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Date :  20090423

Dossier :  IMM-4087-08

Référence :  2009 CF 398

Ottawa (Ontario), le 23 avril 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

ROCIO ALVAREZ CONTRERAS

LUIS FERNANDO GUADALAJARA ALVAREZ

CARLOS HUMBERTO GUADALAJARA ALVAREZ

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R., 2001, ch. 27 (la loi) à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue le 25 août 2008, selon laquelle les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger.

 

 

 

Question en litige

[2]               La question suivante se pose : est-ce que le tribunal a erré en concluant que la demanderesse n’avait pas une crainte raisonnable de persécution?

 

[3]               Pour les raisons qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Contexte factuel

[4]               La demanderesse principale, Madame Rocio Alvarez Contreras, âgée de 38 ans, ainsi que ses fils Luis Fernando Guadalajara Alvarez, âgé de 16 ans et Carlos Humberto Guadalajara Alvarez, âgé de 13 ans, sont tous citoyens du Mexique et ils demandent l’asile au Canada aux termes des articles 96 et 97(1)b) de la loi. Madame Contreras est la représentante désignée de ses enfants mineurs et l’histoire de ces derniers est basée sur celle de leur mère.

 

[5]               La demanderesse principale allègue être la cible du Ejército Zapatista de Liberación Nacional (le Front Zapatiste pour la libération nationale (FZLN).

 

Décision contestée

[6]               Le tribunal a conclu que la demanderesse principale n’avait pas démontré la sincérité de sa crainte de persécution. De plus, elle pourrait se prévaloir d’une possibilité de refuge interne si elle retournait dans son pays.

 

[7]               La demanderesse principale a témoigné qu’elle a quitté le FZLN en mai 2003 et allègue que les appels de menaces de mort proférés par ses anciens camarades à partir d’octobre 2003 l’ont porté à quitter le pays en juin 2006. D’après le tribunal, ceci démontre que les menaces n’étaient pas sérieuses.

 

[8]               Lorsqu’elle fut interrogée sur la possibilité de s’installer à Guadalajara et d’y mener une vie normale en toute sécurité, la demanderesse a répondu que les enfants doivent avoir contact avec leur père et que ces gestes pourraient permettre au FZLN de les retrouver (voir le dossier du tribunal à la p. 187).

 

[9]               Le tribunal ne partage pas cet avis et considère que la demanderesse a choisi de quitter son pays avec ses enfants et elle ne peut alléguer le risque découlant des contacts entre les enfants et leur père pour contester l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (PRI).

 

[10]           Le tribunal est d’avis que dans l’alternative où les demandeurs auraient une crainte bien fondée de persécution, ils ont une possibilité de refuge interne. Le tribunal ne croit pas que si les demandeurs s’installent dans une autre ville, les membres du FZLN, qu’elle a quitté en 2003, investiraient temps et argent pour les retrouver.

 

[11]           Cette conclusion du tribunal repose également sur la preuve documentaire qui indique que le Mexique est un État de plus de 100 millions d’habitants, comprenant 31 États, en plus du District Fédéral qui en compte plus de 8 millions à lui seul. Plusieurs grandes villes du Mexique dépassent le million de personnes.

 

Analyse

[12]           Selon les demandeurs, le tribunal a une compréhension capricieuse quant au bénéfice de la protection interne. Ils soumettent que la Cour devrait intervenir car le tribunal s'est basé sur une prémisse erronée afin d'établir que la demanderesse principale pouvait se prévaloir d’une PRI.

 

[13]           Le défendeur plaide que le dossier des demandeurs ne présente aucun argument sérieux qui pourrait justifier l’intervention de cette Cour. Les demandeurs ne contestent pas la conclusion du tribunal à l’effet que leur crainte subjective n’est pas sincère puisqu’ils ont attendu plus de trois ans après le début de leur persécution alléguée avant de quitter le Mexique. Il est toutefois reconnu que l’absence de crainte subjective doit entraîner le rejet d’une demande d’asile puisque celle-ci est une composante fondamentale de la notion de persécution (Hazara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1256, [2002] A.C.F. no 1728 (QL) au par. 12; Ahoua c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1239, [2007] A.C.F. no 1620 (QL) au par. 16).

 

[14]           Il est de jurisprudence constante que la sincérité de la crainte d’un demandeur peut être minée du fait de son comportement face à la persécution qu’il allègue avoir subie (Sainnéus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 249, [2007] A.C.F. no 321 (QL); Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 181, [2006] A.C.F. no 228 (QL) au par. 33).

 

[15]           Le défendeur soumet que, compte tenu du défaut des demandeurs de contester cette conclusion, la demande devrait être rejetée (Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 343, [2002] A.C.F. no 451 (QL) au par. 8; Iracanye c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 562, [2002] A.C.F. no 739 (QL) au par. 22).

 

[16]           Le demandeur a le fardeau de prouver qu’il satisfait à la définition de « réfugié au sens de la Convention » prévue à l’article 96 de la loi. Dans Hafeez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1489, [2004] A.C.F. no 1802 (QL) au paragraphe 10, j'ai fait référence à l'arrêt Ward pour écrire ceci :

… Pour s’acquitter de ce fardeau de preuve, le demandeur doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il craint subjectivement et avec raison d’être persécuté et que cette crainte subjective est objectivement justifiée (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689). Une crainte subjective de persécution repose uniquement sur l’appréciation de la crédibilité du demandeur alors qu’une crainte objective de persécution est établie habituellement au moyen d’une preuve documentaire relative à la situation dans le pays.

 

[17]           La Cour ne considère pas déraisonnable que le tribunal en soit arrivé à la décision d'absence de crainte subjective étant donné que les demandeurs ont mis trois années après les menaces pour quitter le pays.

 

[18]           D'ailleurs dans leur mémoire, les demandeurs ne s’attaquent nullement à la conclusion du tribunal au sujet d'une absence de crainte qu’elle soit objective ou subjective. Dans Hazara, ci-dessus, au paragraphe 12, la Cour s'est prononcée ainsi :

La jurisprudence de cette Cour a indiqué que le défaut d’un demandeur d’établir une crainte subjective de persécution constituait une lacune fatale qui est suffisante à faire rejeter sa revendication (Tabet-Zatla c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1778; Anandasivam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 1519).

 

[19]           Il ne suffit pas  simplement d’affirmer que le tribunal a commis une erreur de fait ou de droit, il faut le démontrer en faisant référence à la preuve (Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 59 A.C.W.S. (3d) 949, 32 Imm. L.R. (2d) 250 (C.F. 1ère inst.) au par. 8).

 

[20]           L’élément subjectif de la revendication des demandeurs n’ayant pas été établi, la Cour considère qu'il n'est pas nécessaire de discuter de la PRI.

 

[21]           Aucune question à certifier n'a été soumise et ce dossier ne contient aucune.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4087-08

 

INTITULÉ :                                       BINWA ROCIO ALVAREZ CONTRERAS

LUIS FERNANDO GUADALAJARA ALVAREZ

            CARLOS HUMBERTO GUADALAJARA ALVAREZ

ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 8 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 23 avril 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :                       

 

Oscar Fernando Rodas                                                 POUR LES DEMANDEURS

 

 

Alain Langlois                                                               POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Oscar Fernando Rodas                                                 POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

John Sims, c.r.                                                              POUR LE DÉFENDEUR       

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

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