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Date : 20090402

Dossier : T-51-08

Référence : 2009 CF 345

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 avril 2009

En présence de madame la protonotaire Mireille Tabib

 

ENTRE :

ELI LILLY CANADA INC. et

ELI LILLY AND COMPANY

 

demanderesses

- et -

 

 

SANDOZ CANADA INCORPORATED

 

défenderesse

 

ET ENTRE :

 

SANDOZ CANADA INCORPORATED

 

demanderesse reconventionnelle

- et -

 

 

ELI LILLY CANADA INC. et

ELI LILLY AND COMPANY

 

défenderesses reconventionnelles

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Je suis saisie d’une requête des demanderesses, Eli Lilly Canada Inc. et Eli Lilly and Company (ci-après désignées toutes deux comme « Lilly ») enjoignant à la défenderesse Sandoz Canada Incorporated (« Sandoz ») de déposer un nouvel affidavit de documents amélioré. La requête vise également une ordonnance enjoignant à Sandoz de déposer des copies complètes et non expurgées de documents produits sous une forme expurgée ou incomplète et lui enjoignant de demander et d’obtenir auprès de personnes connexes et de son fournisseur, ScinoPharm Taiwan Ltd. (« ScinoPharm »), des documents liés au processus utilisé pour fabriquer le produit de Sandoz, ainsi qu’une ordonnance enjoignant au ministre de la Santé de fournir des documents liés au produit de Sandoz qu’il a en sa possession.

 

  • [2] Bien qu’il n’ait finalement pas été nécessaire de trancher officiellement les questions soulevées initialement dans cette requête, les motifs sont publiés dans l’espoir qu’ils attireront l’attention des membres de la profession sur les difficultés courantes et sur les inefficacités inhérentes au processus d’interrogatoire préalable portant sur les questions de propriété intellectuelle, et qu’ils fourniront des conseils sur la façon d’envisager ou d’élaborer certaines pratiques exemplaires pour éviter ou mieux gérer ces difficultés.

 

  • [3] La requête est déposée dans le contexte d’une action en contrefaçon intentée par Lilly contre Sandoz. Les brevets en cause sont les brevets canadiens nos 2 098 881 (« brevet ’881 ») et 2 098 886 (« brevet ’886 »), qui portent tous deux sur les processus utilisés dans la préparation et la production d’un médicament anticancer, la gemcitabine. Les brevets ne revendiquent pas la gemcitabine elle‑même, mais seulement certains aspects du processus de fabrication de ce médicament et d’un intermédiaire utilisé dans sa préparation. Il est admis que Sandoz importe, commercialise et vend au Canada la gemcitabine fabriquée par ScinoPharm. Aux fins de la requête déposée par Lilly, la question entre les parties à cette poursuite consiste à déterminer si le processus utilisé par ScinoPharm pour fabriquer la gemcitabine fournie à Sandoz entre dans le champ des revendications des brevets ’881 et ’886. Aux fins de la présente requête, il n’est pas contesté non plus que ScinoPharm est un mis en cause sans lien avec Sandoz. À la lumière de ces renseignements, on comprend déjà que, dans la mesure où il existe des documents pouvant établir que le processus déjà utilisé par ScinoPharm entre dans le champ des revendications des brevets, ces documents proviennent principalement de ScinoPharm; tout document que Sandoz pourrait avoir actuellement en sa possession et que le ministre de la Santé pourrait détenir aux fins de dépôt réglementaire proviendrait également de ScinoPharm.

