Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20090422

Dossier : T-306-06

Référence : 2009 CF 401

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 avril 2009

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

 

MICROSOFT CORPORATION

demanderesse

 

 

et

 

 

PC VILLAGE CO. LTD, 1445687 ONTARIO LIMITED,

PC VILLAGE (MARKHAM) INC., 1558346 ONTARIO CORP.,

PC TODAY INC., PC TODAY COMPUTE CO LTD.,

PC VILLAGE (R.H.) CO. LTD., TSIN KIT MAN, LAP SUN MA,

JOHNY MA, LAP-CHEUNG MA, ELIZA MA, LAP-SUN ELIZA MA,

 FUK CHUEN MA, JENNY YUEN, JOHNSON YE,

SYED AZIZ ET ALEX MA

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Introduction

[1]               Depuis 2000, la demanderesse, Microsoft Corporation (Microsoft), tente de mettre un terme à la vente de logiciels Microsoft et à l’emploi non autorisé des marques de commerce Microsoft par les défendeurs dans le cadre de leurs activités commerciales exercées sous diverses formulations de du nom « PC Village ». Il existe, à l’heure actuelle, sept magasins PC Village dans la région du Grand Toronto et deux d’entre eux ainsi que les personnes y travaillant vendent et distribuent des copies de logiciels Microsoft, sans autorisation, ainsi que des systèmes informatiques. Les activités de violation en litige dans la présente action se sont produites en 2005 et en 2006 et concernent les deux magasins PC Village Markham et PC Village Downtown.

 

[2]               Le présent jugement concerne 1445687 Ontario Limited, 1558346 Ontario Corp., Syed Aziz et Johnson Ye (collectivement, les défendeurs nommés).

 

[3]               À l’origine, la majorité des défendeurs dans la présente action étaient représentés par un avocat et se défendaient vigoureusement. Une défense a éventuellement été signifiée pour le compte de ce groupe de défendeurs, mais elle n’a jamais été déposée à la Cour fédérale. Les avocats se sont réunis en vue de négocier un règlement et la réunion a débouché sur un accord de principe, mais les défendeurs n’y ont jamais donné suite et aucun document de règlement n’a été rédigé. Par la suite, l’avocat des défendeurs a déposé une requête pour cesser d’occuper. Les défendeurs nommés se sont non seulement désistés de leur défense, mais aussi de leur participation à l’instance. De plus, deux des trois sociétés, 1445687 Ontario Limited et 1558346 Ontario Corp., ont été volontairement dissoutes. Quoi qu’il en soit, les magasins PC Village poursuivent leurs activités commerciales à deux endroits, au PC Village Markham et au PC Village Downtown.

 

[4]               La demanderesse, Microsoft, est titulaire du droit d’auteur relatif à divers logiciels et propriétaire de la marque de commerce déposée Microsoft. Il s’agit en l’espèce d’une action pour violation du droit d’auteur et pour usurpation de la marque de commerce par les entreprises PC Village et par certaines personnes associées à ces entreprises.

 

[5]               Microsoft est une société constituée en vertu des lois de l’État de Washington des États-Unis d’Amérique, et y exerçant ses activités, dont le siège social est situé au 1, Microsoft Way, Redmond (Washington), É.‑U. À toutes les dates pertinentes, Microsoft a conçu, commercialisé et distribué une gamme de logiciels sous licence pour utilisation personnelle, professionnelle et commerciale, y compris les programmes Microsoft.

 

[6]               La défenderesse, 1445687 Ontario Limited, était une société constituée en vertu des lois de l’Ontario sous le numéro d’entreprise de l’Ontario 1445687, et y exerçait ses activités, dont le siège social était situé au 3229, Highway 7 East, Unité 7, Markham (Ontario), L3R 3P3 (également son adresse postale). Le nom commercial de l’entreprise est PC Village Markham.

 

[7]               La défenderesse, 1558346 Ontario Corp., est une société constituée en vertu des lois de l’Ontario sous le numéro d’entreprise de l’Ontario 1558346, et y exerçant ses activités, dont le siège social est situé au 684, rue Yonge, Toronto (Ontario) M4Y 2A6 (également son adresse postale).

 

[8]               Le défendeur, Syed Aziz, est l’employé d’une ou de plusieurs sociétés défenderesses nommées et travaille principalement au PC Village Markham sis au 3229, Highway 7 East, Unité 7, Markham (Ontario).

