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Date : 20090430

Dossier : IMM-3616-08

Référence : 2009 CF 436

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2009

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

ENTRE :

SORJNARAINE CHETARU

GUNAWATTIE CHETARU

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Sorjnaraine Chetaru et son épouse, Mme Gunawattie Chetaru (collectivement les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue par l’agent d’exécution le 30 mai 2008 et communiquée aux demandeurs le 1er août 2008, qui rejetait leur demande de report de renvoi du Canada.

 

[2]               Les demandeurs sont des citoyens de la Guyana, d’ascendance indo-guyanienne. Ils sont entrés au Canada le 30 mai 2006 et ont par la suite présenté une demande d’asile le 14 juin 2006, en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Ce jour‑là, une mesure d’expulsion a été prise à l’encontre des demandeurs, puisqu’ils faisaient l’objet d’un rapport établi en vertu de l’article 44 de la Loi.

 

[3]               Les demandes d’asile des demandeurs ont été rejetées le 13 août 2007. Leurs demandes pour un examen des risques avant renvoi (ERAR) ont été rejetées le 4 avril 2008. La mesure de renvoi a pris effet à partir de cette date et leur renvoi était prévu pour le 7 juin 2008.

 

[4]               Le 12 mai 2008, les demandeurs ont présenté une demande de report de renvoi au motif que leur demande de résidence permanente au Canada, fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (la demande CH), était pendante. Cette demande avait été reçue au départ au mois de décembre 2007, mais comme les demandeurs n’avaient pas encore payé les frais, on leur avait demandé de la présenter de nouveau. La demande était reçue de nouveau le 19 février 2008. La demande de report a été rejetée le 27 mai 2008.

 

[5]               Le 28 mai, les demandeurs ont présenté une deuxième demande de report de renvoi. Leur requête était encore une fois fondée sur la demande CH. Le 5 juin 2008, le juge Campbell a accordé aux demandeurs un sursis provisoire à l’exécution de la mesure de renvoi à condition qu’ils soumettent des arguments supplémentaires à l’agent de renvoi. Le sursis provisoire demeurait en vigueur jusqu’au 20 juin 2008. Le sursis a été accordé dans le dossier IMM-2507-08.

[6]               Le 27 juin 2008, les demandeurs ont soumis des documents et des arguments supplémentaires. Ils ont particulièrement réaffirmé que leur demande de report était fondée sur leur demande CH en cours et ont par la suite exprimé le souhait que leur demande soit traitée avec célérité. Dans la demande de report de renvoi faite le 12 mai 2008, l’ancien avocat des demandeurs avait également demandé un traitement expéditif de la demande CH.

 

[7]               En temps opportun, le renvoi des demandeurs fut fixé au 9 septembre 2008. Les demandeurs ont entamé la présente procédure le 8 août 2008 en sollicitant un contrôle judiciaire du dernier refus de l’agent d’exécution de reporter leur renvoi. Les demandeurs ont reçu cette décision le 1er août 2008 et les notes de l’agent ont été reçues le 6 août 2008. Cette décision rejetait encore une fois la demande de report de renvoi.

 

[8]               Le 5 septembre 2008, la juge Dawson a accordé un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’au règlement définitif de la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

 

[9]               L’avocat du demandeur et l’avocate du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le défendeur) ont tous les deux, dans leurs observations initiales aussi bien écrites qu’orales, abordé la question du caractère théorique par suite de la démarche analytique établie dans Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, et ont soutenu que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre la cause quant au fond.

 

[10]           Les demandeurs ont soutenu que lorsque l’on procède à un examen quant au fond, on en arrive à la conclusion que la décision de l’agent est déraisonnable. Le défendeur estime pour sa part que la décision est conforme à la norme de la décision raisonnable.

 

[11]           Après le prononcé de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Baron c. Canada

(Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, il a été donné aux parties l’occasion de présenter d’autres arguments. Chacune des parties l’a fait.

 

[12]           Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent de renvoi ayant rejeté la demande de report de renvoi n’est pas théorique du fait que la date de renvoi est passée, lorsque le fondement de la demande de report de renvoi repose sur une demande en cours visant l’obtention d’une mesure administrative, en l’espèce, une demande CH encore pendante. Dans Baron, la Cour d’appel fédérale a conclu que lorsqu’une demande de report de la mesure de renvoi a pour fondement une demande CH, et que cette dernière est toujours pendante, la demande de contrôle judiciaire n’est pas théorique.

 

[13]           Dans Baron, la Cour d’appel fédérale a passé en revue la jurisprudence antérieure concernant le pouvoir discrétionnaire limité dont dispose l’agent de renvoi pour reporter le renvoi en vertu de l’article 48 de la Loi, à savoir les décisions Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 3 C.F. 682 (1re inst.), et Simoes et al c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 187 F.T.R. 219, et a confirmé le principe selon lequel le pouvoir discrétionnaire est un pouvoir limité, compte tenue de l’objet de la loi et du régime législatif.

