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Date : 20090505

Dossier : T-394-08

Référence : 2009 CF 452

Ottawa (Ontario), le 5 mai 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Apotex Inc. (Apotex), un fabricant de produits pharmaceutiques génériques, demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par le ministre de la Santé (le ministre) par laquelle celui‑ci a refusé de délivrer un avis de conformité (AC) quant à la version de l’aspirine d’Apotex.

 

[2]               Plus précisément, la demande d’AC, qui, si elle était accordée, permettrait la vente d’une drogue visée par la présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) d’Apotex pour ses comprimés entérosolubles d’acide acétylsalicylique (AAS) de 81 mg (Apo-ASA).

 

[3]               Apotex a d’abord sollicité la délivrance d’un mandamus ordonnant la délivrance d’un AC, un recours dont, de son propre aveu, elle ne disposait pas. Elle a ensuite changé de recours pour le recours suivant :

Recours

 

[traduction]

 

À titre subsidiaire, une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre d’examiner l’innocuité et l’efficacité de la présentation d’Apo-ASA sans limiter cet examen à la simple application des normes de bioéquivalence énoncées dans les lignes directrices du Rapport B et de donner à Apotex une explication intelligible quant à savoir pourquoi la PADN ne suffit pas à démontrer l’innocuité du Apo-ASA ou quant à savoir pourquoi la PADN ne suffit pas à démontrer l’efficacité du Apo-ASA et enjoignant au ministre de soumettre ultérieurement, ou à titre subsidiaire d’examiner s’il doit soumettre ultérieurement, toute question encore en litige à un tribunal d’appel en conformité avec les procédures d’appel du ministre et l’entente conclue entre le ministre et Apotex le 24 mai 2005.

 

II.         L’HISTORIQUE

[4]               L’AAS, ou l’aspirine, est un médicament que l’on peut acheter au Canada depuis plusieurs décennies et elle est offerte en vente libre en concentrations de 325 et 650 mg ainsi qu’en concentrations de 80 ou 81 mg pour usage pédiatrique.

 

[5]               Dans sa PADN, Apotex a incorporé une étude de bioéquivalence effectuée sur des sujets à jeun et une étude de bioéquivalence effectuée sur des sujets alimentés, comme l’exigent les lignes directrices du Rapport B (les lignes directrices). Dans une étude de bioéquivalence, la nouvelle drogue est comparée à une drogue de comparaison ou drogue de référence, laquelle était constituée, en l’espèce, par les comprimés entérosolubles Bayer ASA 81 mg (B-ASA).

 

[6]               Apotex a déposé une PADN à l’égard de son Apo-ASA auprès de la Direction des produits thérapeutiques (la DPT).

 

[7]               L’étude effectuée par Apotex sur des sujets à jeun a satisfait aux normes de bioéquivalence du ministre. Toutefois, l’étude effectuée sur des sujets alimentés comprenait deux sujets pour lesquels les données obtenues n’ont pas satisfait aux normes du ministre. Les résultats obtenus quant à ces deux sujets se situaient à l’extérieur de l’intervalle de déviation établi dans les lignes directrices, c’est‑à‑dire de 80 à 125 p. 100 de l’aire sous la courbe (l’ASC).

 

[8]               Apotex a prétendu que la drogue de référence présentait un défaut de fabrication et que c’était ce qui expliquait la différence entre l’Apo-ASA et le B-ASA. Le sujet recevait plus de drogue avec l’Apo‑ASA qu’avec le B-ASA.

 

[9]               En raison de sa prétention, Apotex a exclu les résultats relatifs à ces deux sujets de l’analyse des données lorsqu’elle a soumis sa PADN.

 

[10]           Le 26 janvier 2007, la DPT a délivré un avis de non‑conformité mentionnant, en plus de certains défauts mineurs, le défaut majeur constitué par l’exclusion des données de l’étude effectuée sur des sujets alimentés. Les défauts mineurs ont été corrigés avant cette audience et la question suivante est demeurée en litige : le problème de l’étude effectuée sur des sujets alimentés et le refus du ministre d’accepter la prétention d’Apotex.

