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Date : 20090403

Dossier : T‑2174‑06

Référence : 2009 CF 348

Ottawa (Ontario), le 3 avril 2009

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

DOUG PEDDLE

demandeur

 

 

et

 

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Doug Peddle (le demandeur) a demandé le contrôle judiciaire de la décision du ministre, représenté dans l’examen fondé sur l’équité au deuxième palier par Ken Parkes, directeur du bureau des services fiscaux (BSF) de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) à Barrie. Le ministre a décidé de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de renoncer à tout intérêt ou pénalité payable par le demandeur au titre de l’année d’imposition 1993 ou de les annuler, aux termes du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi).

 

CONTEXTE

[2]               M. Peddle, ancien fonctionnaire de Revenu Canada, a investi dans une ferme forestière de teck au Costa Rica. En 1993, Revenu Canada, devenu l’ARC, a rejeté sa demande de déduction de pertes de 8 750 $ sur son investissement dans cette exploitation parce qu’il s’agissait d’un abri fiscal non enregistré. M. Peddle a interjeté appel après de la Cour canadienne de l’impôt et, avec une aide juridique, il a fini par régler la question par un accord, le 10 octobre 2003. Le procès‑verbal de règlement déposé à la Cour de l’impôt acceptait ses pertes réelles sur investissement de 2 800 $.

 

[3]               Le 5 décembre 2003, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour le demandeur visant l’année d’imposition 1993, conformément au règlement déposé à la Cour de l’impôt. Cette nouvelle cotisation a réduit, sans toutefois les éliminer, les pénalités et intérêts. Le 23 décembre 2003, M. Peddle a interjeté appel de cette nouvelle cotisation visant l’année d’imposition 1993. Dans sa lettre, il écrivait :

[traduction] Je souhaite interjeter appel de la nouvelle cotisation du 5 décembre 2003 visant mon impôt sur le revenu de 1993 pour les motifs suivants :

 

Les circulaires d’information IC92‑1.2.3. s’appliquent, comme il a déjà été dit plusieurs fois, car j’étais invalide et j’ai connu une période difficile sur le plan émotif, et il y a eu rupture de mon mariage en 1993 et 1994. Je suis toujours handicapé à ce jour.

 

[4]               Le 2 février 2004, Peter Evans, fonctionnaire à l’ARC, a répondu à l’appel du demandeur, lui disant que, aux termes du procès‑verbal de règlement, aucun autre rajustement ni appel ne pouvait être fait pour l’année d’imposition 1993.

 

[5]               Le 5 février 2004, M. Peddle a répondu que sa déclaration de revenus de 1993 avait été en retard en raison de la rupture de son mariage et de son invalidité. M. Evans a considéré cette dernière lettre comme une demande d’examen fondée sur l’équité, et a demandé à M. Peddle un complément d’information. L’ARC n’a rien reçu d’autre et a donc présumé que M. Peddle avait abandonné sa demande d’examen fondé sur l’équité.

 

[6]               Le 18 mai 2006, M. Peddle a écrit à l’ARC pour savoir où en était sa demande d’examen fondée sur l’équité. Le 9 juin 2006, M. Evans lui a répondu que sa demande d’annulation des pénalités et des intérêts sur les arriérés serait étudiée par un comité d’équité sur la base des renseignements fournis.

 

[7]               M. Evans a résumé pour le comité de vérification d’équité du BSF de Barrie les considérations pertinentes énoncées dans le document Recommendation Report – Waiver or Cancellation of Penalty or Interest Under the Fairness Provisions. Il a recommandé une réduction partielle en raison des difficultés d’ordre mental de M. Peddle. Le comité d’équité a examiné le rapport Evans et la circulaire d’information 92‑2 – Lignes directrices concernant l’annulation des intérêts et des pénalités (IC92‑2). Le comité a signalé ce qui suit :

[traduction] Le comité d’équité a analysé la question et les points suivants ont été soulevés : le procès‑verbal de règlement précisait qu’aucun autre allégement ne serait accordé. Cela doit comprendre l’allégement des intérêts sur les arriérés. Bien que M. Peddle se prétende atteint de dépression clinique, il a su se prévaloir de toutes les déductions possibles, il a participé à un stratagème d’évitement fiscal et il a cherché avec insistance à obtenir un redressement jusqu’au niveau de la Cour de l’impôt. La demande est rejetée.

