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Date : 20081113

Dossier : IMM-1540-08

Référence : 2008 CF 1260

Montréal (Québec), le 13 novembre 2008

En présence de l'honorable Maurice E. Lagacé 

 

ENTRE :

SERGIO LUIS VALDES PEREZ

DIANA NAVARRO VILLARREAL

MAX VALDES NAVARRO

partie demanderesse

 

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

I.          Introduction

[1]               Le demandeur principal, monsieur Sergio Luis Valdes Perez, sa femme Diana Navarro Villarreal et leur fils Max Valdes Navarro, tous trois citoyens mexicains, sollicitent en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi), la révision judiciaire de la décision rendue le 4 mars 2008 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Tribunal) de ne pas leur reconnaître la qualité de « réfugiés », ni celle de « personnes à protéger » conformément au sens des articles 96 et 97 de la Loi, et en conséquence de rejeter leur demande d’asile.

 

II.         Les faits

[2]               Au soutien de leur requête pour protection, les demandeurs allèguent craindre leur retour dans leur pays, et ce, au motif qu’ils seraient ciblés par les patrons du demandeur principal et par des fonctionnaires corrompus depuis la décision du demandeur principal d’avoir voulu dénoncer la fraude perpétrée par ceux-ci au détriment des contribuables mexicains.

 

III.       Décision contestée

[3]               Comme suite aux invraisemblances et contradictions relevées dans le récit du demandeur principal et celui de sa conjointe, le Tribunal conclut comme suit : « Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuves non crédibles, le tribunal estime que les demandeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau de preuve ». Conséquemment, il rejette leur demande d’asile.

 

IV        Question en litige

[4]               Le Tribunal commet-il une erreur déraisonnable dans son appréciation négative de la crédibilité du demandeur principal et de sa conjointe lorsqu’il leur refuse le statut de réfugiés et de personnes à protéger puisqu’il estime qu’ils ne se sont pas déchargés de leur fardeau de preuve.

 

 

V.        Analyse

Norme de contrôle judiciaire

[5]               Les cours se doivent de traiter avec déférence les décisions des tribunaux administratifs spécialisés bénéficiant comme dans l’espèce d’une expertise dans les affaires où s’exerce leur juridiction (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9).

 

[6]               La norme de la décision raisonnable s’applique au présent cas de sorte que pour justifier son intervention, la Cour doit se demander si la décision contestée est raisonnable, compte tenu de sa justification, et de son appartenance aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit (Dunsmuir, ci-dessus, paragr. 47).

 

[7]               À l’intérieur de cette norme de contrôle et des faits mis en preuve, la Cour peut-elle conclure que le Tribunal erre en décidant que les demandeurs n’ont pas satisfait le fardeau de preuve qui leur incombe et qu’en conséquence ils ne peuvent bénéficier du statut de réfugié et de personne à protéger réclamé ?

 

Prétentions des parties

[8]               Les demandeurs soutiennent que la seule conclusion pouvant permettre au Tribunal de rejeter leur demande de crédibilité s’appuie uniquement sur des inférences arbitraires quant à leur manque de crédibilité et ne tient pas compte de toute la preuve offerte.

 

[9]               Le défendeur soutient pour sa part que les omissions, contradictions et lacunes dans la preuve permettent au Tribunal de conclure comme il le fait dans sa décision.

 

L’absence de crédibilité

[10]           En tentant de convaincre la Cour que le Tribunal erre dans les inférences négatives qu’il tire de la preuve quant à la crédibilité du récit des demandeurs, ceux-ci cherchent en fait à justifier les parties de preuve que le Tribunal écarte parce qu’il les juge non fiables, insatisfaisantes, invraisemblables, incomplètes ou non corroborées. Or les demandeurs, ne l’oublions pas, ont eu toute l’opportunité de présenter pleinement leur récit au Tribunal pour le convaincre mais malheureusement n’ont pas réussi à rencontrer de façon satisfaisante le fardeau de preuve qui reposait sur leurs épaules.

 

[11]           Cette Cour a énoncé à plusieurs reprises « qu’un tribunal peut conclure au manque de crédibilité en se basant sur des invraisemblances contenues dans le récit du demandeur d’asile, le bon sens et la raison » (Garcia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 206, au paragr. 9). De plus, l’absence de document corroborant les allégations d’un demandeur peut affecter négativement sa crédibilité (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2007 CF 62, 159 A.C.W.S. (3d) 568).