 

  • [4] La requête a été déposée initialement en septembre 2008 et les documents soutenant la requête ou s’y opposant ont augmenté de façon exponentielle depuis le dépôt initial du dossier de la requête; ScinoPharm est intervenue pour s’opposer à la requête de Lilly enjoignant au ministre de la Santé de produire des documents et demandant que des modifications soient apportées à une ordonnance de protection visant à accroître la protection des documents qui seraient soumis volontairement par l’intermédiaire de Sandoz. Au même moment, Sandoz travaillait à faire parvenir à Lilly les documents reçus de ScinoPharm et figurant dans son affidavit de documents, mais qui n’avaient pas encore été transmis au moment du dépôt de la requête initiale. Il est devenu évident que ces documents ont été fortement caviardés et qu’un grand nombre d’entre eux étaient des parties de documents plus volumineux. Cela a mené évidemment à d’autres affidavits, à des contre‑affidavits, à des contre-interrogatoires des auteurs des affidavits et à des argumentations supplémentaires.

 

  • [5] De toute évidence, il aurait été de loin préférable que les parties conviennent d’un processus informel, mais clairement structuré, qui leur aurait permis d’échanger afin d’obtenir les documents précis qu’ils croyaient manquants aux étapes de production, de réponse et de divulgation de renseignements supplémentaires avant le dépôt de requêtes officielles. En l’absence d’une entente relative aux détails de ce processus et aux dates limites pour s’y conformer, les parties auraient pu et auraient dû solliciter rapidement une gestion de l’instance afin d’élaborer ce processus. Cela aurait permis une meilleure compréhension entre les parties de leurs positions et de leurs préoccupations respectives ainsi que du contexte légal et factuel connexe. Ainsi, les parties auraient pu restreindre leurs arguments beaucoup plus rapidement et présenter à la Cour des éléments de preuve et des observations ciblées et utiles après un seul échange de dossiers. La Cour a plutôt été confrontée à un flot continu de dossiers supplémentaires en constante évolution dont elle a dû faire le tri pour tenter de comprendre quelles questions avaient été résolues, quelles questions étaient en suspens et quelles nouvelles questions devaient être abordées.

 

  • [6] En date de la deuxième et dernière journée d’audience de cette requête, les positions des parties et de ScinoPharm se décrivent comme suit :

 

  • [7] La demande soumise par Lilly pour faire divulguer d’autres documents a été restreinte dans une certaine mesure. Plusieurs nouveaux documents ont été produits par Sandoz, bien qu’ils soient caviardés. Lilly reconnaît que certains des renseignements qu’elle prétendait être manquants dans les documents caviardés figuraient en fait dans d’autres documents ou parties de ces documents. Il a également été clairement établi que certaines des parties caviardées ou manquantes dans les documents n’étaient pas aussi pertinentes qu’on le prétendait au départ.

 

  • [8] Sandoz a reconnu certaines lacunes dans le processus de divulgation de documents et le processus utilisé pour caviarder les documents. Elle a reconnu que certaines parties n’auraient pas dû être caviardées; elle a reconnu que certains documents supplémentaires auraient dû être demandés auprès de ScinoPharm; elle a reconnu que la nécessité qu’un représentant de l’entreprise examine les versions non caviardées des documents obtenus de ScinoPharm et détermine la pertinence des parties caviardées de ces documents.

 

  • [9] De son côté, ScinoPharm, rassurée par les modifications aux conditions de l’ordonnance de non-divulgation, lesquelles ont été ordonnées conformément à sa requête connexe, a confirmé qu’elle continuerait à coopérer avec les demandes de Sandoz relativement à la communication de documents. Elle a donc confirmé que ses préoccupations se rapportaient uniquement à la protection de ses secrets industriels et qu’elle ne prendrait pas position et n’interviendrait pas sur la question de la pertinence des documents demandés par Sandoz.

 

  • [10] Dans l’ensemble, puisque Sandoz avait entrepris un examen et s’était fermée à la question de la pertinence des documents fournis par ScinoPharm, et compte tenu du fait qu’elle a décidé d’une part de tenir compte de l’existence d’autres documents potentiellement pertinents que ScinoPharm avait en sa possession et, d’autre part, de soumettre une demande de production de documents, il en est ressorti clairement qu’un nouvel affidavit de documents amélioré serait produit volontairement par Sandoz, peu importe les circonstances.

