Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour fédérale

Federal Court

 

Date :  20090508

Dossier :  IMM-4870-08

Référence :  2009 CF 482

Ottawa (Ontario), le 8 mai 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

ENTRE :

GUADALUPE BALLESTEROS VALERIO

SUZANA QUINTERO CIENFUEGOS

JONATHAN ALDHER BALLESTEROS QUINTERO

JESSICA ALEJANDRA BALLESTEROS QUINTERO

 

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R., 2001, ch. 27, à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) datée le 10 octobre 2008 selon laquelle les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger.

 

[2]               Pour les raisons qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Contexte factuel

[3]               Monsieur Guadalupe Ballesteros Valerio, sa conjointe Madame Susana Quintero Cienfuegos et leurs deux enfants, Jonathan Aldher Ballesteros Quintero et Jessica Alejandra Ballesteros Quintero, tous citoyens mexicains, demandent l’asile sur la base des articles 96 et 97(1) de la loi. La mère est nommée représentante désignée pour les deux enfants mineurs et les membres de la famille basent leur demande d’asile sur celle du demandeur principal, soit le père.

 

[4]               Le demandeur travaillait en tant que chauffeur livreur pour l’entreprise Sersufar depuis février 2000. Cette compagnie fabrique des médicaments. Alors qu’il transportait de l’équipement et de la marchandise, plusieurs boîtes sont tombées et se sont ouvertes, et une poudre blanche s’est échappée de ces boîtes. Son patron, José Luis Arias, est arrivé en compagnie de trois policiers municipaux en uniforme. Ces derniers ont commencé à frapper le demandeur à coups de poing. Lorsque le demandeur est retourné à la maison, son ex-patron lui a  téléphoné et lui a dit qu’il le ferait disparaître ainsi que sa famille.

 

[5]               Le lendemain, le demandeur est allé au Ministère public pour déposer une plainte. On lui a donné une feuille blanche sur laquelle on lui a demandé de relater les faits de l’incident en lui disant que le processus serait long et difficile car des policiers étaient impliqués.

 

[6]               Le 14 octobre 2006, vers quinze heures, deux personnes inconnues ont pris le demandeur de force en essayant de le faire monter dans leur auto. Plusieurs personnes sont intervenues et le demandeur a été libéré. De nouveau, il s'est rendu au Ministère public pour dénoncer ces faits et on lui a dit qu'on communiquerait avec lui.

 

[7]               Le 22 octobre 2006, des coups de feu provenant de l'extérieur de sa résidence ont été tiré dans sa direction. Il s'est rendu chez un avocat le lendemain. Ce procureur lui a mentionné qu'il était inutile de continuer à déposer des plaintes, et qu'il serait préférable qu'il quitte le pays.

 

[8]               Le demandeur est arrivé au Canada le 6 novembre 2006 et a fait sa demande d'asile le 4 décembre 2006.

 

Décision contestée

[9]               Le tribunal a rejeté la demande en se basant sur la protection de l'État et la possibilité de refuge interne (PRI) dans les villes de Guadalajara, Monterrey, Tijuana et Cancun.

 

[10]           Le tribunal a considéré que le demandeur possédait 12 années de scolarité et qu'il avait travaillé comme chauffeur et livreur pour cinq compagnies différentes entre les années 1996 et 2006. Il pouvait donc se trouver du travail ailleurs au Mexique. Son épouse de son côté possédait aussi 12 années de scolarité et avait travaillé dans le service au public entre 1997 et 1998, travail qu’elle avait repris en novembre 2006 jusqu’en avril 2007 pour une compagnie de papeterie. Quant aux deux enfants mineurs, ils pourraient continuer d’aller à l’école primaire et à la garderie.

 

[11]           En citant (Ranganathan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164, 266 N.R. 380), le tribunal a conclu que le déplacement et la réinstallation ne comporteraient pas de difficultés rendant la PRI déraisonnable. La PRI était donc une option réaliste et abordable dans cette cause.

