Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20090408

Dossier : IMM‑3798‑08

Référence : 2009 CF 355

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2009

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

PATRICK LESLIE HEALEY

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), contre la décision d’un agent d’immigration désigné (l’agent) du haut‑commissariat du Canada à Londres, au Royaume‑Uni, datée du 24 juin 2008 (la décision), par laquelle l’agent a refusé la demande de résidence permanente du demandeur au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

RÉSUMÉ DES FAITS

 

[2]               Le demandeur est un citoyen du Royaume‑Uni. Lors du dépôt de sa demande, il était âgé de quarante‑huit ans, il était marié et avait deux enfants. Le demandeur n’a pas d’aptitude à parler français.

 

[3]               Le demandeur a fréquenté l’école élémentaire pendant six années, l’école secondaire pendant cinq années et il a fréquenté ensuite le Collège Thurrock Business entre avril 1981 et mars 1982. Il y a obtenu un certificat en gestion. Il a fréquenté le Collège Harlow entre juin 1997 et juin 1998; il y a obtenu un certificat en gestion (B TEC). Entre juin 2003 et juin 2004, il a fréquenté le Collège Basildon&Thurrock; il y a obtenu un certificat en charpenterie. Depuis mars 2004, le demandeur travaille pour la société Trinity Construction Services.

 

[4]               Une erreur a été commise dans le formulaire de demande du demandeur : deux années de collège n’ont pas été fidèlement inscrites dans la case de ses antécédents scolaires. Par erreur, le demandeur a écrit 0 au lieu de 2 dans la case intitulée « Université/Collège ».

 

[5]               Le 29 juin 2008, l’avocat précédent du demandeur a contacté le haut‑commissariat du Canada à Londres et il a demandé un nouvel examen de la décision défavorable, en particulier l’attribution de seulement 15 points pour les études. Selon le demandeur, 15 années d’études à temps plein cumulées à ses deux années de certificat lui donnaient droit à suffisamment de points pour que sa demande aboutisse. Le 30 juin 2008, l’agent a répondu et il a déclaré que les certificats des collèges avaient été évalués, mais comme le demandeur n’avait fait que treize années d’études, 15 points étaient appropriés. Le 2 juillet 2008, l’avocat a de nouveau écrit au haut‑commissariat du Canada à Londres pour que l’erreur soit corrigée dans le formulaire, mais il n’a reçu aucune réponse. Le 15 août 2008, il a de nouveau écrit et, une fois de plus, il n’a reçu aucune réponse.

 

LA DÉCISION SOUMISE AU CONTRÔLE

 

[6]               L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas répondu aux exigences pour l’immigration au Canada. Il s’est fondé sur le paragraphe 12(2) de la Loi (aux termes duquel la sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada) et le paragraphe 75(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement) (aux termes duquel la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada).

 

[7]               L’agent a évalué la demande du demandeur sur la base des exigences minimales énoncées au paragraphe 75(2) du Règlement et des critères de sélection énoncés au paragraphe 76(1) du Règlement. Ces critères sont : l’âge, les études, la compétence dans les langues officielles du Canada, l’expérience, l’exercice d’un emploi réservé et la capacité d’adaptation. La note de passage est de 67 points.

 

[8]               L’agent a décidé que le demandeur n’avait pas obtenu suffisamment de points pour l’attribution d’un visa de résident permanent en tant que membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Les points suivants ont été attribués au demandeur :

 

 

Points attribués

 

Maximum possible

Âge

 

10

10

Expérience

 

21

21

Emploi réservé 

 

0

10

Études

 

15

25

Compétence dans les langues officielles

 

16

24

Capacité d’adaptation

 

3

10

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Total

65

100

 

[9]               L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas obtenu suffisamment de points pour le convaincre qu’il pouvait réussir son établissement économique au Canada. L’agent a souligné le paragraphe 76(3) du Règlement, qui permet à un agent, dans son évaluation, de substituer son appréciation aux critères prévus si le nombre de points obtenu ne reflète pas exactement la capacité du demandeur à réussir son établissement économique au Canada. Selon le paragraphe 76(4) du Règlement, la substitution ainsi décidée doit être confirmée par un autre agent. L’agent a examiné la demande du demandeur en vertu de ces paragraphes et il a conclu que les points attribués étaient le reflet exact de la capacité du demandeur de réussir son établissement économique au Canada. Par conséquent, sa demande n’a pas été envoyée au gestionnaire du programme pour examen.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[10]           Dans la présente demande, le demandeur soulève les questions suivantes :

1)                  L’agent a‑t‑il correctement évalué la preuve?

2)                  L’agent a‑t‑il fourni des motifs adéquats au demandeur?

3)                  L’agent a‑t‑il correctement examiné la demande de substitution de l’appréciation?

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES

 

[11]           L’article suivant de la Loi s’applique :

Immigration économique

12(2) La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

Economic immigration

12(2) A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

 

 

[12]           Les dispositions suivantes du Règlement sont aussi applicables à la présente instance :

73. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section, à l’exception de l’article 87.1.

 

73. The following definitions apply in this Division, other than section 87.1.

 

« ancien règlement »

former Regulations

 

 

« ancien règlement » S’entend au sens du paragraphe 316(1).

« diplôme »

educational credential

« diplôme » Tout diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage obtenu conséquemment à la réussite d’un programme d’études ou d’un cours de formation offert par un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités chargées d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer les établissements d’enseignement dans le pays de délivrance de ce diplôme ou certificat.