 

[8]               Le 30 juin 2006, l’ARC a écrit à M. Peddle pour l’informer que le comité d’équité de premier palier avait rejeté sa demande d’annulation des pénalités et des intérêts sur les arriérés relatifs à l’année d’imposition 1993.

 

[9]               M. Peddle a répondu le 23 juillet 2006. Sa lettre a été considérée comme une demande de révision administrative de la décision rendue par le comité d’équité de premier palier.

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[10]           Ken Parkes, directeur du bureau des services fiscaux de Barrie, a fait l’examen de deuxième palier fondé sur l’équité. C’est cet examen effectué par M. Parkes qui fait l’objet d’un contrôle judiciaire. La décision de M. Parkes est allée dans le même sens que celle du comité d’équité de premier palier, et les motifs de sa décision comprennent ce qui suit :

[traduction] Pour parvenir à sa décision de rejeter votre demande, le comité de vérification d’équité du BSF de Barrie a tenu compte de plusieurs éléments, dont les suivants : 1) ainsi que l’énonce la circulaire d’information 92‑2, que le comité d’équité vous a fait parvenir avec une correspondance antérieure, les pénalités et intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation, en totalité ou en partie, s’ils sont la conséquence de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Cela comprend les cas où le contribuable ne s’est pas acquitté de ses obligations à cause de troubles émotifs sérieux ou de souffrance morale grave. Dans votre cas, le problème d’inobservation concerne la demande initiale de déduction pour une perte de 8 750 $ à l’égard de votre investissement dans une ferme de teck, dans votre déclaration de revenus de 1993. Nous ne contestons pas votre déclaration selon laquelle vous souffriez alors d’une dépression grave par suite d’une rupture de mariage, mais nous ne considérons pas que votre maladie soit un facteur qui ait influé sur votre décision d’investir dans cette exploitation. 2) La circulaire d’information 92‑2 précise : « Le Ministère tiendra compte des points suivants dans l’étude des demandes d’annulation des intérêts ou des pénalités ou de renonciation à ceux‑ci : [...] b) si le contribuable ou l’employeur a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés. » Or, vous avez un solde en souffrance sur ce compte qui accumule des intérêts sur les arriérés, et aucune disposition n’a été prise pour acquitter ce solde.

 

Compte tenu de tous les facteurs énumérés, je conclus que le comité de vérification d’équité du BSF de Barrie a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable et raisonnable.

 

[11]           M. Peddle a élevé des objections contre cette décision. À propos du paragraphe qui précède, il a écrit :

[traduction] Paragraphe 4 – Pour parvenir [...] solde.

Vous avez tort de nouveau; j’ai produit ma déclaration de 1993 en retard à cause de difficultés d’ordre émotif et de la rupture de mon mariage (cause que vous ne contestez pas, mais reconnaissez), et cela n’avait rien à voir avec mon investissement dans Teak Trees. Cela a occasionné des pénalités injustifiées et des intérêts sur ces pénalités, ce qui, évidemment, échappait à ma volonté, comme le dit clairement la circulaire 92‑2‑5 (paragraphes c) et d)).

 

[12]           La réponse de M. Parkes énonçait notamment ceci :

[traduction] Vous avez affirmé que vous aviez produit votre déclaration de revenus de 1993 en retard à cause de troubles émotifs dus à la rupture de votre mariage. Je ne conteste pas les difficultés émotives que ce genre de chose peut provoquer, mais j’ai remarqué, au cours de mon examen, que, pendant 17 années consécutives, soit de 1987 à 2003 inclusivement, vous avez produit votre déclaration de revenus après le 30 avril pour chacune des périodes de production. Je dois forcément conclure qu’il y a d’autres facteurs, relevant de votre volonté, qui expliquent ces retards constants.

