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Federal Court

 

 

 

 

Cour fédérale

Date :  20090512

Dossier :  IMM-4750-08

Référence :  2009 CF 487

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

DANIA PERLA CORTEZ GUTIERREZ

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R., 2001, ch. 27, à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue le 30 septembre 2008 selon laquelle la demanderesse n’a pas la qualité de réfugiée au sens de la Convention, ni de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la loi.

 

[2]               Pour les raisons qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[3]               Le tribunal a conclu que la demanderesse n'était pas crédible en raison de l’incohérence et l’invraisemblance de son récit à la base de sa revendication. De plus, le tribunal a noté que la demanderesse s'était contredite sur un événement important.

 

[4]               Selon le tribunal, même si la demanderesse était crédible, elle ne l'a pas convaincu que la protection de l'État mexicain ne pouvait pas lui assurer la protection.

 

[5]               Même si la demanderesse était crédible et même si la protection de l'État n'était pas disponible, le tribunal a décidé qu'il y avait une possibilité de refuge interne (PRI) pour la demanderesse dans les villes de Tijuana, Guadalajara, Monterrey et Cancun.

 

Norme de contrôle

[6]               Lorsqu’il est question de crédibilité et d’appréciation de la preuve, il est bien établi en vertu du paragraphe 18.1(4)(d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, que la Cour n’interviendra que si la décision est basée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon arbitraire ou abusive ou si la décision est rendue sans égard à la preuve (Aguebor c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), 42 A.C.W.S. (3d) 886).

 

[7]               L’évaluation de la crédibilité et l’appréciation de la preuve relèvent de la compétence du tribunal administratif qui doit apprécier l’allégation d’une crainte subjective d’un demandeur d’asile (Cepeda-Gutierrez c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (C.F. 1ère inst.), 83 A.C.W.S. (3d) 264 au paragraphe 14). Avant Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme de contrôle applicable dans des circonstances semblables était celle de la décision manifestement déraisonnable. Depuis, il s’agit de la décision raisonnable.

 

[8]               La norme de contrôle applicable aux questions de protection de l’État est la décision raisonnable (Chaves c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, 137 A.C.W.S. (3d) 392 aux par. 9 à 11; Gorria c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 284, 310 F.T.R. 150 au par. 14 et Chagoya c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 721 au par. 3, [2008] A.C.F. no 908 (QL)).

 

[9]               La norme de contrôle applicable aux questions de PRI était la décision manifestement déraisonnable (Khan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 44, 136 A.C.W.S. (3d) 912 et Chorny c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 999, 238 F.T.R. 289). Suivant Dunsmuir, la Cour doit continuer de faire preuve de retenue dans la détermination d’une PRI et cette décision est révisée selon la nouvelle norme de la raisonnabilité. Conséquemment, la Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, ci-dessus au par. 47). Le caractère raisonnable d’une décision tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel.

 

 

[10]           La demanderesse allègue que le tribunal a erré en droit car les raisons invoquées par celui-ci sont déraisonnables, non fondées sur la preuve et constituent des erreurs de droit. Dans Maldonado c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 C.F. 302, la Cour d’appel fédérale a affirmé que lorsqu’un demandeur jure que certains faits sont véridiques, il existe une présomption qu’ils le sont à moins qu’il y ait des raisons valables de douter de leur véracité.

 

[11]           Le défendeur note que les conclusions concernant l’absence de crédibilité, la disponibilité de la protection de l’État et l’existence d’une PRI suffisent séparément pour débouter le recours de la demanderesse (Salim c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1592, 144 A.C.W.S. (3d) 326 au par. 31; Singh c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 185, 121 A.C.W.S. (3d) 127; Jaffier c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 722, 131 A.C.W.S. (3d) 503 aux par. 7 et 10; Rodriguez c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 153, 137 A.C.W.S. (3d) 399 au par. 36; Baldomino c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1270, 167 A.C.W.S. (3d) 771 au par. 8; Del Real c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 140, 168 A.C.W.S. (3d) 368 aux par. 12 et 39).

 

[12]           Le défendeur fait valoir qu’aucune erreur déterminante qui pourrait invalider la décision du tribunal dans son ensemble n’a été établie par la demanderesse. La décision du tribunal s’appuie sur la preuve présentée et respecte les principes de droit applicables. Le tribunal a fourni des motifs clairs et non équivoques sur le rejet de la demande d’asile.

 

[13]           Le tribunal pouvait à bon droit conclure que les invraisemblances, contradictions et omissions minaient la crédibilité de la demanderesse, tel qu’il a été établi et rappelé à maintes reprises par cette Cour.