« profession d’accès limité »

restricted occupation

 

« profession d’accès limité » Toute profession désignée comme telle par le ministre en fonction de l’activité sur le marché du travail aux niveaux national et régional, après consultation du ministère du Développement des ressources humaines, des gouvernements provinciaux et de toute autre organisation ou institution compétente.

 

[…]

 

"educational credential"

Diplôme

 

 

"educational credential" means any diploma, degree or trade or apprenticeship credential issued on the completion of a program of study or training at an educational or training institution recognized by the authorities responsible for registering, accrediting, supervising and regulating such institutions in the country of issue.

"former Regulations"

ancien règlement

"former Regulations" has the same meaning as in subsection 316(1).

 

 

 

"restricted occupation"

profession d’accès limité

 

"restricted occupation" means an occupation designated as a restricted occupation by the Minister, taking into account labour market activity on both an area and a national basis, following consultation with the Department of Human Resources Development, provincial governments and any other relevant organizations or institutions.

 

 

Catégorie

 

75. (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui sont des travailleurs qualifiés et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec.

 

Class

 

75. (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the federal skilled worker class is hereby prescribed as a class of persons who are skilled workers and who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada and who intend to reside in a province other than the Province of Quebec.

 

Qualité

 

(2) Est un travailleur qualifié l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

 

Skilled workers

 

(2) A foreign national is a skilled worker if

 

 

a) il a accumulé au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein au sens du paragraphe 80(7), ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel de façon continue, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande de visa de résident permanent, dans au moins une des professions appartenant aux genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions — exception faite des professions d’accès limité;

 

(a) within the 10 years preceding the date of their application for a permanent resident visa, they have at least one year of continuous full-time employment experience, as described in subsection 80(7), or the equivalent in continuous part-time employment in one or more occupations, other than a restricted occupation, that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix;

 

b) pendant cette période d’emploi, il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de cette classification;

 

(b) during that period of employment they performed the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification; and

 

c) pendant cette période d’emploi, il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles.

 

(c) during that period of employment they performed a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all of the essential duties.

 

Exigences

 

(3) Si l’étranger ne satisfait pas aux exigences prévues au paragraphe (2), l’agent met fin à l’examen de la demande de visa de résident permanent et la refuse.

Minimal requirements

 

(3) If the foreign national fails to meet the requirements of subsection (2), the application for a permanent resident visa shall be refused and no further assessment is required.

 

Critères de sélection

 

76. (1) Les critères ci‑après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

 

Selection Criteria

 

76. (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

 

a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

 

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

 

(i) les études, aux termes de l’article 78,

 

(i) education, in accordance with section 78,

 

(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,

 

(ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

 

(iii) l’expérience, aux termes de l’article 80,

 

(iii) experience, in accordance with section 80,

 

(iv) l’âge, aux termes de l’article 81,

 

(iv) age, in accordance with section 81,

 

(v) l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,

 

(v) arranged employment, in accordance with section 82, and

 

(vi) la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;

 

(vi) adaptability, in accordance with section 83; and

 

b) le travailleur qualifié :

 

(b) the skilled worker must

 

(i) soit dispose de fonds transférables — non grevés de dettes ou d’autres obligations financières — d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

 

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

 

(ii) soit s’est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).

 

(ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).

 

Nombre de points

 

(2) Le ministre établit le nombre minimum de points que doit obtenir le travailleur qualifié en se fondant sur les éléments ci‑après et en informe le public :

 

Number of points

 

(2) The Minister shall fix and make available to the public the minimum number of points required of a skilled worker, on the basis of

 

a) le nombre de demandes, au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), déjà en cours de traitement;

 

(a) the number of applications by skilled workers as members of the federal skilled worker class currently being processed;

 

b) le nombre de travailleurs qualifiés qui devraient devenir résidents permanents selon le rapport présenté au Parlement conformément à l’article 94 de la Loi;

 

(b) the number of skilled workers projected to become permanent residents according to the report to Parliament referred to in section 94 of the Act; and

 

c) les perspectives d’établissement des travailleurs qualifiés au Canada, compte tenu des facteurs économiques et autres facteurs pertinents.

 

(c) the potential, taking into account economic and other relevant factors, for the establishment of skilled workers in Canada.

 

Substitution de l’appréciation de l’agent à la grille

(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui‑ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — ne reflète pas l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

 

Circumstances for officer’s substituted evaluation

 

(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 

Confirmation

 

(4) Toute décision de l’agent au titre du paragraphe (3) doit être confirmée par un autre agent.

 

[…]

 

Concurrence

 

(4) An evaluation made under subsection (3) requires the concurrence of a second officer.

 

 

78. 1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

78. (1) The definitions in this subsection apply in this section.

 

« équivalent temps plein »

full‑time equivalent

 

« équivalent temps plein » Par rapport à tel nombre d’années d’études à temps plein, le nombre d’années d’études à temps partiel ou d’études accélérées qui auraient été nécessaires pour compléter des études équivalentes.

 

"full‑time"

temps plein

 

"full‑time" means, in relation to a program of study leading to an educational credential, at least 15 hours of instruction per week during the academic year, including any period of training in the workplace that forms part of the course of instruction.

 

« temps plein »

full‑time

 

« temps plein » À l’égard d’un programme d’études qui conduit à l’obtention d’un diplôme, correspond à quinze heures de cours par semaine pendant l’année scolaire, et comprend toute période de formation donnée en milieu de travail et faisant partie du programme.

