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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20090505

Dossier : IMM-3866-08

Référence : 2009 CF 455

Ottawa (Ontario), le 5 mai 2009

En présence de l’honorable Maurice E. Lagacé

 

ENTRE :

ANTONIO YNES ALEMAN PENA

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72 (1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre de la décision rendue le 14 août 2008 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), qui a conclu que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en application des articles 96 et 97 de la Loi, au motif que sa demande n’avait pas de fondement crédible.

I.          Les faits

 

[2]               Le demandeur, un citoyen de Cuba, a quitté son pays pour le Canada au mois de février 2006 et a présenté sa demande d’asile le 23 mai 2006.

 

[3]               En 1983, le demandeur aurait été injustement accusé de fraude et emprisonné pendant près de deux ans. Il est ensuite retourné travailler pour son gouvernement comme administrateur, et touchait le salaire minimum.

 

[4]               D’après son récit, il a commencé, au mois de décembre 2004, un deuxième travail qui consistait à livrer des vidéos de location à certains clients. La police l’a arrêté une deuxième fois au mois de septembre 2005 et emprisonné pendant une journée, parce que les vidéos qu’il livrait étaient prétendument considérées comme contre‑révolutionnaires. La police l’a relâché après une journée et lui a demandé de se présenter chaque semaine au poste de police.

 

[5]               Arrêté de nouveau le 3 octobre 2005 pour avoir omis de se présenter au poste de police, il aurait été informé qu’il serait jugé et emprisonné pour livraison de vidéos contre‑révolutionnaires. Quatre mois plus tard, il s’est arrangé pour quitter Cuba et venir au Canada où vivait sa fille.

 

 

 

 

II.         La question en litige

 

[6]               La Commission a-t-elle rendu une décision déraisonnable en concluant que le demandeur n’était pas crédible?

 

III.       Analyse

 

La norme de contrôle

[7]               Par suite de la récente décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, 164 A.C.W.S. (3d) 727 (Dunsmuir), il est maintenant bien établi en droit que les conclusions sur la crédibilité et sur les faits sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable. Il s’agit d’une norme empreinte de déférence, qui laisse aux tribunaux administratifs une marge d’appréciation aussi longtemps que leurs décisions appartiendront aux « solutions rationnelles acceptables ». Comme la Cour suprême du Canada l’a souligné, le caractère raisonnable tient à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, paragraphe 47).

 

La question de crédibilité

[8]               Il est clair que la question qui nous occupe en est une de crédibilité. La Commission a mentionné, tout au début de sa décision, qu’elle ne trouvait pas crédibles le témoignage et le récit de persécution du demandeur.

[9]               Le demandeur prétend que c’est à tort que la Commission a rejeté sa demande en alléguant des questions de crédibilité, et accuse la commissaire de n’avoir pas tenu compte du motif principal de sa demande.

 

[10]           A la lecture du dossier et de la transcription de l’audience, la Cour conclut que la Commission était fondée de tirer plusieurs conclusions défavorables concernant la crédibilité du demandeur et de relier la plupart d’entre elles aux contradictions et aux invraisemblances portant sur les éléments essentiels de sa demande d’asile et sur l’appréciation de son récit.

 

[11]           Il appartenait au demandeur de convaincre la Commission du bien-fondé des allégations de sa demande; mais malheureusement, il n’a pas réussi à le faire selon la « prépondérance des probabilités ».

 

[12]           En se fondant sur le critère de la raison et du bon sens, il était loisible à la Commission de conclure qu’il n’était pas plausible, par exemple, que le demandeur ait pu livrer des vidéos trois fois par semaine pendant 8 mois, en même temps qu’il devait se présenter chaque semaine au poste de police, laquelle police a attendu tout ce temps avant de l’arrêter.

 

[13]           Il était aussi loisible à la Commission d’examiner les contradictions entre son témoignage et son Formulaire de renseignement personnel, en rapport avec ce que la police lui avait dit et les incidents dans lesquels elle était impliquée, et au sujet de ses activités contre‑révolutionnaires alléguées (Abbasi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. n58  (QL).

 

[14]           Le demandeur soutient que la Commission n’avait pas l’expertise nécessaire pour conclure que les trois assignations que le demandeur a produites en preuve à l’appui de son récit, lui enjoignant de comparaître devant la Cour populaire municipale, n’étaient pas dignes de foi. La Commission n’avait pas besoin d’un expert pour se rendre compte que sur deux des assignations, l’année avait été modifiée manuellement, que même si les trois assignations portaient des dates différentes, elles avaient un contenu identique sans indication d’ordre de séquence, et qu’il avait été accusé d’exercer une [traduction] « activité économique illégale » du fait qu’il n’avait pas, comme il l’a finalement admis, de permis pour livrer des vidéos.

 

[15]           Il n’était pas nécessaire pour la Commission d’être expert pour conclure aussi que ces documents n’avaient pas de lien avec la prétention du demandeur selon laquelle ils avaient été émis par suite de ses activités contre‑révolutionnaires alléguées.

 

[16]           Contrairement aux prétentions du demandeur, la Commission avait bien la compétence pour apprécier ces documents. « [L] a crédibilité est une question de fait qui relève entièrement de la compétence de la Commission, laquelle peut mettre en doute l'authenticité d'un document si elle dispose de suffisamment d'éléments de preuve pour justifier une telle conclusion ». (Akindele c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 37). Dans la présente affaire, la Commission a fondé sa conclusion sur diverses contradictions et invraisemblances qui ressortaient des documents produits par le demandeur.

 

[17]           Le demandeur demande plus ou moins à la Cour d’analyser et d’apprécier sa preuve, et de tirer une conclusion différente de celle de la Commission. Cela n’est cependant pas le rôle de la Cour. La Commission, forte de son expertise, a entendu le demandeur et est par conséquent mieux placée que la Cour pour apprécier la preuve, ses forces et ses faiblesses, et pour décider quant à sa recevabilité et à la crédibilité du demandeur.

 

[18]           Il n’est pas nécessaire d’examiner à la loupe les motifs énoncés par la Commission, et cette dernière n’était pas non plus tenue d’apprécier chaque élément de preuve dont elle était saisie (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. n1425). La Cour, en révisant la décision de la Commission sur la base de la norme de la décision raisonnable, doit seulement s’assurer de l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[19]           La cause qui nous occupe repose sur l’omission du demandeur d’établir, au moyen d’une preuve crédible et digne de foi, l’élément principal de sa demande. Malheureusement pour le demandeur, la Commission a conclu qu’il n’était pas du tout digne de foi et qu’il ne présentait aucune crédibilité quant à sa situation personnelle. Après examen de la preuve, la Cour ne peut voir en quoi la conclusion de la Commission était déraisonnable.

 

IV        Conclusion

 

[20]           Dans l’ensemble, le demandeur n’a pas réussi à démontrer à la Cour que la décision contestée était déraisonnable. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[21]           La Cour partage l’avis des parties qu’il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 


JUGEMENT

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3866-08

 

INTITULÉ :                                       ANTONIO YNES ALEMAN PENA

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 27 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              L’honorable Maurice E. Lagacé

 

DATE MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 5 mai 2009

                                                                                                           

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marie Aziz

 

POUR LE DEMANDEUR

Yael Levy

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Marie Aziz

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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