’ayant pas tiré de conclusion de non-crédibilité à l’encontre de la demanderesse ou de son histoire, le tribunal devait au moins se prononcer sur la crainte de cette dernière et des risques et menaces qu’elles pourraient avoir à affronter si elle devait retourner dans son pays. Bref, le tribunal a omis de considérer et de se prononcer sur les éléments essentiels de l’article 97 de la loi tel qu’il lu incombait de déterminer (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, 153 N.R. 321).

 

[25]           Le défendeur rappelle qu’il revient au demandeur d’asile d’apporter des éléments de preuve à l’appui de son récit car le fardeau de la preuve lui appartient (Hng c. Canada (M.C.I.), 2005 CF 231, 148 A.C.W.S. (3d) 300 au par. 20). En l’espèce, la demanderesse a été ciblée à titre de propriétaire d’un appartement en Arménie. Manifestement, si la demanderesse n’est pas propriétaire de cette demeure, ses autres allégations sont sans fondement. Or, la demanderesse n’a produit aucun document établissant qu’elle était propriétaire d’un appartement en Arménie. De plus, le défendeur remarque que la demanderesse n’a fait aucune tentative pour obtenir quelque document venant établir son titre de propriété et c’est ce défaut d’agir qui justifie le rejet de la demande d’asile de la demanderesse.

 

[26]           Le défendeur a d’abord interprété le témoignage de la demanderesse à l’effet que son titre de propriété était dans un tiroir spécial dans un appartement sis dans la ville de Kirova. Le défendeur évoquait alors la possibilité que l’occupant de cet appartement (qui serait une personne autre que le fraudeur à l’appartement à Erevan) puisse accéder au document. Toutefois, le défendeur admet qu’il a erré puisque l’extrait consulté par le défendeur dans l’affidavit de M. Benchamcham n’est pas conforme aux notes sténographiques contenues dans le dossier constitué pour la Cour, où il est clair que personne ne parle de Kirova pendant l’audience.

 

[27]           Le défendeur constate toutefois à la lecture des notes sténographiques que le tribunal a toujours compris que le document était caché dans l’appartement sis à Erevan. Ainsi, l’analyse du défendeur qui découle de l’analyse errée n’a aucun impact sur le caractère raisonnable des conclusions du tribunal.

 

[28]           Bien que caché, le défendeur soumet que le document était accessible si la demanderesse avait cru opportun de le demander à l’occupant de l’appartement, mais la demanderesse n’a fait aucune démarche pour obtenir une copie du document. De plus, rien n’indique qu’elle a cherché à communiquer avec l’individu qui vit dans l’appartement.

 

[29]           De même, le défendeur note qu’aucune démarche n’a été faite auprès des autorités arméniennes pour obtenir une copie du titre de propriété de la demanderesse. À l’audience, la demanderesse a témoigné qu’elle ne savait pas s’il était possible d’en demander une copie.

 

[30]           Par ailleurs, le défendeur remarque qu’il n’y a aucune indication que le titre de propriété de la demanderesse a été déposé auprès des autorités canadiennes à l’ambassade en Russie ou que ces documents ont été déposés au tribunal. Le défendeur souligne que si ces documents avaient été déposés pour obtenir un visa de visiteur, la demanderesse aurait pu facilement déposer les mêmes documents devant le tribunal. Le défendeur estime donc que le défaut de la demanderesse de faire des démarches afin de fournir cette preuve justifie le rejet de sa demande d’asile. Le tribunal a rejeté la demande d’asile en raison du défaut de faire la preuve de l’élément au cœur des problèmes de la demanderesse, à savoir la propriété de l’appartement en Arménie. La preuve démontre que ce défaut résulte de l’absence d’effort de la demanderesse de se procurer le document requis pour démontrer l’élément déclencheur de toutes les difficultés alléguées.

 

[31]           Cette Cour a conclu que le défaut de faire quelque effort pour obtenir l’élément clé d’une demande d’asile peut être considéré dans l’appréciation de la crédibilité d’un récit. Dans l’affaire Muthiyansa, ci-dessus au par. 13, la Cour a noté que ce n’était pas l’absence de documents corroborant le témoignage de la demanderesse, mais plutôt que la demanderesse a été incapable de convaincre le tribunal de la raison pour laquelle, après avoir passé dix mois au Canada, elle n’avait fait aucun effort pour obtenir la documentation pertinente qu était à l’origine des doutes du tribunal.