 

"full‑time equivalent"

équivalent temps plein

 

"full‑time equivalent" means, in respect of part‑time or accelerated studies, the period that would have been required to complete those studies on a full‑time basis.

 

78. 3) Pour l’application du paragraphe (2), les points sont accumulés de la façon suivante :

 

78. (3) For the purposes of subsection (2), points

 

a) ils ne peuvent être additionnés les uns aux autres du fait que le travailleur qualifié possède plus d’un diplôme;

 

(a) shall not be awarded cumulatively on the basis of more than one single educational credential; and

 

b) ils sont attribués :

 

(b) shall be awarded

 

(i) pour l’application des alinéas (2)a) à d), du sous‑alinéa (2)e)(i) et de l’alinéa (2)f), en fonction du diplôme qui procure le plus de points selon la grille,

 

(i) for the purposes of paragraphs (2)(a) to (d), subparagraph (2)(e)(i) and paragraph (2)(f), on the basis of the single educational credential that results in the highest number of points, and

 

(ii) pour l’application du sous‑alinéa (2)e)(ii), en fonction de l’ensemble des diplômes visés à ce sous‑alinéa.

 

(ii) for the purposes of subparagraph (2)(e)(ii), on the basis of the combined educational credentials referred to in that paragraph.

 

Circonstances spéciales

 

(4) Pour l’application du paragraphe (2), si le travailleur qualifié est titulaire d’un diplôme visé à l’un des alinéas (2)b), des sous‑alinéas (2)c)(i) et (ii), (2)d)(i) et (ii) et (2)e)(i) et (ii) ou à l’alinéa (2)f) mais n’a pas accumulé le nombre d’années d’études à temps plein ou l’équivalent temps plein exigé par l’un de ces alinéas ou sous‑alinéas, il obtient le nombre de points correspondant au nombre d’années d’études à temps plein — ou leur équivalent temps plein — mentionné dans ces dispositions.

 

Special circumstances

 

(4) For the purposes of subsection (2), if a skilled worker has an educational credential referred to in paragraph (2)(b), subparagraph (2)(c)(i) or (ii), (d)(i) or (ii) or (e)(i) or (ii) or paragraph (2)(f), but not the total number of years of full‑time or full‑time equivalent studies required by that paragraph or subparagraph, the skilled worker shall be awarded the same number of points as the number of years of completed full‑time or full‑time equivalent studies set out in the paragraph or subparagraph.

 

[13]           Le demandeur fait valoir que l’attribution de points pour le facteur études est régie par le paragraphe 78(2) du Règlement :

(2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante :

 

(2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows:

 

a) 5 points, s’il a obtenu un diplôme d’études secondaires;

 

(a) 5 points for a secondary school educational credential;

 

b) 12 points, s’il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins douze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

(b) 12 points for a one‑year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 12 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

c) 15 points, si, selon le cas :

 

(c) 15 points for

 

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total de treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

(i) a one-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

(ii) a one-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

d) 20 points, si, selon le cas :

 

(d) 20 points for

 

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant deux années d’études et a accumulé un total de quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

(i) a two-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

(ii) a two-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

e) 22 points, si, selon le cas :

 

(e) 22 points for

 

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant trois années d’études à temps plein et a accumulé un total de quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

(i) a three-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

(ii) il a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total d’au moins quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

(ii) two or more university educational credentials at the bachelor’s level and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies; and

 

f) 25 points, s’il a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle et a accumulé un total d’au moins dix-sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

 

(f) 25 points for a university educational credential at the master’s or doctoral level and a total of at least 17 years of completed full-time or full-time equivalent studies.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[14]           La question relative à la preuve (première question) et celle relative à l’examen de la demande de substitution de l’appréciation (troisième question) ont toujours attiré une très grande retenue, comme cela ressort de Silva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. no 981 (C.F.), au paragraphe 7 :

[…] Je souscris à cet égard au principe selon lequel l’expertise particulière des agents des visas exige la retenue dans le contrôle de leurs décisions. L’appréciation d’une personne qui demande la résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) et une « substitution de l’appréciation » en vertu du paragraphe 76(3) constituent des décisions discrétionnaires mettant en cause des conclusions de fait qui appellent de la part de la Cour une très grande retenue. La norme de contrôle applicable à de telles décisions devrait être celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

 

[15]           La question relative aux motifs adéquats (deuxième question) est une question d’équité procédurale susceptible de contrôle selon la décision correcte : Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1.

 

[16]           Dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a admis que même si la décision raisonnable simpliciter et la décision manifestement déraisonnable sont des normes théoriquement différentes, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples » : Dunsmuir, au paragraphe 44. Par conséquent, la Cour suprême du Canada a décidé que les deux normes de contrôle relatives au caractère raisonnable de la décision devaient être fusionnées pour en former une seule : « la raisonnabilité ».

 

[17]           La Cour suprême du Canada dans Dunsmuir a aussi décidé que l’analyse de la norme de contrôle n’a pas besoin d’être menée dans chaque instance. Plutôt, lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise présentée à la cour est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision doit entreprendre l’analyse des quatre facteurs qui permettent de déterminer la bonne norme de contrôle.