 

  • [11] Il m’a semblé également qu’à l’exception de certains dépôts réglementaires faits par ScinoPharm (au Canada et dans d’autres territoires de compétence), qui pourraient demeurer en suspens dans tous les cas, il est fort probable que l’examen effectué par Sandoz des documents caviardés et que ses efforts pour obtenir de ScinoPharm d’autres documents pertinents pourraient résoudre certaines des questions restantes entre les parties. Le processus d’examen de Sandoz sera évidemment éclairé par une meilleure compréhension des questions en jeu, acquise par les parties lors de l’exposé écrit et de l’audience de la requête en l’instance. Si des litiges demeurent entre les parties à la fin de ce processus, ces nouvelles questions seront fort probablement une forme plus précise des arguments examinés dans cette requête. Il est probable que de tenter d’élaborer des directives précises à l’intention de Sandoz pour lui permettre d’anticiper ces questions créera plus de difficultés qu’il n’en résoudra.

 

  • [12] Comptant sur la bonne foi et la coopération exprimées par les deux parties et par ScinoPharm lors de l’audience, je n’émettrai aucune directive dans la présente ordonnance quant aux parties des documents qui doivent être ou non caviardées, aux documents supplémentaires qui doivent être demandés auprès de ScinoPharm et aux parties manquantes des documents qui doivent être produites. Quoi qu’il en soit, les commentaires généraux suivants doivent être pris en compte par les parties.

 

  • [13] Il est évident que le caviardage de parties des documents de ScinoPharm découle autant, sinon plus, de sa volonté de protéger des secrets industriels que d’une analyse convaincante de leur pertinence. Des parties localisées ont parfois été caviardées dans des sections du document se rapportant directement au processus prétendument contrefait. Lilly a fait valoir qu’une description des parties pertinentes d’un processus chimique ne peuvent être validées comme étant représentatives du processus réel si elles ne sont pas divulguées dans leur contexte intégral, ce qui comprend un point de départ vérifiable, des réactions intermédiaires ainsi que des produits et sous‑produits vérifiables. Je trouve cet argument convaincant, ce qui m’amène à mettre Sandoz en garde contre une application trop restrictive de la pertinence et contre le caviardage de parties des documents sur les processus qui, bien qu’ils décrivent des aspects ne relevant pas de la portée des revendications des brevets, sont néanmoins nécessaires pour valider le caractère représentatif ou la viabilité commerciale du processus prétendument décrit dans les documents.

 

  • [14] Je n’accepte pas l’argument de Lilly selon lequel, lorsqu’un document contient des renseignements pertinents et qu’il est divulgué dans un affidavit de documents, la partie qui le reçoit peut demander le document intégral et non caviardé. Les documents très volumineux sont composés de sections identifiables et relativement indépendantes et se prêtent très bien à une production partielle. En ce qui concerne le caviardage de parties de texte dans une section ou partie divulguée d’un document, cette pratique est également permise, mais les facteurs suivants doivent être pris en compte : il doit être clairement établi que la portion expurgée n’a aucun rapport avec les questions en litige et qu’elle n’aiderait pas à bien comprendre les parties pertinentes des documents. Le recours au caviardage ne devrait être autorisé que s’il existe d’importantes préoccupations sur le plan de la confidentialité. Dans des circonstances comme celles qui se présentent en l’espèce, où des modalités de protection accrues sont appliquées à certains types de renseignements, la position en faveur du caviardage s’affaiblit. Lorsqu’un caviardage est néanmoins effectué et que sa pertinence est contestée, des mécanismes devraient être mis en place pour permettre à l’avocat externe de la partie qui reçoit l’information de consulter le document non expurgé afin de déterminer le bien‑fondé du caviardage.

 

  • [15] Les demanderesses ne sont pas en droit d’exiger que Sandoz fournisse des traductions de ses documents rédigés dans une langue étrangère. Dans la mesure où une traduction existe, il est probable que cette traduction constitue un document pertinent à divulguer. Toutefois, si aucune traduction n’existe, la partie qui produit l’information n’est pas tenue d’en créer une, à moins qu’elle soumette les documents comme éléments de preuve dans le cadre de la procédure.

