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Date :  20090604

Dossier :  IMM-4645-08

Référence :  2009 CF 583

Ottawa (Ontario), le 4 juin 2009

En présence de L'honorable Max M. Teitelbaum 

 

ENTRE :

JOSUE ALEJANDRO HERNANDEZ CORTES

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (« LIPR ») à l’encontre d’une décision rendue le 18 septembre 2008 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (« le tribunal » ou « la Commission ») selon laquelle le demandeur n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

Contexte factuel

[2]               Le demandeur, Josuè Alejandro Hernàndez Cortès, est citoyen mexicain de l’État d’Hidalgo. Il allègue être victime de menaces verbales et physiques de la part de membres de deux partis politiques au Mexique, soit le Parti Révolutionnaire Institutionnel (« PRI ») et le Parti Action Nationale (« PAN »), en raison de sa carrière en journalisme à la télévision et à la radio mexicaine et de ses opinions politiques ainsi imputées. Il prétend craindre d’être persécuté dans son pays d’origine étant donné les problèmes de sécurité vécus par ses confrères journalistes qui se font assassinés au Mexique.

 

[3]                Dans son Formulaire de renseignements personnels (« FRP »), le demandeur relate qu’il a occupé plusieurs fonctions à la radiotélévision mexicaine, dont celles de lecteur de nouvelles, d’animateur d’émissions de divertissement et, plus récemment, d’animateur d’une émission à ligne ouverte portant surtout sur des questions politiques. Dans cette dernière fonction, le demandeur aurait reçu des appels du public et aurait passé en entrevue des politiciens. Il dit que cette fonction l’amenait à faire ses propres recherches pour faire en sorte que ses opinions soient informées et neutres.

 

[4]               Trois événements auraient menés à sa fuite. En 2004, le demandeur aurait dénoncé la qualité d’une voiture de marque Nissan durant une de ses émissions, ce qui lui aurait value de la part d’un représentant de la compagnie Nissan, qui se trouvait à être un politicien, des menaces de lui briser sa carrière de journaliste à la télévision. Le demandeur dit qu’en 2005 il a fait l’objet d’un attentat de la part d’un conducteur d’une voiture de marque Nissan. En 2006, le demandeur aurait été convoqué à un restaurant où il se serait fait dire que s’il continuait à parler ainsi des politiciens on le tuerait et qu’on lui donnait deux mois pour quitter la ville. Le demandeur allègue que les plaintes qu’il a déposées auprès des autorités mexicaines n’ont rien donné.

 

[5]               Le demandeur a décidé de quitter le Mexique en décembre 2006 pour chercher refuge au Canada. Il écarte la possibilité d’un refuge intérieur au Mexique étant donné la présence des partis politiques sur tout son territoire. La Commission a entendu sa demande d’asile le 14 mai 2008 et a rendu une décision négative le 18 septembre 2008.

 

Décision contestée

[6]               Le tribunal a accepté l’identité du demandeur mais a trouvé son récit contradictoire et invraisemblable. Après l’analyse de l’ensemble de la preuve, le tribunal a conclu que sa demande d’asile n’était pas crédible.

 

[7]               Le tribunal a tiré des inférences défavorables sur plusieurs aspects du témoignage du demandeur :

a.       Il n’a pu dire spontanément qui était gouverneur de l’État d’Hidalgo, mais se souvenait du nom de l’épouse de ce dernier, malgré le fait qu’il prétend être journaliste d’enquête à la fine pointe des exactions politiques;

b.      Lorsqu’on lui a demandé qui a gagné les dernières élections présidentielles dans l’État d’Hidalgo et avec quel nombre de députés, le demandeur a répondu que c’était le PRI mais ne savait pas le nombre de députés. Par après il a témoigné que c’était le PAN qui est sorti vainqueur de cette lutte;

c.       Lorsqu’on lui a demandé si le PRI et le PAN avaient l’habitude de tuer les journalistes au Mexique, le demandeur à répondu dans l’affirmative et a ajouté qu’ils pouvaient même s’entretuer. Le tribunal a noté que le demandeur avait témoigné auparavant que ces deux partis politiques étaient tellement semblables qu’ils étaient interchangeables;

d.      Le demandeur n’avait aucun renseignement sur le meurtre publicisé de Lus Amaldo Portosio, un événement survenu en 2000 et commandé par le frère du président Zedillo;

