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Date :  20090428

Dossier :  IMM-1570-09

Référence :  2009 CF 424

Ottawa (Ontario), le 28 avril 2009

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

JORGE FABIAN Rafael Domingo

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défenderesses

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Aperçu

[1]               Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur alléguait qu’un policier avait tenté d’abuser de sa conjointe. Le demandeur aurait été frappé par le policier et placé en détention. Suivant l’intervention de nombreuses personnes, incluant deux journalistes, le demandeur a été libéré. Il a déposé une plainte contre le policier, qui a été relocalisé dans un autre quartier. Le demandeur alléguait avoir reçu des appels de menaces.

[2]               Il est également indiqué dans le FRP que les enfants du demandeur résident en République Dominicaine.

 

[3]               L’audition de la demande d’asile devant la Section de la Protection des Réfugiés (SPR) a eu lieu le 1 avril 2008, alors que le demandeur était représenté par un avocat.

 

[4]               La SPR a rejeté la demande d’asile, concluant à l’absence totale de crédibilité du demandeur. Dans une décision détaillée et étoffée, la SPR relève une multitude de contradictions, omissions, ajouts et incohérences relatifs à des éléments fondamentaux du récit proposé par le demandeur.

 

[5]               La SPR a également noté que le fait que le demandeur était entré au Canada sur la base de fausses informations, que le motif de sa venue au Canada était économique, et que le très long délai écoulé avant qu’il ne revendique la protection du Canada ne révélait aucune crainte de persécution.

 

[6]               À titre subsidiaire, la SPR a également conclu que le demandeur n’avait pas renversé la présomption que la République Dominicaine était en mesure de lui offrir une protection adéquate. Cette conclusion reposait sur le contenu de la preuve documentaire objective générale. Également, la SPR a noté que lorsque le demandeur a porté plainte suite à l’agression, les autorités ont agi, et qu’il n’a jamais porté plainte pour dénoncer les menaces qu’il aurait reçues par la suite.

 

[7]               Le demandeur a déposé une DACJ à l’encontre de cette décision, qui a été rejetée le 14 octobre 2008 par le juge en chef Allan Lutfy.

 

[8]               Le demandeur doit démontrer que sa demande n’est ni futile, ni vexatoire. Pour ce faire, il convient d’examiner de façon préliminaire le fond de l’affaire pour déterminer le mérite d’une question à examiner :

[9]        Le sens de l’expression « question sérieuse » est tiré des arrêts rendus par la Cour suprême du Canada dans Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 et RJR-MacDonald Inc. C. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Sous réserve de deux exceptions qui ne s’appliquent pas en l’espèce, l’expression « question sérieuse » signifie que la demande n’est ni futile ni vexatoire [...]

 

(Jaziri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1086, [2007] A.C.F. no 1417 (QL)).

 

[9]               Aucune des questions soulevées par le demandeur dans ses prétentions ne constitue une question sérieuse.

 

II.  Introduction

[10]           Le 31 mars 2009, le demandeur a déposé une Demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire (DACJ) à l’encontre de la décision de l’agent d’évaluation des risques avant renvoi, datée du 18 février 2009.

 

[11]           Par cette décision, l’agent rejetait la demande d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR) présentée par le demandeur.

[12]           Accessoirement à cette DACJ, le demandeur a présenté, le 15 avril 2009, une requête en sursis d’exécution de son renvoi vers la République Dominicaine.

 

[13]           Aucune question sérieuse n'a été démontrée par le demandeur relativement à la décision prise par l’agent.

 

[14]           De plus, il n'existe aucun préjudice irréparable du fait de son renvoi vers la République Dominicaine, et la balance des inconvénients penche en faveur de l'intérêt public à ce que le processus prévu par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (LIPR) suive son cours.

 

III.  Remarque préliminaire – amendement de l’intitulé

[15]           Compte tenu de l’entrée en vigueur de la Loi sur le Ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, L.C. 2005, ch. 10, le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile devrait être désigné comme défendeur en plus du Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, le tout conformément au décret émis, le 4 avril 2005 (C.P. 2005-0482).