 

[18]           Vu l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême du Canada et la jurisprudence de la Cour, je conclus que la norme de contrôle applicable aux première et troisième questions soulevées par le demandeur est la raisonnabilité. Lorsque la Cour effectue le contrôle de la décision selon la raisonnabilité, son analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. » : Dunsmuir, au paragraphe 47. Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

LES ARGUMENTS

            Le demandeur

                        L’agent n’a pas correctement évalué la preuve

 

[19]           Le demandeur fait valoir qu’il a fourni la preuve pour l’ensemble de ses antécédents scolaires. Il déclare que le sous‑alinéa 78(2)d)(i) du Règlement s’applique sans conteste à ses antécédents scolaires et qu’il aurait donc droit à 20 points. Cela signifie que l’agent a commis une erreur lorsqu’il lui a attribué seulement 15 points.

 

L’agent n’a pas fourni de motifs adéquats au demandeur

 

[20]           Le demandeur fait valoir que l’obligation de motiver les décisions administratives a été renforcée. Il se fonde sur Via Rail Canada c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25 (C.A.F.) (Via), aux paragraphes 21 et 22 :

[…] des motifs sont suffisants lorsqu’ils remplissent les fonctions pour lesquelles l’obligation de motiver a été imposée. Pour reprendre les termes utilisés par mon collègue le juge d’appel Evans [traduction] : « [t]oute tentative pour formuler une norme permettant d’établir le caractère [page 36] suffisant auquel doit satisfaire un tribunal afin de s’acquitter de son obligation de motiver sa décision doit en fin de compte traduire les fins visées par l’obligation de motiver la décision ».

 

On ne s’acquitte pas de l’obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. Les motifs doivent traiter des principaux points en litige. Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l’examen des facteurs pertinents.

 

 

[21]           Le demandeur soutient qu’il a le droit non seulement d’être entendu, c’est‑à‑dire de produire sa preuve dans la demande initiale, mais aussi de dissiper les doutes du décideur par ses réponses : Lu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 124 (C.F. 1re inst.), et Mittal (Tuteur à l’instance) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 727 (C.F. 1re inst.).

 

[22]           Le demandeur déclare que dans le cadre d’une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), « les fins visées par l’obligation de motiver la décision » incluent la capacité d’un demandeur d’évaluer ses futures chances de réussite dans une demande ultérieure : Via, précité, au paragraphe 21. Le haut‑commissariat du Canada à Londres a fait une référence expresse à la possibilité de demandes futures dans sa lettre du 30 juin 2008. Au paragraphe 19 de Via, le juge déclare que « les motifs permettent aux parties de faire valoir tout droit d’appel ou de contrôle judiciaire à leur disposition. Ils servent de point de départ à une évaluation des moyens d’appel ou de contrôle possibles ».

 

[23]           Le demandeur fait valoir que dans la présente affaire, les motifs sont incomplets parce qu’ils ne révèlent pas comment l’agent est arrivé à sa conclusion. Selon le demandeur, l’évaluation de l’agent était inadéquate et sa décision ne peut pas résister à un examen poussé. Le demandeur se fonde sur Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 693 (C.F.), aux paragraphes 10 et 11 :

Dans Baker, la Cour suprême du Canada a mentionné que, dans certaines circonstances, l’obligation d’agir équitablement exige qu’une décision soit motivée par écrit. C’est le cas en particulier lorsque, comme en l’espèce, la décision a des conséquences importantes pour la personne ou les personnes concernées. Selon la Cour, « [i]l serait injuste à l’égard d’une personne visée par une telle décision, si essentielle pour son avenir, de ne pas lui expliquer pourquoi elle a été prise » (au paragraphe 43).

 

L’importance de rendre des décisions « motivées » a été reconnue de nouveau par la Cour suprême trois ans plus tard dans R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, où la Cour a indiqué que les parties qui n’ont pas gain de cause devraient savoir exactement pourquoi. Même si Sheppard était une affaire criminelle, le raisonnement que la Cour y a adopté a été appliqué dans le contexte administratif en général et dans le contexte de l’immigration en particulier, dans des affaires comme Harkat (Re), [2005] A.C.F. no 481; Mahy c. Canada, [2004] A.C.F. no 1677; Jiang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 597; Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. no 1415.

 

 

[24]           Le demandeur cite ensuite Ogunfowora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. no 637 (C.F.) (Ogunfowora), au paragraphe 58 :

La norme à appliquer pour déterminer si une décision est suffisamment motivée a été énoncée dans le jugement Mendoza c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 687, au paragraphe 4, où la Cour s’est fondée sur l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Mehterian c. Canada (M.E.I.), [1992] A.C.F. no 545 (C.A.F.) (QL). La Cour a déclaré qu’il faut que les motifs soient suffisamment clairs, précis et intelligibles pour que le demandeur puisse savoir pourquoi sa demande a été rejetée et décider s’il doit demander le contrôle judiciaire. De plus, suivant l’arrêt Hussain c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 174 N.R. 76, au paragraphe 3 (C.A.F.), une autre décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans le contexte de l’immigration, si les motifs de la décision exposés par la Commission sont insuffisants au point où ils ne permettent pas de suivre le fil du raisonnement invoqué au soutien de la décision, cette dernière sera annulée. Finalement, dans le jugement Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 500, il a été jugé que le tribunal doit s’exprimer clairement quant aux questions essentielles soulevées par la demande d’asile, à défaut de quoi sa décision sera annulée.

