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Date : 20090401

Dossier : IMM‑3244‑08

Référence : 2009 CF 338

Ottawa (Ontario), le 1er avril 2009

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

SHERLOCK ALBERTSON HARDWARE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), en vue de soumettre à un contrôle judiciaire une décision datée du 2 juillet 2008 (la décision) par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande présentée par le demandeur en vue d’obtenir une prolongation du sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion prise contre lui.

 

CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de la Jamaïque qui a une enfant biologique (Olivia) avec Justina Botano et un beau‑fils (Joshua) qui est l’enfant biologique de son épouse actuelle, Patricia Gayadat.

 

[3]               Le demandeur a obtenu le statut de résident permanent du Canada le 14 juin 1986. Il est retourné en Jamaïque pour quatre brefs séjours depuis qu’il a obtenu le droit d’établissement au pays. Il a accumulé 15 déclarations de culpabilité durant le temps passé au Canada, dont 12 sont survenues avant qu’il obtienne un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre lui.

 

[4]               Entre le mois de février 1992 et le mois d’octobre 1999, le demandeur a été reconnu coupable d’une série d’infractions : agression armée, en deux occasions; non‑respect d’un engagement, en quatre occasions; voies de fait, en deux occasions; fait d’échapper à la garde légale, port d’arme, conduite avec un taux d’alcoolémie de plus de 80 mg et délit de fuite. Dans le cas d’une des déclarations de culpabilité du demandeur pour voies de fait, la victime était son ancienne petite amie.

 

[5]               Entre les mois de mars 1993 et novembre 2001, le demandeur a été déclaré coupable de cinq infractions provinciales, dont trois infractions au Code de la route et deux infractions à la Loi sur les permis d’alcool. Quatre de ces déclarations de culpabilité ont été prononcées contre le demandeur in absentia et il a pris des dispositions pour régler dans un délai de 60 jours toutes les amendes qui lui ont été infligées.

 

[6]               Le demandeur a été déclaré interdit de territoire pour criminalité aux termes de l’alinéa 36(1)a) de la Loi et a été frappé d’une mesure d’expulsion du Canada après avoir été déclaré coupable, le 31 juillet 1996, d’agression armée, infraction prévue à l’article 267 du Code criminel du Canada.

 

[7]               Cependant, la SAI a accordé au demandeur un sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion pendant un délai de trois ans à l’occasion d’une audience tenue le 24 juin 2004, à la condition qu’il se conforme aux conditions suivantes :

1.                   Informer le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (le Ministère) et la Section d’appel de l’immigration par écrit et au préalable de tout changement d’adresse.

 

Voici l’adresse du Ministère :

Citoyenneté et Immigration, Centre d’exécution de la Loi du Toronto métropolitain, 6900 Airport Road, C.P. 290, Mississauga (Ontario) L4V 1E8

 

Voici l’adresse de la Section d’appel de l’immigration :

74, rue Victoria, bureau 400, Toronto (Ontario) M5C 3C7

 

2.                  Fournir une copie de son passeport ou titre de voyage au Ministère ou, à défaut, remplir une demande de passeport ou de titre de voyage et la fournir au Ministère.

 

3.                  Demander la prolongation de la validité de tout passeport ou titre de voyage avant qu’il ne vienne à expiration, et en fournir subséquemment copie au Ministère.

 

4.                  Ne pas commettre d’infraction criminelle.

 

5.                  Respecter toutes les conditions de libération conditionnelle et toutes les ordonnances des tribunaux.

 

6.                  Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite.

 

[8]               Dans sa décision du 24 juin 2004, la SAI a expliqué qu’elle avait tenu pour un facteur clé la possibilité de réadaptation du demandeur et ses risques peu élevés de récidive. La SAI a estimé que les déclarations de culpabilité du demandeur n’étaient pas d’une trop grande gravité. Par ailleurs, elle a fait remarquer que la dernière déclaration de culpabilité du demandeur remontait à 1999 et qu’il s’était écoulé plus de quatre ans depuis ce temps.

 

[9]               La SAI a envoyé au demandeur et au ministre un avis de reprise provisoire de l’appel daté du 17 avril 2007, qui indiquait qu’un examen à huis clos du sursis accordé au demandeur serait effectué le 24 juin 2007. Il a été demandé à ce dernier de fournir au ministre une déclaration écrite portant sur le respect des conditions accompagnant le sursis, au plus tard 20 jours avant le 24 juin 2007, mais le demandeur n’a pas fourni cette déclaration. Le conseil du ministre a demandé la tenue d’un réexamen oral tout en signalant que le demandeur avait été par la suite accusé et reconnu coupable, le 24 mai 2007, de trois infractions criminelles ultérieures dont : conduite avec facultés affaiblies, voies de fait (contre son épouse) et manquement aux conditions de sa mise en liberté sous caution.

 

[10]           Le ministre a allégué que le demandeur ne s’était pas abstenu de troubler l’ordre public et ne s’était pas astreint à une bonne conduite, qu’il avait omis de signaler un changement d’adresse aux agents de l’immigration, et qu’il n’avait pas non plus fourni une copie mise à jour de son passeport jamaïcain, contrevenant ainsi aux alinéas 251b) et c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). Le ministre a demandé, aux termes de l’alinéa 68(2) de la Loi, de réexaminer la décision antérieure de la SAI et d’annuler le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi visant le demandeur. Le réexamen oral du sursis accordé au demandeur a eu lieu le 9 juin 2008.

 

[11]           Pour ce qui est des voies de fait auxquelles le demandeur s’est livré contre son épouse, ce dernier lui a donné un coup de poing sur la moitié droite du visage et sur la gorge. Il s’est ensuite introduit de force dans la salle de bain où son épouse, effrayée, s’était cachée, et il a commencé à l’étrangler, et lui a aussi donné des coups de pied et des claques. À l’audience, le demandeur et son épouse ont déclaré qu’ils aimeraient se réconcilier plus tard, et l’épouse a dit qu’elle regrettait d’avoir signalé le comportement criminel du demandeur. L’état de santé de l’épouse l’oblige à drainer du liquide de son encéphale deux ou trois fois par année, après quoi elle est invalide pendant trois jours environ. Il est interdit au demandeur d’entrer en contact avec son épouse, et cette condition fait partie de son ordonnance de probation actuellement en vigueur.

 

[12]           Le demandeur a été blessé dans un accident d’automobile survenu en novembre 2001, et il souffre de douleurs au bas du dos depuis douze ans. Il a réussi à travailler à temps partiel, à titre de préposé aux soins personnels, et d’ouvrier du verre, entre 2002 et septembre 2006, date à laquelle il s’est blessé au travail. Il a touché des prestations de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (la CSPAAT) d’octobre 2006 à janvier 2008, date à laquelle ses prestations ont pris fin. Il a fait appel de la décision de cesser le versement de ses prestations de la CSPAAT. À l’heure actuelle, il ne travaille pas et habite chez ses parents tout en bénéficiant du soutien financier de plusieurs de ses cinq sœurs qui sont au Canada. Le demandeur n’a acquis aucun bien au Canada et il n’a aucune dette.