e.        Le demandeur ne connaissait pas les noms de ses confrères journalistes qui furent assassinés par des narcotrafiquants et n’a pu fournir de preuve documentaire à cet effet;

f.        Le demandeur a témoigné qu’il a cessé de travailler sans avertir ses patrons. Même si le demandeur n’a pu obtenir une lettre de cessation d’emploi, le tribunal a souligné qu’il aurait pu tenter d’obtenir une lettre relatant ses déboires avec les policiers ce qui l’aurait amené à laisser son emploi face au danger qu’il croyait encourir;

g.       La plainte que le demandeur aurait portée à la Direction générale des enquêtes préliminaires suite à l’incident en 2004 ne dénomme pas un représentant de Nissan et le demandeur n’a pu établir de quel genre de protection il aurait été privé;

h.       Le demandeur a omis d’inclure dans son FRP que son frère aurait appelé la police lors de l’incident en 2005 qui s’est empressée de se lancer à la poursuite de la voiture de marque Nissan, mais sans pouvoir relever la plaque d’immatriculation. Le tribunal souligne que cet « oubli » est une preuve que l’État a déployé quelque moyen pour résoudre ce délit de fuite;

i.         Selon son témoignage à l’audience, le demandeur serait allé porter plainte quatre fois, mais seulement deux plaintes sont mentionnées dans son FRP.

 

[8]               Les seules preuves d’emploi que le demandeur a déposées consistent en une carte indiquant qu’il est présentateur à la radio 89.3 FM dans le système de radiotélévision d’Hidalgo et un DVD concernant son travail. Le DVD n’a pas été traduit, donc le tribunal a décidé qu’il ne pouvait y donner de valeur probante.

 

[9]               Le tribunal n’a pas cru le demandeur lorsqu’il a dit avoir tenté d’obtenir la protection des autorités au Mexique. Le demandeur allègue que lorsqu’il est allé se plaindre, on lui aurait dit qu’il ne servait à rien de déposer une plainte puisqu’il n’était pas blessé. Le tribunal a invoqué sa connaissance spécialisée dans les cas du Mexique pour souligner au demandeur que c’est la première fois qu’il entendait un tel argument et que les demandeurs d’asile déposent les documents de plainte auprès des autorités mexicaines sans nécessairement être blessés ou à l’article de la mort. Le tribunal a aussi souligné un document disponible sur l’Internet intitulé « Information sur les procédures à suivre pour déposer une plainte au bureau du procureur général de la République » qui décrit trois façons de déposer une plainte auprès du contrôleur interne au sujet d’irrégularités commises par le personnel du Procureur général de la République. Le demandeur a dit qu’il était au courant de cette possibilité de porter plainte mais a plaidé qu’en réalité ça ne fonctionne pas si on ne peut étayer son assertion.

 

Questions en litige

[10]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève deux questions qui peuvent se résumer comme suit:

1.                  Le tribunal a-t-il erré dans son appréciation de la preuve?

2.                  Le tribunal a-t-il erré en invoquant sa connaissance spécialisée?

 

Position des parties

            Appréciation de la preuve

[11]           Le demandeur a déposé des documents pour étayer sa crainte de persécution au Mexique, notamment une carte de presse et un DVD concernant ses activités professionnelles. Selon le demandeur, le DVD s’agit d’une preuve matérielle à sa revendication puisqu’il démontre son travail en tant que journaliste, ce qui est à la base de sa crainte de persécution.

 

[12]           Dans ses motifs, le tribunal a fait référence à ces deux documents mais a indiqué qu’il ne pouvait donner de la valeur probante au DVD puisqu’il n’était pas traduit. Le demandeur plaide que le tribunal a erré en refusant d’analyser cette preuve documentaire qui aurait confirmé qu’il est en fait journaliste au Mexique. Il soutient que la Section de protection des réfugiés est un tribunal administratif qui n’est pas contraint par les règles de preuves strictes et qui a un pouvoir d’enquête. De plus, le demandeur soutient que le tribunal avait les ressources nécessaires pour examiner le DVD, surtout puisqu’un interprète espagnol-français était présent à l’audience.

 

[13]           Le défendeur plaide que le tribunal était bien fondé en droit de ne pas considérer le DVD non-traduit dans une des langues officielles conformément aux exigences prévues à la Règle 28 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 (« Règles »), qui lit comme suit :

 

28.(1) Tout document utilisé dans une procédure doit être rédigé en français ou en anglais ou, s’il est rédigé dans une autre langue, être accompagné d’une traduction française ou anglaise et de la déclaration du traducteur.