 

[16]           L’intitulé est amendé afin d’ajouter comme défendeur le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, en plus du Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

 

 

 

IV.  Faits

[17]           Le demandeur, monsieur Rafael Domingo Jorge Fabian, est citoyen de la République Dominicaine.

 

[18]           En 2005, le demandeur a présenté une demande de visa à Port-au-Prince pour le Canada, qui a été accepté le 1 août 2005.

 

[19]           Le 11 septembre 2005, le demandeur est arrivé au Canada, à Toronto, indiquant faussement venir participer à une compétition sportive.

 

[20]           Le 3 février 2006, le demandeur a déposé une demande pour prolonger son séjour au Canada. Dans cette demande, il indiquait souhaiter rester au Canada parce qu’il appréciait son travail. Cette demande de prolongation a été accueillie.

 

[21]           À cette demande était jointe une déclaration assermentée du demandeur, dans laquelle il mentionnait prolonger son séjour au Canada uniquement à titre de travailleur temporaire, sans autre intention.

 

[22]           Le 13 septembre 2006, le demandeur a présenté une demande d’asile. Dans le document « Renseignements au sujet des revendicateurs du statut de réfugiés », le demandeur mentionnait que ses deux enfants résidaient en République Dominicaine. Il indiquait craindre des policiers et des agents du gouvernement.

[23]           Le 10 octobre 2006, le demandeur a déclaré, lors d’une entrevue avec un agent d’immigration, avoir appris qu’il pouvait demander le refuge pour obtenir un visa pour travailler.

 

[24]           Le 27 janvier 2001, le demandeur a rencontré un agent d’immigration, qui lui a offert la possibilité de présenter une demande d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR) au plus tard le 11 févier 2009. Le demandeur a mentionné à l’agent qu’une demande de parrainage avait été envoyée, le 23 janvier 2009.

 

[25]           La demande ERAR a été reçue en retard, soit le 13 février 2009. Il est indiqué, dans cette demande, que les enfants du demandeur résident en République Dominicaine.

 

[26]           Au soutien de sa demande, le demandeur alléguait qu’un policier avait tenté d’abuser de sa conjointe. Le demandeur aurait été frappé par le policier et placé en détention. Suivant l’intervention de nombreuses personnes, incluant deux journalistes, le demandeur a été libéré. Il a déposé une plainte contre le policier, qui a été relocalisé dans un autre quartier. Le demandeur alléguait avoir reçu des appels de menaces. Il mentionnait être toujours recherché par ce policier.

 

[27]           La seule preuve présentée par le demandeur pour appuyer sa demande ERAR est un certificat de mariage.

 

[28]           Le 17 mars 2009, le demandeur a été informé que sa demande ERAR était rejetée, l’agent ERAR ayant conclu que le demandeur n’avait pas démontré de risques advenant son retour en République Dominicaine.

 

[29]           Cette décision fait l’objet de la DACJ sous-jacente à cette demande de sursis.

 

[30]           Le 31 mars 2009, lors d’une rencontre avec un agent de renvoi, le demandeur a présenté un billet, daté du 30 avril 2009, alors qu’il avait été avisé que son billet devait être daté du 17 avril 2009.

 

[31]           Le demandeur a demandé le report de son renvoi, qui a été refusé par l’agent de renvoi. Le renvoi est prévu pour le 30 avril 2009.

 

V.  Point en litige

[32]           Est-ce que le demandeur a démontré les trois éléments nécessaires pour obtenir un sursis judiciaire de l'exécution d'une mesure de renvoi ?

 

VI.  Analyse

[33]           Pour obtenir un sursis judiciaire de l’exécution d’une mesure de renvoi, le demandeur devait démontrer les trois éléments cumulatifs suivants, énoncés dans l’arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302, 11 A.C.W.S. (3d) 440, et constamment repris depuis lors :

a.       qu’il a soulevé une question sérieuse à trancher;

b.      qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et

c.       que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance. 

(Par exemple, voir Castillo c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 172, [2008] A.C.F. no 216 (QL) au par. 10).

