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Date : 20090428

Dossier : IMM-3624-08

Référence : 2009 CF 427

Montréal (Québec), le 28 avril 2009

En présence de l'honorable Maurice E. Lagacé

 

ENTRE :

NATOLBAN MIALBAYE

partie demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Le demandeur sollicite en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi), la révision judiciaire de la décision rendue le 17 juillet 2008, par la Section de la protection des réfugiés (Tribunal) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, lui refusant la qualité de « réfugié », et celle de « personne à protéger » conformément au sens des articles 96 et 97 de la Loi, et rejetant sa demande d’asile.

 

II.        Les faits

 

[2]               Citoyen du Tchad, le demandeur quitte son pays le 23 septembre 2006 muni d’un visa en prévision de vacances aux États-Unis. Après une escale au Bénin et à Paris, il séjourne quelques jours aux États-Unis et entre au Canada le 2 octobre 2006 alors qu’il présente sa demande d’asile.

 

[3]               Essentiellement, le demandeur allègue être sujet à persécution et menacé par les autorités de son pays après avoir publié, dans un journal à grand tirage, un article sur les violations de droits humains.

 

III.       Décision contestée

 

[4]               Le Tribunal met en doute la publication et la véracité de l’article à la base de sa demande d’asile, et conclut que même en présumant la véracité de celui-ci, elle ne croit pas que le demandeur soit recherché dans son pays d’origine.

 

[5]               Ayant de plus pris note du synchronisme des vacances aux États–Unis planifiées par le demandeur, du fil des évènements à la base de son récit, et relevé dans la preuve plusieurs contradictions et invraisemblances, le Tribunal doute du témoignage du demandeur sur plusieurs points tels : la façon dont il aurait échappé à une descente militaire avant de quitter le Tchad; ses arrangements de voyage; la complicité des autorités du Bénin avec le Tchad pour l’empêcher de prendre le vol qui doit l’amener aux États-Unis; et aussi l’intervention invraisemblable du chef d’escale d’Air France qui aurait fait des démarches pour lui procurer un nouveau billet d’avion et faire authentifier son visa auprès de l’ambassade américaine.

 

[6]               En conséquence, le Tribunal conclut que « le récit du demandeur n’est pas crédible » et qu’il n’est pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger et, en conséquence, rejette sa demande d’asile.

 

IV.       Question en litige

 

[7]               Était-il déraisonnable pour le Tribunal de conclure que le récit du demandeur n’était pas crédible?

 

V.        Analyse

 

Norme de contrôle

[8]               Les conclusions de fait du Tribunal, et plus précisément celles portant sur la crédibilité du demandeur, sont assujetties à la norme de la « décision raisonnable » de sorte que pour justifier son intervention, la Cour doit se demander si la décision contestée est raisonnable, compte tenu de sa « justification », et de son « appartenance aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9).

 

[9]               La Cour doit traiter avec déférence une telle décision et éviter d’intervenir pour substituer son opinion à celle du Tribunal, à moins que les contradictions et invraisemblances relevées par celui-ci ne soient pas appuyées par la preuve, ne tiennent pas compte des explications reçues ou soient tout simplement capricieuses ou grossièrement exagérées.

 

Absence de crédibilité

[10]           Donnant des motifs très détaillés, le Tribunal prend soin de noter dans sa décision les nombreuses défaillances relevées dans la preuve et qui, considérées dans leur ensemble, affectent irrémédiablement la crédibilité du demandeur et son récit.

 

[11]           Le Tribunal a pu constater à plus d’une reprise que le témoignage du demandeur était confus et louvoyant et contradictoire, et ce, malgré le fait que le Tribunal notait avoir devant lui un « jeune homme éduqué, vif d’esprit et articulé ». 