 

[9]               Le défendeur, Johnson Ye, est l’employé d’une ou de plusieurs sociétés défenderesses et travaille principalement au PC Village Downtown sis au 684, rue Yonge, Toronto (Ontario).

 

[10]           La demanderesse a déposé une requête en vue d’obtenir un jugement par défaut à l’égard de la déclaration, conformément à l’article 210 des Règles de la Cour fédérale et les mesures de réparation suivantes :

 

a.       des dommages‑intérêts préétablis pour un montant total de 150 000 $ conformément à l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur, SRC 1985, c C‑42, et ses modifications, soit 10 000 $ par œuvre, savoir pour chacun des 15 logiciels concernés;

b.      des dommages‑intérêts punitifs d’un montant d’au moins 50 000 $;

c.       une injonction permanente visant les défendeurs suivants :

                                                              i.      1445687 Ontario Limited;

                                                            ii.      1558346 Ontario Corp.;

                                                          iii.      Syed Aziz;

                                                          iv.      Johnson Ye

 

[11]           La demanderesse réclame également les dépens de la présente action, y compris ceux de la présente requête, sur la base avocat‑client.

 

Preuve relative au jugement par défaut

[12]           Lorsqu’il s’agit d’une requête en vue d’obtenir un jugement par défaut et qu’aucune défense n’a été déposée, toutes les allégations formulées dans la déclaration doivent être tenues pour niées. Le demandeur doit d’abord établir que la déclaration a été signifiée aux défendeurs et que ces derniers n’ont pas déposé de défense dans le délai prévu à l’article 204 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Le demandeur doit produire des éléments de preuve qui permettront à la Cour de décider, selon la prépondérance de la preuve, qu’il y a eu violation du droit d’auteur et usurpation de la marque au sens de la loi, à savoir la Loi sur le droit d’auteur et la Loi sur les marques de commerce. Louis Vuitton Malletier S.A. et Louis Vuitton Canada Inc. c Lin Pi­Chu Yang, et autres, 2007 CF 1179, au paragraphe 4; McInnes Natural Fertilizers Inc. c Bio-Lawncare Services Inc., 2004 CF 1027, au paragraphe 3; Ragdoll Productions (UK) Ltd. v Doe, 2002 CFPI 918, aux paragraphes 23 et 25.

 

Signification de la déclaration et délai de production d’une nouvelle défense

[13]           Les affidavits de Nelson Paesch, huissier, établissent que la déclaration a été signifiée aux défendeurs 1445687 Ontario Limited (également désignée sous le nom de PC Village Markham) et Syed Aziz, le 17 février 2006. L’affidavit de Marco de Lucia, huissier, établit que la déclaration a été signifiée à la défenderesse 1558346 Ontario Corp. (également désignée sous le nom de PC Village Downtown) le 21 février 2006. L’affidavit de Justin R. Petrillo démontre que le cabinet Bereskin et Parr, agissant en qualité d’avocats de Johnson Ye, a accepté la signification de la déclaration, le 11 avril 2006. Je conclus que la déclaration a été signifiée aux défendeurs nommés.

 

[14]           Les avocats de la défense, le cabinet Bereskin et Parr, ont signifié la défense à la demanderesse pour le compte des défendeurs Syed Aziz et Johnson Ye, le 16 juin 2006. Ils n’ont pas signifié la défense pour le compte de PC Village Markham et de PC Village Downtown. En outre, le 18 mai 2007, le cabinet Bereskin et Parr a informé la Cour qu’il ne représentait plus les défendeurs et, par la suite, le protonotaire Aalto a rendu une ordonnance de cessation d’occuper, le 20 août 2007. La défense n’a jamais été produite à la Cour. J’estime donc qu’aucune défense n’a été déposée à la Cour pour le compte des défendeurs 1445687 Ontario Limited, 1558346 Ontario Corp., Syed Aziz et Johnson Ye.

 

La violation

[15]           La preuve révèle que des enquêteurs de la demanderesse se sont rendus à PC Village Markham et à PC Village Downtown à 13 reprises, entre le 28 juin 2000 et le 20 janvier 2006. Le défendeur Syed Aziz était présent à plusieurs de ces visites au PC Village Markham et, en particulier, le 13 janvier 2006. Le défendeur Johnson Ye se trouvait également au PC Village Downtown à plusieurs reprises pendant ces visites et en particulier, le 17 janvier 2006.

