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Date :  20090504

Dossier :  T-1410-08

Référence :  2009 CF 448

Ottawa (Ontario), le 4 mai 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

ROBERT LEMOY

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R., 1985, ch. F-7, à l’encontre d’une décision rendue le 27 août 2008 par le président du tribunal des infractions graves à l’établissement correctionnel La Macaza, trouvant le demandeur, Robert Lemoy, coupable de l’infraction disciplinaire visée au paragraphe 40(h) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1992, ch. 20 (la LSCMLC), soit de s’être livré à des voies de faits ou d’avoir pris part à un combat.

 

 

Contexte factuel

[2]               Le 29 mai 2008, le demandeur, Robert Lemoy, détenu à l’établissement La Macaza, s’est battu avec le codétenu M. Normand Dufresne pendant un cours à l’école de l’établissement. Le même jour, un « Rapport d’infraction et avis d’accusation » a été émis contre le demandeur, l’accusant d’une infraction disciplinaire grave en vertu du paragraphe 40(h) de la LSCMLC pour s’être livré à des voies de faits ou d’avoir pris part à un combat.

 

[3]               L’audition disciplinaire a débuté le 25 juin 2008 et le demandeur par l’entremise de son représentant, a informé le président du tribunal disciplinaire qu’il plaidait non coupable à l’infraction disciplinaire reprochée, invoquant la légitime défense.

 

[4]               Il a été entendu entre les parties que la preuve à l’audition serait constituée du Rapport d’incident du 2 juin 2008 et des témoignages du demandeur et de M. Normand Dufresne.

 

[5]               Le demandeur a témoigné que M. Normand Dufresne l’avait frappé à trois reprises avant qu’il ne réplique et il craignait que ce codétenu ait un crayon dans les mains. Il a expliqué qu’il s’obstinait avec un autre détenu et que le codétenu Dufresne lui a soudainement asséné deux coups de poing. Il s’est levé pour avertir le professeur et le codétenu l’a suivi dans le corridor et l’a frappé de nouveau avant qu’il ne réplique. Selon lui, il a arrêté de donner des coups à M. Dufresne lorsqu’il a réalisé que le codétenu n'était plus en état de se battre.

 

[6]               L’audition disciplinaire s’est poursuivie le 9 juillet 2008, et le demandeur a répété que M. Dufresne l’avait d’abord frappé à deux occasions en lui cassant son partiel. M. Normand Dufresne l’a suivi et lui a donné un troisième coup de poing avant qu’il ne réplique. Le demandeur a alors donné quatre à cinq coups au visage du codétenu. Après un premier coup sur le nez, le codétenu Dufresne a continué d’essayer de le frapper mais c’est le demandeur qui a eu le dessus. Selon le demandeur, il commençait à craindre pour sa sécurité et il n’était pas pour laisser le codétenu continuer à le frapper pour que ce soit lui qui soit blessé. Il ne s’est pas aperçu pendant qu’il frappait M. Dufresne si celui-ci était encore en état de se défendre. L’altercation n’a pas été longue et le demandeur n’a pas laissé de chance au codétenu. Il a cessé quand le professeur est arrivé.

 

[7]               Lorsque M. Dufresne a témoigné, il a admis avoir donné le premier coup de poing. Il a aussi mentionné qu’il s’était « enfargé » dans un fil d’un magnétophone lors de l’incident et qu’il est tombé sur une table, ce qui explique une partie de ses blessures. Il a aussi déclaré que le demandeur lui avait donné deux coups de poing.

 

[8]               Selon la preuve retenue par le président du tribunal, la séquence d’événements entourant le combat se résume ainsi :

-         Pendant une dispute avec un autre codétenu entourant l’usage d’un ventilateur dans la salle de classe, le demandeur a été frappé par un codétenu M. Normand Dufresne;

-         M. Dufresne a admis qu’il a frappé le demandeur en premier, et selon le demandeur, cela a été suivi par un deuxième coup;

-         Le demandeur témoigne qu’après le deuxième coup, il a poussé le codétenu et il s’est levé pour sortir de la classe. Il dit également que son partiel a été brisé. En sortant, le demandeur témoigne que M. Dufresne l’a suivi jusque dans le corridor où il lui a donné un troisième coup de poing;

-         À ce moment, le demandeur a répliqué avec un coup de poing sur le nez de son agresseur. En fait, le demandeur a admis devant le président avoir pris le dessus dans le combat dès qu’il eut asséné le premier coup de poing. Il a témoigné qu’il lui a alors asséné trois à quatre coups de poing.