 

 

[25]           Dans Ogunfowora, la Cour a conclu que les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) peuvent constituer des motifs suffisants, mais uniquement si elles renferment assez de détails pour que l’intéressé puisse savoir pourquoi sa demande a été refusée. Dans cette affaire, la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire parce que bien que les notes du STIDI aient mentionné la raison de la décision, elles ne constituaient pas une analyse qui expliquait suffisamment en détail pourquoi l’agent avait estimé que les demandeurs ne retourneraient pas au Nigeria au terme de leur période de séjour autorisée. De même, en l’espèce, le demandeur déclare que les motifs et les notes du STIDI ne constituent pas une analyse suffisamment approfondie des raisons pour lesquelles l’agent a décidé qu’il n’était pas admissible à l’attribution de 20 points pour le critère des études.

 

Application aux faits

 

[26]           Partant du postulat que l’agent n’avait pas admis les études du demandeur, l’avocat précédent du demandeur a tenté d’éclaircir la situation. Toutefois, étant donné qu’il ne disposait pas de renseignements sur ce que l’agent avait estimé douteux ou inadéquat, l’avocat précédent en avait été réduit à un jeu de devinettes. Il avait donc réitéré la validité des certificats City and Guilds du demandeur.

 

[27]           La réponse du haut‑commissariat du Canada à Londres a fourni moins de renseignements que la lettre initiale de rejet, et cette lettre déclarait que les certificats avaient été évalués, mais rien n’y était dit concernant leur admission. L’agent a révélé que treize années d’études avaient été créditées au demandeur au lieu de quinze, mais il n’a pas dit quels éléments des antécédents scolaires du demandeur avaient été considérés comme étant invalides. L’avocat précédent a tenté d’éclaircir la situation, mais il n’a reçu aucune réponse. Dans les notes du STIDI, il n’y avait rien d’autre que la mention [traduction] « TREIZE ANNÉES D’ÉTUDES/15 POINTS ATTRIBUÉS ».

 

[28]           Le demandeur cite l’extrait suivant du paragraphe 22 de Via : « Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. » Le demandeur soutient qu’il n’y avait aucune explication de la preuve sur laquelle les conclusions relatives à sa demande étaient basées.

 

L’agent n’a pas correctement examiné la demande de substitution de l’appréciation

 

[29]           De plus, le demandeur soutient que le paragraphe 78(3) du Règlement permet à un agent de prendre en compte des facteurs autres que les points, et de substituer son appréciation aux critères si le nombre de points ne reflète pas complètement la capacité du demandeur de réussir son établissement au Canada. La substitution de l’appréciation ne vaut pas que « pour l’appréciation des points ». Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1698 (C.F.), au paragraphe 20.

 

[30]           Le demandeur fait valoir que l’examen que l’agent effectue quant à l’opportunité de substituer son appréciation devrait inclure la prise en compte de tous les facteurs énumérés au paragraphe 76(1). Dans la trousse de demande initiale du demandeur, l’avocat précédent avait expressément demandé qu’un pouvoir discrétionnaire favorable soit exercé compte tenu de l’expérience professionnelle et commerciale du demandeur. Aussi, une preuve des fonds dédiés à l’établissement avait été produite. Aucune analyse à ce sujet ne ressort de la lettre de rejet.

 

[31]           En outre, le demandeur souligne que les notes du STIDI ne contiennent aucune analyse ni aucun commentaire relatif à la substitution de l’appréciation, à l’exception de la déclaration qu’elle a été prise en compte et rejetée. Les notes du STIDI contiennent une directive selon laquelle l’auteur de la lettre de rejet doit inclure [traduction] « UN EXTRAIT QUI INDIQUE QU’[IL A ÉTÉ] TENU COMPTE DE L’APPRÉCIATION DE SUBSTITUTION ». Le demandeur fait valoir qu’il s’agit là de la preuve que l’examen de la possibilité d’une substitution de l’appréciation n’a consisté en rien de plus que l’insertion d’une formule type, d’un extrait stéréotypé, et que cela ne peut pas satisfaire aux exigences d’un examen sur le fond quant à l’opportunité d’exercer favorablement un pouvoir discrétionnaire.

 

Le défendeur

                        Le demandeur ne peut pas se voir attribuer plus de 15 points pour ses études

 

[32]           Le défendeur soutient que l’argument du demandeur selon lequel il aurait dû se voir attribuer 20 points pour ses études au lieu des 15 points qu’il s’est vu attribuer n’est pas fondé. Selon les déclarations faites dans l’affidavit du demandeur, sa demande du statut de résident permanent au Canada et la lettre de son avocat en appui à la demande, le demandeur a fréquenté l’école élémentaire pendant six années, l’école secondaire pendant cinq années et il a ensuite fréquenté le Collège Thurrock Business entre avril 1981 et mars 1982, où il a obtenu un certificat en gestion. Il a aussi fréquenté le Collège Harlow entre juin 1997 et juin 1998, et il y a obtenu un certificat en gestion (B TEC). Entre juin 2003 et juin 2004, le demandeur a fréquenté le Collège Basildon&Thurrock, et il y a obtenu un certificat en charpenterie.