 

  • [16] À cette étape, je ne suis pas disposée à ordonner au ministre de la Santé de produire les documents qu’il a en sa possession. Les documents que détient le ministre de la Santé sont également détenus par ScinoPharm, et les éléments de preuve qui m’ont été présentés déterminent que, dans la mesure où ils sont pertinents, Sandoz a entrepris d’en faire la demande auprès de ScinoPharm et que ScinoPharm a manifesté sa volonté d’obtempérer. En effet, certains documents ayant fait l’objet de dépôts réglementaires au Canada ont déjà été produits, et la Cour s’attend à ce que Sandoz tienne compte de ces documents dans son processus d’examen, dans l’intention de les divulguer ultimement et de fournir à Lilly toutes les parties pertinentes de ces documents.

 

  • [17] En ce qui concerne les dépôts réglementaires effectués par ScinoPharm dans des territoires de compétence autres que le Canada, Sandoz estime qu’ils ne sont pas pertinents. À la lumière de ces renseignements, je comprends que Sandoz ne demandera pas à ScinoPharm de produire ces documents afin qu’elle puisse, à son tour, les transmettre à Lilly. Sandoz fait valoir que les dépôts réglementaires dans des pays étrangers n’ont pas de valeur probante dans le contexte du processus réel utilisé par ScinoPharm pour produire la gemcitabine vendue par Sandoz au Canada. Sandoz ajoute que, puisqu’elle a demandé auprès de ScinoPharm et transmis à Lilly les dossiers de production de lot réels pour la gemcitabine distribuée au Canada, elle a donc produit l’information la plus exacte et la plus pertinente possible. Le problème de cette approche est qu’elle suppose que les dossiers reçus par Sandoz de ScinoPharm ne peuvent être contestés et doivent être acceptés comme des éléments de preuve concluants du processus utilisé par ScinoPharm. L’argument de Lilly, à savoir que les dépôts réglementaires constituent une source possible d’information sur le processus utilisé par ScinoPharm, est fondé. Il y a également un fondement au contre-argument de Sandoz selon lequel si les dépôts réglementaires correspondent exactement aux dossiers de production obtenus de ScinoPharm, les dossiers de produits constitueraient la meilleure preuve du processus réel utilisé, ce qui rendrait les dépôts réglementaires beaucoup moins pertinents. À ce stade, toutefois, Lilly a droit à la communication intégrale de tous les documents dont Sandoz a connaissance et qui pourraient aider Lilly à établir que le processus utilisé par ScinoPharm enfreint ses brevets. Il n’appartient pas à Sandoz de choisir, à partir de plusieurs sources documentaires pertinentes, lesquelles sont les plus probantes ou les plus utiles pour Lilly ou de décider quels documents doivent être divulgués et d’autres, écartés.

 

  • [18] Cela ne signifie pas que je vais maintenant ordonner à Sandoz de demander ces documents à ScinoPharm ou que je considère que le temps est venu pour Lilly de déposer des requêtes pour obtenir des dépôts réglementaires effectués à l’étranger par des mis en cause. Puisqu’il s’agit d’une source d’information à partir de laquelle Lilly pourrait établir une contrefaçon, les dépôts réglementaires à l’étranger sont suffisamment pertinents, à première vue, pour être divulgués dans l’affidavit de documents de Sandoz et transmis à Lilly s’ils sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de Sandoz. Toutefois, à la lumière des éléments de preuve dont je dispose, il semble que ces documents ne sont pas en la possession de Sandoz, mais de ScinoPharm et des organismes de réglementation pertinents. Par conséquent, ils devraient figurer dans l’annexe IV de l’affidavit de documents de Sandoz (documents qui pourraient être pertinents, mais qui sont en la possession d’une personne qui n’est pas une partie à l’instance). Le pouvoir discrétionnaire de la Cour pour ordonner la production de documents par un mis en cause me semble outrepasser la pertinence aux fins d’un affidavit de documents; il pourrait être nécessaire de soupeser la nécessité et la valeur probante des documents à la lumière des documents déjà divulgués. À ce stade, il serait prématuré pour moi d’exercer mon pouvoir discrétionnaire pour ordonner à Sandoz d’exiger ces documents de ScinoPharm.