-         Le demandeur a cessé de frapper le codétenu Dufresne lorsque le professeur est arrivé.

 

Décision contestée

[9]               Le président du tribunal a rendu son jugement oral le 27 août 2008 et a conclut que le demandeur était coupable de l’infraction disciplinaire et qu’il ne pouvait pas retenir sa défense de légitime défense car la force utilisée pour repousser l’attaque était excessive.

 

[10]           Selon le président, le demandeur aurait continué à frapper le codétenu Dufresne même si celui-ci  ne pouvait plus se défendre. Selon le président, la théorie de la légitime défense invoquée par le demandeur n'avait plus sa raison d'être puisque le demandeur se serait acharné sur le codétenu et aurait pratiquement pris plaisir à continuer à le frapper après avoir constaté qu’il ne réagissait plus.

 

 

Question en litige

[11]           Le président du tribunal disciplinaire a-t-il commis une erreur déraisonnable en concluant que le demandeur n’a pas agi en légitime défense lorsqu’il s'est porté à des voies de faits ou a pris part à un combat en vertu du paragraphe 40(h) de la LSCMLC?

 

[12]           La législation pertinente se retrouve en annexe à la fin de ces motifs.

 

Norme de contrôle

[13]           Dans Sweet c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 51, 322 N.R. 87, la Cour d’appel fédérale a déterminé la norme de contrôle applicable aux décisions prises lors d’audiences tenues en vertu de la LSCMLC :

[14]      Pour déterminer la norme de contrôle qui s’applique aux décisions relatives aux griefs des prisonniers, la juge des demandes a adopté l’analyse décrite par le juge Lemieux dans Tehrankari c. Service correctionnel du Canada, (2000), 188 F.T.R. 206 (1re inst.), au paragraphe 44. Après avoir effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle, le juge Lemieux a conclu dans cette affaire que c’est la norme de la décision correcte qui s’applique si la question porte sur la bonne interprétation de la loi et celle de la décision raisonnable simpliciter si la question porte sur l’application des principes juridiques appropriés aux faits. La norme de la décision manifestement déraisonnable s’applique quant à elle aux pures questions de fait.

 

 

[14]           Par conséquent, la norme de la décision raisonnable est applicable à la question de savoir si le président du tribunal disciplinaire devait retenir la défense de légitime défense du demandeur. Cette nouvelle norme a été établie récemment dans la cause Dunsmuir, 2008 SCC 9, [2008] 1 S.C.R. 190.

[15]           Les questions relatives à l’équité procédurale sont des questions de droit auxquelles s’applique la norme de la décision correcte (Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539 au par. 100.

 

Le président du tribunal disciplinaire a-t-il commis une erreur déraisonnable en concluant que le demandeur n’a pas agi en légitime défense lorsqu’il s'est porté à des voies de faits ou a pris part à un combat en vertu du paragraphe 40(h) de la LSCMLC?

 

Arguments du demandeur

[16]           Il est bien établi en droit qu’un détenu accusé d’une infraction disciplinaire dans un pénitencier bénéficie de toutes les défenses en droit criminel, y compris la défense de légitime défense (Zanth c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1113, 259 F.T.R. 20 aux par. 26, 35-36). En l’espèce, le demandeur a admis avoir participé à une bataille mais il a plaidé qu’il était justifié de le faire parce qu’il était en légitime défense. L’une des conditions d’application de la défense de légitime défense, prévue au paragraphe 34(1) du Code criminel, L.R., 1985, ch. C-46, est qu’il ne doit pas utiliser plus que la force nécessaire pour repousser l’attaque.