 

            A.  Question sérieuse

[34]           Le demandeur doit démontrer que sa demande n’est ni futile, ni vexatoire. Pour ce faire, il convient d’examiner de façon préliminaire le fond de l’affaire pour déterminer le mérite d’une question à examiner :

[9]        Le sens de l’expression « question sérieuse » est tiré des arrêts rendus par la Cour suprême du Canada dans Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 et RJR-MacDonald Inc. C. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Sous réserve de deux exceptions qui ne s’appliquent pas en l’espèce, l’expression « question sérieuse » signifie que la demande n’est ni futile ni vexatoire [...]

 

(Jaziri, ci-dessus).

 

[35]           Aucune des questions soulevées par le demandeur dans ses prétentions ne constitue une question sérieuse.

 

[36]           Dans le cadre d’une demande ERAR, l’agent doit analyser la preuve et la situation du demandeur pour déterminer s’il risque d’être torturé ou persécuté, ou de subir des traitements ou peines cruels ou inusités, ou de voir sa vie menacée en cas de renvoi (Cen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 337, 167 A.C.W.S. (3d) 138 au par. 4).

 

[37]           Il est bien établi que le demandeur a le fardeau de présenter des éléments de preuve au soutien de ses allégations :

[12]      De façon générale, la Cour d’appel fédérale et cette Cour ont maintenu à maintes reprises que c’est au demandeur qu’il incombe de fournir des éléments de preuve sur tous les éléments constitutifs de sa demande. Plus particulièrement, en ce qui  concerne une demande ERAR, la jurisprudence a bien établi que le fardeau revient au demandeur de placer devant l’agent ERAR tous les éléments de preuve qui permettra à ce dernier de prendre une décision (Cirahan c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1603, [2004] A.C.F. no 1943 (QL) au par. 13). (La Cour souligne).

 

(Lupsa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 311, 159 A.C.W.S. (3d) 419).

 

[38]           Dans sa demande ERAR, le demandeur alléguait qu’un policier avait tenté d’abuser de sa conjointe. Le demandeur aurait été frappé par le policier et placé en détention. Suivant l’intervention de nombreuses personnes, incluant deux journalistes, le demandeur a été libéré. Il a déposé une plainte contre le policier, qui a été relocalisé dans un autre quartier. Le demandeur alléguait avoir reçu des appels de menaces. Il mentionnait être toujours recherché par ce policier.

 

[39]           L’agent note avec justesse qu’il s’agissait exactement des mêmes risques que ceux qui avaient été invoqués et rejetés devant la SPR.

 

[40]           L’agent souligne ensuite que le seul document déposé par le demandeur pour appuyer sa demande ERAR est un certificat de mariage.

 

[41]           Considérant que le demandeur invoquait dans sa demande ERAR exactement les mêmes risques que devant la SPR, qui avait jugé que le récit n’était pas crédible, il était tout à fait raisonnable pour l’agent de conclure que le risque n’était pas démontré. En effet, tel qu’établi dans Mikiani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 810, 560 A.C.W.S. (3d) 534 :

[14]      Premièrement, l’agent ERAR a d’abord tenu compte de la décision de la SPR et, lors de son évaluation ERAR, a conclu que la demande ERAR était fondée sur les mêmes risques et faits que ceux invoqués devant la SPR. Dans de tels cas, un agent ERAR peut tirer les mêmes conclusions que la SPR :

 

¶ 14      Les agents d'ERAR ne sont pas liés par les conclusions de la SPR. Par contre, lorsque les éléments de preuve dont disposait l'agent d'ERAR sont essentiellement les mêmes que ceux dont disposait la SPR, il est raisonnable pour un agent d'ERAR de tirer les mêmes conclusions (voir Klais c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 949, 2004 CF 783 au para. 11). En plus, les agents d'ERAR ne siègent pas en appel ni en révision judiciaire, et ils peuvent donc se fier aux conclusions de la SPR lorsqu'il n'y a pas de nouvelle preuve (voir Jacques v. Canada (Solliciteur général), [2004] A.C.F. no 1788, 2004 CF 1481.

(Voir Isomi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] A.C.F. no 1753).

 

[15]      À mon avis, les demandeurs ont soumis les mêmes risques et faits que ceux invoqués devant la SPR. Donc, à cet égard, l’agent n’a commis aucune erreur. (La Cour souligne).