 

[16]           Les conversations que les enquêteurs ont eues avec les représentants des ventes du magasin et les activités qu’ils y ont observées donnent à penser qu’il y a eu, de façon répétée, violation du droit d’auteur et usurpation des marques de commerce de la demanderesse. La preuve révèle qu’il y a eu 15 cas évidents de violation du droit d’auteur et d’usurpation des marques de commerce de la demanderesse, soit sept au PC Village Markham, le 20 janvier 2006 et huit au PC Village Downtown, à la même date.

 

[17]           Le 20 janvier 2006, l’enquêteur est allé chercher l’ordinateur qu’il avait commandé au magasin PC Village Markham. L’ordinateur contenait les programmes informatiques de Microsoft suivants qui avaient été copiés sur le disque dur :

1.      Microsoft Office 2000 (Premium Edition)

2.      Microsoft Access 2000

3.      Microsoft Excel 2000

4.      Microsoft FrontPage 2000

5.      Microsoft Outlook 2000

6.      Microsoft PowerPoint 2000

7.      Microsoft Word 2000

 

[18]           Les circonstances entourant l’achat de l’ordinateur au PC Village Markham et les conversations que l’enquêteur a eues avec Syed Aziz, en plus de l’absence du CD‑ROM Microsoft officiel et de l’étiquette du certificat d’authenticité, démontrent que les copies des logiciels n’avaient pas été autorisées.

 

[19]           De même, l’ordinateur acheté à PC Village Downtown le 20 janvier 2006 contenait également des logiciels non autorisés, à savoir :

1.      Microsoft Office Professional Edition 2003

2.      Microsoft Office Access 2003

3.      Microsoft Office Excel 2003

4.      Microsoft Office Outlook 2003

5.      Microsoft Office PowerPoint 2003

6.      Microsoft Office Publisher 2003

7.      Microsoft Office Word 2000

 

[20]           La conversation qui a eu lieu entre l’enquêteur et Johnson Ye, ainsi que l’absence du CD‑ROM Microsoft officiel et de l’étiquette du certificat d’authenticité, confirment que les logiciels ont été copiés sans autorisation.

 

[21]           Les logiciels non autorisés ci-dessus portaient les marques Microsoft.

 

[22]           Je conclus, selon la prépondérance de la preuve, que les défendeurs 1445687 Ontario Limited et Syed Aziz ont violé le droit d’auteur et usurpé les marques de commerce de la demanderesse à l’égard de sept logiciels Microsoft et que les défendeurs 1558346 Ontario Corp. et Johnson Ye ont violé le droit d’auteur et usurpé les marques de commerce de la demanderesse à l’égard de huit logiciels non autorisés.

 

[23]           Les défenderesses 1445687 Ontario Limited et 1558345 Ontario Corp. n’ont jamais signifié de défense et n’en ont pas produite. L’avocat des défendeurs Syed Aziz et Johnson Ye n’a pas déposé de défense au greffe de la Cour. L’avocat a plus tard cessé d’occuper et les défendeurs MM. Aziz et Ye n’ont déposé aucune défense par la suite.

Le droit d’obtenir un jugement par défaut

[24]           Le délai imparti pour le dépôt d’une défense est échu depuis longtemps. Aux termes de l’article 210 des Règles des Cours fédérales, la demanderesse Microsoft a le droit d’obtenir un jugement par défaut.

 

Le droit à la réparation demandée

[25]           La demanderesse a droit à la réparation demandée, telle qu’elle est indiquée ci‑dessus. La demanderesse sollicite également les dépens de la présente action sur la base avocat-client.

 

Les dommages-intérêts pour la violation du droit d’auteur

[26]           La demanderesse est propriétaire du droit d’auteur sur les 15 œuvres non autorisées trouvées sur les disques durs des ordinateurs vendus par les défendeurs. L’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur autorise le demandeur à demander des dommages-intérêts préétablis. La disposition autorise le demandeur à choisir, en qualité de titulaire du droit d’auteur, des dommages-intérêts préétablis « dont le montant, d’au moins 500 $ ou au plus 20 000 $, est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence ».

 

[27]           Le paragraphe 38.1(5) de la Loi sur le droit d’auteur contient une liste des facteurs que la Cour peut prendre en considération pour exercer son pouvoir discrétionnaire en matière d’attribution de dommages-intérêts préétablis. Ces facteurs comprennent :

a.       la bonne ou mauvaise foi des défendeurs;

b.      le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle-ci;

c.       la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles du droit d’auteur en question.