 

[33]           Le défendeur soutient que, même au niveau du diplôme qui procure le plus de points, les antécédents scolaires du demandeur ne lui permettent pas d’obtenir 20 points pour ses études, en raison de l’application combinée des paragraphes 78(2) et 78(3) du Règlement. Le Règlement définit aussi le terme « diplôme », et sur la base de l’article 73 du Règlement, le terme diplôme renvoie à tout diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage obtenu conséquemment à la réussite d’un programme d’études ou d’un cours de formation offert par un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités chargées d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer les établissements d’enseignement dans le pays de délivrance de ce diplôme ou certificat. Si on suppose que le demandeur a fréquenté le collège à temps plein pour l’obtention de ses certificats en gestion et en charpenterie, il ne peut pas se voir attribuer 20 points pour ses études au motif qu’il a obtenu des diplômes à la fois en gestion et en charpenterie. Par conséquent, l’ensemble des études du demandeur pris au niveau du diplôme qui procure le plus de points serait de 13 années à temps plein ou l’équivalent. Pour se voir attribuer 20 points pour les études, le demandeur devrait avoir un diplôme qui couronne deux années postsecondaires autres qu’un diplôme universitaire, et un total d’au moins quatorze années complétées à temps plein ou l’équivalent. Par conséquent, le nombre de points attribué au demandeur pour ses études ne peut pas dépasser 15.

 

[34]           Le défendeur soutient que lorsqu’il calcule l’ensemble des années d’études nécessaires pour satisfaire aux exigences de l’article 78 du Règlement, l’agent doit examiner si les années d’études complétées ont mené au diplôme qui procure le plus de points : Bhuiya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 878 (Bhuiya), et Hussain.

 

[35]           Le défendeur déclare que la raison de cette interprétation est que l’exigence supplémentaire d’un nombre précis d’années d’études à temps plein permet de s’assurer que le diplôme est le reflet d’un certain niveau d’éducation, malgré l’existence d’exigences diverses partout dans le monde pour l’obtention de ces diplômes. Le défendeur se fonde sur le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR), DORS/2002‑227, Gazette du Canada, partie II, vol. 136, no 9, p. 22, qui fut publié en même temps que le Règlement dans la Gazette du Canada et dont la Cour s’est servie pour l’interprétation du Règlement dans Bhuiya. Il est libellé de la façon suivante :

Études : 25 points

 

[…]

Un autre changement au facteur Études est la façon dont les points seront alloués pour chaque niveau des titres de compétence. On accorde des points au demandeur pour les études à la fois en fonction du titre de compétence (diplôme, grade ou certificat d’apprentissage) et un minimum d’années d’études et de formation. Ainsi, pour un diplôme de 2e cycle (maîtrise), le demandeur doit aussi avoir terminé au moins 17 années d’études à temps plein ou l’équivalent. Étant donné la variété des systèmes d’éducation et de formation dans le monde, ce mécanisme favorisera l’adoption de normes uniformes dans l’évaluation des études et de la formation, tout en continuant à insister sur l’essentiel — un titre de compétence et un niveau minimum pertinent d’études et de formation.

 

 

[36]           Le défendeur soutient que le certificat B TEC du demandeur n’est pas le diplôme qui lui procure le plus de points. Le demandeur déclare que l’agent n’a pas tenu compte de ce certificat, mais la preuve établit que ce certificat est un diplôme postsecondaire, au même niveau que le diplôme City & Guilds que le demandeur a obtenu en 2005. Le certificat n’était ni un préalable pour que le demandeur obtienne le diplôme City & Guilds ni un diplôme dans un domaine relié. Par conséquent, cette année d’études ne compte pas comme une année d’études à temps plein qui a mené au diplôme qui procure le plus de points au demandeur, soit le diplôme Intermediate Construction Award délivré par City & Guilds. Cette année n’a pas été omise, elle n’est tout simplement pas admissible.

 

[37]           Le défendeur souligne aussi que l’année au Collège Thurrock Business n’était pas une année d’études à temps plein, et donc ne répondait pas aux exigences du paragraphe 78(1). Par conséquent, le demandeur n’avait pas les 14 années d’études à temps plein requises pour se voir attribuer 20 points.

 

Aucune erreur susceptible de contrôle relativement à la substitution de l’appréciation

 

[38]           Le défendeur déclare que l’agent a examiné la demande de substitution de l’appréciation du demandeur et qu’il y a répondu dans ses motifs lorsqu’il a déclaré que le nombre de points qu’il avait déjà attribués était le reflet exact de la capacité qu’avait le demandeur de réussir son établissement économique au Canada.

 

[39]           Le défendeur soutient que les motifs étaient adéquats et que l’obligation des agents des visas d’expliquer la raison pour laquelle ils n’acceptent pas de substituer leur appréciation est limitée : Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 65 (C.F.), au paragraphe 33, et Poblado c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1424 (C.F.), au paragraphe 7. Par conséquent, il n’y a pas d’erreur susceptible de contrôle à cet égard.

 

Des motifs adéquats

 

[40]           Le défendeur soutient que les notes et la lettre de refus de l’agent étaient adéquates et qu’elles satisfaisaient donc aux exigences d’une décision motivée. L’obligation de l’agent d’expliquer et de justifier la raison pour laquelle il n’a pas accepté de substituer son appréciation est limitée : Singh, au paragraphe 33; Poblado, au paragraphe 7; Yan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 510, au paragraphe 18.

 

[41]           Le défendeur déclare aussi que l’agent n’a pas l’obligation d’expliquer au demandeur comment la Loi et le Règlement s’appliquent. Selon le défendeur, les notes du STIDI étaient suffisantes pour informer le demandeur que l’ensemble de la preuve présentée avait en fait été examinée et du nombre de points accordés dans chaque facteur.