 

QUESTION

[13]           Le délégué du ministre a‑t‑il omis de respecter les principes d’équité procédurale ou a‑t‑il commis une erreur de droit, aux termes du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, lorsqu’il a rendu sa décision à l’issue de l’examen de deuxième palier fondé sur l’équité?

 

NORME DE CONTRÔLE

[14]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 51, 53 et 54, la Cour suprême du Canada affirme que les questions qui justifient généralement un contrôle selon la norme de raisonnabilité comprennent : les questions de fait, les questions de fait et de droit, les questions relatives au pouvoir discrétionnaire et les questions de politique.

 

[15]           Le juge Blanchard, dans la décision 3500772 Canada Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – MRN), 2008 CF 554, au paragraphe 25, a examiné la jurisprudence relative à la norme de contrôle applicable aux examens fondés sur l’équité conformément au paragraphe 220(3.1), et établi que la norme était la raisonnabilité.

 

ANALYSE

[16]           M. Peddle se représentait lui‑même. M. Peddle et l’ARC ont fourni des preuves documentaires qui ont aidé la Cour à comprendre l’historique de l’affaire. M. Peddle demande à la Cour de prendre en considération ses difficultés d’ordre mental et son invalidité comme une raison pour laquelle l’ARC aurait dû réduire son solde de dette fiscale. Il demande un contrôle judiciaire de la décision du ministre de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire aux termes du paragraphe 220(3.1) de la Loi en réduisant davantage ses pénalités fiscales et ses intérêts sur arriérés pour l’année d’imposition 1993.

 

[17]           Le paragraphe 220(3.1) de la Loi est rédigé :

 

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

220.(3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour‑là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

Waiver of penalty or interest

220.(3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

[18]           La correspondance de M. Peddle avec les représentants de l’ARC soulève la question de ses difficultés conjugales et de son invalidité. Il soutient qu’il a souffert de dépression en raison de la rupture de son mariage et que, par conséquent, on devrait lui accorder une annulation complète des pénalités et des intérêts sur arriérés qui continuent de s’accumuler.

 

[19]           M. Peddle n’est pas d’accord avec les conclusions tirées au premier et au deuxième palier d’examen fondé sur l’équité.

 

[20]           La défenderesse soutient que, même si la demande d’allégement présentée par M. Peddle reposait sur la thèse selon laquelle il souffrait d’incapacité physique et mentale, le demandeur avait tout de même pu demander toutes les déductions possibles, participer à un stratagème d’évitement fiscal et chercher avec insistance à obtenir une décision favorable de la Cour de l’impôt.

 

[21]           La défenderesse soutient que la dépression dont le demandeur a souffert en raison de la rupture de son mariage n’a pas été un facteur qui a influé sur sa décision d’investir dans un stratagème d’évitement fiscal, ce qui est la cause de son inobservation. La défenderesse ajoute que le demandeur n’a pris aucune disposition pour payer le solde et les intérêts sur arriérés accumulés sur son compte.

 

[22]           De plus, la défenderesse fait remarquer que M. Peddle devrait être considéré comme une personne avertie en matière d’impôt sur le revenu, puisqu’il a autrefois travaillé à Revenu Canada.

 

[23]           Selon la défenderesse, la question dont la Cour est saisie est de savoir si le ministre a manqué à l’équité procédurale ou commis une erreur de droit, aux termes du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, lorsqu’il a rendu sa décision au deuxième palier. La défenderesse estime que le demandeur doit montrer non seulement que le décideur a tiré une conclusion de fait erronée, mais aussi qu’il l’a tirée de façon abusive ou arbitraire, sans tenir compte des éléments dont il disposait. La défenderesse soutient qu’il n’y a pas eu d’erreur dans la conclusion de fait reprochée et qu’aucune erreur ayant pu être commise n’a eu un effet déterminant sur la décision.