 

[11]           La réponse d’Apotex à l’avis de non‑conformité a été de réitérer sa prétention concernant la drogue de référence B-ASA. Elle a également prétendu que le test de Grubbs (une méthode d’analyse) pour les valeurs aberrantes étayait l’exclusion des données problématiques. Toutefois, elle a reconnu qu’une autre méthode d’analyse avait donné un résultat différent car elle n’avait pas permis de relever comme aberrantes les données relatives aux deux sujets exclus.

 

[12]           Apotex a également soumis un avis d’expert selon lequel l’absence apparente de bioéquivalence pourrait être attribuable au défaut de fabrication occasionnel de la drogue de référence.

 

[13]           Le 5 octobre 2007, la DPT a délivré un avis de non‑conformité‑lettre de retrait (ANC-LR) qui a eu pour effet d’examiner le retrait de la PADN d’Apotex sans préjudice du droit de cette dernière de déposer à nouveau.

 

[14]           Apotex a ensuite présenté une demande de nouvel examen dans laquelle elle a affirmé que son produit était sécuritaire et que le défaut de prouver la bioéquivalence n’était pas fatale à une demande.

 

[15]           Le 15 janvier 2008, le directeur général de la DPT a informé Apotex que le Bureau des sciences avait terminé son examen et que le directeur général avait confirmé que l’ANC‑LR était maintenu.

 

[16]           Par la suite, il y a eu une série de communications dans lesquelles Apotex a continué d’expliquer pourquoi l’avis de conformité devrait être délivré. Le ministre a répondu une fois et a confirmé qu’aucun avis de conformité ne serait délivré et il n’a pas répondu aux autres demandes.

 

[17]           Le coeur de la prétention du ministre a été exposé dans l’avis de non-conformité du 26 janvier 2007 :

[traduction]

 

En vertu de sa pratique actuelle, la DPT ne permet pas l’exclusion de données de l’analyse statistique sans une justification sur le plan physiologique ou clinique. De plus, la justification fournie pour l’exclusion de données relatives aux sujets 02 et 23, c’est‑à‑dire un prétendu défaut du produit, n’est pas acceptable.

 

 

L’avis de non‑conformité concluait que les normes de bioéquivalence n’avaient pas été prouvées et que, ainsi l’innocuité et l’efficacité de l’Apo-ASA n’avaient pas non plus été prouvées. Enfin, l’avis de non‑conformité précisait qu’Apotex pourrait effectuer une deuxième étude comparative de biodisponibilité (bioéquivalence), mais que les résultats de celle‑ci seraient combinés avec l’étude existante.

 

[18]           Dans l’ANC‑LR ultérieur, la DPT s’est dite préoccupée par le fait que le produit d’Apotex avait entraîné la non‑équivalence en raison de sa concentration en acide salicylique et par le fait qu’il n’y avait aucun défaut dans le produit de référence. L’ANC‑LR a également modifié la déclaration faite dans l’avis de non‑conformité en permettant la tenue d’une nouvelle étude visant à remplacer l’étude existante plutôt qu’une combinaison des deux résultats.

 

[19]           La lettre du ministre du 11 février 2008 a mis fin au débat en confirmant qu’un examen complet avait été effectué, que la décision était conforme avec la politique de la DPT et que, par conséquent, aucun avis de conformité ne serait délivré compte tenu des données soumises existantes

 

[20]           Apotex soulève trois questions dans le cadre du présent contrôle judiciaire :

a.                   Le ministre a‑t‑il entravé son pouvoir discrétionnaire en s’en tenant rigidement à ses lignes directrices;

b.                  La décision du ministre selon laquelle le produit n’était pas sécuritaire ni efficace reposait‑elle sur des motifs non intelligibles;

c.                   Y avait‑il un manquement à l’équité dans le système utilisé par le ministre, surtout que l’on s’attendait légitimement à de l’amélioration et à un traitement équitable dans le système ainsi qu’à un appel externe, lesquels éléments découleraient d’une entente de règlement.