 

[13]           Le demandeur souhaite reprendre son travail de préposé aux soins personnels. Sa famille souhaite qu’il demeure au Canada et a soumis des lettres de soutien en ce sens.

 

[14]           Le demandeur avait l’intention d’appeler son épouse et son père comme témoins à l’audience du 9 juin 2008. Cependant, son père ne s’y est pas présenté, mais il a produit des lettres de soutien. L’ancien conseil du demandeur a sollicité un ajournement au cours de l’audience pour permettre au père de son client de témoigner. Cependant, cette demande a été rejetée et l’audience s’est poursuivie.

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

 

[15]           L’agent a conclu que le récit fait par le demandeur des incidents ayant mené à sa déclaration de culpabilité pour conduite en état d’ébriété était peu plausible et que le demandeur s’était livré à des voies de fait contre son épouse en sachant que celle‑ci avait un problème de santé. L’agent a conclu que le demandeur ne pouvait pas contrôler ses émotions, qu’il n’avait pas tiré profit des cours de gestion de la colère qu’il avait suivis plus tôt, et qu’il avait manqué aux conditions de sa mise en liberté sous caution.

 

[16]           L’agent a conclu que la SAI avait donné au demandeur une chance de prouver qu’il pouvait être un citoyen respectueux des lois et obéir aux conditions qui lui étaient imposées, mais qu’il n’en avait rien fait. L’agent a également conclu que la conduite criminelle du demandeur l’emportait sur les aspects positifs de son cas, y compris les liens étroits qu’il entretient avec sa famille, sa fille et son beau‑fils. L’agent a donc annulé l’ordonnance de sursis et rejeté l’appel du demandeur.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[17]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

1)                  La SAI a‑t‑elle commis des erreurs susceptibles de contrôle en examinant « à la loupe » des questions qui étaient secondaires eu égard à la demande, et a‑t‑elle tiré, au sujet de la crédibilité, des inférences déraisonnables que les faits ou la logique n’étayaient pas?

2)                  La SAI a‑t‑elle enfreint les principes d’équité en omettant d’évaluer convenablement l’intérêt supérieur des enfants du demandeur, Joshua et Olivia?

3)                  La SAI a‑t‑elle commis une erreur de droit en ne motivant pas convenablement sa décision?

4)                  La SAI a‑t‑elle manqué aux principes de justice naturelle en rejetant la demande d’ajournement du demandeur pour que soit admise la déposition orale de son père à l’appui de son appel.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

 

[18]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

 

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

 

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

 

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

 

Mesure de renvoi

 

48. (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

 

Enforceable removal order

 

48. (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

 

Conséquence

 

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.

 

Effect

 

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

68. (1) Il est sursis à la mesure de renvoi sur preuve qu’il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

68. (1) To stay a removal order, the Immigration Appeal Division must be satisfied, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, that sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

(2) La section impose les conditions prévues par règlement et celles qu’elle estime indiquées, celles imposées par la Section de l’immigration étant alors annulées; les conditions non réglementaires peuvent être modifiées ou levées; le sursis est révocable d’office ou sur demande.

(2) Where the Immigration Appeal Division stays the removal order

 

(d) it may cancel the stay, on application or on its own initiative.

 

 

 

[19]           La disposition suivante du Règlement s’applique en l’espèce :

251. Si la Section d’appel de l’immigration sursoit à une mesure de renvoi au titre de l’alinéa 66b) de la Loi, elle impose les conditions suivantes à l’intéressé :

 

251. If the Immigration Appeal Division stays a removal order under paragraph 66(b) of the Act, that Division shall impose the following conditions on the person against whom the order was made:

 

a) informer le ministère et la Section d’appel de l’immigration par écrit et au préalable de tout changement d’adresse;

 

(a) to inform the Department and the Immigration Appeal Division in writing in advance of any change in the person’s address;

 

b) fournir une copie de son passeport ou titre de voyage au ministère ou, à défaut, remplir une demande de passeport ou de titre de voyage et la fournir au ministère;

 

(b) to provide a copy of their passport or travel document to the Department or, if they do not hold a passport or travel document, to complete an application for a passport or a travel document and to provide the application to the Department;

 

c) demander la prolongation de la validité de tout passeport ou titre de voyage avant qu’il ne vienne à expiration, et en fournir subséquemment copie au ministère;

(c) to apply for an extension of the validity period of any passport or travel document before it expires, and to provide a copy of the extended passport or document to the Department;

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[20]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), la Cour suprême du Canada a reconnu que, même si les normes de la décision raisonnable simpliciter et de la décision manifestement déraisonnable sont théoriquement différentes, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples » : Dunsmuir, au paragraphe 44. La Cour suprême du Canada a donc conclu qu’il convenait de fondre en une seule les deux normes de raisonnabilité.

 

[21]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a décrété aussi qu’il n’est pas toujours nécessaire de procéder à l’analyse relative à la norme de contrôle. Au lieu de cela, lorsque la norme de contrôle qui s’applique à la question particulière soulevée est bien établie par la jurisprudence antérieure, la cour de révision peut adopter cette norme‑là. Ce n’est que lorsque cette recherche s’avère infructueuse que la cour de révision doit entreprendre d’examiner les quatre facteurs que comporte l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[22]           La première question que soulève le demandeur concerne une conclusion défavorable quant à la crédibilité. Dans le passé, il a été conclu que c’est la norme de la décision manifestement déraisonnable qui devrait s’appliquer aux questions de crédibilité : Perera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1069 (Perera). Tant que les inférences que tire le tribunal ne sont pas déraisonnables au point de justifier l’intervention de la cour, ses conclusions ne sont pas susceptibles d’un contrôle judiciaire : Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F no 732 (C.A.F.) (Aguebor).

 

[23]           La deuxième question que soulève le demandeur concerne l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 61 (Baker), la Cour suprême du Canada a déclaré que la norme qui s’applique à de telles questions est la décision raisonnable simpliciter.

 

[24]           Compte tenu de l’arrêt que la Cour suprême du Canada a rendu dans Dunsmuir ainsi que de la jurisprudence antérieure de la Cour, je conclus que la norme de contrôle applicable à la première et à la deuxième question que soulève le demandeur est la décision raisonnable. Lorsque l’on contrôle une décision selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, au paragraphe 47. En d’autres termes, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle se situe en dehors du cadre des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[25]           Le demandeur a fait également état de questions d’équité procédurale à l’égard desquelles la norme de contrôle applicable est la décision correcte : Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1.