 

Les affaires Louis Vuitton Malletier S.A. et Louis Vuitton Canada Inc. c Lin Pi-Chu Yang, et autres faisant affaire sous le nom de K2 Fashions, 2007 CF 1179, et Microsoft Corp. c 9038‑3746 Québec Inc., 2006 CF 1509, intéressent directement la présente affaire.

 

[28]           Dans le jugement Microsoft Corp., la Cour a jugé que la défenderesse avait violé les droits de propriété intellectuelle de la demanderesse pour avoir distribué des CD renfermant les logiciels Windows, Office et Outlook de Microsoft. Le juge Harrington a accordé à la demanderesse un montant de 20 000 $ pour chacune des 25 œuvres protégées qui avaient fait l’objet de la violation, après avoir conclu ce qui suit :

a.       Les défendeurs n’avaient pas prouvé qu’ils avaient des motifs raisonnables de croire qu’ils n’avaient pas violé le droit d’auteur.

b.      Le montant minimal de 500 $ accordé pour chacune des 25 œuvres protégées par le droit d’auteur aurait été extrêmement disproportionné par rapport à la violation.

c.       Les défendeurs avaient agi de mauvaise foi, au vu de leur attitude méprisante envers la Cour.

d.      Les défendeurs n’ont pas présenté les documents appropriés, malgré l’ordonnance de la Cour.

e.       Il est nécessaire de créer un effet dissuasif à l’égard des violations éventuelles des œuvres en question (Microsoft Corp., précité, aux paragraphes 106 à 115).

 

[29]           Dans le jugement Louis Vuitton, la juge Snider a conclu qu’il était juste d’accorder le montant maximal de dommages-intérêts préétablis, soit 10 000 $ pour chacun des actes distincts de violation des œuvres protégées par le droit d’auteur. Les facteurs permettant de déterminer la bonne ou mauvaise foi des défendeurs et leur comportement étaient les suivants :

1.      Les défendeurs savent depuis décembre 2001, soit au moment où une ordonnance de type Anton Piller a été exécutée, que la vente des produits contrefaits constituait une violation des droits de propriété intellectuelle des demanderesses. Ils ont toutefois continué de vendre des produits contrefaits.

 

2.      Les demanderesses ont obtenu gain de cause dans deux jugements précédents de la Cour (le premier a été rendu le 26 avril 2002 et l’autre, le 8 juin 2004) interdisant la vente de produits contrefaits dans les locaux de K2 Fashions. Les actes de violation se sont poursuivis.

 

3.      Depuis le jugement du 8 juin 2004, les défendeurs ont été avisés à plusieurs reprises de cesser de vendre des produits qui portent atteinte aux droits de propriété intellectuelle des demanderesses, mais ils ont néanmoins persisté.

 

4.      Les défendeurs ont tenté de dissimuler leurs actes en plaçant les produits contrefaits sur des étagères et dans des tiroirs cachés.

 

[30]           La juge Snider a conclu que ces actes étaient la preuve d’une mauvaise foi et d’une mauvaise conduite qui justifiaient l’octroi d’un montant élevé à titre de dommages‑intérêts préétablis.

 

[31]           La juge Snider a également examiné la nécessité de dissuader les autres. Elle fait remarquer que la contrefaçon constante des produits Louis Vuitton mine la valeur commerciale des produits authentiques protégés par le droit d’auteur. Elle a également dit qu’il était nécessaire de viser la dissuasion, à cause du comportement des défendeurs. À son avis, il était nécessaire d’accorder un montant élevé à titre de dommages-intérêts en vue de prévenir toute autre contrefaçon et, dans un deuxième temps, de décourager les flagrantes violations des lois canadiennes sur la protection du droit d’auteur.

 

[32]           Selon la juge Snider, il était juste d’accorder le montant maximal des dommages‑intérêts préétablis, soit 20 000 $, pour chacune des deux œuvres, pour un montant total de 40 000 $.

 

[33]           En l’espèce, la mauvaise foi des défendeurs ressort clairement des propos tenus très ouvertement par le personnel des ventes des sociétés défenderesses et par les défendeurs MM. Aziz et Ye au sujet des violations du droit d’auteur. Ce comportement et cette attitude se sont manifestés entre 2001 et 2006 et ne sauraient constituer des incidents isolés.