 

[24]           Dans le dossier, M. Peddle a déposé une série de lettres et de documents. Certains étaient joints à son affidavit et d’autres non. Un grand nombre de ceux de la deuxième catégorie, bien que reliés au grief perçu de M. Peddle auprès de l’ARC, ne sont pas directement pertinent en l’espèce, mais quelques‑uns le sont. Les lettres et documents pertinents sont les suivants :

   lettre de John Kowalski, sous‑commissaire adjoint, Direction générale des programmes d’observation, Agence du revenu du Canada, 15 mai 2007;

 

   partie B du formulaire médical partiel 9650‑15626 du Dr V. Chapnik, 4 août 2000;

 

   évaluation médicale partielle du Dr V. Chapnik, 4 août 2000.

 

M. Peddle a déposé ces documents, mais ils n’ont pas été attestés par affidavit.

 

[25]           La défenderesse a été invitée à donner sa position à l’égard de la lettre du 15 mai 2007. À son avis, les documents n’avaient pas été produits devant la Cour dans les règles, et ils ne devraient pas être pris en considération.

 

[26]           Après l’audience, et après avoir réfléchi à la question, j’ai ordonné que M. Peddle produise les documents en question par affidavit. Il a plutôt envoyé une lettre demandant l’avis de la Cour, mais il m’a semblé que je devais m’abstenir de le donner, car l’impartialité judiciaire risquait d’être compromise. Néanmoins, M. Peddle a déposé un affidavit supplémentaire accompagné des documents le 16 janvier 2009.

 

[27]           M. Peddle ne comprend pas très bien la procédure judiciaire. Il est sujet à mal comprendre et à mal interpréter les choses. En fait, M. Evans, qui a traité avec lui et a préparé la recommandation au comité d’équité, a écrit :

[traduction] Bien que le fait ne soit pas bien documenté, je suis d’avis que M. Peddle a souffert de troubles mentaux de 1993 à 1995, comme il l’a affirmé. Lorsqu’on lui parle, on s’aperçoit qu’il souffre peut‑être encore de troubles de la parole ou cognitifs [...] Si les troubles mentaux de M. Peddle étaient reconnus comme un fait, il y aurait un autre élément à prendre en considération. [...] Peut‑être ses troubles mentaux ont‑ils nui à sa capacité de réagir correctement à notre nouvelle cotisation, si bien que le processus a été beaucoup plus long que la normale. Selon moi, cela est peut‑être vrai, et je recommanderais donc au moins une annulation partielle des intérêts sur arriérés pour l’année d’imposition 1993.

 

[28]           La défenderesse s’est opposée vigoureusement, et avec raison, au contenu de l’affidavit et aux documents extrinsèques additionnels que M. Peddle a ajoutés dans son affidavit supplémentaire. Je conviens que le demandeur fait sans raison des allégations scandaleuses dans son affidavit supplémentaire. Les seuls éléments qui seront pris en considération sont ceux que j’ai précisés dans mon ordonnance. Le reste sera retiré du dossier.

 

[29]           Pour en revenir à l’objet du contrôle judiciaire, l’élément important de la lettre du 15 mai 2007 est le fait que l’ARC reconnaît une erreur cruciale. En expliquant la décision de l’examen de deuxième palier au demandeur en novembre 2006, M. Parkes a écrit :

[traduction] Vous avez affirmé que vous aviez produit votre déclaration de revenus de 1993 en retard à cause de troubles émotifs dus à la rupture de votre mariage. Je ne conteste pas les difficultés émotives que ce genre de chose peut provoquer, mais j’ai remarqué, au cours de mon examen, que, pendant 17 années consécutives, soit de 1987 à 2003 inclusivement, vous avez produit votre déclaration de revenus après le 30 avril pour chacune des périodes de production. Je dois forcément conclure qu’il y a d’autres facteurs, relevant de votre volonté, qui expliquent ces retards constants. [Non souligné dans l’original.]

