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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20090520

Dossier : IMM-4054-08

Référence : 2009 CF 518

OTTAWA (Ontario), le 20 mai 2009

En présence de l’honorable Max M. Teitelbaum

 

 

ENTRE :

JOANNA CATHERINE ROBERTS

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, déposée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), à l’encontre d’une décision datée du 16 juillet 2008 par laquelle une agente d’immigration a refusé de délivrer à la demanderesse, citoyenne britannique, un visa de résidente permanente à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés, au motif que celle-ci n’avait pas obtenu le nombre minimum de points requis par le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

 

 

Contexte

 

[2]               En février 2006, Joanna Roberts a déposé auprès du Haut-commissariat du Canada à Londres, en Angleterre, une demande de résidence permanente en s’appuyant sur sa carrière d’adjointe exécutive (Classification nationale des postes : 1222). Elle prétendait que ses études, sa compétence dans les langues, son expérience d’emploi et son âge, lorsqu’ils étaient combinés, étaient suffisants pour lui attribuer 67 points sous le régime prévu par le Règlement, un nombre qui aurait pu lui permettre de devenir une résidente permanente.

 

[3]               Indépendamment de cette prétention de Mme Roberts, l’agente qui a examiné la demande a conclu que la demanderesse ne méritait que 62 points et qu’elle était inadmissible dans la catégorie des travailleurs qualifiés. La différence fondamentale entre la prétention de la demanderesse et la décision de l’agente porte sur le nombre de points que chacune a attribué pour les études. L’agente a accordé 15 points pour les études de Mme Roberts, tandis que cette dernière prévoyait obtenir 20 points. Le nombre de points manquants rendait la demanderesse inadmissible à l’obtention du statut de résidente permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés, empêchant une substitution d’appréciation par l’agente.

 

[4]               Au dossier, ainsi qu’à l’audience, Mme Roberts a fait valoir qu’elle devrait obtenir 20 points pour ses études, compte tenu de son diplôme d’études postsecondaires de deux ans et d’un total de quatorze années d’études à temps plein ou d’un équivalent temps plein. Plus précisément, dans l’annexe 1 de sa demande de résidence permanente, elle affirme avoir accumulé un total de dix-huit années d’études : dix années d’études élémentaires, six années d’études secondaires et deux années d’études collégiales. Cela comprend un diplôme d’études postsecondaires de deux ans en études de secrétariat médical obtenu du collège Pontypridd en 1988, et un certificat général d’éducation de six ans, de niveau régulier (niveau O), de la polyvalente Rhydfelen. L’annexe 1 n’exige pas que les demandeurs expliquent en détail leurs années d’études élémentaires.

 

[5]               L’agente n’était pas d’accord avec l’estimation de Mme Roberts concernant ses années d’études, et elle a conclu qu’elle avait accumulé treize années d’études au lieu de dix-huit années, tel qu’estimé. L’agente a donc accordé 15 points pour les études et, dans les notes du STIDI, elle a expliqué comment elle avait évalué les antécédents scolaires de la demanderesse :

[traduction]

 

ÉD : 15 pts

Compte tenu du certificat de niveau O du Comité gallois mixte de l’éducation obtenu à l’été 1985 (11 années d’études)

Du certificat de secrétariat médical délivré en octobre 1988 par l’association des secrétaires, des réceptionnistes et des administrateurs médicaux (l’AMSPAR)

De la lettre de l’agent d’éducation de l’AMSPAR, datée de janvier 2006, confirmant que la demanderesse a fréquenté le collège de 1986 à 1988, et qu’elle a suivi et réussi suffisamment de cours et d’examens pour obtenir un certificat (mais non un diplôme).

Les points sont attribués en fonction d’un total de treize années d’études et de l’obtention d’un diplôme postsecondaire

EXP : 21 pts

On trouve une différence inexpliquée entre l’année de l’obtention du certificat de niveau O à l’été 1985 et celle du début du cours susmentionné en 1986 (le formulaire de demande indique qu’elle a obtenu son GCSES en 1986, alors que le certificat indique 1985).

[…]

 

 

[6]               Dans une lettre du 16 juillet 2008, l’agente a avisé Mme Roberts qu’elle ne remplissait pas les conditions prévues pour obtenir un visa de résidente permanente à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés, et elle a rejeté sa demande.