 

[17]           Le président du tribunal disciplinaire a rejeté la défense du demandeur au motif qu’il avait utilisé plus que la force nécessaire. Le président a décortiqué l’événement en énumérant chacun des coups portés et a estimé que le demandeur, selon son propre témoignage, avait continué à porter des coups après que le codétenu ait cessé de se défendre. Le demandeur soutient qu’il s’agit d’une erreur car il est facile de juger après coup qu’un individu agressé aurait pu porter un ou deux coups de moins, mais cette évaluation ne doit pas se faire en vase clos. Il s’agit plutôt d’un test avec une composante subjective où il faut évaluer le comportement de l’individu qui se défend selon sa perception des événements (R. c. Kandola (1992), 27 B.C.A.C. 226, 80 C.C.C. (3d) 481 (C.A.C.B.) au par. 27). On ne peut s’attendre à ce qu’une personne mesure exactement l’étendue de la force utilisée (R. c. Bélanger, REJB 2003-51184, [2003] J.Q. no 13233 (QL) (C.S.Q.) au par. 15).

 

[18]           Le demandeur soumet que n’eût été l’erreur du président du tribunal dans la façon d’évaluer la condition de la force nécessaire, il aurait pris acte du témoignage du demandeur de sa perception de la situation, soit qu’il craignait pour sa sécurité et qu’il a cessé de porter des coups lorsqu’il était assuré que le codétenu ne lui en porterait pas d’autres. Le président du tribunal aurait pu aussi prendre acte du fait que l’événement n’a pas duré longtemps et surtout que le demandeur n’a pas réalisé pendant ce court laps de temps si le codétenu pouvait encore se défendre. Le président du tribunal disciplinaire ne s’est donc pas penché sur les éléments de preuve pertinents et il a erré en droit dans la façon d’évaluer la condition d’utilisation d’une force nécessaire dans l’application de la défense légitime du demandeur. En ce faisant, le président a mal interprété la preuve.

 

[19]           De plus, la décision du tribunal disciplinaire s’appuie sur un autre élément complètement absent de la preuve à l’effet que le demandeur se serait acharné sur le codétenu et même qu’il aurait pris plaisir à continuer à le frapper après avoir constaté qu’il ne réagissait plus. Le demandeur soumet qu’il est déraisonnable de fonder une condamnation sur des éléments de preuve inexistants.

 

[20]           En plus d’inventer des éléments incriminants qui n’étaient pas en preuve, le président du tribunal disciplinaire a omis de considérer tous les éléments disculpatoires pertinents à l’évaluation de l’utilisation de la force nécessaire : notamment, il n’a pas tenu compte du fait que le demandeur pensait que le codétenu M. Dufresne tenait un crayon dans ses mains; il n’a pas tenu compte du fait que M. Dufresne avait cassé son partiel; il n’a pas tenu compte du témoignage du codétenu Dufresne à l’effet qu’il s’était lui-même infligé des blessures en trébuchant sur un fil et il n’a pas tenu compte du témoignage du codétenu à l’effet que le demandeur ne lui avait donné que deux coups de poing. L’omission de considérer tous ces éléments de preuve justifie l’intervention de cette Cour (R. c. Richard (2001), 155 C.C.C. (3d) 538, 43 C.R. (5th) 278 (C.A.Q.) au par. 9).

 

Arguments du défendeur

[21]           Le défendeur explique que l’objet du régime disciplinaire, tel que décrit à l’article 38 de la LSCMLC, vise à encourager chez les détenus un comportement favorisant l’ordre et la bonne marche du pénitencier, tout en contribuant à leur réadaptation et à leur réinsertion sociale. Quant au fonctionnement de ce régime, il importe de connaître la nature et le rôle du tribunal disciplinaire de l’établissement La Macaza (Canada (Service correctionnel) c. Plante (1995), 103 F.T.R. 161, 29 W.C.B. (2d) 299) (C.F. 1ère inst.)).

 

[22]           Le défendeur soumet que la théorie de la légitime défense ne peut être retenue étant donné que le demandeur a utilisé une force excédentaire pour repousser l’attaque du codétenu. Le demandeur a admis avoir pris part à un combat mais il a plaidé la légitime défense alléguant qu’il était justifié de se battre pour se défendre contre une agression de M. Dufresne.