 

[34]           La conduite des défendeurs est également un facteur. Ils ont été avisés du fait que leurs activités constituaient une violation, notamment par :

a.       un jugement sur consentement rendu le 14 juillet 1999 dans le dossier T‑703‑97 qui concerne en partie PC Village Downtown et qui comprenait une injonction permanente;

b.      des lettres de mise en demeure envoyées à PC Village Markham le 19 juillet 2000 et le 1er septembre 2005;

c.       des lettres de mise en demeure envoyées à PC Village Downtown le 16 novembre 2000 et le 11 mai 2001;

d.      les discussions qu’ont eues le gérant de PC Village Downtown et Johnson Ye avec les avocats de la demanderesse en 2001.

 

[35]           Les défendeurs savaient fort bien que leur conduite était illégale comme le révèlent les déclarations qu’ils ont faites aux enquêteurs. Johnson Ye a affirmé qu’il était illégal d’installer les logiciels et que cette opération ne pouvait donc pas figurer sur le devis. Sayed Aziz a déclaré que personne n’achetait Microsoft Office parce que ce logiciel coûte cher, mais qu’il avait l’habitude de l’installer sur les ordinateurs de sorte que le client n’avait pas à dépenser de l’argent pour l’enregistrer auprès de Microsoft.

 

[36]           Les défendeurs MM. Aziz et Ye ont conclu un accord de principe en vue de régler le litige avec la demanderesse et ensuite ils ont abandonné leur défense, ce qui, en fin de compte, a amené leurs avocats à présenter une requête pour cesser d’occuper.

 

[37]           Les sociétés défenderesses ont été volontairement dissoutes après que la demanderesse a intenté son action. Les clauses de dissolution concernant 1445687 Ontario Limited et 1558346 Ontario Corp. affirmaient faussement que les sociétés n’avaient aucune dette, obligation ou responsabilité et qu’elles n’étaient visées par aucune action en justice.

 

[38]           Les défendeurs n’ont aucunement tenu compte ni du droit d’auteur de la demanderesse ni de ses droits en matière de marque de commerce. Ils ont également manifesté du mépris pour la Cour et ses procédures.

 

[39]           Je conclus que le montant des dommages‑intérêts préétablis ne doit pas seulement refléter la mauvaise foi des défendeurs et leur mépris pour les droits de la demanderesse. Il doit également dissuader les défendeurs de poursuivre les activités reprochées. À mon avis, le montant des dommages-intérêts préétablis pour violation du droit d’auteur doit être suffisamment élevé pour avoir un effet bénéfique et dissuader les défendeurs nommés et d’autres parties de commettre à l’avenir de telles violations.

 

[40]           La demanderesse ne sollicite pas de dommages-intérêts supplémentaires ni pour l’usurpation de la marque de commerce, ni pour la dépréciation de l’achalandage et la perte de ventes directes. Il serait en effet très difficile d’évaluer de tels dommages.

 

Les dommages punitifs et exemplaires

[41]           Selon le paragraphe 38.1(7) de la Loi sur le droit d’auteur et la jurisprudence mentionnée ci‑dessus, il est manifestement possible d’octroyer des dommages-intérêts punitifs et exemplaires en plus des dommages‑intérêts préétablis. Dans le jugement Microsoft, le juge Harrington a octroyé un montant de 300 000 $ à titre de dommages‑intérêts punitifs, dont 100 000 $ contre le défendeur individuellement et 100 000 $ contre chacune des sociétés défenderesses, en plus des dommages‑intérêts préétablis. Dans le jugement Louis Vuitton Malletier S.A. c Yang, la juge Snider a octroyé un montant de 100 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs dans le cadre d’une requête en vue d’obtenir un jugement par défaut, en plus du montant maximal des dommages-intérêts préétablis.

 

[42]           Le droit relatif à l’attribution de dommages‑intérêts punitifs et exemplaires a été résumé par la juge Boyd dans le jugement Louis Vuitton Malletier S.A. v 486353 B.C. Ltd., 2008 BCSC 799, aux paragraphes 84 à 86. Après avoir examiné les principes généraux, la juge Boyd a affirmé ce qui suit :

[traduction]

[86]      Des dommages‑intérêts punitifs et exemplaires ont été octroyés dans des affaires de violation de marques de commerce et de droits d’auteur, dans lesquelles, par exemple, le comportement des défendeurs était « outrageant » ou « hautement répréhensible », ou dans lesquelles les actions des défendeurs manifestaient une indifférence complète à l’égard des droits du demandeur ou des injonctions rendues par la cour. De même, pour décider s’il convenait d’octroyer des dommages‑intérêts punitifs et exemplaires, la cour considère la question de savoir si le défendeur manifeste peu d’égard pour le processus judiciaire, contraignant ainsi le demandeur à consacrer davantage de temps et d’argent à la défense de ses droits.