 

  • [19] La principale raison de ma réticence est l’état insatisfaisant des actes de procédure en l’espèce, état qui, je l’espère, sera corrigé par les parties plus tôt que tard et, dans tous les cas, avant que soit déposée toute autre requête de production par des tierces parties.

 

  • [20] À l’heure actuelle, la déclaration des demanderesses établit clairement la revendication sur la base de la présomption de « nouveau produit » qui figure à l’article 55.1 de la Loi sur les brevets, ainsi qu’une revendication que le processus utilisé par ScinoPharm doit enfreindre les brevets puisqu’il n’existe aucun autre processus commercialement viable pour ces aspects de la préparation. Outre ces allégations et quelques allégations très générales, il n’y a aucune allégation directe et détaillée concernant les processus réellement utilisés par ScinoPharm. Cela est particulièrement troublant compte tenu du fait que l’action allègue une contrefaçon de plusieurs revendications du brevet ’881 décrivant des processus différents et parfois contradictoires. Nonobstant ce manque de détails, il semble que Sandoz est satisfaite du fait que la déclaration de Lilly inclut les allégations directes que le processus utilisé par ScinoPharm relève de la portée des revendications des brevets.

 

  • [21] Sandoz, pour sa part, réplique à l’allégation de Lilly par de simples réfutations générales. Sandoz nie l’allégation de Lilly selon laquelle il n’existe aucun autre processus commercialement viable, mais ne soumet aucune allégation positive relativement aux autres processus commercialement viables qui pourraient exister. Sandoz nie que le processus utilisé par ScinoPharm contrefait les brevets, mais ne fait aucune allégation positive pour décrire en quoi pourrait consister le processus utilisé par ScinoPharm.

 

  • [22] L’impression claire laissée par ces plaidoiries est qu’au moment où elles ont été rédigées, ni les demanderesses ni la défenderesse ne savaient en quoi consistait le processus utilisé par ScinoPharm. Pourtant, les deux parties étaient très satisfaites de faire cause commune sur la question à savoir si le processus constituait ou non une contrefaçon; on peut présumer que les deux parties étaient convaincues que ScinoPharm divulguerait ultimement en quoi consiste le processus et qu’elles pourraient ensuite prendre leurs positions respectives en conséquence.

 

  • [23] Il me semble que cette approche en matière de plaidoirie sous-entend, et sanctionne dès le départ, un interrogatoire préalable qui consiste en une enquête « à l’aveuglette » de grande envergure, un processus qui n’est ni prévu par les Règles des Cours fédérales ni admis dans les décisions de la Cour. Si, au moment d’intenter la présente action, Lilly en était arrivée à la conclusion que le produit de Sandoz était fabriqué au moyen d’un processus contrefait, uniquement parce que les brevets couvraient le seul processus commercialement viable, elle aurait dû s’en tenir à ces allégations. Il aurait appartenu à Sandoz de se rallier à l’allégation de Lilly selon laquelle il n’existait, de façon générale, aucun autre processus viable, ou de faire ses propres recherches relativement au processus réel utilisé par ScinoPharm et, après avoir déterminé que ce processus particulier ne constituait pas une contrefaçon, de formuler des allégations très précises décrivant en quoi consiste le processus et pourquoi il ne constitue pas une contrefaçon. Ces allégations de Sandoz concernant le processus spécifiquement utilisé auraient pu, en ce qui concerne les aspects relevant des réclamations des brevets, constituer un aveu contraignant de la part de Sandoz et restreindre ainsi la portée de l’interrogatoire préalable de Lilly. L’interrogatoire préalable mené par Lilly se serait limité aux aspects du processus qui, de l’avis de Sandoz, ne relèvent pas des revendications des brevets. Cela aurait également eu pour effet d’obliger Lilly à expliquer, sur la base de faits ou de son interprétation des brevets, pourquoi le processus vraisemblablement utilisé par ScinoPharm n’était pas correctement décrit ou constituait une contrefaçon.

