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Cour fédérale

Federal Court

Date : 20090508

Dossier : IMM-2554-08

Référence : 2009 CF 479

Ottawa (Ontario), le 8 mai 2009

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

TROY ISAAC GLEN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Troy Glen, né en Guyana en 1980, est devenu résident permanent du Canada en 2000. Au mois de juillet 2002, il a fait la connaissance de Mme Allison Antoine, une citoyenne de la Grenade, à leur lieu commun de travail. Ils ont eu ensemble un enfant en 2004 et se sont mariés au mois de juin 2005.

 

[2]               M. Glen a déposé une demande de parrainage de Mme Antoine. Au mois de mai 2006, un agent des visas a rejeté la demande, à l’issue de son entrevue avec Mme Antoine à la Grenade, au motif qu’il considérait que le mariage n’était pas authentique. M. Glen a interjeté appel de la décision auprès de la Section d’appel de l’immigration (la SAI). La SAI a rejeté l’appel au mois d’avril 2008 et a confirmé la conclusion de l’agent selon laquelle le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement l'acquisition d’un statut au Canada, en violation de l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (voir Annexe A).

 

[3]               M. Glen soutient que la SAI a commis une erreur en ne tenant pas compte des explications qu’il avait fournies au sujet de certaines faiblesses de la preuve qu’elle avait identifiées, et qu’elle a mal interprété certains éléments de cette preuve. Il prétend que la décision de la SAI était déraisonnable et me demande d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience.

 

[4]               Je suis d’accord avec M. Glen sur le fait que l’appréciation de la preuve par la SAI n’était pas satisfaisante et, par conséquent, que ses conclusions étaient déraisonnables. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d’une nouvelle audience.

 

[5]               La seule question dont je suis saisi est de savoir si la décision de la SAI était raisonnable.

 

 

 

I.        La décision de la SAI

 

[6]               La SAI a émis les réserves suivantes au sujet de la preuve :

 

(i)                  Il n’y avait pas de preuve documentaire pour appuyer les dires de M. Glen selon lesquels entre 2002 et 2005, il passait quatre ou cinq nuits par semaine avec Mme Antoine – pas de photographies ni de lettres ni de témoins. En outre, M. Glen ne pouvait pas donner le nom de famille de la personne qui partageait l’appartement avec Mme Antoine.

 

(ii)                Selon son témoignage, M. Glen entretenait, depuis 2002, une relation exclusive avec Mme Antoine. Cependant, six mois après la naissance de leur fille, M. Glen a eu, en 2005, une liaison avec une autre femme dont fut issu un autre enfant. M. Glen a déclaré que cette dernière relation n’était qu’une liaison sans lendemain, même s’il verse une pension alimentaire à la mère de l’enfant. La SAI a donné à entendre que M. Glen n’avait réussi à démontrer aucune différence entre les deux relations.

 

(iii)               D’après les relevés téléphoniques, la communication entre M. Glen et Mme Antoine était brève. Les lettres et les cartes échangées entre eux portaient toutes une date postérieure à celle du rejet de la demande de parrainage par l’agent des visas, en partie du fait qu’il manquait une telle preuve.

 

(iv)              Les visites que M. Glen a rendues à Mme Antoine en 2006 et en 2007 étaient, elles aussi, postérieures à la décision de l’agent des visas dans laquelle il était mentionné qu’il n’y avait pas eu de visites.

(v)                En général, il y avait très peu d’éléments de preuve à l’appui d’une relation authentique. Il n’y avait que quelques photos du mariage et de l’une des visites effectuées à la Grenade.

(vi)              M. Glen a apporté un soutien financier à Mme Antoine. La SAI a déclaré qu’« il peut l’avoir fait pour un certain nombre de raisons ».

 

(vii)             Le couple s’est marié juste quelques jours avant le renvoi de Mme Antoine du Canada. La SAI a rejeté l’affirmation de M. Glen selon laquelle il ne s’agissait que d’une pure coïncidence. En outre, les notes de l’entrevue préalable au renvoi ne mentionnaient rien à propos du mariage qui allait avoir lieu.

(viii)           M. Glen a fait montre d’une méconnaissance de la vie de Mme Antoine. Il ne connaissait pas le nom de son employeur et ne savait pas si elle travaillait à temps plein ou à temps partiel.