 

[42]           La lettre d’explication de l’agent affirmait aussi que l’ensemble de la preuve avait été examiné et que le demandeur avait seulement treize années d’études aux fins du paragraphe 78(3) du Règlement. Le défendeur note que le demandeur ne semble pas avoir été au courant que toutes ses années d’études devaient satisfaire à deux exigences : être à la fois à temps plein et concourir à l’obtention du diplôme qui procure le plus de points. Enfin, le défendeur déclare que les motifs étaient assez clairs et qu’ils permettaient au demandeur de comprendre pourquoi sa demande avait été rejetée.

 

ANALYSE

 

[43]           Premièrement, je suis d’accord avec le demandeur que la Cour ne peut accorder aucun poids à l’affidavit de l’agent daté du 13 janvier 2009. Cet affidavit est bien plus qu’une élaboration des motifs, et il fournit une justification après coup quant à la question principale dans la présente demande, soit la façon dont les points ont été calculés. Voir bin Abdullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 1482, aux paragraphes 12 à 15.

 

[44]           La contestation principale du demandeur est que l’agent n’a pas fourni de motifs adéquats dans sa décision relativement aux points attribués au demandeur. Le demandeur se fonde sur la décision de la juge MacTavish dans Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 693, au paragraphe 14 :

À mon avis, ces « motifs » n’en sont pas du tout. Il s’agit plutôt essentiellement d’un résumé des faits et de l’énoncé d’une conclusion, sans aucune analyse étayant celle‑ci. L’agente a simplement examiné les facteurs favorables pour lesquels la demande pourrait être accueillie, concluant que, à son avis, ces facteurs n’étaient pas suffisants pour justifier l’octroi d’une dispense. Elle n’a cependant pas expliqué pour quelles raisons. Or, cela n’est pas suffisant puisque les demandeurs se trouvent ainsi dans une position peu enviable où ils ignorent pourquoi leur demande a été rejetée.

 

 

[45]           La décision du juge Lagacé dans Ogunfowora, au paragraphe 60, est aussi éclairante sur la question :

Certes, les notes versées au système STIDI peuvent constituer des motifs suffisants, mais uniquement si elles renfermement assez de détails pour que l’intéressé puisse savoir pourquoi sa demande a été refusée. Or, suivant les critères susmentionnés, il semblerait que les notes versées au système STIDI par l’agent en l’espèce ne satisfont pas aux conditions nécessaires. En effet, bien qu’elles mentionnent la raison de la décision, les notes en question ne contiennent pas une analyse suffisamment approfondie des raisons pour lesquelles l’agent a estimé que les demandeurs ne retourneraient pas au Nigéria au terme de leur période de séjour autorisé. Cette constatation est renforcée par le fait que l’agent a jugé nécessaire d’expliquer plus en détail dans l’affidavit qu’il a déposé devant la Cour les raisons pour lesquelles il avait rendu cette décision. Il aurait dû exposer ce raisonnement dès le début.

 

 

[46]           Le défendeur déclare que les motifs de la décision ressortent clairement du dossier et du Règlement, lequel énonce la base sur laquelle les points sont calculés, et l’agent n’a pas l’obligation d’expliquer comment le Règlement s’applique. Le demandeur a fourni les faits; l’agent leur a simplement appliqué la grille des points qui, en effet, est une façon structurée d’examiner s’il est approprié que le demandeur vienne au Canada. Le défendeur déclare que l’agent a expliqué ce qu’il a fait relativement à chaque aspect de la preuve produite par le demandeur et que cela était suffisant.

 

[47]           La lettre du 24 juin 2008 fait référence au Règlement, énumère les points attribués selon la rubrique pertinente et ensuite informe le demandeur que [traduction] « Vous n’avez pas obtenu suffisamment de points pour me convaincre que vous serez capable de réussir votre établissement économique au Canada ». Aucune explication n’est fournie par exemple sur la raison pour laquelle le demandeur s’est vu attribuer 15 points pour « ÉTUDES » sur un maximum possible de 25 points.

 

[48]           Sous « ÉTUDES », les notes du STIDI sont les suivantes :

[traduction]

Une année B TEC et deux certificats distincts City and Guilds. Copies fournies. 13 années d’études

15 points attribués.

 

 

[49]           Le demandeur croit qu’il a quinze années d’études et qu’il aurait dû se voir attribuer 20 points, ce qui lui aurait permis d’obtenir la note de passage.

 

[50]           Il est évident qu’il n’est pas possible de déterminer à partir du dossier la raison pour laquelle l’agent a estimé que le demandeur avait seulement treize années d’études, et le fait que l’agent a récemment fourni un affidavit détaillé justifiant son calcul est une confirmation claire que la lettre et les notes du STIDI ne donnaient pas d’explication à cet égard.

 

[51]           Ainsi, la question qui se pose à la Cour est de savoir si l’affirmation de l’agent selon laquelle il a attribué 15 points pour ce qu’il a estimé être treize années d’études constitue des motifs adéquats dans la présente affaire.

 

[52]           La question du caractère adéquat des motifs fournis à l’appui d’une décision est une question d’équité procédurale. Comme la juge MacTavish l’a souligné au paragraphe 11 de bin Abdullah, « [la tâche de la Cour] consiste plutôt à déterminer si les motifs fournis par le décideur offrent le degré d’équité requis dans toutes les circonstances » : Sketchley c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F no 2056, 2005 CAF 404, aux paragraphes 52 et 53.