 

[23]           Toutefois, en soulevant la légitime défense, le demandeur devait convaincre le président qu’il a été (i) attaqué illégalement; (ii) qu’il n’a pas provoqué l’attaque); (iii) qu’il a employé la force sans intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves; et (iv) qu’il n’a employé que la force nécessaire pour repousser l'agresseur (Zanth, ci-dessus au par. 23). Donc ici, le seul point en litige se rapporte au critère de la force nécessaire pour repousser l’attaque.

 

[24]           Le président était justifié de se baser sur le témoignage du demandeur lui-même car le codétenu était incapable de se souvenir des faits précis.

 

[25]           D’ailleurs, à une des questions posées par le président le demandeur aurait répondu qu'après avoir donné un premier coup sur le nez de son agresseur il aurait dit : il « n’est plus capable de m’en donner lui » et « je ne lui laisse plus de chance, là au gars, la ».

 

[26]           Contrairement à ce que prétend le demandeur qui dit craindre pour sa sécurité, ce dernier a témoigné à l’effet qu’il avait continué le combat parce qu’il craignait pour sa sécurité, mais il n’offre aucune explication quant à une crainte possible pour sa sécurité lorsqu’il s'aperçoit que le codétenu est ne peut plus se défendre.

 

[27]           Le défendeur soumet qu’en agissant ainsi, il est passé de l’agressé à l’agresseur. Sachant qu’il avait réussi à maîtriser M. Normand Dufresne après un coup et que ce dernier ne répondait plus, les trois à quatre coups de poing de plus excédaient ce qui était nécessaire pour repousser l’attaque. La menace étant inexistante après le premier coup, le demandeur se devait d’arrêter, ce qu’il a fait seulement lorsque le professeur est arrivé sur les lieux.

 

[28]           Le défendeur rappelle que l’objectif de la révision judiciaire n’est pas d’offrir l’opportunité à une partie de ré-argumenter les faits déjà soumis au décideur administratif, dans l’espoir d’obtenir un résultat différent. Le président a entendu le demandeur et a pu apprécier son explication sur la force qu’il a appliquée pour repousser l’attaque, et sur la base de l’admission de ce dernier, il a rejeté sa prétention à l'effet qu'il était en légitime défense.

 

Analyse

[29]           La défense de légitime défense est définie au paragraphe 34(1) du Code criminel. Dans l’arrêt R. c. Hébert, [1996] 2 R.C.S. 272 aux par. 23 et 25, la Cour suprême du Canada précise comment il faut comprendre ce genre de défense dans le contexte d’un procès devant jury.

… Le jury doit en fait être convaincu que chaque élément du moyen de défense existe. Ainsi, pour que le moyen de défense soit accepté, le jury doit avoir un doute raisonnable quant à l'existence de tous les éléments du moyen de défense. C'est-à-dire (i) l'accusé a été attaqué illégalement; (ii) l'accusé n'a pas provoqué l'attaque; (iii) l'accusé a employé la force sans intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves; et (iv) l'accusé n'a employé que la force nécessaire pour repousser l'attaque. Le juge du procès a eu raison de dire que la défense ne réussirait que si un doute raisonnable était soulevé à l'égard de tous ces éléments.

 

 

…Le ministère public n'est pas tenu de prouver hors de tout doute raisonnable que la conduite de l'appelant n'est compatible avec aucun des éléments du moyen de défense. Il suffit que le ministère public puisse prouver hors de tout doute raisonnable que l'un ou l'autre des quatre éléments énumérés n'a pas été établi.

 

 

[30]           En vertu de l’arrêt Ayotte c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 429, 320 N.R. 339, la charge de la preuve pour le poursuivant demeure la même dans le contexte d’une audience disciplinaire. La norme de la preuve que le tribunal doit respecter est prescrite au paragraphe 43(3) de la LSCMLC qui stipule que « la personne chargée de l'audition ne peut prononcer la culpabilité que si elle est convaincue hors de tout doute raisonnable, sur la foi de la preuve présentée, que le détenu a bien commis l'infraction reprochée ».