 

[32]           De même, dans l’affaire Quichindo c. Canada (M.C.I.), 2002 CFPI 350, 115 A.C.W.S. (3d) 680, la Cour indique que le défaut d’un demandeur d’asile de solliciter une preuve à l’appui de ses déclarations pouvait être considéré dans l’appréciation de la crédibilité. Dans l’affaire Encinas c. Canada (M.C.I.), 2006 CF 61, 152 A.C.W.S. (3d) 497 aux par. 16 et 21, la Cour était confronté à un argument similaire à celui de la demanderesse, savoir que le tribunal n’avait pas soulevé quelque élément précis entachant la crédibilité du demandeur d’asile. La Cour note que cet argument n’est pas fondé, puisque le tribunal a expliqué pourquoi le récit n’était pas digne de foi (voir aussi Sinnathamby c. Canada (M.C.I.), 2001 CFPI 473, 105 A.C.W.S. (3d) 497 ; Hassane c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 215, [2008] A.C.F. no 265 (QL); Alonso c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 683, 170 A.C.W.S. (3d) 162).

 

[33]           Pour ce qui est de l’allégation de la demanderesse à l’effet que les motifs rendus par le tribunal pour rejeter la revendication sont insuffisants, dans l’affaire Ogunfowora c. Canada (M.C.I.), 2007 CF 471, 157 A.C.W.S. (3d) 628 au par. 58, la Cour reprenait notamment les principes énoncés par la Cour d’appel fédérale dans Mehterian c. Canada (M.E.I.), [1992] A.C.F. no 545 (QL) et Hussain c. Canada (M.E.I.), (1994), 174 N.R. 76, 49 A.C.W.S. (3d) 337 au par. 3 (C.A.F.). Les motifs du tribunal doivent être suffisamment clairs, précis et intelligibles afin de permettre à la personne en cause de décider s’il serait opportun de déposer une demande de contrôle judiciaire. La Cour indique également qu’il importe de pouvoir suivre le fil de raisonnement du décideur et de s’exprimer clairement quant aux questions essentielles soulevées par la demande d’asile. Toutefois, il n’est pas requis que le tribunal rende des motifs qui traitent de l’ensemble de l’argumentation présentée ou, encore, qu’il se limite aux points proposés par le revendicateur (Mutumba c. Canada (M.C.I.), 2009 CF 19, [2009] A.C.F. no 5 (QL) au par. 27).

 

[34]           Une lecture des notes sténographiques de l’audience permet de constater que la question de l’impact du « Propiska » ainsi que la possibilité de trouver protection dans une ville autre que Erevan, telle que Vanadzor, qui est la troisième ville la plus populeuse du pays, ont été discutées à l’audience. Cependant, le tribunal a conclu, de façon claire, précise et intelligible, que toute l’histoire de la demanderesse à l’appui de sa revendication repose sur la propriété d’un appartement en Arménie mais elle n’a déposé aucun document pour prouver qu’elle était propriétaire du logement et elle n’a entrepris aucune démarche pour obtenir quelque document. Le tribunal a rejeté les explications de l’avocate de la demanderesse voulant qu’une telle démarche aurait été inutile puisqu’il ne s’agit pas du motif donné par la demanderesse dans son témoignage et il aurait fallu entreprendre des démarches afin que celles-ci puissent être déclarées infructueuses. Étant donné qu’aucune démarche ne fut tentée, l’explication de la demanderesse voulant qu’il soit difficile d’obtenir la collaboration des autorités étrangères pour obtenir une copie n’est pas fondée. Le tribunal conclut finalement que la demanderesse n’a pas fait la preuve de l’élément essentiel du récit, soit la propriété d’un appartement en Arménie. La demande d’asile n’est donc pas fondée.

 

[35]           Il est loisible pour le tribunal de considérer le défaut d’entreprendre des démarches dans son appréciation de la crédibilité d’un litige (Muthiyansa, ci-dessus au par. 13). En l’espèce, la demanderesse est arrivée au Canada le 7 octobre 2006 et sa revendication fut entendue le 27 mai 2008, soit 19 mois plus tard. Le défendeur soumet que la demanderesse aurait pu entreprendre des démarches durant cette période d’un an et demi.