 

III.       L’ANALYSE

A.        La norme de contrôle

[21]           La véritable question en litige est la décision selon laquelle la PADN ne comprenait pas suffisamment de données pour convaincre le ministre de l’innocuité et de l’efficacité de l’Apo‑ASA. Il s’agit d’une conclusion largement appuyée sur les faits tirée par un organisme spécialisé et est elle est donc contrôlable selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9).

 

[22]           Les questions de l’intelligibilité des motifs et de l’attente légitime sont des questions d’équité. À ce titre, ce sont des questions qui sont tranchées en dehors du domaine de l’analyse de la norme de contrôle ou qui font l’objet de la norme de la décision correcte (voir l’arrêt Dunsmuir, précité, et l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817).

 

B.         Entrave au pouvoir discrétionnaire

[23]           Le cadre réglementaire régissant les avis de conformité est saturé du pouvoir discrétionnaire du ministre. La disposition clé est le paragraphe C.08.002(1) du Règlement sur les aliments et drogues (le Règlement AD) :


 

C.08.002. (1) Il est interdit de vendre ou d’annoncer une drogue nouvelle, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :

 

a) le fabricant de la drogue nouvelle a, relativement à celle-ci, déposé auprès du ministre une présentation de drogue nouvelle ou une présentation abrégée de drogue nouvelle que celui-ci juge acceptable;

 

b) le ministre a, aux termes de l’article C.08.004, délivré au fabricant de la drogue nouvelle un avis de conformité relativement à la présentation de drogue nouvelle ou à la présentation abrégée de drogue nouvelle;

 

c) l’avis de conformité relatif à la présentation n’a pas été suspendu aux termes de l’article C.08.006;

 

d) le fabricant de la drogue nouvelle a présenté au ministre, sous leur forme définitive, des échantillons des étiquettes—y compris toute notice jointe à l’emballage, tout dépliant et toute fiche sur le produit—destinées à être utilisées pour la drogue nouvelle, ainsi qu’une déclaration indiquant la date à laquelle il est prévu de commencer à utiliser ces étiquettes.

 

[Non souligné dans l’original.]

C.08.002. (1) No person shall sell or advertise a new drug unless

 

 

 

(a) the manufacturer of the new drug has filed with the Minister a new drug submission or an abbreviated new drug submission relating to the new drug that is satisfactory to the Minister;

 

(b) the Minister has issued, pursuant to section C.08.004, a notice of compliance to the manufacturer of the new drug in respect of the new drug submission or abbreviated new drug submission;

 

(c) the notice of compliance in respect of the submission has not been suspended pursuant to section C.08.006; and

 

(d) the manufacturer of the new drug has submitted to the Minister specimens of the final version of any labels, including package inserts, product brochures and file cards, intended for use in connection with that new drug, and a statement setting out the proposed date on which those labels will first be used.

 

 

[24]           Le paragraphe C.08.004(1) du Règlement AD prévoit que lorsqu’une présentation de drogue nouvelle ou une PADN est conforme aux dispositions susmentionnées, le ministre délivre un avis de conformité. Si elle n’est pas conforme aux dispositions susmentionnées, le ministre informe le fabricant qu’elle n’est pas conforme.

 

[25]           Enfin, l’article C.08.002.1 du Règlement AD prévoit qu’une PADN doit contenir suffisamment de renseignements et de matériel pour permettre au ministre d’évaluer l’innocuité et l’efficacité de la drogue. Ces renseignements et le matériel doivent comprendre les études comparatives et, lorsque le ministre l’estime nécessaire, les études de biodisponibilité démontrant la bioéquivalence avec un produit de référence canadien.