 

ARGUMENT INVOQUÉS

            Le demandeur

                        L’omission de prendre en considération la totalité des éléments de preuve

 

[26]           Aux dires du demandeur, la SAI était tenue de prendre en considération tous les aspects de sa cause : guide en ligne des sections d’appel de l’immigration, sous‑section 9.2. Il ajoute que les facteurs non exhaustifs qui suivent, lesquels sont extraits de la décision Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] D.S.A.I. no 4, sont pertinents :

a)      la gravité de l’infraction à l’origine de la mesure d’expulsion : si l’infraction est sérieuse et que l’on s’inquiète du fait que la personne représente un danger pour le public, la Commission tiendra souvent compte d’un rapport psychologique traitant des motifs du comportement, et examinera si la personne s’est bel et bien réadaptée ainsi que la probabilité qu’elle commette d’autres infractions;

b)      la possibilité de réadaptation et les risques de récidive;

c)      la durée de la période passée au Canada et le degré d’établissement au pays du demandeur;

d)      la famille qu’il a au Canada et les bouleversements que l’expulsion occasionnerait pour cette famille;

e)      le soutien dont bénéficie le demandeur, non seulement au sein de sa famille, mais également de la collectivité;

f)        l’importance des difficultés que causerait au demandeur le retour dans son pays de nationalité.

 

[27]           Le demandeur soutient que la SAI s’est concentrée sur la criminalité du demandeur et a omis de prendre en considération la totalité des éléments de preuve concernant sa situation. Il est loisible à la SAI de conclure que le demandeur n’est pas digne de foi à cause d’invraisemblances dans la preuve, dans la mesure toutefois où ce qu’elle infère n’est pas déraisonnable et que ses motifs sont exposés « en termes clairs et explicites » : Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (C.A.F.); et Aguebor; Zhou c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1087 (C.A.F.). De plus, la SAI est habilitée à tirer des conclusions raisonnables fondées sur des invraisemblances, le bon sens et la raison : Shahamati c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F no 415 (C.A.F.), au paragraphe 2.

 

[28]           Le demandeur dit cependant que ce ne sont pas toutes les sortes d’incohérences ou d’invraisemblances dans la preuve qui étayent une conclusion défavorable quant à la crédibilité et que la SAI est malvenue de fonder ses conclusions sur un examen détaillé, fait « à la loupe », de questions peu pertinentes ou secondaires à l’égard de la demande du demandeur : Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] A.C.F no 444 (C.A.F.) (Attakora), au paragraphe 9; et Owusu‑Ansah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] A.C.F. no 442 (C.A.F.) (Owusu‑Ansah).

 

[29]           Les conclusions défavorables quant à la vraisemblance ne doivent être tirées que dans les cas les plus clairs, où les faits sont en soi invraisemblables : Fok c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 800 (C.A.F.). De plus, un tribunal ne peut fonder des conclusions quant à la crédibilité sur des considérations peu pertinentes : Attakora et Owusu‑Ansah. En outre, les incohérences doivent être sérieuses et se rapporter à des points qui sont suffisamment pertinents à l’égard des questions étudiées pour que l’on puisse tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité : Lorne Waldman, Immigration Law and Practice (Toronto : Butterworths Canada Ltd., 1992), à la page 814, et Djama c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 531.

 

[30]           Suivant le demandeur, la SAI commet une erreur de droit en rendant une décision sans tenir compte de la totalité de la preuve : Owusu‑Ansah; Toro c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1981] 1 C.F. 652 (C.A.F.); et Irarrazabal‑Olmedo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1982] 1 C.F. 125, à la page 126 (C.A.F.). Le demandeur allègue qu’en l’espèce il a été fait abstraction des éléments de preuve suivants :

1)                  la présence prolongée du demandeur au Canada;

2)                  l’établissement du demandeur au Canada, y compris, notamment, la présence de sa famille au pays (mère, père et cinq (5) sœurs) et les difficultés que subiraient ces derniers s’il était renvoyé du Canada;

3)                  le degré de soutien dont il dispose dans sa communauté au Canada. La lettre de son père indique qu’il a eu des démêlés avec la justice; et la lettre de sa mère expose en détail l’aide du demandeur dans sa vie et la manière dont ce dernier l’a aidée à trouver un emploi et à se débrouiller dans la ville;

4)                  la mesure dans laquelle l’épouse du demandeur, Patricia, dépend du soutien affectif et physique du demandeur. L’épouse a témoigné au cours de l’audience que le demandeur fait tout pour elle, comme si [traduction] « elle était un bébé »;

5)                  l’intention qu’ont les parties (le demandeur et son épouse) de se réconcilier afin que la famille reste unie;

6)                  le manque de liens qu’a le demandeur en Jamaïque. Ce dernier a indiqué qu’il n’est retourné dans ce pays qu’à quatre (4) occasions, à l’époque où sa mère y vivait, et qu’il ne lui reste plus de famille là‑bas;

7)                  les difficultés associées aux blessures que le demandeur a subies, telles que décrites dans la lettre du Dr Klein. Le demandeur a subi des blessures sérieuses qui l’empêchent de travailler comme préposé aux soins personnels;

8)                  le témoignage du demandeur au sujet de ses remords et de sa réadaptation. En particulier, il a déclaré qu’il avait honte des voies de fait auxquelles il s’était livré contre son épouse et qu’il avait perdu la tête. Il a déclaré qu’il s’était livré aux autorités après avoir appris qu’il était sous le coup d’un mandat d’arrestation. Il s’est inscrit à un cours sur la gestion de la colère ainsi qu’à un cours sur la violence conjugale, où il a appris plusieurs moyens de l’aider à surmonter ses problèmes de gestion de la colère : contrôle de soi, temps d’arrêt, règlement des conflits… L’épouse du demandeur, Patricia, a déclaré aussi qu’elle ne s’inquiétait pas du fait que le demandeur l’agresse de nouveau. Elle a déclaré, dans son témoignage oral, que s’il était nécessaire de suivre des séances de counselling, elle le ferait et ferait [traduction] « tout ce qui est nécessaire » pour réunir de nouveau sa famille. Il s’agissait là d’une preuve liée à la question de la réadaptation et de la récidive dont la SAI a fait abstraction;

9)                  la preuve liée à l’intérêt supérieur des enfants touchés. Le demandeur a fourni la preuve suivante, dont la SAI a fait abstraction :

a.                  la mère d’Olivia, Justina, a déclaré qu’elle et le demandeur ont la garde conjointe d’Olivia, qu’il s’occupe de près de l’instruction d’Olivia, qu’Olivia et M. Hardware participent à un certain nombre d’activités récréatives et que [traduction] « Olivia a pleuré bien des fois lorsqu’elle a appris que son père quittait le pays »;

b.                  les lettres rédigées par des enseignants/directeurs de la Silverthorn Junior Public School que fréquente Olivia;

10)              l’épouse du demandeur, Patricia, a décrit aussi la relation entre ce dernier et Olivia : [traduction] « C’est une relation très aimante […] ils font du patin à roues alignées, nous cuisinons le dîner […] faisons les choses que les familles font d’habitude, et il la voit une fin de semaine sur deux. » Patricia a déclaré aussi que le demandeur s’occupe de ses nièces et de ses neveux les fins de semaine.

