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Date : 20090423

Dossier : IMM-3957-08

Référence : 2009 CF 409

Montréal (Québec), le 23 avril 2009

En présence de l'honorable Maurice E. Lagacé

 

ENTRE :

LORENZO GERARDO GONZALES CASTILLO

et

MARIA SARA DOMINGUEZ TREJO

partie demanderesse

 

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi) à l’encontre d’une décision rendue le 18 août 2008 par une agente d’immigration (agente) refusant la demande de résidence permanente des demandeurs fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (CH) selon le paragraphe 25(1) de la Loi.

 

I.          Les faits

 

[2]               Citoyens du Mexique, les demandeurs sont parents d’un fils demeurant au Mexique qui tenterait d’immigrer au Canada, et d’un autre fils, Ricardo, résident permanent du Canada et père d’un enfant de nationalité canadienne né le 13 mars 2008, de l’union avec une citoyenne canadienne avec qui il vit.

 

[3]               Le 1er janvier 2007, les demandeurs viennent visiter leur fils Ricardo et sa femme au Canada et y demeurent après l’expiration de leur statut de visiteur.

 

[4]               Ils déposent leur demande CH le 25 juin 2007, et obtiennent une prolongation de leur permis de séjour jusqu’au 14 janvier 2008. À compter de cette date, les demandeurs vivent au Canada sans statut jusqu’au 5 juin 2008, date à laquelle on leur consent une nouvelle prolongation de séjour.

 

[5]               Pendant leur séjour au Canada, les demandeurs obtiennent l’aide financière de leur fils et leur bru qui leur fournissent logement et nourriture.

 

[6]               Pour appuyer leur demande CH, les demandeurs se contentent de déposer une lettre signée par leur fils et leur belle-fille, datée du 31 mai 2007, et qui indique que ceux-ci comptent sur le support moral des demandeurs. La lettre se lit comme suit:

I, Angela Lynn Mason and Ricardo Gonzalez Dominguez, feel it is extremely important for Sara Dominguez Trejo and Lorenzo Gerardo Gonzales Castillo to reside in Canada. We rely on our parents for moral support and we are a close and loving family. As we are planning to soon have children, we feel it is very important for our children to know, and grow up close to their grandparents.

 

      We are willing to help and support our parents in any way possible to enable them to stay in Canada. Feel free to contact us for additional information.

 

[7]               Le 10 juillet 2008, l’agente procède par téléphone à la mise à jour du dossier des demandeurs; c’est alors qu’on l’informe de la naissance, le 13 mars 2008, du premier petit-fils des demandeurs. Les demandeurs n’ajoutent à leur dossier aucun autre élément de preuve pour soutenir leur demande de dispense.

 

II.         Décision contestée

 

[8]               L’agente conclut dans sa décision à l’insuffisance des motifs révélés par la preuve déposée par les demandeurs pour leur accorder la dispense demandée et en conséquence conclut « que le fait de déposer une demande de résidence à l’étranger tel que la Loi le requiert, n’exposerait pas le requérant et son épouse à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives » et leur refuse la dispense.

 

III.       Questions en litige

 

[9]               La présente demande de contrôle judiciaire soulève essentiellement deux questions : l’agente a-t-elle erré dans son évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant; et la décision négative de l’agente est-elle déraisonnable au regard des faits et du droit ?

 

IV.       Analyse

 

Norme de contrôle applicable aux décisions CH

[10]           La norme de contrôle judiciaire applicable au rejet par un agent d’une demande CH est celle de la décision raisonnable et n’a pas changé depuis l’arrêt de la Cour suprême dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

 

            Le droit

[11]           Ce n’est qu’exceptionnellement (Baker, précité; Legault c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, aux paragraphes 16 et 17) que l’agent d’immigration s’autorisera du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 25(1) de la Loi pour permettre à l’étranger de déposer sa demande de résidence permanente au Canada. Le demandeur n’ayant aucun statut en sol canadien demeure un étranger face à la Loi. De sorte que sans la dispense faisant l’objet du présent litige, il doit présenter sa demande de l’extérieur du Canada, tel que requis par la Loi.

 

[12]           Le fardeau revient à l’étranger, qui demande l’autorisation de faire sa demande à partir du Canada, de faire la preuve à l’agent que l’obligation de le faire de l’extérieur du Canada lui créerait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives (Legault, précité, au paragraphe 23).

 

 

Le demandeur s’est- il déchargé de son fardeau de preuve ?

[13]           Les demandeurs allèguent que leur demande CH se base principalement sur la réunification familiale et l’intérêt supérieur de leur petit-fils. Ils prétendent que l’évaluation de la preuve documentaire par l’agente et sa décision contredisent l’objectif même de la Loi qui vise à favoriser la réunification familiale.

 

[14]           Ils soutiennent de plus que l’agente n’a pas été suffisamment « réceptive, attentive et sensible » à l’intérêt supérieur de leur petit-fils, en ne considérant pas que ses parents comptent sur le support moral des demandeurs et considèrent très important que leur petit-fils soit élevé proche de ses grands-parents. Ils citent l’affaire Kolosovs c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 165 et insistent sur l’obligation du décideur d’être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour ne peut toutefois ignorer que cette décision n’en reconnaît pas moins, s’autorisant de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Legault, précité, que même si un poids appréciable doit être accordé à l'intérêt supérieur d'un enfant, cet intérêt ne sera pas nécessairement le facteur déterminant dans tous les cas. En d'autres termes, la simple mention de l’enfant ne suffit pas. L'intérêt de l’enfant demeure un facteur parmi d’autres à examiner et soupeser avec soin.