 

[26]           La disposition applicable est ainsi libellée :

C.08.002.1. (1) Le fabricant d’une drogue nouvelle peut déposer à l’égard de celle-ci une présentation abrégée de drogue nouvelle si, par comparaison à un produit de référence canadien :

 

a) la drogue nouvelle est un équivalent pharmaceutique du produit de référence canadien;

 

b) elle est bioéquivalente au produit de référence canadien d’après les caractéristiques pharmaceutiques et, si le ministre l’estime nécessaire, d’après les caractéristiques en matière de biodisponibilité;

 

c) la voie d’administration de la drogue nouvelle est identique à celle du produit de référence canadien;

 

 

d) les conditions thérapeutiques relatives à la drogue nouvelle figurent parmi celles qui s’appliquent au produit de référence canadien.

 

  (2) La présentation abrégée de drogue nouvelle doit contenir suffisamment de renseignements et de matériel pour permettre au ministre d’évaluer l’innocuité et l’efficacité de la drogue nouvelle, notamment :

 

a) les renseignements et le matériel visés aux alinéas C.08.002(2)a) à f) et j) à l);

 

 

b) les renseignements permettant d’identifier le produit de référence canadien utilisé pour les études comparatives menées dans le cadre de la présentation;

 

c) les éléments de preuve, provenant des études comparatives menées dans le cadre de la présentation, établissant que la drogue nouvelle :

 

(i) d’une part, est un équivalent pharmaceutique du produit de référence canadien,

 

(ii) d’autre part, si le ministre l’estime nécessaire d’après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, d’après les caractéristiques en matière de biodisponibilité de celle-ci, est bioéquivalente au produit de référence canadien selon les résultats des études en matière de biodisponibilité, des études pharmacodynamiques ou des études cliniques;

 

d) les éléments de preuve établissant que les lots d’essai de la drogue nouvelle ayant servi aux études menées dans le cadre de la présentation ont été fabriqués et contrôlés d’une manière représentative de la production destinée au commerce;

 

e) dans le cas d’une drogue destinée à être administrée à des animaux producteurs de denrées alimentaires, les renseignements permettant de confirmer que le délai d’attente est identique à celui du produit de référence canadien.

C.08.002.1. (1) A manufacturer of a new drug may file an abbreviated new drug submission for the new drug where, in comparison with a Canadian reference product,

 

(a) the new drug is the pharmaceutical equivalent of the Canadian reference product;

 

(b) the new drug is bioequivalent with the Canadian reference product, based on the pharmaceutical and, where the Minister considers it necessary, bioavailability characteristics;

 

 

(c) the route of administration of the new drug is the same as that of the Canadian reference product; and

 

(d) the conditions of use for the new drug fall within the conditions of use for the Canadian reference product.

 

 

  (2) An abbreviated new drug submission shall contain sufficient information and material to enable the Minister to assess the safety and effectiveness of the new drug, including the following:

 

 

(a) the information and material described in paragraphs C.08.002(2)(a) to (f) and (j) to (l);

 

(b) information identifying the Canadian reference product used in any comparative studies conducted in connection with the submission;

 

 

(c) evidence from the comparative studies conducted in connection with the submission that the new drug is

 

 

(i) the pharmaceutical equivalent of the Canadian reference product, and

 

 

(ii) where the Minister considers it necessary on the basis of the pharmaceutical and, where applicable, bioavailability characteristics of the new drug, bioequivalent with the Canadian reference product as demonstrated using bioavailability studies, pharmacodynamic studies or clinical studies;

 

 

 

 

 

(d) evidence that all test batches of the new drug used in any studies conducted in connection with the submission were manufactured and controlled in a manner that is representative of market production; and

 

 

 

(e) for a drug intended for administration to food-producing animals, sufficient information to confirm that the withdrawal period is identical to that of the Canadian reference product.