 

[14]           Le tribunal est le mieux placé pour évaluer les explications fournies par la demanderesse au sujet des contradictions et invraisemblances apparentes. Il n’appartient pas à la Cour de substituer son jugement aux conclusions de fait tirées par le tribunal au sujet de la crédibilité de la demanderesse (Singh c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 181, 146 A.C.W.S. (3d) 325 au par. 36; Mavi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no. 1 (C.F. 1ère inst.) (QL)).

 

[15]           Ici, la conclusion du tribunal n’est pas déraisonnable compte tenu des multiples divergences dans le témoignage de la demanderesse. Elle n’a fourni aucune preuve corroborant sa relation amoureuse avec un dénommé Roy Moran, relation sérieuse d’une durée de 13 mois qui semblait se diriger vers le mariage. De plus, il est invraisemblable que la demanderesse ne soit pas au courant si une autopsie a été pratiquée sur le corps de son amant.

 

[16]           La conclusion du tribunal peut être considérée comme rationnelle et acceptable eu égard à la preuve soumise (Dunsmuir, ci-dessus au par. 47).

 

[17]            Quant à la protection de l'État , cette Cour a confirmé des décisions maintenant la présomption de protection de l’État mexicain (Luna c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1132, [2008] A.C.F. no 1501 au par. 14; Sanchez c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 134, 165 A.C.W.S. (3d) 336 au par. 12; Navarro c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 358, 169 A.C.W.S. (3d) 626 au par. 17; Canseco c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 73, 154 A.C.W.S. (3d) 1182 au par. 14; De La Rosa c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 83, 164 A.C.W.S. (3d) 497 au par. 11; Martinez c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 343, 146 A.C.W.S. (3d) 1052 au par. 12).

 

[18]           En l’espèce, le tribunal pouvait légitimement conclure, compte tenu du présent contexte, que la demanderesse n’avait pas épuisé tous les recours possibles offerts par l’État. De plus, le tribunal pouvait raisonnablement considérer comme insuffisante l’explication de la demanderesse dans son témoignage le fait qu'elle soit allée voir la police qu'une seule fois et que celle-ci ait refusé de recevoir sa plainte.

 

[19]           Dans l’affaire Kadenko c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 206 N.R. 272, 143 D.L.R. (4th) 532 (C.A.F.), la Cour a noté qu’on ne peut conclure automatiquement qu’un État démocratique est incapable de protéger l’un de ses ressortissants parce ce que certains policiers locaux ont refusé d’intervenir. En l’espèce, la demanderesse n’a pas cherché avec diligence à obtenir la protection de son pays avant de venir au Canada. Par conséquent, la demanderesse n’a pas fourni d’éléments de preuve clairs et convaincants pour réfuter la présomption que le Mexique était en mesure de la protéger.

 

[20]           Je suis d’accord avec le défendeur que la demanderesse n’a pas donné à l’État la possibilité d’assurer sa protection car elle a quitté le pays avant de donner aux autorités le temps d’agir.

 

[21]           Quant à la possibilité de refuge interne la Cour a statué qu’on ne peut exiger du revendicateur qu’il s’expose à un grand danger physique ou qu’il subisse des épreuves indues pour se rendre dans une région pour y demeurer. Dans Rasaratnam c. Canada (ministre de l’Emploi  et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.) la Cour a statué que deux critères s'appliquaient dans l'établissement d'une PRI : 1) le revendicateur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où il existe une possibilité de refuge; et 2) la situation dans la partie du pays que l’on identifie comme PRI doit être telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour le revendicateur d’y chercher refuge, compte tenu de toutes les circonstances.

 

[22]           Dans Thirunavukkarasu c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 589, 163 N.R. 232 (C.A.F.) la Cour s'est prononcée ainsi en citant Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164 au par. 15 :

… Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lien sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. L’absence de parents à l’endroit sûr, prise en soi ou conjointement avec d’autres facteurs, ne peut correspondre à une telle condition que si cette absence a pour conséquence que la vie ou la sécurité du revendicateur est mise en cause. …

 

[23]           La décision du tribunal est basée sur le témoignage de la demanderesse ainsi que sur la preuve documentaire au dossier. Il a tenu compte de la situation personnelle de la demanderesse et la possibilité raisonnable qu’elle puisse se relocaliser ailleurs au Mexique. La demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer que le tribunal a commis une erreur révisable. La Cour considère cette décision raisonnable car elle est conforme à la jurisprudence.

 

[24]           La présente demande ne soulève aucune question importante de portée générale.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4750-08

 

INTITULÉ :                                       DANIA PERLA CORTEZ GUTIERREZ

                                                et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 5 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 12 mai 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Anthony Karkar

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Yael Levy

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Anthony Karkar

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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