 

[42]           Le seul nouvel élément dans le récit proposé par le demandeur était qu’il était toujours recherché par le présumé agent persécuteur. Cependant, la SPR avait établi que le récit de persécution par le présumé agent persécuteur n’était pas crédible, et le demandeur n’a présenté aucune preuve à l’agent pour corroborer son allégation.

 

[43]           En l’absence de toute preuve, il était raisonnable pour l’agent de conclure que le demandeur n’avait pas démontré de risques :

[56]      L’agent ERAR ne pouvait faire ni plus, ni moins que ce qui lui incombe en vertu de la compétence qui lui est attribuée. Si aucun élément de preuve ne lui a été présenté, ni aucune soumission, ni aucune précision sur le risque encouru, il n’avait d’autres choix que de rejeter la demande de protection de M. Bayavuge.

 

[57]      En l’espèce, l’agent ERAR a examiné comme il se doit, la demande d’ERAR présentée par M. Bayavuge. Aucune faute ne peut lui être imputée. Si cette demande a été rejetée, c’est que M. Bayavuge a omis de déposer de la preuve au soutien de sa demande d’ERAR. (La Cour souligne).

 

(Bayavuge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 65, 308 F.T.R. 126).

 

[44]           Concernant la situation générale en République Dominicaine, l’agent a évalué la preuve documentaire et estimé qu’aucun changement significatif n’était survenu depuis l’analyse de la SPR un an plus tôt. Dans cette analyse, la SPR concluait que la République Dominicaine est une démocratie qui fonctionne et qui est en mesure de protéger ses citoyens.

 

[45]           L’agent, ayant évalué la preuve, a conclu que les commentaires de la SPR s’appliquaient toujours. L’agent a donc rejeté, à bon droit, la demande ERAR du demandeur.

 

[46]           L’agent n’a commis aucune erreur dans son analyse. Le demandeur devait démontrer qu’il risquait d’être torturé ou persécuté, ou de subir des traitements cruels ou inusités, ou de voir sa vie menacée. Cela n’a pas été fait. Tel que rappelé par cette Cour:

[34]      Une demande ERAR demeure une mesure exceptionnelle à n’accorder que sur preuve de nouveaux éléments de preuve non disponibles au moment de la décision de la SPR, et alors seulement dans la mesure où ces nouveaux éléments indiquent un risque pour le demandeur advenant son retour dans son pays d’origine.

 

(Sani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 913, [2008] A.C.F. no 1144 (QL)).

 

[47]           Le demandeur prétend que le présumé agent persécuteur serait toujours à sa recherche et que l’agent aurait erré en écartant ce fait. Cette allégation référait à un élément jugé non crédible par la SPR et n’était corroborée par aucun élément de preuve. Il n’y a donc aucune erreur de la part de l’agent.

 

[48]           Concernant l’évaluation de la situation générale en République Dominicaine, la présomption est établie à l’effet que l’agent est présumé avoir considéré toute la preuve, sans avoir besoin de mentionner chacun des éléments (El Ghazaly c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1329, 168 A.C.W.S. (3d) 376 au par. 15).

 

[49]           En l’espèce, l’agent indique qu’aucun changement n’est survenu. Pour conclure, l’agent a considéré la preuve, comme spécifiée à la fin de la décision.

 

 

[50]           Le demandeur n’indique pas quels problèmes il subirait advenant son retour, quels éléments de preuve auraient dû être considérés par l’agent, et ne relie pas la situation générale en République Dominicaine à sa situation personnelle. Or, il est établi que la preuve générale concernant un pays ne peut servir à établir de risque :

[57]      Eu égard à la situation générale prévalant en guinée[sic], monsieur Doumbouya devait établir un lien entre les conditions dans son pays et sa situation personnelle, ce qu’il n’a pas fait. Rappelons que sa non-crédibilité quant à sa participation au RPG, tirée par la SPR, n’a pas eu à être remise en cause.

 

[58]      Comme l’a souligné le juge Michel Beaudry dans Ould, ci-dessus, citant avec approbation le passage suivant de l’affaire Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 409, [2005] A.CF. no 506 (QL) :

 

[28]      Ceci étant dit, l'appréciation du risque que pourrait courir le demandeur d'être persécuté s'il devait être retourné dans son pays doit être personnalisé [sic]. Ce n'est pas parce que la preuve documentaire démontre que la situation dans un pays est problématique du point de vue du respect des droits de la personne que l'on doit nécessairement en déduire un risque pour un individu donné...