28.(1) all documents used ata proceeding must be in English or French or, if in another language, be provided with an English or French translation and a translator’s declaration.

 

 

[14]           Le défendeur maintient que même si le tribunal aurait accepté que le demandeur soit journaliste au Mexique, ce sont les invraisemblances et divergences cumulatives dans son récit et témoignage qui ont fondé la décision négative. Le défendeur soutient qu’aucune preuve documentaire ne peut influencer les conclusions de faits défavorables déjà tirées par le tribunal quant à la crédibilité du demandeur.

 

 

 

            Connaissance spécialisée

[15]           Le deuxième motif au soutien de la demande de contrôle judiciaire concerne le fait que le tribunal a fait appel à sa « connaissance spécialisée » pour souligner au demandeur que c’était la première fois qu’il entendait un tel argument et que les demandeurs d’asile déposent les documents de plainte auprès des autorités mexicaines sans nécessairement être blessés ou à l’article de la mort.

 

[16]           Le demandeur plaide que la « connaissance spécialisée » du tribunal doit s’appuyer sur une preuve documentaire indépendante et celle-ci doit être communiquée au demandeur afin qu’il puisse répondre. Le demandeur allègue que le tribunal a erré dans son analyse de la protection de l’État puisqu’il s’est basé en grande partie sur une preuve non déposée.

 

[17]           Le défendeur soutient que la décision du tribunal est fondée sur l’absence de crédibilité du demandeur et non sur la question de la protection de l’État. Quel qu’il en soit, le défendeur prétend que le tribunal était en droit de se fonder sur sa connaissance spécialisée relativement à la disponibilité de la protection étatique au Mexique afin de douter les allégations du demandeur.

 

Analyse

            Norme de contrôle judiciaire

 

[18]           Le demandeur ne semble pas contester les conclusions de faits tirées par le tribunal au sujet de sa crédibilité. Dans ses représentations écrites, il fait valoir les deux arguments suivants : Le premier fait état d’une erreur par le tribunal dans la mesure où il a refusé d’analyser une preuve matérielle à sa demande. Le deuxième est à l’effet que le tribunal a erré en invoquant sa connaissance spécialisée sans corroboration ou preuve documentaire à l’appui.

 

[19]           Le demandeur soutient que le seul critère qui doit exister dans le cadre d’un contrôle judiciaire est celui de la décision raisonnable. Selon le défendeur, les questions en litige sont reliées à l’interprétation de la preuve et aux questions de faits tirées par le tribunal. À son avis, ces questions doivent s’apprécier dans le contexte de la norme prévue à l’article 18.1(4)(d) de la Loi sur les Cours fédérales, DORS/98-106.

 

[20]           À mon avis, le présent recours soulève des questions mixtes de fait et de droit. Il est donc assujetti à la norme de la décision raisonnable telle que définie la Cour Suprême dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau Brunswick, 2008 CSC 9. Il faut donc traiter avec déférence la décision du tribunal qui bénéficie d’une certaine expertise dans les affaires comme celle présentement sous examen. Ma tâche est de vérifier si la décision contestée est raisonnablement justifiée au regard des éléments de preuve et de l’état du droit s’y rapportant : Luis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 352 au para. 9.

 

            Appréciation de la preuve

[21]           Il est bien établit que la charge de la preuve incombe au demandeur. Dans Hafeez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1489, le juge Beaudry fait référence à ce principe au paragraphe 10 pour écrire ceci :

… Pour s’acquitter de ce fardeau de preuve, le demandeur doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il craint subjectivement et avec raison d’être persécuté et que cette crainte subjective est objectivement justifiée (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689). Une crainte subjective de persécution repose uniquement sur l’appréciation de la crédibilité du demandeur alors qu’une crainte objective de persécution est établie habituellement au moyen d’une preuve documentaire relative à la situation dans le pays.

 

[22]           En l’espèce, le tribunal a conclu que le demandeur manquait de crédibilité et a rejeté sa demande d’asile en conséquence. Le demandeur reproche au tribunal de ne pas avoir considéré dans son analyse une preuve corroborative pour étayer son témoignage, notamment le DVD concernant son emploi.