 

[53]           Il est clair aussi que, dans la présente affaire, le demandeur a demandé à l’agent par l’entremise de son avocat pourquoi ses quinze années d’études à temps plein combinées à son certificat de deux années ne justifiaient pas l’attribution de 20 points pour études. L’agent a répondu le 30 juin 2008 :

[traduction]

Votre demande a été attentivement examinée au regard de l’article applicable de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Nous vous avons communiqué notre décision, contenant les motifs complets du refus de votre demande par une lettre qui vous a été adressée et qui est datée du 24 juin 2008, ce qui concluait complètement la demande. Le dossier a été clos à cette date.

 

Les certificats City and Guilds ont été évalués en même temps que l’examen du dossier, mais comme cela est écrit dans le formulaire de demande, vous avez complété treize années d’études, et ainsi 15 points peuvent être attribués.

 

 

[54]           Cela ne répond pas à la question soulevée par le demandeur et cela ne va pas au‑delà de la décision.

 

[55]           Comme le récent affidavit de l’agent, daté du 13 janvier 2009, le révèle, très peu d’efforts étaient requis pour expliquer au demandeur que les certificats du Collège Thurrock Business et du B TEC Professional Development ne pouvaient pas être crédités parce que le certificat du Collège Thurrock Business n’était pas un diplôme postsecondaire visé par l’article 73 du Règlement et qu’il n’était pas la preuve d’une année d’études à temps plein ou l’équivalent exigée par le paragraphe 78(1) du Règlement, et que le certificat B TEC n’était pas un préalable à l’obtention par le demandeur du diplôme City and Guilds et, que ainsi, il ne pouvait pas compter comme une année d’études à temps plein menant au diplôme qui procure le plus de points.

 

[56]           Je ne pense pas qu’il s’agissait d’une question d’interprétation du Règlement, auquel le demandeur et son avocat avaient aisément accès. Il s’agissait de la question du point de vue de l’agent sur ce que les certificats non admis représentaient. Il est évident, comme cela ressort clairement du récent affidavit de l’agent, qu’il n’était pas possible de déterminer à partir de la décision la raison pour laquelle ces certificats n’avaient pas été admis. Il fallait plus d’explications.

 

[57]           Bien entendu, il serait totalement inapproprié qu’un agent ait à fournir le type de motifs détaillés qui ressortent clairement du récent affidavit, ou que les demandeurs soient incités à se livrer à des débats prolongés à l’issue de la décision. Cependant, la meilleure façon d’éviter tout cela est de fournir une brève explication sur la question clé en litige. Dans la présente affaire, la question clé était évidemment que les certificats Thurrock et B TEC ne pouvaient pas être utilisés dans le compte des années d’études à temps plein du demandeur qui avaient mené au diplôme City and Guilds, pour les raisons que j’ai évoquées au paragraphe 51 ci‑dessus. C’est tout ce que le demandeur avait besoin de savoir.

 

[58]           Alors, selon moi, vu toutes les circonstances de la présente affaire, les motifs étaient inadéquats. Il s’agissait d’une décision importante pour l’avenir du demandeur. Il ne pouvait pas déduire de la décision la raison pour laquelle les certificats Thurrock et B TEC ne s’étaient pas vu attribuer de points. Le point de vue de l’agent était simplement qu’il n’avait aucune obligation d’expliquer au demandeur pourquoi il avait décidé que les deux certificats en question ne seraient pas admis. Cela empêchait toute compréhension ou toute contestation de la position de l’agent. Il s’agissait d’un déni du droit du demandeur de comprendre la raison pour laquelle sa demande avait été refusée et d’une tentative d’empêcher toute action qu’il pourrait entreprendre pour contester la décision de l’agent. Il ne lui restait donc plus qu’à choisir entre l’incompréhension et une action en justice.

 

[59]           Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivé, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres questions soulevées par le demandeur. Toutefois, le défendeur déclare qu’il n’y a pas de raison de renvoyer l’affaire pour nouvel examen parce que l’agent avait raison et que le demandeur n’a subi aucun préjudice. Le défendeur déclare que le résultat sera exactement le même si la demande est examinée de nouveau.

 

[60]           Comme je n’ai rien d’autre que le récent affidavit de l’agent (que j’ai écarté sauf en ce qui a trait au fait qu’il illustre la raison pour laquelle les motifs étaient inadéquats), je ne peux pas déclarer que le calcul décisif des années d’études était juste ni supposer ce qu’un autre agent pourrait penser de la situation. Je pense que par souci d’équité pour le demandeur, l’affaire devra être examinée à nouveau par quelqu’un d’autre qui expliquera au demandeur ce que ses certificats représentent et les points qu’ils méritent ou ne méritent pas en application du Règlement. Il est évident aussi qu’une simple explication fournie par l’agent aurait pu éviter ce qui est devenu une grande perte de temps et de ressources pour les deux parties.

 

[61]           Je demande aux avocats de signifier et déposer toute observation relative à la certification d’une question de portée générale dans un délai de sept jours à compter de la réception des présents motifs de jugement. Chacune des parties aura une période supplémentaire de trois jours pour signifier et déposer toute réponse aux observations de la partie adverse. Par la suite, un jugement sera rendu.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A. Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                IMM‑3798‑08

 

INTITULÉ :                                               PATRICK LESLIE HEALEY

                                                                    c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                        Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                       le 26 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                    le juge RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                             le 8 avril 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

POUR LE DEMANDEUR

 

Manuel Mendelzon

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Lorne Waldman

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.