 

 

Dans sa lettre du 15 mai 2007 adressée à M. Peddle, le sous‑commissaire adjoint de l’ARC a écrit :

[traduction] Vous dites que M. Ken Parkes, directeur du bureau des services fiscaux de Barrie, n’a pas répondu complètement à vos demandes de renseignements. Compte tenu de vos préoccupations, j’ai demandé à des hauts fonctionnaires de l’ARC d’examiner votre dossier. Ils m’informent que M. Parkes vous a écrit le 16 août 2006 et de nouveau le 7 novembre 2006. Dans sa lettre du 7 novembre 2006, il se reporte de façon erronée à sa lettre du 22 août 2006. Il aurait dû parler de sa lettre du 16 août, à laquelle vous avez répondu le 22 août. En outre, l’affirmation concernant les retards de production des déclarations de revenus de 1987 à 2003 est inexacte. Un nouvel examen révèle que, de façon erronée, on a utilisé les dates de cotisation plutôt que les dates de production pour déterminer les années où les déclarations avaient été produites en retard. Selon cet examen, les seules déclarations produites en retard sont celles de 1993, de 1994 et de 1995. Je regrette tout malentendu qui aurait découlé d’éléments de correspondance antérieurs et vous présente des excuses pour tout désagrément ou toute confusion que cela aurait pu causer. [Non souligné dans l’original.]

 

[30]           Cette information erronée selon laquelle M. Peddle avait produit ses déclarations de revenus en retard pendant 17 années consécutives est extrêmement préjudiciable. Une partie des pénalités et intérêts en litige se rapporte aux retards dans la production de déclarations. Je dois dire qu’il n’est pas raisonnable de faire reposer une décision sur des renseignements inexacts et préjudiciables.

 

[31]           Lorsque l’ARC a entrepris de faire un examen fondé sur l’équité, elle le faisait aux termes des dispositions de cette politique. Celle‑ci prévoit qu’un contribuable peut demander cet examen lorsqu’il y a des circonstances qui échappent à sa volonté. L’invalidité et les difficultés conjugales de M. Peddle sont à l’origine de sa demande. Toutefois, lorsque le comité d’examen fondé sur l’équité a rejeté la demande, il l’a fait en s’appuyant sur un accord conclu à la Cour de l’impôt et le recours antérieur de M. Peddle auprès de la Cour de l’impôt.

 

[32]           M. Peddle a demandé un examen fondé sur l’équité de deuxième palier, et cet examen a confirmé la décision du comité d’examen fondé sur l’équité sans qu’on se demande si ce comité avait pris sa décision en se conformant à la législation et à la politique de l’ARC.

 

[33]           Un aspect troublant de l’examen est qu’il n’a pas considéré la façon dont le comité d’équité avait rejeté la demande, ni la recommandation de M. Parkes relativement aux difficultés d’ordre mental de M. Peddle. Certes, le comité d’équité a pris note de la déclaration de M. Peddle au sujet de sa dépression clinique, mais il l’a rejetée parce qu’il avait eu recours à la Cour de l’impôt. La note du comité d’équité n’est pas parfaitement claire, mais je dois dire que le contribuable a le droit de recourir aux tribunaux s’il le juge bon. Ce fait ne doit pas être déterminant, surtout si, comme le dossier le montre, le recours a été entrepris de façon inepte. L’examen de deuxième palier, parce qu’il n’a pas tenu compte du traitement que le comité d’équité a réservé à la recommandation de M. Evans et qu’il a tenu compte du recours à la Cour de l’impôt, semble avoir été incomplet.

