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Date : 20090430

Dossier : IMM-3634-08

Référence : 2009 CF 440

Toronto (Ontario), le 30 avril 2009

En présence de madame la juge Mactavish

 

ENTRE :

ALI FAKHARIAN

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Ali Fakharian est un citoyen iranien qui a présenté une demande de permis d’études pour fréquenter un collège au Canada. Sa demande a été rejetée parce qu’il n’avait pas réussi à convaincre l’agente des visas chargée de l’étude de sa demande, qu’il était un véritable étudiant et qu’il quitterait le Canada une fois ses études terminées.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je suis convaincue que la décision de l’agente des visas était déraisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

Le poids à accorder à l’affidavit de l’agente des visas

 

[3]   Avant d’examiner le caractère raisonnable de la décision de l’agente des visas, je tiens à souligner que l’agente a complété les motifs consignés dans les notes du STIDI par un affidavit expliquant, avec beaucoup plus de détails, les raisons de sa décision de rejeter la demande de visa de M. Fakharian.

 

[4]               J’ai déjà fait des observations au sujet de la pratique qui consiste à déposer des affidavits des agents des visas expliquant ou précisant davantage les motifs de leurs décisions. J’ai expliqué qu’il faut accorder peu de poids à de tels affidavits : voir, par exemple Bin Abdullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1185, aux paragraphes 12 à 15, et

Alam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 182, au paragraphe19.

 

[5]               En l’espèce, l’agente des visas a souscrit son affidavit environ cinq mois et demi après avoir rendu la décision en cause. Au cours des mois qui se sont écoulés dans l’intervalle, l’agente a sans aucun doute traité nombre d’autres demandes de visa, ce qui a dû inévitablement avoir une incidence négative sur sa capacité à se souvenir des détails concernant l’affaire de M. Fakharian et à se rappeler ce à quoi elle avait pensé précisément pour rendre sa décision.

 

[6]               Du reste, il ressort bien de l’affidavit que l’agente était consciente du fait que sa décision faisait l’objet d’un contrôle judiciaire et qu’elle avait, en fait, examiné l’exposé des faits et du droit de M. Fakharian avant de souscrire l’affidavit. Ce dernier était en grande partie une réfutation point par point des arguments avancés par M. Fakharian. A certains égards, l’affidavit fournit des raisonnements entiers qui n’apparaissent nulle part dans les notes du STIDI.

 

[7]               Dans ces circonstances, je préfère m’en tenir aux motifs concomitants de la décision de l’agente, tels qu’ils sont consignés dans les notes du STIDI.

 

La décision de l’agente des visas, était-elle déraisonnable?

 

[8]               Compte tenue du fait que la décision de l’agente des visas reposait sur des conclusions de fait, je suis d’accord avec les parties que le contrôle de la décision doit se faire selon la norme de la décision raisonnable.

 

[9]               La Cour, en révisant la décision selon la norme de la décision raisonnable, doit examiner la justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

 

[10]           J’ai conclu que la décision en cause ne satisfait pas à cette norme pour plusieurs raisons.

 

[11]           Premièrement, l’agente des visas a conclu que M. Fakharian avait des liens familiaux au Canada et qu’il n’avait que des liens [traduction] « limités » en Iran. S’il est vrai que M. Fakharian a une sœur qui vit au Canada, il est difficile de comprendre la qualification de [traduction] « limités » que l’agente donne aux liens familiaux qu’il a en Iran. M. Fakharian est marié. Sa femme ne l’a pas accompagné au Canada, elle serait restée en Iran. De plus, les deux parents de M. Fakharian et plusieurs membres de sa fratrie vivent en Iran. Il est clair que ses liens familiaux en Iran sont importants.

 

[12]           L’agente a aussi conclu que M. Fakharian n’avait [traduction] « pas suffisamment de fonds pour subvenir à ses besoins au [Canada] ». Des frais de scolarité de plus de 10 000 $ ont été déjà payés pour les études de M. Fakharian au Canada. De plus, la sœur et le beau‑frère de M. Fakharian se sont engagés de le prendre en charge pendant qu’il effectue ses études au Canada. La sœur est médecin à Toronto. Non seulement elle a des revenus importants, mais aussi elle et son mari ont des économies substantielles et d’autres biens. Aucun de ces éléments de preuve ne semble avoir été pris en compte.

 

[13]           Enfin, l’agente dit qu’il [traduction] « n’y avait pas de raison impérieuse de poursuivre ses études au niveau collégial dans [un] domaine connexe à celui dans lequel il a fait ses études universitaires antérieures ». M. Fakharian a expliqué que bien qu’il ait déjà obtenu un diplôme universitaire dans son domaine, il existe au Canada des collèges qui dispensent une formation « pratique», appliquée, qui diffère des études théoriques qu’il a suivies en Iran. L’employeur de M. Fakharian a expliqué que la société avait besoin de professionnels formés à l’étranger pour l’aider dans son projet d’expansion. Si nous savons que l’agente a conclu que cette explication n’était pas convaincante, nous ne savons pas pourquoi, et par conséquent, la décision manque de justification, de transparence et d’intelligibilité que commande, à ce sujet, une décision raisonnable.

 

 

Conclusion

 

[14]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

 

Certification

 

[15]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification et aucune n’est soulevée en l’espèce.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que :

 

            1.         La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision.

 

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

                                                                                                             « Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3634-08

 

 

INTITULÉ :                                       ALI FAKHARIAN c. LE MINISTRE DE LA 

                                                            CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION                                     

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 avril 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Mactavish

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 30 avril 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Josh Lang

 

POUR LE DEMANDEUR

Gordon Lee

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Josh Lang

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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