 

[31]           En l’espèce, le président a entamé une analyse coup par coup du combat entre le demandeur et le codétenu. Toutefois, tel que noté par le demandeur, le président a considéré très brièvement le contexte factuel de l’incident, donc il a négligé de considérer la courte durée du combat, le fait que le demandeur croyait que M. Dufresne tenait un crayon dans les mains (audition du 25 juin 2008), le fait que son partiel fut cassé par le codétenu ainsi que le témoignage de M. Normand Dufresne qui affirme que le demandeur ne lui a donné que deux coups au visage. De plus, à la lecture des pages 60 et 62 des notes sténographiques, la cour constate que le président s'est mépris en affirmant que le demandeur s'est aperçu après avoir asséné un coup de poing à M. Dufresne que ce dernier n'était plus en mesure de se défendre.

 

[32]           Dans l'arrêt Ayotte, précité, la Cour d'appel fédérale a reconnu aux personnes accusées d'une infraction disciplinaire aux termes de la LSCMLC les mêmes garanties procédurales que dans le cadre d'un procès ordinaire pour ce qui est des moyens de défense. La Cour a reconnu les particularités du monde carcéral, où les autorités doivent bénéficier d'une certaine souplesse pour assurer le maintien de l'ordre. Il n'en reste pas moins que ceux qui sont accusés d'une infraction disciplinaire ont droit à l'équité procédurale.

 

[33]           Quelle que soit la gravité de leurs fautes, les détenus ont le droit d’être entendus et de faire valoir leurs droits. Le droit à la légitime défense est déjà encadré dans le Code criminel et par de nombreuses décisions des tribunaux.

 

[34]           Par ailleurs, à la page 5 de la transcription de sa décision orale, le président commente que le demandeur « a pratiquement pris plaisir à continuer à frapper sur Dufresne après avoir même constaté – et ce sont ses propres paroles – que Dufresne ne réagissait plus après le premier coup de poing. » Cette conclusion ne repose sur aucune assise factuelle et rien dans la transcription ne permet de dégager une telle attitude chez le demandeur.

 

[35]           En l’espèce, il est donc clair que le président n’a pas accordé le bénéfice du doute raisonnable au demandeur et qu’il n’a pas considéré sérieusement le moyen de défense soulevé par ce dernier. Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire et de renvoyer l’affaire à un tribunal nouvellement constitué.

 

[36]           Il n'est pas nécessaire d'analyser l'argument du demandeur à l'effet que le Service correctionnel aurait violé un principe d'équité procédurale en ne déposant que le rapport d’incident au lieu de tous les rapports d'observation disponibles.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que le dossier soit renvoyé à un tribunal nouvellement constitué pour audition en tenant compte des présents motifs. Le tout sans frais.

 

« Michel Beaudry »

Juge


ANNEXE

 

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1992, ch. 20 :

38. Le régime disciplinaire établi par les articles 40 à 44 et les règlements vise à encourager chez les détenus un comportement favorisant l’ordre et la bonne marche du pénitencier, tout en contribuant à leur réadaptation et à leur réinsertion sociale.

 

38. The purpose of the disciplinary system established by sections 40 to 44 and the regulations is to encourage inmates to conduct themselves in a manner that promotes the good order of the penitentiary, through a process that contributes to the inmates’ rehabilitation and successful reintegration into the community.

 

40. Est coupable d’une infraction disciplinaire le détenu qui :

 

h) se livre ou menace de se livrer à des voies de fait ou prend part à un combat;

 

40. An inmate commits a disciplinary offence who

 

(h) fights with, assaults or threatens to assault another person;

42. Le détenu accusé se voit remettre, conformément aux règlements, un avis d’accusation qui mentionne s’il s’agit d’une infraction disciplinaire mineure ou grave.

42. An inmate charged with a disciplinary offence shall be given a written notice of the charge in accordance with the regulations, and the notice must state whether the charge is minor or serious.

 

43. (1) L’accusation d’infraction disciplinaire est instruite conformément à la procédure réglementaire et doit notamment faire l’objet d’une audition conforme aux règlements.

 

(2) L’audition a lieu en présence du détenu sauf dans les cas suivants :

 

a) celui-ci décide de ne pas y assister;

 

b) la personne chargée de l’audition croit, pour des motifs raisonnables, que sa présence mettrait en danger la sécurité de quiconque y assiste;

 

 

c) celui-ci en perturbe gravement le déroulement.