 

[7]               En réponse à la décision défavorable, le conseil de la demanderesse a écrit à l’agente pour clarifier ce qui était, à son avis, une erreur de calcul. Il était d’avis que la demanderesse aurait dû se voir attribuer un total d’au moins 14 années d’études à temps plein : deux années pour son certificat de l’AMSPAR et douze années pour son certificat de niveau O, et donc un total de 20 points. À l’appui de cette prétention, la demanderesse a fourni une lettre de M. Russell Andrews, directeur des études et de la planification des partenariats scolaires, un organisme gouvernemental chargé de la réforme sur l’éducation au Royaume-Uni. Dans cette lettre de M. Andrews, il était indiqué que les études de niveau O de Mme Roberts devraient équivaloir à douze années d’études :

[traduction]

Si vous calculez à partir de l’année de réception jusqu’à la 11année (fin de l’instruction obligatoire), vous constaterez que la période d’études obligatoire compte douze années. Il semble que vous ayez passé à côté de la question de l’année de réception de l’instruction obligatoire qui est souvent mal comprise par les gens de l’extérieur du système d’éducation du R.-U. depuis l’introduction du programme national, qui a renommé les années scolaires de l’année de réception jusqu’à la 11e année.

En fait, j’ai fait enquête sur le cas de Joanna Roberts et je crois qu’elle a dépassé l’exigence relative à l’instruction obligatoire de douze ans d’au moins un an.

 

 

[8]               L’agente n’a pas répondu aux observations supplémentaires de la demanderesse, ce qui a donné lieu à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

Questions en litige

 

[9]               La demanderesse soulève trois questions à trancher :

 

(a)    Le nombre de points d’appréciation établi par l’agente pour les années d’études de la demanderesse était-il déraisonnable?

 

(b)   L’agente a-t-elle manqué à son devoir d’équité en ne donnant pas à la demanderesse une occasion de répondre aux préoccupations soulevées quant à ses années d’études?

 

(c)    L’agente a-t-elle commis une erreur en n’exerçant pas son pouvoir discrétionnaire de substituer son appréciation?

 

 

 

Dispositions législatives et réglementaires

 

[10]           Le cadre de réglementation qui régit la catégorie des travailleurs qualifiés est une combinaison des articles de la LIPR et de son Règlement. L’article 12 de la LIPR prévoit la catégorie « immigration économique » :

 

12.(2) La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

12.(2) A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

 

 

[11]           L’article 76 du Règlement établit le critère auquel l’étranger doit satisfaire pour être admis au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés :

 

76. (1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

                                               a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

 

(i) les études, aux termes de l’article 78,

(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,

(iii) l’expérience, aux termes de l’article 80,

(iv) l’âge, aux termes de l’article 81,

(v) l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,

(vi) la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;

b) le travailleur qualifié :

(i) soit dispose de fonds transférables — non grevés de dettes ou d’autres obligations financières — d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

 

 

 

(ii) soit s’est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).

76. (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

 

 

(i) education, in accordance with section 78,

 

(ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

 

(iii) experience, in accordance with section 80,

 

(iv) age, in accordance with section 81,

(v) arranged employment, in accordance with section 82, and

(vi) adaptability, in accordance with section 83; and

 

(b) the skilled worker must

 

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

 

(ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).

 

[12]           Selon le paragraphe 76(3) du Règlement, l’agent d’immigration peut substituer aux critères son appréciation de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada si le nombre de points qu’il a obtenu est insuffisant :

 

76. (3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — ne reflète pas l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

 

76. (3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 

[13]           Le paragraphe 78(2) du Règlement prévoit la façon dont les points doivent être attribués en fonction des études du travailleur qualifié :

 

78. (2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante : […]

 

c) 15 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total de treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

d) 20 points, si, selon le cas :

 

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant deux années d’études et a accumulé un total de quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

78. (2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows: […]

 

 

(c) 15 points for

(i) a one-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

(ii) a one-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

(d) 20 points for

 

(i) a two-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

(ii) a two-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

[14]           Actuellement, un demandeur doit obtenir 67 points pour être admissible à l’obtention du statut de résident permanent dans la catégorie des travailleurs qualifiés.

 

Analyse

 

[15]           L’examen d’une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) relève de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de l’agent des visas et est donc assujetti à la norme de la décision raisonnable : Persaud c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 206, [2009] A.C.F. no 229, au paragraphe 22; Kniazeva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 268, [2006] A.C.F. no 336, au paragraphe 15; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53. Les questions d’équité procédurale sont tranchées selon la norme de la décision correcte : Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), 2001 CSC 4, [2001] 1 R.C.S. 221.