 

 

[27]           Le Règlement AD exige expressément que l’on fasse la preuve au ministre de l’innocuité et de l’efficacité de la drogue (de façon raisonnable). Dans le but d’aider les fabricants et les promoteurs à convaincre le ministre, le ministère a publié les lignes directrices du Rapport B qui traitent de la méthodologie à utiliser pour les études de bioéquivalence relatives aux drogues entérosolubles.

 

[28]           Les lignes directrices mentionnent que d’autres approches peuvent être acceptées mais elles doivent être préalablement examinées. De plus, l’avant‑propos mentionne que Santé Canada se réserve le droit de demander des renseignements ou du matériel supplémentaire dont il n'est pas explicitement question dans les lignes directrices, et ce, afin que le ministère puisse être en mesure d'évaluer adéquatement l'innocuité, l'efficacité ou la qualité d'un produit thérapeutique donné.

 

[29]           En résumé, les lignes directrices font état de la façon de procéder pour établir la bioéquivalence, elles autorisent les exceptions lorsqu’elles sont justifiées et elles mentionnent qu’il n’y a aucune garantie que les présentations des demandeurs seront approuvées après leur dépôt. Cette souplesse est conforme au principe général de droit public selon lequel les lignes directrices, les politiques ou les documents semblables non réglementaires sont acceptés (voir même encouragés), mais ils doivent prévoir des exceptions lorsqu’elles sont justifiées.

 

[30]           L’analyse du ministre a clairement fait état de ses réserves quant à l’explication fournie par la demanderesse relativement à la question de la bioéquivalence. L’analyse du ministre a apprécié la preuve et elle s’est fiée aux recommandations des experts scientifiques.

 

[31]           La demanderesse a eu l’entière possibilité, notamment par la tenue d’un nouvel examen, de soumettre une meilleure preuve ou de meilleures présentations. Elle a choisi de tout simplement réitérer les arguments qu’elle avait déjà soumis. La répétition n’a pas fait disparaître et ne pouvait pas faire disparaître le problème.

 

[32]           Le processus suivi a démontré que le ministre n’a pas suivi aveuglément une politique simplement pour le plaisir de la suivre. Le processus a démontré que le ministre était disposé à accepter une preuve nouvelle et meilleure.

 

[33]           Il ne faut pas oublier que les lignes directrices donnent une indication du type de preuve qui, de l’opinion du ministre, sera satisfaisante. Tout écart doit être justifié.

 

[34]           Les lignes directrices représentent ce que le ministre est disposé à appuyer en délivrant un avis de conformité. C’est le ministre qui est chargé de l’approbation et qui peut être tenu légalement responsable (en tout ou en partie) si un préjudice découle de l’utilisation de drogues approuvées en dépit d’un écart aux critères établis.

 

[35]           Il n’est pas déraisonnable ni intransigeant de la part du ministre d’exiger le respect des lignes directrices en l’absence d’une indication claire que l’utilisation d’une autre approche est justifiée.

 

[36]           Apotex a tort d’invoquer la décision rendue par le juge Lemieux dans Delisle c. Canada (P.G.), 2006 CF 933, quant à la limitation et (ou) quant à l’interdiction de textes non réglementaires. Dans la décision Delisle, la politique applicable ne respectait pas l’intention du législateur d’établir un équilibre entre les données scientifiques non étayées et les besoins humanitaires en ce qui a trait à l’utilisation de drogues expérimentales. Les lignes directrices en l’espèce ne sont pas conçues et ne sont pas nécessaires pour atteindre ce type d’équilibre en matière d’intérêt public. Ces lignes directrices sont principalement des repères scientifiques comportant la fourchette de conformité acceptable.

 

[37]           Par conséquent, la décision du ministre de ne pas accepter, en raison de données non conformes, la demande de délivrance d’un avis de conformité présentée par Apotex n’était pas déraisonnable. Le dossier révèle que le ministre a appliqué les exigences prévues dans les lignes directrices d’une manière qui tient compte de la possibilité d’exceptions, mais il n’a pas été raisonnablement convaincu qu’une exception devait être accordée.