 

[23]           Dans ses motifs écrits, le tribunal s’est exprimé ainsi au sujet de la preuve d’emploi :

Les seules preuves d’emploi que le demandeur a déposées consistent en une carte disant que le demandeur est présentateur à la radio 89.3 FM dans le système de radiotélévision d’Hidalgo et un disque compact qui semble être un pot-pourri des activités télévisuelles du demandeur. Comme ce document n’a pas été traduit, le tribunal ne peut y donner de la valeur probante.

 

[24]            Contrairement aux prétentions du demandeur, le langage utilisé dans les motifs écrits du tribunal précise que le décideur a dûment considéré le DVD dans son analyse. De fait, le tribunal a pris connaissance du DVD en notant dans ses motifs écrits qu’il semblait être un potpourri des activités télévisuelles du demandeur, mais n’y a pas accordé de poids, pour cause, puisqu’il n’était pas traduit.

 

[25]           Le demandeur plaide, et avec raison, qu’en général les tribunaux administratifs ne sont pas contraints aux règles strictes de preuve. Par ailleurs, la LIPR stipule à l’alinéa 170(g) que la Section de la protection des réfugiés n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Dans l’affaire N.O. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1552, le juge Harrington observe à cet effet que les règles de preuve sont assouplies justement pour permettre aux requérants de statut de réfugié d’apporter de la preuve qui ne serait pas normalement admissible (paragraphe 15).

 

[26]           Le demandeur était en droit de déposer de la preuve documentaire pour étayer sa crainte subjective. Mais, comme le souligne le défendeur, l’article 28 des Règles stipule que « tout document utilisé dans une procédure doit être rédigé en français ou en anglais ou, s’il est rédigé dans une autre langue, être accompagné d’une traduction française ou anglaise et de la déclaration du traducteur ». D’ailleurs, les Commentaires sur les Règles de la Section de la protection des réfugiés précisent que « document » s’entend de « l’original ou de la copie de toute correspondance, aide-mémoire, livre, plan, carte, dessin, schéma, image ou graphique, photographie, film, microforme, enregistrement sonore, bande-vidéo, document lisible par machine, ou autre document qu’elles qu’en soient la forme ou les caractéristiques physiques ». Ici, le DVD est un « document » non-traduit conformément aux Règles. Par conséquent, le tribunal était en droit de n’y attribuer aucune valeur probante.

 

[27]           Le demandeur oublie que la conclusion au sujet du DVD compte pour très peu parmi les autres éléments qui ont miné sa crédibilité aux yeux du tribunal. Notamment, le tribunal a relevé des omissions et contradictions entre son FRP et son témoignage à l’audience et des invraisemblances dans son récit. Le tribunal avait le droit de tirer des inférences défavorables au sujet de sa crédibilité de tous ces facteurs : Tejeda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 421 au para. 15.

 

[28]           Il est déjà bien établi que la Cour doit faire preuve d’une grande déférence à l’égard des décisions de la Commission touchant à des questions de crédibilité et d’évaluation de la preuve : Zavala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 370 au para. 5; Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40 au para. 38. Le tribunal est le mieux placé pour évaluer les explications fournies par les demandeurs d’asile au sujet de contradictions et invraisemblances apparentes. Il n’appartient pas à la Cour de substituer son jugement aux conclusions de fait tirées par le tribunal au sujet de la crédibilité des revendicateurs d’asile: Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 441 au para. 11. La Cour n’interviendra que si la décision du tribunal ne reflète pas une solution rationnelle acceptable (Dunsmuir, para. 47).

 

[29]           À mon avis, la conclusion du tribunal quant à la crédibilité du demandeur n’est pas déraisonnable compte tenu des multiples divergences et invraisemblances dans son témoignage.

 

[30]           Dans son mémoire, le défendeur cite le paragraphe 4 de l’affaire Obeng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 636, un extrait que je trouve intéressant à ces fins :

(…) Dans l’arrêt Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, la Cour d’appel fédérale a statué que la perception du tribunal que le demandeur n’est pas crédible sur un aspect important de la demande peut mener à la conclusion qu’il n’existe aucun élément crédible sur lequel la demande peut se fonder. (…)

 

[31]           Lorsqu’un tribunal conclut qu’un revendicateur d’asile n’est pas crédible, il n’a pas l’obligation d’expliquer tous les éléments qui soutiennent les allégations contraires à celles qu’il retient. Il suffit au tribunal, comme c’est le cas ici, de bien expliquer les motifs qui l’amènent à mettre en doute la crédibilité du demandeur : Luis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 352 au para. 22.