 

[31]           Le demandeur soutient que la SAI a tiré des conclusions abusives et arbitraires sans preuve, a fait abstraction d’éléments de preuve, a mal interprété des éléments de preuve et l’a privé de droits procéduraux, de sorte qu’il convient d’annuler la décision.

 

L’intérêt supérieur de l’enfant

 

[32]           Le demandeur soutient que, dans la décision, la question de l’intérêt supérieur d’Olivia ou de Joshua n’a pas été analysée. De plus, il n’y a pas eu d’analyse sur l’effet qu’aurait son expulsion sur la mère d’Olivia, Justina, ainsi que sur Olivia et Joshua, si le demandeur disparaissait de leurs vies. Il ajoute que la SAI n’a pas fourni d’explications détaillées et convaincantes, et que la SAI ne s’est pas montrée réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur des enfants.

 

[33]           Le demandeur signale que les agents disposent de lignes directrices en matière d’immigration qui les aident à rendre leurs décisions. Il se fonde également sur l’arrêt Baker au sujet de l’article 25 de la Loi et de l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants.

 

[34]           Le demandeur invoque à cet égard la décision Love c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1904, aux paragraphes 12 à 18 :

Même si le dossier soumis à la Cour soulève plusieurs autres questions, le sort de la présente demande de contrôle judiciaire dépend uniquement de l’appréciation que la conseillère a faite de l’intérêt supérieur des enfants.

 

Dans l’arrêt Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), le juge Décary écrit ce qui suit, au nom de la majorité, au paragraphe [4] :

 

On détermine l’« intérêt supérieur de l’enfant » en considérant le bénéfice que retirerait l’enfant si son parent n’était pas renvoyé du Canada ainsi que les difficultés que vivrait l’enfant, soit advenant le renvoi de l’un de ses parents du Canada, soit advenant qu’elle quitte le Canada volontairement si elle souhaite accompagner son parent à l’étranger. Ces bénéfices et difficultés constituent les deux côtés d’une même médaille, celle‑ci étant l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

Le juge Décary poursuit, au paragraphe [6] :

 

Il est quelque peu superficiel de simplement exiger de l’agente qu’elle décide si l’intérêt supérieur de l’enfant milite en faveur du non‑renvoi - c’est un fait qu’on arrivera à une telle conclusion, sauf dans de rares cas inhabituels. En pratique, l’agente est chargée de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d’un parent exposera l’enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d’intérêt public, qui militent en faveur ou à l’encontre du renvoi du parent.

 

S’associant au résultat et souscrivant au sens donné à l’expression « réceptif, attentif et sensible » par les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), le juge Evans écrit ce qui suit au paragraphe [32] des motifs de l’arrêt Hawthorne :

 

[…] L’intérêt de l’enfant doit plutôt être « bien identifié et défini » [...] et « examiné avec beaucoup d’attention » [...] car, ainsi que l’a affirmé clairement la Cour suprême, l’intérêt supérieur de l’enfant constitue « un facteur important » auquel on doit accorder un « poids considérable » [...] dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire sous le régime du paragraphe 114(2). [Renvois omis]

 

Le paragraphe 114(2) dont parle le juge Evans est évidemment le paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration. Cette disposition a été remplacée par le paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui, tout en confirmant le pouvoir discrétionnaire du ministre d’accorder le droit d’établissement depuis le Canada pour des raisons d’ordre humanitaire, l’oblige explicitement à tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

Au paragraphe [44] de l’arrêt Hawthorne, le juge Evans conclut, au vu des faits portés à sa connaissance, que la façon dont l’agente [en l’espèce, la conseillère] avait abordé les questions relatives à l’enfant [en l’espèce, les enfants] dénotait qu’elle n’avait pas été « réceptive, attentive et sensible » à l’intérêt supérieur de l’enfant. J’en viens à la même conclusion dans le cas qui nous occupe. Les quatre enfants du demandeur et de Mme Williams n’ont pas eu à se passer longtemps de l’influence positive du demandeur au cours de leur relativement courte vie. La seule preuve provenant des enfants eux‑mêmes est qu’à tout le moins au cours des années qui ont suivi l’incarcération du demandeur en 1997, incarcération faisant suite à sa dernière condamnation criminelle, l’influence positive du demandeur était loin d’être négligeable. Cet élément de preuve est confirmé par Mme Williams, qui atteste qu’en l’absence du demandeur, elle n’arrivait pas à subvenir aux besoins de leurs quatre enfants et du cinquième enfant et qu’il lui faudrait devenir prestataire d’aide sociale.

 

Je suis convaincu, vu l’ensemble des faits de la présente affaire, que, pour répondre au critère de « l’intérêt supérieur des enfants », il faudrait une analyse beaucoup plus fouillée que celle à laquelle, selon les éléments dont la Cour dispose, la conseillère s’est livrée.

 

L’avocate du défendeur signale le fardeau que des conclusions comme celles que je viens de tirer placent sur les épaules du défendeur. Là encore, le juge Evans a répondu de façon succincte à ces préoccupations dans l’arrêt Hawthorne. Voici ce qu’il écrit au paragraphe [52] :

 

Nul doute que l’exigence selon laquelle les motifs des agents doivent clairement attester le fait qu’ils ont attentivement examiné l’intérêt supérieur d’un enfant touché impose un fardeau administratif. C’est cependant ce qu’il convient de faire. Il est tout à fait justifié d’imposer des exigences rigoureuses en matière de traitement lorsqu’il s’agit de trancher des demandes fondées sur le paragraphe 114(2) susceptibles de porter préjudice au bien‑être des enfants ayant le droit de demeurer au Canada : l’enjeu concerne les intérêts vitaux de personnes vulnérables et les possibilités d’intervention dans le cadre d’un contrôle judiciaire de fond sont limitées.

 

[35]           Le demandeur soutient que la SAI aurait dû procéder à une analyse plus complète en l’espèce en vue de se conformer à la norme fixée par la Cour pour ce qui est d’évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant : Jack c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1189 (C.F. 1re inst.). Le demandeur conclut cette question en disant que la décision de la SAI était déraisonnable.