 

[38]           Le ministre a fondé sa décision sur l’insuffisance de la preuve présentée et non pas sur un refus déraisonnable de modifier les lignes directrices en matière de bioéquivalence.

 

C.        Absence de motifs intelligibles

[39]           La décision du ministre comprenait des motifs longs et détaillés quant à ses réserves concernant les données relatives à la bioéquivalence. Les notes détaillées de l’examinateur figurent à la page 1155 du dossier de la demanderesse.

 

[40]           Le ministre n’a pas accepté la simple affirmation d’Apotex selon laquelle le défaut des données relatives à la bioéquivalence était le résultat d’un défaut de fabrication dans la drogue de référence. Le ministre n’a pas rejeté la demande parce qu’il a estimé qu’elle était impossible, mais parce qu’il a estimé qu’elle était insuffisante. Cela a trait au caractère raisonnable et au caractère intelligible de la décision.

 

[41]           Le ministre a souligné à Apotex quelles étaient ses réserves et quelles seraient les données nécessaires pour le convaincre de l’innocuité et de l’efficacité de la drogue. Rien ne justifie l’affirmation selon laquelle le ministre n’a fourni aucun motif intelligible.

 

[42]           En bout de ligne, on se retrouve avec une différence d’opinion entre le ministre (et son personnel spécialisé) et Apotex. Il ne revient pas à la Cour, en l’espèce, de se prononcer sur cette différence. Il est suffisant que l’opinion du ministre ou son manque de conviction repose sur un fondement rationnel et qu’il soit adéquatement expliqué. C’est le cas en l’espèce.

 

D.        Manquement à l’équité procédurale

[43]           Les prétentions d’Apotex sur ce point sont que, à la suite du règlement d’un litige antérieur, le ministre s’était engagé envers elle à mettre en place un système de règlement des différences d’opinion scientifique meilleure et plus équitable – notamment une meilleure formulation du raisonnement du ministre et le recours à un tribunal scientifique afin de régler les conflits.

 

[44]           Le fondement probatoire de la présente demande comprenait une partie de l’entente de règlement ainsi que la procédure suivie en l’espèce. La question en litige consiste à savoir si une nouvelle politique fixée par le ministre respecte le règlement.

 

[45]           Premièrement, s’il y a eu manquement aux modalités du règlement, il s’agit d’une affaire de droit contractuel qui se prêterait davantage à une action intentée devant la Cour. Deuxièmement, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve permettant de conclure qu’il y a eu non‑respect d’une entente, encore moins de conclure quant aux conséquences juridiques découlant du prétendu non‑respect.

 

[46]           Après avoir examiné la présente affaire dans son ensemble, je ne peux pas conclure qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale dans le processus qui a été suivi. La demanderesse savait quelles étaient les questions en litige, elle a eu l’entière possibilité de débattre ces questions et elle a reçu une opinion clairement motivée de la part du ministre (une opinion qui repose sur des motifs raisonnables).

 

[47]           Apotex s’est également plainte que la témoin présentée par le ministre était mauvaise car elle n’était pas capable de répondre ou refusait de répondre aux questions. Pour cette raison, Apotex demande qu’une conclusion défavorable soit tirée à l’encontre du ministre.

 

[48]           La témoin en question était une témoin de « dossier » présentée afin de prouver l’existence de documents en la possession du défendeur. Il était manifestement inutile de poser à cette témoin des questions de nature technique et scientifique. Si Apotex désirait un meilleur témoin ou des réponses concrètes aux questions de nature technique et scientifique, elle n’a pris aucune mesure en ce sens. Cela ne peut pas servir de fondement à une conclusion défavorable.

 


IV.       CONCLUSION

[49]           Pour l’ensemble de ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée avec dépens.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-394-08

 

INTITULÉ :                                       APOTEX INC. c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 5 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

H.B. Radomski

Daniel Cohen

 

POUR LA DEMANDERESSE

Rick Woyiwada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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