 

[12]           Or, partant du fait que le Tribunal ne retient pas ou ne commente pas dans sa décision certains éléments de preuve que les demandeurs considèrent plus importants que ceux que retient le Tribunal pour conclure comme il le fait, les demandeurs lui reprochent de ne pas avoir considéré toute la preuve offerte, et partant de là, qualifient sa décision de déraisonnable.

 

[13]           Cet argument des demandeurs ignore toutefois qu’il faut présumer que le Tribunal a considéré toute la preuve présentée (Florea c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.AF.), [1993] A.C.F. no 598 (QL), et que lorsqu’il conclut et explique pourquoi ils ne sont pas crédibles, le Tribunal n’a pas l’obligation pour autant de s’attarder à tous les éléments de preuve soutenant les allégations contraires et qu’il ne retient pas parce qu’il les juge non crédibles, peu fiables, non corroborés ou non nécessaires à ses conclusions. (Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 471, au paragr. 26).

 

[14]           Il n’appartient pas à cette Cour à ce stade-ci de refaire l’exercice et d’apprécier la preuve de nouveau ou de substituer son opinion à celle du Tribunal, et ce, d’autant plus que celui-ci bénéficie de l’avantage d’une expertise, et surtout de l’avantage unique d’avoir entendu le récit et les revendications des demandeurs. Le Tribunal demeure sûrement mieux qualifié que cette Cour pour juger de la crédibilité à accorder au récit des demandeurs.

 

[15]           La Cour doit se limiter à vérifier si la décision du Tribunal est justifiée et raisonnable dans le sens indiqué par l’arrêt Dunsmuir, précité. Les décisions touchant la crédibilité d’une partie constituent « l'essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits », de sorte que ces décisions doivent recevoir une grande déférence lors d'un contrôle judiciaire. Elles ne sauraient être infirmées à moins qu'elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve (Siad c. Canada (Secrétaire d'État) (C.A.), [1997] 1 C.F. 608, 67 A.C.W.S. (3d) 978, au paragr. 24; Dunsmuir, précité).

 

[16]           Or après audition du récit des demandeurs, le Tribunal juge leur récit non crédible au point de conclure qu’ils n’ont pas satisfait le fardeau de preuve qu’ils devaient rencontrer pour le convaincre du contraire, et le Tribunal explique suffisamment pourquoi il conclut ainsi.

 

[17]           Dans leur mémoire, les demandeurs se limitent à fournir des explications tardives pour justifier les lacunes relevées par le Tribunal dans la preuve ou à proposer une interprétation alternative des faits à celle du Tribunal. Or, les demandeurs ont pleine opportunité pour s’expliquer en temps utile devant le Tribunal; malheureusement pour eux, leurs réponses n’ont pas satisfait celui-ci. Les demandeurs ne peuvent invoquer devant cette Cour des explications tardives pour tenter de compléter ou bonifier leur preuve, ou encore demander à la Cour de substituer son appréciation des faits à celle du Tribunal.

 

[18]           La Cour se doit d’aborder avec beaucoup de déférence les conclusions du Tribunal quant à la crédibilité des demandeurs, ce qui laisse à leur charge un lourd fardeau pour convaincre la Cour d’annuler de telles conclusions.

 

[19]           Bref, les demandeurs n'ont pas réussi à démontrer que la décision attaquée est fondée sur des conclusions de fait tirées de manière abusive ou arbitraire ou que le Tribunal a rendu sa décision sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait (Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 698).

 

[20]           Après l’audition des arguments, l’analyse de la preuve ainsi que de la décision visée par le présent recours, la Cour ne peut que constater qu’il s’agit d’une décision justifiée et appartenant aux issues possibles au regard des faits et du droit, et elle ne justifie pas l’intervention de cette Cour.

 

[21]           Aucune question importante de portée générale n’ayant été proposée, aucune question ne sera certifiée.


 

JUGEMENT

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

REJETTE la demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant

 

 

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1540-08

 

INTITULÉ :                                      SERGIO LUIS VALDES PEREZ ET AL.

                                                           c.  M.C.I.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 4 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LAGACÉ J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      le 13 novembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stéphanie Valois

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Evan Liosis

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Stéphanie Valois

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

 

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