 

[15]           Pour espérer de l’agente une décision différente, encore eut-il fallu qu’elle sache de façon concrète en quoi et pourquoi l’intérêt supérieur du petit-fils serait mieux servi par la présence continuelle de ses grands-parents. Il ne suffisait pas que le fils et la belle-fille des demandeurs appuient leur demande et déclarent « We rely on our parents for moral support and we are a close and loving family. As we are planning to soon have children, we feel it is very important for our children to know, and grow up close to their grandparents”. Encore eut-il fallu démontrer concrètement en quoi ce support consistait ce qui aurait peut-être permis à l'agente d’être plus "réceptive, attentive et sensible", qu’elle ne l’a été face à une preuve mal étoffée.

 

[16]           Car à part d’instruire l’agente quant à leur état civil,  celui de leur famille agrandie, et très peu sur leur situation personnelle, les demandeurs n’ont guère été bavards pour expliquer en quoi consistait dans les faits leur contribution passée, présente et future au « support moral » de la famille de leur fils Ricardo. Au moment d’étudier leur dossier,  l’agente a pourtant communiqué avec les demandeurs pour leur permettre de l’actualiser. Et c’est à ce moment que l’agente apprend la naissance du petit -fils. N’eut été de cet appel téléphonique, la preuve ne ferait même pas état de l’addition d’un petit-fils à la famille élargie des demandeurs.

 

[17]           L’agente explique dans sa décision :

[…] Je note et comprends l’amour que portent les grands-parents à ce bébé. J’ai noté que les parents aimeraient que les grands-parents demeurent auprès de lui, mais à l’âge actuel de l’enfant, le lien significatif en ce moment est avec son père et sa mère.

(Je souligne)

 

 

[18]           À quel autre élément de preuve l’agente aurait-elle dû être réceptive, attentive et sensible? Les demandeurs ne peuvent tout de même pas reprocher à l’agente de ne pas avoir été réceptive, attentive et sensible à une preuve factuelle inexistante, alors qu’il incombait aux demandeurs de fournir la preuve de leurs prétentions (Bui c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’immigration) 2005 CF 816, aux paragraphes 11 et 12). Limiter la preuve à une déclaration aussi générale que celle contenue dans la lettre ci-haut reproduite ne suffit pas pour justifier la dispense demandée.

 

[19]           Les demandeurs ont déclaré à l’agente ne pas avoir éprouvé de problèmes au Mexique et n’en prévoir aucun pour des visites au Canada, alors qu’aucun visa n’est requis d’eux. Ils pourront garder contact avec leur fils, leur  belle-fille et leur petit-fils qui pourront les visiter.

 

[20]           Considérant les faits mis en preuve et ce qu’exigence la Loi, la Cour ne voit pas en quoi et pourquoi les demandeurs qualifient la décision attaquée déraisonnable.

 

Unité de la famille

[21]           Les demandeurs soutiennent par surcroit que la décision de l’agente fait fi de l’objectif principal de leur demande, soit la réunification de la famille. Accepter ce raisonnement reviendrait à dire que tous les grands-parents étrangers, en visite au Canada pour garder contact avec leurs enfants et petits-enfants établis au Canada, devraient être admis simplement pour apporter leur soutien moral à leurs enfants et petits-enfants, sans devoir démontrer que le fait de déposer une demande de résidence permanente à l’étranger les exposerait à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. Tel n’est certainement pas le but poursuivi par la Loi lorsqu’elle prévoit qu’exceptionnellement  et pour des motifs bien spécifiques l’agent peut accorder une dispense à l’obligation de présenter la demande de résidence permanente à l’étranger.

 

[22]           Quant à l’aspect intégration des demandeurs, soulignons que l’agente tient compte dans sa décision du fait que « le fils et la belle-fille aident le requérant et son épouse en les logeant, les nourrissant … ». Elle note aussi « … que le couple ne parle pas le français et s’exprime très peu en anglais. De plus, le couple ne travaille pas et ne sont impliqués dans aucune organisation communautaire, de bénévolat ou autres activités. » Elle souligne toutefois que ces éléments n’ont pas influencé sa décision.

 

V.        Conclusion

 

[23]           Bref, les demandeurs ont obtenu la décision que leur demande et les éléments de preuve méritaient. Compte tenu du peu de preuve dont disposait l’agente, celle-ci a été aussi réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant, que la preuve le permettait. Elle ne saurait être blâmée pour le manque de preuve, et ce, d’autant plus qu’il incombait aux demandeurs de faire la preuve de leurs prétentions.

 

[24]           Pour ces motifs, la Cour conclut que la décision visée par le présent recours est plus que raisonnable, ce qui entraîne le rejet du présent recours.

 

[25]           Et puisqu’aucune question importante de portée générale n’a été proposée ou mérite de l’être, aucune question ne sera certifiée.


 

JUGEMENT

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3957-08

 

INTITULÉ :                                       LORENZO GERARDO GONZALES ET AL.  c.  MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 8 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LAGACÉ J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      le 23 avril 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Christina Marinelli

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Michèle Joubert

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Christina Marinelli

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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