 

L’omission de fournir des motifs suffisants

 

[36]           Le demandeur soutient également que la SAI a décidé que les facteurs qui militaient contre le demandeur l’emportaient sur ceux qui militaient en sa faveur. Cependant, la SAI n’explique pas pourquoi une série de facteurs l’emporte sur l’autre. Il ajoute que cette explication est nécessaire à cause de ce qui est en jeu pour lui. Les motifs sont insuffisants et constituent une erreur de droit. Le demandeur se fonde sur l’arrêt R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869 (QL), qui énonce dix facteurs qu’une cour d’appel doit prendre en considération au moment de décider si les motifs d’un juge de première instance sont suffisants ou non. Le demandeur considère que les trois facteurs suivants sont pertinents :

[…] Il ne faut pas laisser l’accusé dans le doute quant à la raison pour laquelle il a été déclaré coupable.  Il peut être important d’exprimer les motifs du jugement pour clarifier le fondement de la déclaration de culpabilité, mais il se peut que ce fondement ressorte clairement du dossier.  Il s’agit de savoir si, eu égard à l’ensemble des circonstances, le besoin fonctionnel d’être informé a été comblé.

 

Il se peut que les motifs s’avèrent essentiels aux avocats des parties pour les aider à évaluer l’opportunité d’interjeter appel et à conseiller leurs clients à cet égard.  Par contre, il est possible que les autres éléments du dossier leur apprennent tout ce qu’ils doivent savoir à cette fin.

 

[…]

 

L’exposé des motifs joue un rôle important dans le processus d’appel. Lorsque les besoins fonctionnels ne sont pas comblés, la cour d’appel peut conclure qu’il s’agit d’un cas de verdict déraisonnable, d’une erreur de droit ou d’une erreur judiciaire qui relèvent de l’al. 686(1)a) du Code criminel, suivant les circonstances de l’affaire, et suivant la nature et l’importance de la décision rendue en première instance.

 

 

[37]           Le demandeur invoque également la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mann, [2004] A.C.F. no 1611, citant l’arrêt Via Rail c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25, au paragraphe 63 :

[…] L’obligation de motiver une décision n’est remplie que lorsque les motifs fournis sont suffisants. Ce qui constitue des motifs suffisants est une question qui doit être tranchée en fonction des circonstances de chaque espèce. Toutefois, en règle générale, des motifs sont suffisants lorsqu’ils remplissent les fonctions pour lesquelles l’obligation de motiver a été imposée. Pour reprendre les termes utilisés par mon collègue le juge d’appel Evans [traduction] : « [t]oute tentative pour formuler une norme permettant d’établir le caractère suffisant auquel doit satisfaire un tribunal afin de s’acquitter de son obligation de motiver sa décision doit en fin de compte traduire les fins visées par l’obligation de motiver la décision ».

 

On ne s’acquitte pas de l’obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. Les motifs doivent traiter des principaux points en litige. Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l’examen des facteurs pertinents.

 

[38]           Le demandeur conclut qu’en l’espèce les motifs de la SAI étaient insuffisants.

 

Le manquement aux principes de justice naturelle

 

[39]           À cet égard, le demandeur soutient qu’il y a eu un manquement à la justice naturelle parce que la SAI n’a pas autorisé un ajournement pour admettre le témoignage oral de son père à l’appui de son appel. Il cite l’article 48 des Règles de la section d’appel de l’immigration, dont le texte est le suivant :

CHANGEMENT DE LA DATE OU DE L’HEURE DE LA PROCÉDURE

 

Demande de changement de la date ou de l’heure d’une procédure

 

CHANGING THE DATE OR TIME OF A PROCEEDING

 

 

Application to change the date or time of a proceeding

 

48. (1) Toute partie peut demander à la Section de changer la date ou l’heure d’une procédure.

 

48. (1) A party may make an application to the Division to change the date or time of a proceeding.

 

Forme et contenu de la demande

 

Form and content of application

 

(2) La partie :

 

a) fait sa demande selon la règle 43, mais n’a pas à y joindre d’affidavit ou de déclaration solennelle;

 

(2) The party must

 

(a) follow rule 43, but is not required to give evidence in an affidavit or statutory declaration; and

 

b) indique dans sa demande au moins six dates, comprises dans la période fixée par la Section, auxquelles elle est disponible pour commencer ou poursuivre la procédure.

 

(b) give at least six dates, within the period specified by the Division, on which the party is available to start or continue the proceeding.

 

Procédure dans deux jours ouvrables ou moins

 

(3) Dans le cas où les destinataires reçoivent la demande deux jours ouvrables ou moins avant la procédure, la partie doit se présenter à la procédure et faire sa demande oralement.

 

Application received two days or less before proceeding

 

(3) If the party’s application is received by the recipients two working days or less before the date of a proceeding, the party must appear at the proceeding and make the request orally.

 

Éléments à considérer

 

(4) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment :

 

Factors

 

(4) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

 

a) dans le cas où elle a fixé la date et l’heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement;

 

(a) in the case of a date and time that was fixed after the Division consulted or tried to consult the party, any exceptional circumstances for allowing the application;

 

b) le moment auquel la demande a été faite;

 

(b) when the party made the application;

 

c) le temps dont la partie a disposé pour se préparer;

 

(c) the time the party has had to prepare for the proceeding;

 

d) les efforts qu’elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure;

 

(d) the efforts made by the party to be ready to start or continue the proceeding;

 

e) dans le cas où la partie a besoin d’un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d’aller de l’avant en l’absence de ces renseignements sans causer une injustice;

 

(e) in the case of a party who wants more time to obtain information in support of the party’s arguments, the ability of the Division to proceed in the absence of that information without causing an injustice;

 

f) dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l’expérience de son conseil;

 

(f) the knowledge and experience of any counsel who represents the party;

 

g) tout report antérieur et sa justification;

 

(g) any previous delays and the reasons for them;

 

h) si la date et l’heure qui avaient été fixées étaient péremptoires;

 

(h) whether the time and date fixed for the proceeding were peremptory;

 

i) si le fait d’accueillir la demande ralentirait l’affaire de manière déraisonnable;

 

(i) whether allowing the application would unreasonably delay the proceedings; and

 

j) la nature et la complexité de l’affaire.

 

(j) the nature and complexity of the matter to be heard.

 

Obligation de se présenter aux date et heure fixées

 

(5) Sauf si elle reçoit une décision accueillant sa demande, la partie doit se présenter à la date et à l’heure qui avaient été fixées et être prête à commencer ou à poursuivre la procédure.

Duty to appear at the proceeding

 

(5) Unless a party receives a decision from the Division allowing the application, the party must appear for the proceeding at the date and time fixed and be ready to start or continue the proceeding.

 

[40]           Le demandeur soutient que le témoignage de son père était nécessaire et qu’il aurait pu changer l’issue de l’appel. Il déclare donc qu’il aurait fallu faire droit à l’ajournement.

