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Date : 20090415

Dossier : IMM-4509-08

Référence : 2009 CF 376

Ottawa (Ontario), le 15 avril 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

SERGIO ROMERO MENDOZA

GUADALUPE DE MONSERRAT MARTINEZ CABRIALES

AIMEE ALEJANDRA ROMERO MARTINEZ

LAURA GUADALUPE ROMERO MARTINEZ

KARINA DE MONSERRAT ROMERO MARTINEZ

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Les demandeurs, un père, une mère et leurs trois filles, sont des citoyens du Mexique et demandent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) rejetant leur demande visant à obtenir le statut de réfugiés (article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi)) et la qualité de personnes à protéger (article 97 de la Loi).

 

[2]               L’avocat des demandeurs soulève la question intéressante et potentiellement importante de savoir si le critère de la preuve « claire et convaincante » utilisé pour réfuter la présomption de protection de l’État établit une norme de preuve incompatible avec la décision de la Cour suprême dans l’arrêt F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53. Cependant, cette question ne sera pas certifiée parce qu’elle n’est pas déterminante en l’espèce.

 

II.         CONTEXTE

[3]               Le demandeur a soutenu que le 2 juin 2007, il avait été témoin de l’enlèvement de son voisin par deux hommes masqués. Les ravisseurs l’auraient menacé à l’aide d’une arme à feu et lui auraient dit de ne pas signaler l’incident à la police. Le voisin aurait été tué.

 

[4]               Par la suite, on a dit à la fille aînée d’avertir son père qu’il était surveillé. Celui-ci a affirmé que des camions noirs étaient stationnés près de son magasin, ce qui avait confirmé ses soupçons selon lesquels il était surveillé.

 

[5]               Le 6 août 2007, les demandeurs ont déménagé de leur ville natale, Altamira, à Tampico où ils ont habité chez des parents, à différents endroits, pendant environ un mois. Toutefois, le lendemain de leur arrivée à Tampico, le père est parti au Canada où il a déposé sa demande d’asile.

 

[6]               Un mois plus tard, le reste de la famille a quitté Tampico et est retourné dans sa ville natale. Deux mois plus tard, une pierre était lancée dans une fenêtre du domicile familial.

 

[7]               Finalement, le 14 avril 2008, des hommes armés sont entrés dans le magasin de la mère et ont menacé de la tuer si elle ne leur révélait pas où était son mari. Ces hommes n’ont pas fait de mal à la famille. Peu de temps après, le reste de la famille est entré au Canada et a été ajouté à la demande d’asile du père.

 

[8]               Malgré tous les incidents rapportés par les demandeurs, ils ne se sont jamais adressés à la police. Les demandeurs ont fait valoir qu’ils avaient peur de la police car la mère croyait qu’il y avait des voitures de patrouille (reconnues comme telles par l’absence de plaques d’immatriculation) dans les trois quartiers où elle avait déménagé. Il a été reconnu qu’il s’agissait de quartiers où le taux de criminalité était élevé.

 

[9]               La SPR a examiné l’allégation principale des demandeurs, à savoir qu’ils craignaient les menaces de mort et les méfaits de criminels locaux, et a conclu qu’il n’y avait aucun lien avec les motifs énoncés à l’article 96.

 

[10]           En ce qui a trait à la demande de protection, la SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’il n’y avait pas de protection de l’État au Mexique. La SPR a aussi conclu qu’ils n’avaient pas pris toutes les mesures raisonnables pour obtenir la protection de l’État et qu’ils avaient agi de façon déraisonnable en omettant de signaler quoi que ce soit à un des multiples niveaux hiérarchiques de la police présents dans les endroits où ils avaient vécu ou qu’ils avaient visités.

 

[11]           La SPR a fait une analyse détaillée de la question relative à la protection de l’État, y compris du caractère hypothétique de l’affirmation des demandeurs suivant laquelle la police les aurait surveillés.

 

III.       ANALYSE

 

[12]           La question de la protection de l’État est contrôlable selon la norme de la décision raisonnable (Huerta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et l’Immigration), 2008 CF 586). L’analyse en tant que telle s’intéresse « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » et de même qu’à la question de savoir si la décision, dans son ensemble, appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

 

[13]           À titre préliminaire, les demandeurs ont soutenu que la demande de l’aînée constituait une demande autonome puisque cette demanderesse avait été menacée personnellement. Cela n’est pas pertinent parce que tous les aspects de la demande des demandeurs ont été appréciés. De toute façon, la jeune fille, comme ses parents, n’a pas cherché à obtenir la protection de l’État et n’a pas démontré qu’une telle protection ne pouvait lui être accordée.

 

[14]           Je ne trouve rien de déraisonnable dans l’appréciation de la question de la protection de l’État. Il incombait aux demandeurs de démontrer, selon la norme de prépondérance de la preuve, que la protection de l’État ne pouvait leur être accordée. Ils ne se sont pas acquittés de ce fardeau de la preuve.

 

[15]           La présence de la police dans leur quartier pouvait logiquement s’expliquer : un policier vivait à six maisons de chez eux et il s’agissait d’un quartier où le taux de criminalité était élevé. Même si un des corps policiers posait des problèmes, cela n’était pas suffisant pour prouver l’absence de protection de l’État dans un pays démocratique où il existe nombreuses institutions à qui s’adresser pour obtenir réparation.

 

[16]           En ne cherchant pas à obtenir la protection de la police, même lors d’incidents pour lesquels il n’y avait aucune allégation de liens avec les forces policières, et en ne fournissant pas d’arguments convaincants pour expliquer en quoi demander la protection de l’État pouvait les mettre en danger, les demandeurs ne se sont pas acquittés de leur fardeau de la preuve. 

 

[17]           L’avocat des demandeurs a soutenu que le critère de la preuve « claire et convaincante » de l’insuffisance de la protection de l’État, énoncé dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, était incompatible avec l’arrêt F.H., précité, lequel établit une seule norme de preuve en matière civile, ou que ce critère avait été mal compris par les commissaires de la SPR, lesquels l’interprétaient comme imposant un fardeau plus lourd que celui de la norme de prépondérance de la preuve.

 

[18]           Toutefois, en l’espèce, la décision ne repose pas sur la question de savoir si la preuve est suffisante ou non, mais plutôt sur l’absence de preuve démontrant que la protection de l’État ne pouvait être accordée. L’omission des demandeurs de demander la protection de l’État et de fournir des arguments solides pour justifier leur crainte de demander la protection de l’État rend cette question, bien qu’intéressante, dépourvue de pertinence en l’espèce.

 

IV.       CONCLUSION

[19]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4509-08

 

INTITULÉ :                                       SERGIO ROMERO MENDOZA, GUADALUPE DE MONSERRAT MARTINEZ CABRIALES, AIMEE ALEJANDRA ROMERO MARTINEZ, LAURA GUADALUPE ROMERO MARTINEZ, KARINA DE MONSERRAT ROMERO MARTINEZ

                                                           

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                             Le 15 avril 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane

 

POUR LES DEMANDEURS

A. Leena Jaakkimainen

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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