 

[16]           Devant la Cour, la demanderesse a fait valoir que le nombre approprié correspondant à ses années d’études est de quinze ans : sept années d’école élémentaire, cinq années d’études pour obtenir son niveau O, une année d’études pour obtenir son niveau A, ainsi que deux années pour obtenir son certificat de secrétariat médical.

 

[17]            Cet argument pose un problème grave car ce calcul du nombre d’années ne correspond pas à celui indiqué dans la demande présentée à l’agente. La demande initiale prévoyait dix années d’études élémentaires, mais elle ne fournissait aucune explication sur la façon dont ce nombre avait été établi. Elle précisait également que Mme Roberts avait complété six années d’études secondaires, de 1980 à 1986, mais son diplôme indiquait l’été 1985 comme date de fin d’études. Ce n’est que seulement dans un affidavit souscrit pour les fins du présent contrôle judiciaire que la demanderesse a expliqué qu’elle avait étudié une année additionnelle en vue d’obtenir son niveau de qualification A pendant l’année 1985-1986. Cependant, l’agente n’avait pas cette explication au moment de rendre sa décision, dans laquelle elle a expressément fait état de la [traduction] « différence inexpliquée » dans la demande entre l’été 1985 et l’année 1986.

 

[18]           Même si l’agente avait été au courant, l’année additionnelle d’études de niveau A n’aurait pas été pertinente quant à l’évaluation de ses attestations d’études. Dans Bhuiya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 878, [2008] A.C.F. no 1110, la juge Anne Mactavish a expliqué que « l’exigence du nombre d’années d’études requises a clairement pour but d’établir des normes minimales pour chaque type de diplôme » et le fait que la demanderesse ait pu suivre une année supplémentaire d’études après avoir obtenu sa maîtrise « ne transforme pas sa maîtrise de seize années en une maîtrise de dix-sept années ». La même logique s’applique en l’espèce : le fait que la demanderesse ait suivi une année supplémentaire d’études après avoir obtenu son niveau O ne transforme pas son diplôme de onze années en un diplôme de douze années.

 

[19]           Pour ce qui est de la prétention de la demanderesse concernant le nombre d’années qu’elle a mis pour terminer son niveau O, la déclaration dans sa demande, selon laquelle elle a suivi dix années d’études élémentaires, était clairement erronée, et la demanderesse n’a fourni aucune autre explication ou clarification sur la façon dont elle est parvenue à ce nombre. Il a donc fallu que l’agente utilise son jugement pour établir le bon nombre d’années d’études, ce qui a mené à la conclusion de bonne foi selon laquelle 11 années sont nécessaires pour terminer des études de niveau O. Cette conclusion n’était nullement déraisonnable.

 

[20]           La demanderesse soutient aussi que l’agente avait envers elle un devoir d’équité procédurale de demander des renseignements supplémentaires, étant donné qu’elle avait des doutes quant au nombre d’années d’études qu’elle avait invoqué. Il est bien établi qu’il n’existe aucune obligation pour les agents de fournir une occasion à un demandeur de répondre aux préoccupations de l’agent : Santhirasegaram c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1187, [2008] A.C.F. no 1466, au paragraphe 32; Ramos-Frances c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 142, [2007] A.C.F. no 192; Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 940, au paragraphe 8 (C.F. 1re inst.).

 

[21]           Selon les propos du juge Marshall Rothstein (maintenant juge à la Cour suprême) dans Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’ Immigration), [1998] A.C.F. no 1239 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 4, « c’est au demandeur qu’il incombe de déposer une demande claire avec à l’appui les pièces qu’il juge indiquées. Cette charge de la preuve ne se transfère pas à l’agent des visas, et le demandeur n’a aucun droit à l’entrevue pour cause de demande ambiguë ou d’insuffisance des pièces à l’appui ». Par conséquent, Mme Roberts devait convaincre l’agente qu’elle avait effectivement suivi au moins quatorze années d’études, et l’agente n’était pas tenue de demander des explications ou des documents justificatifs si la demande était insuffisante. Pour ce motif, je conclus que l’agente n’a pas manqué à son devoir d’équité procédurale puisqu’elle n’a relevé aucune ambiguïté dans le nombre d’années d’études complété par la demanderesse.