 

Le défendeur

 

[41]           Le défendeur soutient que, pour annuler le sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, la SAI doit être convaincue, en tenant compte de l’intérêt supérieur des enfants directement touchés par la décision, que des motifs d’ordre humanitaire suffisants justifient la prise de mesures spéciales, eu égard à toutes les circonstances de l’affaire. Il faut aussi que la SAI prenne en considération les facteurs énoncés dans la décision Ribic. Ces facteurs sont des questions de fait. Dans l’arrêt Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, aux paragraphes 40 et 41, 46 à 49 et 66, il a été conclu que la SAI jouit d’une expertise considérable pour ce qui est de déterminer le poids à accorder à tous les facteurs qu’elle prend en considération au moment d’exercer son pouvoir discrétionnaire. La Cour suprême du Canada a reconnu également dans l’arrêt Chieu que le législateur voulait conférer à la SAI un vaste pouvoir discrétionnaire afin de permettre aux résidents permanents risquant d’être renvoyés de rester au Canada s’il était équitable de le faire.

 

[42]           Le défendeur soutient que, en l’espèce, la SAI a énoncé les facteurs pertinents et les a examinés en fonction de la situation du demandeur.

 

Les motifs de la décision

 

[43]           Le défendeur soutient qu’il était raisonnablement loisible à la SAI d’arriver à la conclusion qu’elle a tirée : Olaso c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1265, au paragraphe 17 (C.F. 1re inst.). La SAI n’a fait abstraction d’aucune preuve et elle a traité du temps pendant lequel le demandeur se trouvait au Canada, ainsi que de son établissement et de ses liens avec le Canada.

 

L’intérêt supérieur de l’enfant

 

[44]           Le défendeur est d’avis qu’il faut examiner ensemble la décision et les motifs de la SAI, et tenir compte du contexte de la décision antérieure de la SAI au sujet du sursis de l’exécution à la mesure d’expulsion : Gittens c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 373; et Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. no 457 (C.A.F.). La SAI a déjà pris en considération l’intérêt supérieur des enfants au moment de surseoir à l’expulsion du demandeur. La SAI a également tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants du demandeur lorsque ceux‑ci ont proposé que le demandeur reste au Canada. La SAI a soupesé les « éléments positifs » de la demande du demandeur, y compris les liens étroits qu’il entretient avec sa fille et son beau‑fils.

 

[45]           La SAI est tenue de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant mais, d’après le défendeur, cette obligation naît lorsque cela ressort d’une manière suffisamment claire des documents présentés que la demande est fondée sur ce facteur : Owusu‑Ansah, au paragraphe 5. Cependant, en l’espèce, le demandeur n’a pas fait état de l’effet de son éventuelle expulsion sur ses enfants.

 

Les motifs suffisants

 

[46]           Le défendeur soutient que la perfection n’est pas la norme à appliquer dans le cas du contrôle judiciaire du caractère suffisant des motifs : Lara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 264 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 9. Le défendeur ajoute que la SAI a suffisamment motivé sa décision.

 

Le refus de la demande d’ajournement

 

[47]           Sur ce point, le défendeur déclare que la SAI a refusé de manière raisonnable la demande d’ajournement du demandeur pour que son père comparaisse à l’audience. Le défendeur se fonde sur la décision Tripathi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1232, où il a été conclu que le fait de refuser l’ajournement de l’appel pour permettre à deux témoins de comparaître ne constitue pas un manquement à la justice naturelle. La SAI a le pouvoir discrétionnaire de refuser l’ajournement : Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560; et Howard c. Établissement Stony Mountain, [1984] 2 C.F. 642.

 

ANALYSE

            L’épouse et l’enfant

 

[48]           Le demandeur dit que les motifs et les conclusions de la SAI au sujet de l’intérêt supérieur d’Olivia et des difficultés pour l’épouse du demandeur étaient à la fois déraisonnables et insuffisants.

 

[49]           Il ressort clairement de la décision que la SAI était réceptive, attentive et sensible à l’intérêt d’Olivia car la SAI a traité des éléments de preuve pertinents au paragraphe 28 et conclu que « l’intérêt supérieur de l’enfant serait directement touché par la présente décision ». Cependant, au paragraphe 39, la SAI conclut que « le comportement criminel de l’appelant pèse plus lourd que les éléments positifs de l’affaire, dont ses liens étroits avec sa famille, sa fille et son beau‑fils ».

 

[50]           Il est donc évident que la SAI a tenu compte de l’effet qu’aurait le renvoi du demandeur sur Olivia, mais elle a conclu que l’intérêt de cette dernière ne pouvait pas peser plus lourd que la conduite criminelle de son père. Le demandeur dit que ce n’était pas suffisant et que la SAI aurait dû expliquer pourquoi elle avait décidé de trancher ce point de cette façon.

 

[51]           Dans l’arrêt Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2002), 212 D.L.R. (4th) 139, [2002] 4 C.F. 358, au paragraphe 12, la Cour d’appel fédérale propose les balises suivantes :

12.   Bref, l’agent d’immigration doit se montrer « réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » (Baker, précité, au paragraphe 75), mais une fois qu’il l’a bien identifié et défini, il lui appartient de lui accorder le poids qu’à son avis il mérite dans les circonstances de l’espèce. La présence d’enfants, contrairement à ce qu’a conclu le juge Nadon, n’appelle pas un certain résultat. Ce n’est pas parce que l’intérêt des enfants voudra qu’un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada (ce qui, comme le constate à juste titre le juge Nadon, sera généralement le cas), que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent. Le Parlement n’a pas voulu, à ce jour, que la présence d’enfants au Canada constitue en elle‑même un empêchement à toute mesure de refoulement d’un parent se trouvant illégalement au pays (voir Langner c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1995), 29 C.R.R. (2d) 184 (C.A.F.), permission d’appeler refusée, [1995] 3 R.C.S. vii).

 

 

[52]           Il est bien établi que l’on ne s’acquitte de l’obligation de fournir des motifs que si ces derniers sont suffisants. Là encore, la Cour d’appel fédérale a donné des directives détaillées sur cette question dans l’arrêt VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25, aux paragraphes 17 à 22 :

[17]   L’obligation de produire des motifs est salutaire. Les motifs visent plusieurs fins utiles, dont celle de concentrer l’attention du décideur sur les facteurs et les éléments de preuve pertinents. Pour reprendre les termes de la Cour suprême du Canada :

 

On a soutenu que la rédaction de motifs favorise une meilleure prise de décision en ce qu’elle exige une bonne formulation des questions et du raisonnement et, en conséquence, une analyse plus rigoureuse. Le processus de rédaction des motifs d’une décision peut en lui‑même garantir une meilleure décision

 

[18]   Les motifs garantissent aussi aux parties que leurs observations ont été prises en considération.