 

(La Cour souligne).

 

(Doumbouya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1187, 325 F.T.R. 143).

 

[51]           Le demandeur allègue également que l’agent n’a pas considéré les considérations communes. Cela ne démontre aucune erreur dans la décision de l’agent.

 

[52]           En effet, il s’agit d’une décision claire et détaillée. La décision respecte les normes établies par cette Cour en la matière :

[33]      La suffisance des motifs doit être examinée à la lumière de toutes les circonstances. Même si les demandeurs se plaignent que certaines conclusions ont été tirées sans explications suffisantes, rien ne laisse croire que le Comité n'a pas examiné les questions importantes soulevées (sauf dans le cas de M. Horbay) ni que les demandeurs ne pouvaient comprendre le fondement de la décision. Par conséquent, je ne suis pas d'accord pour conclure à l'insuffisance des motifs. (La Cour souligne).

 

(Adamidis c. Canada (Conseil du Trésor), 2006 CF 243, 146 A.C.W.S. (3d) 278).

 

[53]           Le fait que l’agent n’a pas coché les cases des considérations communes n’a aucune pertinence, puisque les informations pertinentes se retrouvaient de toute façon dans la section 4 de la décision, à laquelle l’agent réfère. La décision est claire et motivée, et l’agent n’a commis aucune erreur à ce chapitre.

 

[54]           Compte tenu de qui précède, le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer l’existence d’une question sérieuse.

 

[55]           Pour que la Cour accueille la requête en sursis déposée par le demandeur, ce dernier devait démontrer qu’il avait des chances raisonnables d’avoir gain de cause dans son recours principal, soit la DACJ à l’encontre de l’ERAR (Duran c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 738, [2007] A.C.F. no 988 (QL)). Cela n’a pas été fait.

 

[56]           En conséquence, la demande devrait être rejetée pour ce seul motif :

[36]      Je ne suis pas convaincu que M. Cardoza Quinteros a soulevé des questions sérieuses qui justifieraient d’octroyer le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. La demande de sursis ne satisfaisant pas à l’un des trois volets du critère posé dans Toth, elle sera en conséquence rejetée. Il n’est pas nécessaire que j’examine si le demandeur a satisfait aux deux autres volets de ce critère. (La Cour souligne).

 

(Cardoza Quinteros c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 643, [2008] A.C.F. no 812 (QL)).

 

            B.  Préjudice irréparable

[57]           La notion de préjudice irréparable a été définie par la Cour dans l’affaire Kerrutt c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 53 F.T.R. 93, 32 A.C.W.S. (3d) 621, comme étant le renvoi d’une personne vers un pays où il existe un danger pour sa vie et sa sécurité. Dans la même décision, la Cour a également conclu qu’il ne pouvait s’agir d’inconvénients personnels habituels ou de division de famille.

 

[58]           Cette décision fut constamment reprise. Notamment, par la juge Sandra Simpson dans l’affaire Calderon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 92 F.T.R. 107, [1995] A.C.F. no 393 (QL), où elle y mentionnait d’ailleurs ce qui suit relativement à la définition du préjudice irréparable établie dans Kerrutt, ci-dessus :

[22]      Dans l'affaire Kerrutt c. MEI (1992), 53 F.T.R. 93 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay avait conclu que, dans le cadre d'une demande de sursis à exécution, la notion de préjudice irréparable sous-entend un risque grave de quelque chose qui met en cause la vie ou la sécurité d'un requérant. Le critère est très exigeant et j'admets son principe de base selon lequel on entend par préjudice irréparable quelque chose de très grave, c'est-à-dire quelque chose de plus grave que les regrettables difficultés auxquelles vont donner lieu une séparation familiale ou un départ. (La Cour souligne).

 

(Également, Lewis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1271, 126 A.C.W.S. (3d) 842 au par. 9).