 

[22]           Ce n’est qu’après que la décision défavorable eut été rendue que la demanderesse a pris les mesures nécessaires pour établir le bien-fondé de sa prétention, et même si elle a bel et bien fourni à l’agente des éléments de preuve supplémentaires dans une lettre de M. Andrews attestant qu’elle avait suivi douze années d’études pour obtenir son niveau de qualification O, elle a admis que l’agente n’était pas tenue de tenir compte des observations faites une fois la décision rendue.

 

[23]           Enfin, la demanderesse allègue que l’agente a commis une erreur en n’exerçant pas de façon appropriée le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 76(3) selon lequel, malgré une insuffisance de points, l’agent peut substituer aux critères son appréciation de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada. En l’espèce, l’agente a refusé d’exercer favorablement son pouvoir discrétionnaire pour le motif que les points accordés à Mme Roberts [traduction] « reflétaient fidèlement » son aptitude à réussir son établissement économique au Canada. La demanderesse soutient que l’agente n’a pas expliqué pourquoi elle avait refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire, si ce qu’elle avait examiné la question et qu’elle l’avait rejetée, et que cette absence d’explications concernant son refus était déraisonnable.

 

[24]           À titre de remarque préliminaire sur ce point, je songe à la décision Poblano c. Canada, 2005 CF 1167, [2005] A.C.F. no 1424, dans laquelle le juge Konrad von Finckenstein a conclu qu’un agent des visas est uniquement tenu d’aviser le demandeur qu’il a examiné la demande en vue d’un exercice du pouvoir discrétionnaire en sa faveur. Cependant, cela ne veut pas dire que de simplement informer le demandeur du fait que sa demande relative à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire a été examinée soit suffisant pour s’acquitter de l’obligation d’examiner convenablement la demande.

 

[25]           Tout examen d’une substitution d’appréciation ne se limite pas à l’évaluation de points et devrait prendre en considération tous les facteurs énumérés au paragraphe 76(1). Ignorer un facteur pertinent peut donner lieu à une décision déraisonnable. Par exemple, dans Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1398, [2004] A.C.F. no 1698, la juge Elizabeth Heneghan, au paragraphe 19, a précisé que l’exercice du pouvoir discrétionnaire accordé à l’agent des visas en vertu du paragraphe 76(1) « exige un examen des fonds pour l’établissement lorsqu’il décide de substituer son évaluation de la capacité d’une personne à réussir son établissement économique au Canada ». Voir également Choi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 577, [2008] A.C.F. n734; Lackhee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1270, [2008] A.C.F. n1615.

 

[26]           Dans les décisions Hernandez, Choi et Lackhee, la Cour a conclu que l’omission de l’agent de faire quelque renvoi que ce soit aux fonds pour l’établissement dont disposait le demandeur, tant dans les notes du STIDI que dans la décision, révélait qu’il n’avait pas examiné l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique et qu’il s’agissait d’une erreur justifiant l’annulation de la décision.

 

[27]           Cependant, ce n’est pas le cas en l’espèce. Les notes du STIDI indiquent que l’agente a tenu compte du fait que la demanderesse disposait d’environ 60 000 livres sterling à titre de fonds d’établissement, et elles confirment que l’agente a pris en compte les années d’études de la demanderesse, ses antécédents de travail, son âge, sa compétence dans les langues et sa capacité d’adaptation. Néanmoins, l’agente a conclu qu’une substitution d’évaluation n’était pas justifiée dans le cas de Mme Roberts, et que les points accordés reflétaient bien l’aptitude de la demanderesse à réussir son établissement économique au Canada.

 

[28]           Compte tenu des qualifications et compétences générales de la demanderesse, je suis d’avis que, même si elle était plutôt sévère, la décision de l’agente appartient aux issues possibles et n’était pas déraisonnable. Peu importe les autres décisions que l’agente aurait pu rendre dans ces circonstances, je suis convaincu que l’agente n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a tiré sa conclusion.

 

[29]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question de portée générale n’a été soumise aux fins de certification.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judicaire est rejetée.

 

 

 

« Max M. Teitelbaum »

Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4054-08

 

INTITULÉ :                                       JOANNA CATHERINE ROBERTS c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            L’HONORABLE MAX M. TEITELBAUM

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 mai 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

POUR LA DEMANDERESSE

Laoura Christodoulides

 

                POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

                        POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

               POUR LE DÉFENDEUR

 

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