 

[19]   De plus, les motifs permettent aux parties de faire valoir tout droit d’appel ou de contrôle judiciaire à leur disposition. Ils servent de point de départ à une évaluation des moyens d’appel ou de contrôle possibles. Ils permettent à l’organisme d’appel ou de révision d’établir si le décideur a commis une erreur et si cette erreur le rend justiciable devant cet organisme. Cet aspect est particulièrement important lorsque la décision est assujettie à une norme d’examen fondée sur la retenue.

 

[20]   Finalement, dans le cas d’une industrie réglementée, les motifs de la décision de l’organisme de réglementation donnent des précisions à tous les autres qui sont soumis à la compétence de cet organisme. Ils fournissent une norme par rapport à laquelle il est possible d’apprécier les futures activités de ceux qui sont touchés par cette décision.

 

[21]   L’obligation de motiver une décision n’est remplie que lorsque les motifs fournis sont suffisants. Ce qui constitue des motifs suffisants est une question qui doit être tranchée en fonction des circonstances de chaque espèce. Toutefois, en règle générale, des motifs sont suffisants lorsqu’ils remplissent les fonctions pour lesquelles l’obligation de motiver a été imposée. Pour reprendre les termes utilisés par mon collègue le juge d’appel Evans [traduction] : « [t]oute tentative pour formuler une norme permettant d’établir le caractère suffisant auquel doit satisfaire un tribunal afin de s’acquitter de son obligation de motiver sa décision doit en fin de compte traduire les fins visées par l’obligation de motiver la décision ».

 

[22]   On ne s’acquitte pas de l’obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. Les motifs doivent traiter des principaux points en litige. Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l’examen des facteurs pertinents.

 

 

[53]           En l’espèce, le demandeur se plaint que le raisonnement qu’a suivi la SAI pour décider que sa criminalité avait plus de poids que l’intérêt d’Olivia n’est pas énoncé et ne montre pas de quelle façon les facteurs pertinents ont été soupesés.

 

[54]           À mon avis, toutefois, le raisonnement qui sous‑tend les conclusions de la SAI est facile à comprendre si on lit la décision dans son ensemble, à la lumière des antécédents du demandeur. Il s’agissait du réexamen d’une décision antérieure d’accorder au demandeur le sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, sous réserve de certaines conditions. Il avait été clairement indiqué au demandeur que les facteurs positifs présents dans son dossier justifiaient qu’on lui donne la chance de demeurer au Canada, mais uniquement s’il remplissait les conditions précisées et, en particulier, s’il évitait tout récidive. Le demandeur a par la suite enfreint les conditions sur lesquelles le sursis était fondé et a commis des actes criminels graves. La SAI a réexaminé le sursis et l’ensemble des facteurs énoncés dans Ribic et a jugé que le demandeur ne pouvait plus se servir des facteurs positifs, dont l’intérêt d’Olivia, pour se mettre à l’abri des conséquences de la poursuite de sa criminalité.

 

[55]           Dans ce contexte, je ne crois pas qu’il était nécessaire de motiver davantage la décision. Le demandeur savait parfaitement que le sursis qui lui avait été accordé était assorti de la condition qu’il respecte ce que l’on exigeait de lui. Il savait que les facteurs positifs, clairement établis et évalués, ne pouvaient pas servir à le protéger une seconde fois. La décision réexamine les facteurs énoncés dans Ribic, mais il doit être évident aux yeux du demandeur qu’il a eu sa chance et qu’il ne peut pas rester au Canada et se comporter comme il a choisi de le faire, même si cela signifie que l’intérêt de sa fille, si l’on considère cet intérêt isolément, est un facteur positif qui permet de le garder au pays.

 

Les difficultés causées à l’épouse du demandeur

 

[56]           Là encore, la SAI relève les difficultés causées à l’épouse du demandeur et conclut qu’il s’agit là d’un autre élément positif qui ne peut pas le mettre à l’abri des conséquences de sa criminalité. Ces questions sont relevées et analysées aux paragraphes 14, 26 et 39 de la décision. Et, là encore, dans le contexte de la décision dans son ensemble et des antécédents de l’affaire, la raison pour laquelle la SAI est arrivée à cette conclusion est évidente. Le raisonnement est clair et la conclusion raisonnable.

 

L’omission de prendre en considération certains éléments de preuve

 

[57]           Le demandeur a fourni une longue liste d’éléments de preuve dont la SAI a fait abstraction ou qu’elle a mal interprétés, selon lui. Mon examen de la décision m’amène à conclure que la SAI n’a pas fait abstraction de ces éléments de preuve. Elle a pris soin d’énumérer tous les faits et de relever les « éléments positifs » de la demande du demandeur. Selon moi, ce dont le demandeur se plaint réellement c’est que, en soupesant la totalité des éléments de preuve, et en appliquant les critères énoncés dans Ribic, la SAI a jugé que son récidivisme signifiait que le sursis à son expulsion n’était plus justifiable.

 

Le manquement à la justice naturelle

 

[58]           Le demandeur dit que la SAI a manqué aux principes de justice naturelle en ne lui accordant pas d’ajournement pour que son père puisse témoigner oralement.

 

[59]           Le demandeur ajoute que le témoignage oral de son père était important et que les lettres de soutien de la part de ce dernier n’étaient pas suffisantes, parce que la SAI n’a pas souscrit aux informations et au raisonnement figurant dans les lettres, ou qu’elle a minimisé les préoccupations soulevées au moment de l’application des facteurs énoncés dans Ribic, de sorte que le témoignage de son père aurait pu convaincre la SAI de tirer des conclusions différentes et d’en arriver à une décision différente.

 

[60]           Selon l’alinéa 48(4)e) des règles de procédure de la SAI, « dans le cas où la partie a besoin d’un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d’aller de l’avant en l’absence de ces renseignements sans causer une injustice » est l’un des facteurs dont il faudrait tenir compte lorsqu’une demande d’ajournement est faite.

 

[61]           Il est également bien établi que le refus d’accorder un ajournement peut être assimilable à un déni d’équité procédurale si ce refus est déraisonnable dans les circonstances (Jones & De Villars, Principles of Administrative Law, 4th Edition, Thompson & Carswell, 2004, à la page 309).

 

[62]           Cependant, il n’existe pas de droit absolu à un ajournement et la SAI a clairement le pouvoir d’accorder ou de refuser un ajournement pour des motifs appropriés.

 

[63]           La SAI a indiqué les raisons pour lesquelles elle refusait l’ajournement : « Le père de l’appelant était au courant de l’audience. Il a soumis deux lettres de soutien au dossier de l’appelant. Il a choisi de ne pas assister à l’audience. »

 

[64]           Aucune raison n’a été donnée pour expliquer pourquoi le père n’avait pas comparu pour témoigner et avait laissé à la SAI le soin d’examiner ses lettres.