 

[59]           Le demandeur a le fardeau de présenter une preuve claire à l’égard du préjudice qu’il allègue :

[23]      La preuve produite au soutien du préjudice doit être claire et évidente. (John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 915 (QL); Wade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 579 (QL).)

 

[...]

 

[25]      De plus, pour établir l’existence d’un préjudice irréparable, les demandeurs doivent démontrer que, s’ils étaient renvoyés du Canada, ils subiraient un préjudice irréparable entre maintenant et le moment auquel sera rendue une décision favorable quant à leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Les demandeurs ne l’ont pas fait. (Reddy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 644 (QL); Bandzar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 772 (QL); Ramirez-Perez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 724 (QL).)

 

(Adams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 256, [2008] A.CF. no 422 (QL)).

 

[60]           Le demandeur n’a pas démontré qu'un préjudice irréparable lui serait causé par le fait de son renvoi vers la République Domincaine.

 

 

[61]           Tous les arguments concernant la grossesse, les enfants, le parrainage et la séparation de la famille ne sont pas pertinents dans l’évaluation du préjudice irréparable dans la demande de sursis liée à une DACJ à l’encontre de la décision ERAR. Ces éléments sont tous plutôt traités dans le dossier de sursis lié à la DACJ à l’encontre de la décision de refuser le report du renvoi (dossier IMM-1623-09).

 

[62]           Dans son mémoire, le demandeur allègue (1) qu’il devra faire face à son agresseur advenant son retour en République Dominicaine, (2) que sa DACJ à l’encontre de la décision ERAR est pendante, et (3) que son renvoi contrevient à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U) (Charte).

 

[63]           Aucun de ces arguments ne constitue un préjudice irréparable.

 

[64]           En effet, il a été établi et répété par cette Cour que le renvoi n’entraîne pas de manquement à la Charte :

[52]      En outre, la Cour Suprême du Canada a récemment affirmé que la déportation, en soi, ne prive aucunement un non-citoyen de son droit à la vie, la liberté ou la sécurité de la personne. (Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] A.C.S. no 31(QL), au paragraphe 46; Romans c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 272, [2001] A.C.F. no 1416 (QL).) (La Cour souligne).

 

(Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 1274, 302 F.T.R. 81).

[65]           Cet argument doit donc être écarté.

 

[66]           En ce qui concerne l’allégation du demandeur à l’effet qu’il devra faire face à son présumé persécuteur lors de son retour en République Dominicaine, cette allégation n’est pas crédible et n’est supportée par aucune preuve.

 

[67]           Le demandeur devait présenter des éléments clairs pour démontrer le préjudice irréparable qui lui serait prétendument causé, mais il ne l’a pas fait (Zabala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 415, 166 A.C.W.S. (3d) 301). Le préjudice ne doit pas reposer sur des conjectures : il doit s’agir d’une probabilité forte d’une menace pour la vie ou la sécurité :

[23]      La preuve produite au soutien du préjudice doit être claire et évidente. (John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 915 (QL); Wade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 579 (QL).)

 

[24]      Comme il a été mentionné dans Gray c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 42, au paragraphe 14, la Cour sera réticente à infirmer, dans une requête interlocutoire, les conclusions tirées par un décideur qui a examiné les risques, sur le fondement de la preuve dont il disposait, et à y substituer son évaluation des risques sans avoir une preuve claire et convaincante que le décideur avait tort. (Il est également fait mention de la décision Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 FC 42, [2004] A.C.F. no 31 (QL).) (La Cour souligne).

 

(Adams, ci-dessus).

 

[68]           Les risques ont été évalués et écartés par la SPR ainsi que par l’agent dans la décision ERAR. Le récit de persécution n’était pas crédible. Le même récit proposé à cette Cour sans aucune preuve ne peut pas démontrer de préjudice irréparable :

[45]      Les propos de cette Cour à cet effet sont pertinents :

 

[55]      Les risques de retour ont déjà été évalués par deux instances administratives, le tribunal et l’agente, qui ont toutes deux conclu dans le même sens. De plus, cette Cour a confirmé le caractère raisonnable de la décision de la Commission en refusant la DACJ à l’encontre de la décision de la Commission. Depuis l’ordonnance de cette Cour, la situation n’a pas changé, tel que le confirme l’ÉRAR.