 

(3) La personne chargée de l’audition ne peut prononcer la culpabilité que si elle est convaincue hors de tout doute raisonnable, sur la foi de la preuve présentée, que le détenu a bien commis l’infraction reprochée.

43. (1) A charge of a disciplinary offence shall be dealt with in accordance with the prescribed procedure, including a hearing conducted in the prescribed manner.

 

(2) A hearing mentioned in subsection (1) shall be conducted with the inmate present unless

 

(a) the inmate is voluntarily absent;

 

(b) the person conducting the hearing believes on reasonable grounds that the inmate’s presence would jeopardize the safety of any person present at the hearing; or

 

(c) the inmate seriously disrupts the hearing.

 

 

(3) The person conducting the hearing shall not find the inmate guilty unless satisfied beyond a reasonable doubt, based on the evidence presented at the hearing, that the inmate committed the disciplinary offence in question.

 

 

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 :

25. (1) L'avis d'accusation d'infraction disciplinaire doit contenir les renseignements suivants :

 

a) un énoncé de la conduite qui fait l'objet de l'accusation, y compris la date, l'heure et le lieu de l'infraction disciplinaire reprochée, et un résumé des éléments de preuve à l'appui de l'accusation qui seront présentés à l'audition;

 

b) les date, heure et lieu de l'audition.

 

(2) L'agent doit établir l'avis d'accusation disciplinaire visé au paragraphe (1) et le remettre au détenu aussitôt que possible.

 

25. (1) Notice of a charge of a disciplinary offence shall

 

 

(a) describe the conduct that is the subject of the charge, including the time, date and place of the alleged disciplinary offence, and contain a summary of the evidence to be presented in support of the charge at the hearing; and

 

(b) state the time, date and place of the hearing.

 

(2) A notice referred to in subsection (1) shall be issued and delivered to the inmate who is the subject of the charge, by a staff member as soon as practicable.

 

31. (1) Au cours de l'audition disciplinaire, la personne qui tient l'audition doit, dans des limites raisonnables, donner au détenu qui est accusé la possibilité :

 

a) d'interroger des témoins par l'intermédiaire de la personne qui tient l'audition, de présenter des éléments de preuve, d'appeler des témoins en sa faveur et d'examiner les pièces et les documents qui vont être pris en considération pour arriver à la décision;

 

b) de présenter ses observations durant chaque phase de l'audition, y compris quant à la peine qui s'impose.

 

(2) Le Service doit veiller à ce que le détenu accusé d'une infraction disciplinaire grave ait, dans des limites raisonnables, la possibilité d'avoir recours à l'assistance d'un avocat et de lui donner des instructions en vue de l'audition disciplinaire et que cet avocat puisse prendre part aux procédures au même titre que le détenu selon le paragraphe (1).

 

31. (1) The person who conducts a hearing of a disciplinary offence shall give the inmate who is charged a reasonable opportunity at the hearing to

 

(a) question witnesses through the person conducting the hearing, introduce evidence, call witnesses on the inmate's behalf and examine exhibits and documents to be considered in the taking of the decision; and

 

 

(b) make submissions during all phases of the hearing, including submissions respecting the appropriate sanction.

 

(2) The Service shall ensure that an inmate who is charged with a serious disciplinary offence is given a reasonable opportunity to retain and instruct legal counsel for the hearing, and that the inmate's legal counsel is permitted to participate in the proceedings to the same extent as an inmate pursuant to subsection (1).

 

 

Code criminel, L.R. 1985, ch. C-46 :

34. (1) Toute personne illégalement attaquée sans provocation de sa part est fondée à employer la force qui est nécessaire pour repousser l’attaque si, en ce faisant, elle n’a pas l’intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves.

34. (1) Every one who is unlawfully assaulted without having provoked the assault is justified in repelling force by force if the force he uses is not intended to cause death or grievous bodily harm and is no more than is necessary to enable him to defend himself.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                      T-1410-08

 

INTITULÉ :                                       ROBERT LEMOY

c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 30 avril 2009

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 4 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel Royer                                                                POUR LE DEMANDEUR

 

Nicholas R. Banks                                                        POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Daniel Royer                                                                POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                              

Montréal (Québec)

 

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