 

  • [24] Cet exercice n’a pas été exécuté et jusqu’à maintenant, Sandoz s’est contentée de servir d’intermédiaire dans la transmission de documents repérés et sélectionnés par ScinoPharm, sans prendre position sur ces questions. Il n’appartient pas à Sandoz de décider si Lilly doit se satisfaire des documents produits et reconnaître qu’ils sont complètement représentatifs du processus qui sera prouvé au procès. Il n’est pas acceptable non plus que Lilly demande à la Cour de l’aider dans son enquête « à l’aveuglette » dans les dossiers de mis en cause, comme ScinoPharm, ou d’organisme de réglementation, sans tenter d’abord de restreindre les questions ou la portée des documents pertinents.

 

  • [25] Il est apparu évident, lors de l’audience, que l’avocat de Sandoz et celui de Lilly ont déjà acquis, à partir des documents produits jusqu’à maintenant, une meilleure compréhension du processus utilisé par ScinoPharm, des revendications qui pourraient être en litige et des aspects des revendications précises qui seront particulièrement controversés. À la lumière de l’engagement volontaire de Sandoz à demander d’autres documents et à examiner les documents produits afin de supprimer certains caviardages, on s’attend à ce que cette compréhension mutuelle se précise davantage. Au moment de l’audition, la compréhension qui existait entre les parties demeurait très opaque pour la Cour. Je crains que tant que les parties ne seront pas disposées à traduire cette compréhension en des actes de procédures précis ou des détails qui permettraient de clarifier ou de restreindre les questions de l’interrogatoire préalable, il sera difficile pour Lilly de convaincre la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour forcer les réponses de mis en cause, comme il sera difficile pour Sandoz de persuader la Cour que les recherches effectuées par Lilly pour déterminer les aspects pertinents du processus utilisé par ScinoPharm ont été explorées suffisamment en profondeur.

 

 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

  1. La défenderesse fournira aux demanderesses un affidavit de documents révisé, conformément à l’échéancier et à la procédure qui seront convenus par les parties à la lumière des motifs.

 

  1. Dans les dix jours suivant la date de la présente ordonnance, les parties fourniront à la Cour un projet d’ordonnance comportant une procédure et un échéancier que les deux parties devront suivre pour fournir de meilleurs affidavits de documents, communiquer des documents et des renseignements, mener des interrogatoires préalables et exécuter les autres étapes requises dans la présente instance.

 

  1. Les dépens sont adjugés aux demanderesses. Les parties peuvent inclure dans le projet d’ordonnance les montants fixes dont elles ont convenu.

 

 

« Mireille Tabib »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-51-08

 

INTITULÉ :  Eli Lilly Canada Inc. et Eli Lilly and Company

  c.

  Sandoz Canada Incorporated

 

  ET

 

  Sandoz Canada Incorporated

  c.

  Eli Lilly Canada Inc. et Eli Lilly and Company

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  OTTAWA

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 12 février 2009 et le 9 mars 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  MADAME LA PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB

 

DATE DES MOTIFS :  Le 2 avril 2009

 

COMPARUTIONS :

 

PATRICK SMITH

BEVERLEY MOORE

 

POUR LES DEMANDERESSES

DONALD H. MacODRUM

ROSAMARIA LONGO

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

NATHANIEL LIPKUS

JOCELYN MACKIE

POUR SCINOPHARM TAIWAN LTD.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON

OTTAWA

 

POUR LES DEMANDERESSES

LANG MICHENER, s.a.r.l.

TORONTO

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

GILBERT’S LLP

TORONTO

POUR SCINOPHARM TAIWAN LTD.

 

 

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