 

[56]      Cette Cour a souvent conclu que des allégations de risque qui ont été jugées non fondées par la Commission et l’agent d’ÉRAR à la fois ne peuvent servir de fondement pour établir un préjudice irréparable dans le contexte d’une requête en sursis (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 145, 137 A.C.W.S. (3d) 156). Ce principe relatif à la crédibilité est adaptable dans le contexte du défaut de renverser la présomption de protection étatique.

 

(Malagon, ci-dessus; également, Javier, ci-dessus aux par. 15-16).

 

[69]           Concernant la DACJ à l’encontre de l’ERAR, la Cour disposera toujours du pouvoir d’entendre l’affaire malgré le départ du demandeur à l’extérieur du Canada.

 

[70]           Le fait que le demandeur soit renvoyé du Canada alors qu’il a une DACJ pendante ne démontre pas qu’il subira un risque pour sa vie ou sa sécurité en République Dominicaine.

 

[71]           Le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer qu’il subirait un préjudice irréparable du fait de son renvoi vers la République Dominicaine. La requête en sursis doit donc être rejetée :

[38]      Les demandeurs n’ont déposé aucune preuve d’un risque personnel advenant un retour au Mexique.

 

[39]      L’absence de preuve quant à l’existence d’un préjudice irréparable suffit, à elle seule, à rejeter la demande de sursis.

 

(Alba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1116, [2007] A.C.F. no 1447 (QL)).

 

            C.  Balance des inconvénients

[72]           En l’absence de question sérieuse et de préjudice irréparable, la balance des inconvénients penche en faveur de l’intérêt public à ce que le processus d’immigration prévu par la LIPR soit respecté (Mobley c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 65 (QL)), tel que rappelé tout récemment par cette Cour dans la décision Patterson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 406, 166 A.C.W.S. (3d) 300 :

[33]      La Cour d’appel fédérale a confirmé que dans le cas de l’obligation du ministre il ne s’agit « pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système ». (Selliah, précité, au paragraphe 22.)

 

[34]      Dans la présente affaire, le demandeur demande une mesure équitable extraordinaire. Il est de droit constant que l’intérêt du public doit être pris en compte dans l’évaluation de ce dernier critère. Pour établir que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur, ce dernier doit démontrer qu’il existe un intérêt pour le public à ce qu’il ne soit pas renvoyé comme prévu. (RJR-MacDonald, précité; Blum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994), 90 F.T.R. 54, [1994] A.C.F. no 1990 (QL), le juge Paul Rouleau.) (La Cour souligne).

 

[73]           En l’espèce, le demandeur est arrivé au Canada en 2005, muni d’un visa de visiteur obtenu sur la base de fausses informations. Il a demandé à ce que son visa soit renouvelé afin qu’il puisse continuer à travaillé. Puis, plus d’un an après son arrivée au pays, il a choisi de demander l’asile. Sa demande a été rejetée devant son absence totale de crédibilité et à titre subsidiaire, considérant que le demandeur pourrait obtenir une protection étatique dans son pays d’origine.

 

[74]           Le demandeur a intenté un recours en Cour fédérale pour contester cette décision, sans succès. Il a alors déposé une demande ERAR, qui a été rejetée considérant l’absence d’une preuve quelconque. Le demandeur a également déposé une demande de parrainage en janvier 2009, qui a été retournée parce que l’engagement n’était pas signé.

 

[75]       Le demandeur a utilisé tous les recours auxquels il avait droit au Canada, et toutes ses demandes ont été rejetées jusqu’à présent. En l’espèce, la balance des inconvénients penche en faveur du Ministre.

 

VII.  Conclusion

[76]           Le demandeur n'a pas démontré qu’il satisfaisait les critères pour l’obtention d’un sursis et qu'en conséquence, la présente demande en sursis ne peut être accueillie.

 

[77]           Pour l’ensemble de ces motifs, la requête en sursis d’exécution est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE le rejet de la requête en sursis d’exécution.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1570-09

 

INTITULÉ :                                       JORGE FABIAN Rafael Domingo

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE

                                                            DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 20 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 28 avril 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Anthony Karkar

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Mireille-Anne Rainville

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ANTHONY KARKAR, avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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