 

[36]           La norme à appliquer pour déterminer si une décision est suffisamment motivée a été énoncée dans l’affaire Mendoza c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 687, 131 A.C.W.S. (3d) 323, au paragraphe 4, où la Cour s’est fondée sur l'arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Mehterian c. Canada (M.E.I.), [1992] A.C.F. no 545 (C.A.F.) (QL). La Cour a déclaré que les motifs doivent être suffisamment clairs, précis et intelligibles pour que le demandeur puisse savoir pourquoi sa demande a été rejetée et décider s’il doit demander le contrôle judiciaire. De plus, si les motifs de la décision exposés par le tribunal ne permettent pas de suivre le fil du raisonnement invoqué au soutien de la décision, cette dernière sera annulée (Hussain c. Canada (M.E.I.), (1994), 174 N.R. 76, 131 A.C.W.S. (3d) 323 au par. 3 (C.A.F.). Le tribunal doit s’exprimer clairement quant aux questions essentielles soulevées par la demande d’asile, à défaut de quoi sa décision sera annulée (Chen c. Canada (M.C.I.), 2001 CFPI 500, 105 A.C.W.S. (3d) 1126). Tel qu’expliqué dans l’affaire Via Rail, ci-dessus aux par. 21 et 22 :

L’obligation de motiver une décision n’est remplie que lorsque les motifs fournis sont suffisants. Ce qui constitue des motifs suffisants est une question qui doit être tranchée en fonction des circonstances de chaque espèce. Toutefois, en règle générale, des motifs sont suffisants lorsqu’ils remplissent les fonctions pour lesquelles l’obligation de motiver a été imposée.

 

[…]

 

On ne s’acquitte pas de l’obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. [citations omises]

 

[37]           En l’espèce, le tribunal a la compétence pour tirer des inférences et apprécier la crédibilité de la demanderesse (Aguebor c. Canada (M.E.I.), (1993), 160 N.R. 315, 42 A.C.W.S. (3d) 886; voir aussi Maple Lodge Farms, [1982] 2 R.C.S. 2, 44 N.R. 354 aux pp. 7-8). De plus, sauf preuve au contraire, le tribunal est présumé avoir considéré l’ensemble de la preuve devant lui (Florea c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 598 (QL)).

 

[38]           Dans sa décision, le tribunal n’a pas simplement énoncé les observations et les éléments de preuve présentés par les parties pour ensuite formuler une conclusion. La conclusion du tribunal repose sur la logique et le bon sens, soit que la demanderesse devait démontrer la caractéristique à la base de sa demande d’asile, soit qu’elle est propriétaire d’un logement à Erevan, en Arménie.

 

[39]           La décision du tribunal est assujettie à une norme de contrôle qui commande un degré élevé de retenue judiciaire. Malgré le fait qu’il n’y a pas eu de conclusion négative sur la crédibilité de la demanderesse, il y avait peu de preuve et de documentation consignée au dossier et le tribunal a suffisamment motivé sa conclusion.

 

[40]           Pour ces motifs, j’estime que le tribunal n’a pas manqué à son obligation procédurale et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[41]           Le représentant de la demanderesse a soumis les questions suivantes pour certification :

 

Question 1 – Lorsque la SPR ne tire aucune concusion de non-crédibilité, le tribunal peut-il rejeter une revendication uniquement sur la base que la demanderesse n’a pas fourni un document corroborant un fait qui, selon le tribunal, serait à la base de son histoire?

 

Advenant une réponse positive à cette question, le tribunal a-t-il l’obligation de commenter les raisons pour lesquelles la demanderesse n’a pu raisonnablement se le procurer et doit-il prendre en compte ces raisons même si la demanderesse n’a pas tenté de les obtenir?

 

Question 2 – Sans habilitation législative, le tribunal peut-il importer les spécifications de l’article 106 de la LIPR, qui traite des étrangers sans papiers d’identité, et l’élargir implicitement à tout élément jugé essentiel à une revendication?

 

 

[42]           Je suis entièrement d’accord avec les soumissions du défendeur relativement aux questions proposées par le demandeur. Je ne suis pas satisfait qu’il s’agit là de questions graves de portée générale et, en conséquence, celles-ci ne seront pas certifiées.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

 

« Max M. Teitelbaum »

Juge suppléant

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5049-08

 

INTITULÉ :                                       Roza Melikyan v. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 26 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            TEITELBAUM J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 5 juin 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michel LeBrun

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Latulippe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michel LeBrungl

Avocat

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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