 

[12]           La Cour, ayant analysé le dossier et la décision visée par le présent recours, ne trouve aucun reproche à faire au Tribunal pour sa conclusion à l’effet que le récit du demandeur n’était pas crédible. Il s’agit là d’une conclusion raisonnable soutenue tant par les contradictions et les invraisemblances relevées dans le récit du demandeur, que par sa façon de témoigner (Shahamati c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 415 (C.A.F.). Les reproches du Tribunal au demandeur ne paraissent ni capricieux, ni exagérés, et pris dans leur ensemble, constituent un tout suffisamment important pour entacher irrémédiablement la crédibilité du demandeur.

 

[13]           Contrairement aux prétentions du demandeur, le Tribunal n’avait pas avant de rendre sa décision à confronter de nouveau celui-ci sur les invraisemblances retenues par le Tribunal lors de son analyse de la preuve. Le Tribunal n’a pas enfreint l’équité procédurale du fait de ne pas aviser le demandeur avant la fin de l’audition de ses doutes sur le récit du demandeur et sur l’invraisemblance de celui-ci (Sarker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), [1998] A.C.F. no 987). Le demandeur a pu s’expliquer pleinement lors de l’audition. S’il n’a pas su saisir l’occasion pour convaincre et fournir en temps utile les bonnes explications, il n’a qu’à s’en prendre à lui-même.

 

[14]           En tentant de convaincre aujourd’hui la Cour que le Tribunal erre quant aux inférences négatives qu’il tire de la preuve et touchant la crédibilité de son récit, le demandeur cherche tout simplement à justifier les éléments de preuve que le Tribunal n’accepte pas. En fait, le demandeur se contente de réitérer devant cette Cour une grande partie des explications déjà soumises au Tribunal, pour tenter encore une fois d’expliquer et justifier les nombreuses invraisemblances, incohérences et omissions que lui a reproché le Tribunal. Libre au demandeur de ne pas accepter la décision du Tribunal, mais il devra accepter qu’il n'appartient pas à cette Cour d'apprécier à nouveau la preuve lors d'une demande de contrôle judiciaire (Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 565 (C.A.F.); Islam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 FC 301; Khaira c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 62); et qu’il n’appartient pas plus à cette Cour de substituer son opinion ou celle du demandeur à celle du Tribunal, et ce, d’autant plus que celui-ci conserve l’avantage unique d’avoir pu entendre le récit du demandeur et juger sa façon de témoigner, ce qui plaçait le Tribunal en première loge pour bien apprécier sa crédibilité.

 

[15]           Malheureusement pour le demandeur, le travail de révision de cette Cour se limite à vérifier si la décision du Tribunal est justifiée ou pas, tant en faits qu’en droit, et ce, selon la norme de la décision raisonnable. Les décisions touchant à la crédibilité d’une partie constituent l'essentiel du pouvoir discrétionnaire du juge des faits. Celle du Tribunal ici mérite donc une grande déférence et ne saurait être infirmée à moins d’être abusive, arbitraire ou rendue sans tenir compte d’éléments de preuve importants, ce qui est loin d’être le cas ici. (Siad c. Canada (Secrétaire d'État) (C.A.), [1997] 1 C.F. 608, au para. 24; Dunsmuir, précité)

 

[16]           Bref, le demandeur n’a pas réussi à démontrer que la décision attaquée résulte de conclusions de fait tirées de manière abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments de preuve dont disposait le Tribunal, y compris les explications que le demandeur a tenté de lui fournir (Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 698).

 

VI.       Conclusion

 

[17]           Pour tous ces motifs, la Cour conclut que la décision visée par le présent recours est justifiée en fait et en droit, et ne contient aucune erreur suffisamment importante pour justifier l’intervention de cette Cour. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

[18]           Et puisqu’aucune question importante de portée générale n’a été proposée ou mérite de l’être, aucune question ne sera certifiée.


 

JUGEMENT

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

REJETTE la demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3624-08

 

INTITULÉ :                                      NATOLBAN MIALBAYE c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 26 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LAGACÉ J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      le 28 avril 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Luciano Mascaro

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Isabelle Brochu

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Luciano Mascaro

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

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