 

[7]               En se fondant sur ces réserves, la SAI a conclu que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement à aider Mme Antoine à acquérir un statut au Canada. En conséquence, elle ne pouvait pas être considérée comme étant l’« épouse » aux termes de l’article 4 du Règlement.

 

II.     La décision de la SAI est-elle raisonnable?

 

[8]               Dans son témoignage devant la SAI, M. Glen a essayé de répondre à un certain nombre de préoccupations soulevées par cette dernière. Il maintient que soit la SAI n’a pas tenu compte de sa preuve, soit elle l’a mal interprétée. Il me demande de considérer ce qui suit :

 

•     M. Glen a expliqué à la SAI qu’il n’était plus en contact avec les personnes qui partageaient l’appartement avec Mme Antoine et qu’il ne pouvait dès lors pas obtenir d’elles des éléments de preuve. En outre, il était courant pour des personnes qui n’avaient pas de statut au Canada de ne pas dévoiler leurs noms de famille. Il savait que la personne qui partageait l’appartement de Mme Antoine s’appelait Sherry Ann, mais il n’a jamais connu son nom de famille.

 

•     M. Glen a déclaré qu’il entretenait une relation suivie avec Mme Antoine tandis qu’il a eu seulement une relation d’une nuit avec une autre femme. Il a fourni des éléments de preuve à l’appui de sa relation avec Mme Antoine. La SAI n’avait aucun fondement pour prétendre que les deux relations étaient pareilles.

•     Au cours de l’audience, la question de la durée des appels téléphoniques n’a pas été abordée. Elle a été soulevée par l’avocat dans ses observations finales. Par conséquent, M. Glen n’a pas eu l’occasion de répondre aux préoccupations de la SAI à ce sujet. Quoi qu’il en soit, la preuve démontre que M. Glen et Mme Antoine se sont parlé au téléphone plusieurs fois par semaine.

•     Bien qu’une partie de la preuve soumise à la SAI soit apparue après la décision de l’agent des visas, La SAI avait l’obligation de l’examiner et de l’apprécier en l’incorporant au reste de la preuve.

 

•     Le fait pour la SAI de laisser entendre qu’en versant une pension alimentaire à Mme Antoine, « il peut l’avoir fait pour un certain nombre de raisons » n’était que conjecture. Il n’y avait pas de fondement pour qualifier ces payements autrement que du soutien accordé à sa femme et à ses enfants.

 

•     M. Glen n’a jamais témoigné que le choix du moment du mariage était une pure coïncidence. Il a dit que le moment du mariage n’a pas été choisi en fonction de la date de renvoi du Canada de Mme Antoine.

 

•     M. Glen savait que Mme Antoine travaillait dans un magasin de vêtements. On ne lui a jamais demandé son nom à l’audience.

 

[9]               À mon avis, la SAI n’a pas tenu compte des explications de M. Glen au sujet de nombreux points faisant partie des préoccupations qu’elle a soulevées dans sa décision. Certes, il était loisible à la SAI de remettre en cause la force probante de ces explications. Mais elle avait au moins le devoir de les prendre en compte. En outre, la SAI avait mal saisi certains aspects du témoignage de M. Glen.

 

[10]           En conséquence, en analysant les motifs de la SAI dans leur ensemble, compte tenu des éléments de preuve dont elle disposait, je trouve que sa décision ne satisfait pas aux exigences du critère de la décision intelligible, justifiée ou transparente, tel qu’il a été établi par la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

 

 

III.   Conclusion et décision

 

[11]           Il semble que la SAI ait omis de tenir compte, à plusieurs égards, du témoignage de M. Glen

au sujet des préoccupations qu’elle avait soulevées. À d’autres égards, la SAI a mal interprété la preuve. Par conséquent, je dois conclure que sa décision était déraisonnable. M. Glen a droit à une nouvelle audience devant un tribunal de la SAI différemment constitué. Aucune des parties n’a demandé que soit certifiée une question de portée générale et aucune ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la tenue d’une nouvelle audience est ordonnée.

2.      Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


Annexe A

 

Règlements sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

Mauvaise foi

  4. Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

 

Bad faith

  4. For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common-law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2554-08

 

INTITULÉ :                                       TROY ISAAC GLEN c. LE MINISTRE DE LA 

                                                            CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 8 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Diana Willard

 

POUR LE DEMANDEUR

Judy Michaely

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GREEN WILLARD, LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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