 

La demanderesse soutient qu’il est approprié d’attribuer des dommages‑intérêts punitifs d’au moins 50 000 $. Compte tenu du comportement des défendeurs, il est juste que ce comportement soit sanctionné par l’octroi de dommages‑intérêts punitifs importants.

 

[43]           Les personnes associées aux sociétés à dénomination numérique sont personnellement responsables des activités portant violation de la société en raison de leur participation directe à ces activités et du fait qu’elles savent qu’il s’agit probablement de violation (Microsoft c 9038‑3746 Québec Inc., précité, aux paragraphes 91, 92 et 98). Les défendeurs MM. Aziz et Ye étaient certainement savaient qu’il y avait violation et l’ont activement favorisée en proposant de fournir des copies non autorisées des logiciels à un coût réduit ou gratuitement, dans le cadre de la vente d’ordinateurs par les sociétés à nomination numérique défenderesses.

 

[44]           Même si 1445687 Ontario Limited et 1558346 Ontario Corp. ont été dissoutes, il est possible de poursuivre l’action intentée contre elles et les biens qui auraient servi à satisfaire un jugement si les sociétés n’avaient pas été dissoutes restent disponibles à cette fin, conformément aux articles 242 et 243 de la Loi sur les sociétés par actions, LRO 1990, c B‑16.

 

Injonction

[45]           La preuve démontre que les défendeurs nommés ont sciemment et délibérément violé le droit d’auteur de la demanderesse et usurpé sa marque de commerce dans des circonstances qui tendent à indiquer qu’il s’agit de violations répétées. Les pratiques commerciales des défendeurs nommés n’indiquent pas qu’ils ont tenté d’éviter ou de limiter toute violation future. J’estime qu’il est approprié d’accorder une injonction.

 

Dépens avocat-client

[46]           La demanderesse propose que lui soit attribuée une somme globale pour les dépens avocat‑client. Cette somme indemniserait la demanderesse pour les frais de justice engagés jusqu’à maintenant, notamment les frais correspondant à la préparation et à la présentation de la requête en vue d’obtenir un jugement par défaut. Elle couvrirait également les débours. L’avocat a informé la Cour que les coûts liés à l’enquête, à l’action en justice et à la présentation de certains renseignements aux défendeurs sont élevés. J’estime par conséquent qu’il est approprié d’attribuer une somme globale de 50 000 $ au titre des dépens avocat‑client et des débours.

 

Conclusion

[47]           La Cour rend un jugement par défaut en faveur de la demanderesse, en la forme présentée concurremment avec les présents motifs. Les montants qui suivent sont accordés :

         10 000 $ pour chacun des actes de violation du droit d’auteur contre les défendeurs 1445687 Ontario Limited et Syed Aziz qui sont condamnés solidairement à l’égard des dommages‑intérêts préétablis pour chacune des sept violations du droit d’auteur pour un total de 70 000 $;

         10 000 $ pour chacun des actes de violation du droit d’auteur contre les défendeurs 1558346 Ontario Corp. et Johnson Ye pour chacune des huit violations du droit d’auteur, pour un total de 80 000 $;

         des dommages‑intérêts punitifs ou exemplaires de 50 000 $ contre tous les défendeurs 1445687 Ontario Limited, 1558346 Ontario Corp., Syed Aziz et Johnson Ye, solidairement;

         une somme globale de 50 000 $ correspondant aux dépens avocat‑client et aux débours contre tous les défendeurs 1445687 Ontario Limited, 1558346 Ontario Corp., Syed Aziz et Johnson Ye et ce, solidairement.


 

[48]           En outre, la Cour prononcera, dans un jugement concordant, une injonction relativement à l’activité de violation exercée par le défendeur nommé.

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-306-06

 

INTITULÉ :                                      MICROSOFT CORPORATION c PC VILLAGE CO. LTD., ET AUTRES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 janvier 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 22 avril 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

John C. Cotter

Tara James

 

POUR LA DEMANDERESSE

S.O.

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

S.O.

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.