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Date : 20090529

Dossier : IMM-62-08

Référence : 2009 CF 559

Ottawa (Ontario), le 29 mai 2009

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

 

ENTRE :

Me TIMOTHY E. LEAHY

et

FOREFRONT MIGRATION LTD.

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel écrit, fondé sur les articles 51 et 369 des Règles des Cours fédérales, visant la décision rendue le 23 février 2009 dans laquelle le protonotaire Aalto a radié la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs pour contester la décision de John Burroughs, consul (le consul), Consulat général du Canada à Hong Kong, [traduction] « rendue secrètement à une date inconnue et qui refusait en masse, sans entrevue, d’accorder des permis de travail à Wing’s Food of Alberta Ltd., à Edmonton (nos de dossier W070700215/16/17/18/19/25/26/27) ».

 

[2]               La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire introduite nommait Me Timothy E. Leahy et Forefront Migration Ltd. (Forefront) comme demandeurs. M. Leahy a signé ainsi la demande [traduction] : « Timothy E. Leahy – demandeur, avocat général et directeur de Forefront Migration Ltd. ». La réparation principale sollicitée par les demandeurs est une ordonnance annulant [traduction] « la décision du consul Burroughs, appliquée huit fois ». Le protonotaire Aalto a accueilli la requête en radiation du ministre au motif que les demandeurs n’avaient pas qualité pour agir parce qu’ils n’étaient pas, comme l’exige le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, directement touchés par l’objet de la demande.

 

[3]               L’affidavit d’Imelda On produit au dossier (dossier de la demande des demandeurs, à la page 31) indique qu’elle a formé une sorte d’association avec M. Leahy en 2007 afin de trouver des employeurs de l’Alberta [traduction]  « qui retiendraient [leurs] services afin de combler les pénuries de personnel », qu’en juin 2007, [traduction] « M. Leahy, qui réside à l’étranger, a ouvert un bureau à Calgary, […] et qu’en septembre 2007, [s]on fils et [elle] so[nt] déménagés à Calgary pour qu[’elle] puisse consacrer plus de temps à l’obtention de contrats auprès d’employeurs albertains ».

 

[4]               Imelda On affirme qu’elle a acquis la clientèle de Wing’s Foods of Alberta Ltd. en février 2007. Elle déclare que le propriétaire de Wing’s Foods lui a demandé de trouver dix employés, de préférence des personnes parlant le cantonais, parce qu’il s’agit de la langue maternelle de la plupart de ses employés, dont le nombre s’élève à plus de cinquante.

 

[5]               Selon le dossier, elle a présenté les demandes de permis de travail au Consulat du Canada à Hong Kong. Son affidavit fait état de dix personnes ayant signé des contrats de travail avec Wing’s Foods, contrats établissant des fonctions principales précises et prévoyant les conditions d’emploi : heures de travail, taux horaire, vacances, etc. Elle ajoute que Service Canada a approuvé ces contrats le 23 juin 2007. Elle a remis ces demandes en mains propres au Consulat général.

 

[6]               Elle allègue qu’en août 2007, le Consulat s’est lancé dans une campagne de salissage à l’endroit de M. Leahy en envoyant des lettres à des clients dans lesquelles il [traduction] « affirmait faussement que M. Leahy ne remplissait pas la condition requise pour être un “représentant autorisé” », soit, selon les lettres, être « membre en règle d’un barreau […] provincial [] ». Le dossier indique que M. Leahy a introduit une action en dommages-intérêts.

 

Norme de contrôle

[7]               Dans l’arrêt Merck & Co. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, la Cour d’appel fédérale, en s’appuyant sur l’arrêt qu’elle avait rendu dans Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. (C.A.), [1993] 2 C.F. 425, a statué que lors d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision d’un protonotaire, la cour chargée du contrôle judiciaire doit premièrement décider si les questions soulevées dans l’appel sont déterminantes pour l’issue de l’affaire. Dans un tel cas, la cour chargée du contrôle doit trancher la question de novo. Si le critère du caractère déterminant n’est pas respecté, l’ordonnance discrétionnaire du protonotaire ne doit pas être annulée en appel, à moins qu’elle ne soit entachée d’erreur flagrante. 

 

[8]               En l’espèce, l’ordonnance du protonotaire est déterminante pour l’issue de l’affaire, parce que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire des demandeurs a été radiée sans qu’il ne soit possible de la modifier.

 

Analyse et conclusions

[9]               Suivant le paragraphe 72(1) de la LIPR, le contrôle judiciaire par la Cour de toute décision prise dans le cadre de la LIPR est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

[10]           Les Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés prévoient les règles de procédure et de forme applicables aux demandes d’autorisation.

 

[11]           Si la demande d’autorisation est accueillie, l’affaire fait l’objet d’un contrôle judiciaire en application de la Loi sur les Cours fédérales. Le paragraphe 18.1(1) de cette loi prévoit qu’une demande de contrôle judiciaire peut être présentée « par quiconque est directement touché par l’objet de la demande ».

 

[12]           Le paragraphe 221(1) des Règles des Cours fédérales prévoit que la Cour peut radier un acte de procédure qui est « scandaleux, frivole ou vexatoire ». Dans l’arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.), la Cour d’appel fédérale a conclu que la Cour fédérale jouissait d’une compétence inhérente pour rejeter une demande de contrôle judiciaire « qui [était] manifestement irrégulire] au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli[e] ».

 

[13]           Le protonotaire Aalto était saisi de plusieurs requêtes des demandeurs sollicitant diverses ordonnances, y compris une prorogation du délai fixé pour présenter la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, une réunion d’instances et un certain nombre de jugements déclaratoires. Il était aussi saisi d’une requête en radiation de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, au motif que celle-ci était [traduction] « manifestement irréguli[ère] au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli[e] », parce que les demandeurs n’étaient pas directement touchés par la décision de M. Burroughs. Par conséquent, selon l’avocat du défendeur, les demandeurs n’avaient pas qualité pour agir.

 

[14]           L’avocat du défendeur a soulevé aussi un autre moyen, soit que les demandeurs sollicitent dans une seule demande d’autorisation le contrôle judiciaire de [traduction] « huit décisions différentes et non liées portant sur des demandes de permis de travail, ce qui va à l’encontre de l’article 302 des Règles des Cours fédérales », et il a souligné que [traduction] « deux des huit décisions contestées n’avaient pas (encore à ce moment) été rendues ».

 

[15]           L’avocat du défendeur ajoute que les demandeurs sollicitent l’attribution de dommages‑intérêts dans la demande de contrôle judiciaire, chose qu’ils ne peuvent faire dans une telle procédure. Il s’agit d’une bonne conception du droit applicable.

 

[16]           La jurisprudence citée devant le protonotaire par l’avocat du défendeur à propos des personnes directement touchées est convaincante et déterminante en l’espèce. M. Leahy n’a pas tenté de montrer que cette jurisprudence ne s’appliquait pas.

 

[17]           Compte tenu des circonstances, l’appel doit être rejeté avec dépens. Je suis parvenu au même résultat récemment dans Me Timothy E. Leahy et al. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 509.

 


 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE l’appel est rejeté avec dépens.

 

                                                                                               

« François Lemieux »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A.Trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-62-08

 

INTITULÉ :                                       Me TIMOTHY E. LEAHY et al c. LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET L’IMMIGRATION

 

 

JUGÉ SUR DOSSIER :                    Ottawa (Ontario)

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Lemieux

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 29 mai 2009

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Timothy E. Leahy

Avocat général et directeur

Forefront Migration Ltd.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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