 

[14]           En l’espèce, les deux parties invoquent l’arrêt Baron. Les demandeurs prétendent que dans l’arrêt Baron, la Cour a souligné que tout comme dans la décision Wang, une demande CH peut constituer le fondement d’un report de renvoi lorsque cela est justifié par des « considérations particulières ». Ils allèguent que de telles « considérations particulières » existent en l’espèce, précisément la nécessité pour eux de rester au Canada jusqu’au règlement de leur demande CH, leur permettant ainsi d’offrir de l’aide et d’accorder du repos aux membres de la famille qui sont malades, à savoir la mère et la sœur de la demanderesse.

 

[15]           Pour sa part, le défendeur reconnaît que les difficultés familiales constituent le seul fondement de la demande CH, précisant que les demandeurs n’ont présenté aucune allégation selon laquelle ils s’exposeraient à un risque sur le plan personnel ou à des traitements inhumains s’ils devaient être renvoyés du Canada avant l’issue de la demande CH. Il soutient que, dans ces circonstances, un report de la mesure de renvoi n’est pas justifié, compte tenue de l’obligation expresse prévue par la loi d’exécuter une mesure de renvoi valide dès que les circonstances le permettent.

 

 

 

 

Analyse et dispositif

 

[16]           La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire touche à l’exercice du pouvoir discrétionnaire par le décideur légal, même s’il est limité. La présente décision donne lieu à l’application de la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190. La Cour d’appel fédérale a appliqué cette norme dans l’arrêt Baron.

 

[17]           La jurisprudence antérieure a clairement établi qu’une demande CH pendante n’est pas suffisante pour justifier qu’un agent de renvoi puisse reporter le renvoi en recourant à l’exercice favorable du pouvoir discrétionnaire. La question a été abordée dans Wang et Simoes, deux décisions que la Cour d’appel fédérale a examinées dans le cadre de l’arrêt Baron.

 

[18]           Il se dégage clairement de la jurisprudence antérieure que lorsqu’un agent de renvoi a affaire à une demande de report de renvoi, il n’a pas à effectuer une « mini » appréciation de la demande CH. Il est tout aussi clair que l’agent doit, au moment de l’examen de la demande de report de renvoi, apprécier la raison de la demande ainsi que la preuve présentée à l’appui de cette demande. La Cour, en analysant ces éléments dans Simoes, a déclaré ce qui suit :

11 Je souscris entièrement à l'avis exprimé par le juge Dawson. À mon avis, l'arrêt Baker n'oblige pas l'agent chargé du renvoi à effectuer un examen approfondi de l'intérêt des enfants, et notamment du fait que les enfants sont Canadiens. Cela relève clairement du mandat d'un agent qui examine les raisons d'ordre humanitaire. « Inclure » pareil mandat au stade du renvoi donnerait en fait lieu à la présentation d'une demande préalable à la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, ce qui n'est pas, à mon avis, ce que la loi exige. L'article 48 de la Loi sur l'immigration prévoit ce qui suit : « Sous réserve des articles 49 et 50, la mesure de renvoi est exécutée dès que les circonstances le permettent ». Les articles 49 et 50 traitent des cas de sursis à l'exécution prévus par la loi : par exemple, lorsque le demandeur a interjeté appel et qu'aucune décision n'a encore été rendue, ou lorsque d'autres procédures ont été engagées.

 

[19]           Bien que dans Simoes la demande CH concerne des enfants, cette décision étaye le principe selon lequel un agent d’exécution n’est pas obligé d’examiner le fond de la demande CH au moment de l’appréciation de la demande de report de renvoi.

 

[20]           En l’espèce, la situation personnelle des demandeurs suscite la sympathie. Toutefois, en me fondant sur les éléments de preuve soumis à l’agent d’exécution et aux observations écrites qui lui ont été présentées pour compte des demandeurs, je ne suis pas convaincu qu’il a commis une erreur susceptible de révision. Je ne suis pas convaincu qu’il n’a pas considéré ou qu’il a mal interprété les éléments de preuve qui lui ont été soumis. L’agent d’exécution n’était pas tenu d’effectuer une appréciation préliminaire ou une « mini » appréciation de la demande CH. Ce rôle n’appartient pas non plus à la Cour.

 

[21]           En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question à certifier n’est soulevée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et que l’affaire ne soulève aucune question à certifier.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-3616-08

 

INTITULÉ :                                       SORJNARAINE CHETARU, GUNAWATTIE CHETARU c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

                                                           

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Heneghan

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 30 avril 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Jeffery

POUR LES DEMANDEURS

 

Maria Burgos

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Matthew Jeffery

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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