 

[34]           Une erreur sans ambiguïté ressort de l’information présentée pour l’examen de deuxième palier, étant donné l’aveu d’erreur fait ultérieurement par l’ARC. Je constate que l’information concernant les retards dans la production des déclarations de revenus de M. Peddle est inexacte. Là non plus, il n’est pas évident que le comité d’équité ait été saisi de cette information, mais je déduis qu’il l’a été, puisque l’agent chargé de l’examen de deuxième palier a été saisi d’un renseignement préjudiciable selon lequel M. Peddle aurait produit ses déclarations en retard pendant 17 ans. En fait, il a accusé des retards en 1993, 1994 et 1995, comme il le reconnaît et comme le confirme la lettre de l’ARC en date du 15 mai.

 

[35]           Il n’est pas facile de traiter avec M. Peddle, étant donné ses difficultés de compréhension et sa tendance à accuser ceux qui n’acceptent pas son point de vue. Je constate que les agents de l’ARC qui ont eu affaire à lui l’ont traité avec toute la considération voulue, tout comme l’a fait l’avocat de la défenderesse. Rien, dans la preuve qui m’a été présentée, ne me donne à penser que M. Parkes, qui a rendu la décision à l’issue de l’examen de deuxième palier, était au courant du fait que le renseignement sur les retards dans la production des déclarations de revenus était erroné. Cette erreur n’a été découverte qu’à l’occasion d’un examen subséquent, une fois rendue la décision au deuxième palier.

 

[36]           Les demandeurs qui se représentent eux‑mêmes sont souvent désavantagés lorsqu’ils défendent leur cause en justice. Malgré les difficultés qu’il a éprouvées pour faire valoir sa cause, M. Peddle a fait ressortir une erreur de fait importante dans les renseignements sur lesquels l’examen de deuxième palier fondé sur l’équité s’est appuyé.

 

[37]           On ne peut pas à mon avis ne pas être d’accord qu’une décision reposant en partie sur des renseignements erronés préjudiciables est déraisonnable, même si elle a été prise de bonne foi. L’ARC s’est fiée à ses propres dossiers, et a mal interprété ses propres renseignements. Cela écarte tout argument fondé sur la bonne foi.

 

CONCLUSION

[38]           Je conclus que la décision rendue au terme de l’examen de deuxième palier fondé sur l’équité est déraisonnable, car elle repose sur un examen incomplet et des renseignements erronés. Compte tenu de la brièveté des motifs du comité d’équité et de l’incertitude des éléments qui lui ont été présentés, il serait préférable que la demande d’examen fondé sur l’équité soit étudiée de nouveau à la lumière des recommandations de M. Evans.

 

[39]           La décision découlant de l’examen de deuxième palier fondé sur l’équité est annulée, et l’affaire est renvoyée pour nouvelle décision par un décideur différent, avec instruction que cette décision soit sans préjudice du droit pour M. Peddle de renouveler sa demande devant un comité d’équité différent s’il le décidait.

 

DÉPENS

[40]           Le demandeur se représente lui‑même. Bien qu’il ait fait preuve de persévérance pour faire valoir sa demande pendant une très longue période, je ne vois pas là une raison d’adjuger des dépens.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  Les seuls documents à prendre en considération dans l’affidavit supplémentaire de Doug Peddle déposé le 16 janvier 2009 sont ceux qui sont précisés dans l’ordonnance antérieure du 4 décembre 2008. Le reste de l’affidavit est retiré du dossier.

 

2.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée pour nouvelle décision par un décideur différent.

 

3.                  Il n’y a pas d’adjudication de dépens.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑2174‑06

 

 

INTITULÉ :                                      DOUG PEDDLE c. ARC

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 17 novembre 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Mandamin

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 3 avril 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Doug Peddle                                       POUR SON PROPRE COMPTE

 

Bobby Sood                                        POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Doug Peddle                                       POUR SON PROPRE COMPTE

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)

 

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