 

            Connaissance spécialisée

[32]           Le deuxième point en litige concerne la « connaissance spécialisée » du tribunal. Une révision du dossier révèle que le tribunal a invoqué sa connaissance spécialisée pour expliquer au demandeur qu’il y a des revendicateurs d’asile qui ont déposé des plaintes auprès des autorités mexicaines sans nécessairement être blessés ou à l’article de la mort.

 

[33]           Le demandeur soutient que la « connaissance spécialisée » du tribunal doit s’appuyer sur une preuve documentaire et celle-ci doit lui être communiquée lors de l’audience afin qu’il puisse répondre.

 

[34]           En règle générale, le tribunal doit aviser le demandeur lorsqu’il entend utiliser « sa spécialisation » conformément à l’article 18 des Règles :

 

 

18.  Avant d'utiliser un renseignement ou une opinion qui est du ressort de sa spécialisation, la Section en avise le demandeur d'asile ou la personne protégée et le ministre -- si celui-ci est présent à l'audience -- et leur donne la possibilité de :

a)  faire des observations sur la fiabilité et l'utilisation du renseignement ou de l'opinion;

b)  fournir des éléments de preuve à l'appui de leurs observations.

 

18. Before using any information or opinion that is within its specialized knowledge, the Division must notify the claimant or protected person, and the Minister if the Minister is present at the hearing, and give them a chance to

(a) make representations on the reliability and use of the information or opinion; and

(b) give evidence in support of their representations.

 

 

[35]            Dans Isakova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), M. je juge Campbell a expliqué l’objectif de l’article 18 au paragraphe 16 de ses motifs :

L'article 18 vise à permettre au demandeur d'être avisé des connaissances spécialisées et d'avoir la possibilité de contester leur contenu et leur utilisation avant qu'une décision ne soit rendue. Ainsi, pour que l'article 18 s'applique, le commissaire de la SPR qui déclare avoir des connaissances spécialisées doit verser au dossier suffisamment de détails pour en permettre une vérification. Les connaissances doivent donc être quantifiables et vérifiables. Comme l'a énoncé le juge Teitelbaum dans la décision Mama c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1515, les connaissances personnelles non vérifiables ne constituent pas des connaissances spécialisées :

Le requérant soutient (et j'en conviens) que l'expérience personnelle et (ou) professionnelle des membres de la Commission, dont l'importance n'est pas connue, ne justifiait guère leur allégation de [TRADUCTION] "connaissance spécialisée". La Commission n'était pas censée considérer comme preuve authentique des faits touchant des mesures de contrôle exercées aux postes frontaliers européens et il n'existe aucun élément de preuve quel qu'il soit qui ait été déposé devant elle quant à l'efficacité de ces mesures de contrôle.

Une fois que la SPR a communiqué ses connaissances, l'article 18 prévoit ensuite que la SPR doit donner la possibilité au demandeur de faire des observations et de présenter des éléments de preuve contradictoires.

 

[36]           À mon avis, la « connaissance spécialisée » invoquée en l’espèce est mal qualifiée. Ici, le décideur a invoqué une connaissance spécialisée et généralisée qu’il a acquise au cours des années pour souligner au demandeur que c’était la première fois qu’il entendait un tel argument et que ses expériences et connaissances professionnelles dans les cas du Mexique démontrent le contraire. La « connaissance » invoquée en l’espèce n’est pas quantifiable ni vérifiable. Par conséquent, l’article 18 des Règles n’a pas d’application.

 

[37]           De toute façon, la « connaissance spécialisée » du tribunal invoquée en l’espèce doit être considérée dans le contexte de la conclusion au manque de crédibilité du demandeur et non dans le contexte de la protection de l’État. L’élément subjective de la revendication du demandeur n’ayant pas été établi, le tribunal n’a pas eu à se prononcer sur la crainte objective. De même, la Cour considère qu’il n’est pas nécessaire de discuter davantage de la protection de l’État.

 

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

 

 

 

 

« Max M. Teitelbaum »

Juge suppléant

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4645-08

 

INTITULÉ :                                       Josue Alejandro Hernandez Cortes v. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 27 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            TEITELBAUM J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 4 juin 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stéphanie Valois

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Thi My Dung Tran

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stéphanie Valois

407 Saint Laurent, bureau 300

Montréal, Québec

H2Y 2Y5

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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