 

Norme de contrôle

[12]           La norme de contrôle applicable aux questions de protection de l’État est la décision raisonnable (Chaves c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, 137 A.C.W.S. (3d) 392 aux par. 9 à 11; Gorria c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 284, 310 F.T.R. 150 au par. 14 et Chagoya c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 721 au par. 3, [2008] A.C.F. no 908 (QL)).

 

[13]           La norme de contrôle applicable aux questions de PRI était la décision manifestement déraisonnable (Khan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 44, 136 A.C.W.S. (3d) 912 et Chorny c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 999, 238 F.T.R. 289). Suivant Dunsmuir, la Cour doit continuer de faire preuve de retenue dans la détermination d’une PRI et cette décision est révisée selon la nouvelle norme de la raisonnabilité. Conséquemment, la Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, ci-dessus au par. 47). Le caractère raisonnable d’une décision tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel.

 

[14]           Dans la cause qui nous occupe, le tribunal a déterminé que le demandeur principal n’avait pas apporté une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État du Mexique d’assurer sa protection car il n'avait pas épuisé tous les recours mis à sa disposition par l’État mexicain avant de demander la protection internationale.

 

[15]           Cette conclusion n'est pas déraisonnable compte tenu du contexte. Le tribunal pouvait aussi conclure que le demandeur n'a pas fait de véritable effort pour se réclamer de la protection de l'état car il a quitté le Canada moins d’un mois après avoir déposé sa première plainte.

 

[16]            Quant à l'établissement d'une PRI, la Cour d’appel fédérale a mentionné qu'il fallait procéder en deux étapes: 1. le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités que les demandeurs ne risquent pas sérieusement d’être persécutés à l’endroit proposé; et 2. la situation à l’endroit proposé est telle qu’il n’est pas déraisonnable pour eux d’y chercher refuge (Thirunavukkarasu c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.)).

 

[17]           Pour ce qui est du premier volet de l’analyse, le tribunal a déterminé que le demandeur principal ne risquait pas sérieusement d’être persécuté par ses prétendus persécuteurs. Le tribunal n’a tout simplement pas cru que son ex-patron et les policiers municipaux qui s’en étaient pris à lui auraient intérêt à le rechercher à travers le pays. Le tribunal n’a pas cru non plus que ceux-ci auraient les moyens de rechercher et de retrouver le demandeur dans cet immense pays, surtout que la preuve documentaire indique que la police municipale a même de la difficulté à retrouver des contrevenants à des lois municipales.

 

[18]           D’autre part, le tribunal a conclu que le refuge interne constituait une option raisonnable qui n’imposerait pas de fardeau déraisonnable aux demandeurs. Considérant les circonstances personnelles des demandeurs, le tribunal a conclu qu’il ne serait pas déraisonnable pour la famille de s’installer ailleurs dans leur pays.

 

[19]           Dans Thirunavukkarasu, ci-dessus, la Cour a établi qu’un demandeur doit franchir un seuil très élevé afin de démontrer que la PRI est déraisonnable. Tel qu’expliqué dans Ranganathan (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.), au par. 15 :

… Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lien sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. L’absence de parents à l’endroit sûr, prise en soi ou conjointement avec d’autres facteurs, ne peut correspondre à une telle condition que si cette absence a pour conséquence que la vie ou la sécurité du revendicateur est mise en cause. …

 

[20]           La décision du tribunal est basée sur le témoignage du demandeur ainsi que la preuve documentaire au dossier et elle est raisonnable compte tenu des circonstances.

 

[21]           L’intervention de la Cour n’est pas justifiée en l’espèce.

 

[22]           Les parties n’ont pas proposé de question aux fins de certification.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle soit rejetée et aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4870-08

 

INTITULÉ :                                       GUADALUPE BALLESTEROS VALERIO

SUZANA QUINTERO CIENFUEGOS

JONATHAN ALDHER BALLESTEROS QUINTERO

JESSICA ALEJANDRA BALLESTEROS QUINTERO

                                                et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 6 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 8 mai 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claudia Aceituno

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Mireille-Anne Rainville

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Claudia Aceituno

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.