 

[65]           Dans la décision Gittens c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 373, aux paragraphes 7 à 10, le juge Strayer a traité du refus d’accorder un ajournement pour permettre à un psychologue de témoigner :

[7]   Je crois que la seule question de fond soulevée par le demandeur est celle de savoir si la SAI a pu nier son droit à l’équité procédurale en refusant d’accorder un ajournement pour permettre au psychologue de témoigner de vive voix. Les facteurs décisifs dont la SAI doit tenir compte pour se prononcer sur l’opportunité d’accorder ou non un ajournement sont énoncés au paragraphe 48(4) des Règles de la Section d’appel de l’immigration, qui est ainsi libellé :

 

48(4) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment :

 

48(4) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

 

a) dans le cas où elle a fixé la date et l’heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement;

 

(a) in the case of a date and time that was fixed after the Division consulted or tried to consult the party, any exceptional circumstances for allowing the application;

 

b) le moment auquel la demande a été faite;

 

(b) when the party made the application;

 

c) le temps dont la partie a disposé pour se préparer;

 

(c) the time the party has had to prepare for the proceeding;

 

d) les efforts qu’elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure;

 

(d) the efforts made by the party to be ready to start or continue the proceeding;

 

e) dans le cas où la partie a besoin d’un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d’aller de l’avant en l’absence de ces renseignements sans causer une injustice;

 

(e) in the case of a party who wants more time to obtain information in support of the party’s arguments, the ability of the Division to proceed in the absence of that information without causing an injustice;

 

f) dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l’expérience de son conseil;

 

(f) the knowledge and experience of any counsel who represents the party;

 

g) tout report antérieur et sa justification;

 

(g) any previous delays and the reasons for them;

 

h) si la date et l’heure qui avaient été fixées étaient péremptoires;

 

(h) whether the time and date fixed for the proceeding were peremptory;

 

i) si le fait d’accueillir la demande ralentirait l’affaire de manière déraisonnable;

 

(i) whether allowing the application would unreasonably delay the proceedings; and

 

j) la nature et la complexité de l’affaire.

 

(j) the nature and complexity of the matter to be heard.

 

 

Je tiens d’entrée de jeu à signaler qu’on trouve dans les premiers mots du paragraphe précité, qui enjoint à la Section d’appel de l’immigration de tenir compte de « tout élément pertinent », certains des facteurs qui sont expressément énumérés. Il ne s’ensuit pas pour autant que la SAI doit explicitement examiner chacun des éléments énumérés et ce, qu’ils soient pertinents ou non dans un cas déterminé. Je n’interprète pas cette disposition comme une directive donnée à la SAI de reprendre systématiquement chacun des éléments énumérés, qu’ils soient pertinents ou non. L’esprit dans lequel cette appréciation doit se faire est, à mon avis, bien expliqué dans l’arrêt Siloch c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF), [1993] A.C.F. no 10, dans lequel le juge Décary, en parlant d’une situation analogue qui n’était pas régie par des règles précises, a expliqué que, pour exercer son pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non un ajournement, le tribunal devrait tenir compte de certains facteurs, pour ensuite énumérer une liste de facteurs semblables à ceux prévus au paragraphe 48(4) des Règles de la Section d’appel de l’immigration.

 

[8]    J’estime qu’une lecture attentive de la décision de la SAI permet de penser que cette dernière a tenu compte des éléments pertinents mentionnés au paragraphe 48(4) des Règles de la Section d’appel de l’immigration. Pour ce qui est de l’alinéa a), la date provisoire du 19 décembre 2006 avait été fixée après avoir consulté l’avocate. Par la suite, l’avocate a réclamé à plusieurs reprises un ajournement en invoquant chaque fois la même raison, en l’occurrence que M. Russell ne pouvait se rendre disponible pour le 19 décembre. Il est évident que la SAI n’a pas jugé qu’il s’agissait d’une circonstance exceptionnelle qui justifiait un ajournement, compte tenu du fait que l’on pourrait consulter l’opinion écrite de M. Russell. L’alinéa b) n’était par conséquent pas important : la demande d’ajournement a été faite en temps utile et la SAI l’a rejetée sur le fond parce qu’elle estimait que le rapport écrit suffirait. Il n’est pas inutile, à cet égard, de rappeler que le demandeur et son avocat savaient depuis septembre que la SAI avait l’intention de procéder, de sorte qu’ils ont eu amplement de temps pour se préparer. Les facteurs prévus aux alinéas c), d) et e) ne sont donc pas pertinents. L’alinéa f) ne s’applique pas non plus : les connaissances et l’expérience de l’avocate du demandeur ne posaient pas problème et l’avocate était disponible en tout temps pour représenter son client à l’époque en cause. La SAI a de toute évidence tenu compte des facteurs énumérés aux alinéas g) et i), compte tenu des sept années pendant lesquelles le demandeur avait été sous le coup d’une mesure d’expulsion qui faisait l’objet de sursis répétés dont il n’a pas respecté les conditions. À sa lecture même, le facteur de l’alinéa h) n’est pas pertinent. La SAI a de toute évidence tenu compte du facteur prévu à l’alinéa j) compte tenu du fait que les questions que le psychologue pouvait utilement aborder pouvaient être traitées adéquatement dans le rapport écrit.

 

[9]    J’estime qu’il était loisible à l’arbitre des faits de tirer cette conclusion, compte tenu de la nature du tribunal et du fait qu’il reçoit souvent des éléments de preuve par écrit. L’avocate du demandeur laisse entendre que le résultat aurait pu être fort différent si le psychologue avait témoigné en personne. La question fondamentale à laquelle il faut répondre est celle de savoir si les nombreux manquements du demandeur aux conditions de son sursis qui se sont traduits par des actes criminels ou quasi criminels peuvent être traités comme de simples « rechutes ». Il était certainement loisible à la SAI de tirer sa propre conclusion sur cette question et elle n’était pas tenue d’adopter l’opinion verbale ou écrite du psychologue. Je ne suis pas convaincu que le demandeur a subi une injustice du fait que la SAI n’a pas entendu le témoignage de vive voix de M. Russell (voir le jugement Tripathi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1232).

 

[10]    La Cour n’a pas l’obligation de faire preuve de retenue envers le tribunal pour ce qui est des questions d’équité procédurale (Syndicat canadien des employés de la fonction publique (SCFP) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539). Je suis toutefois convaincu que l’audience de la SAI était équitable sur le plan procédural même si elle a refusé d’accorder l’ajournement réclamé. Il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas d’un cas dans lequel, en raison du refus d’accorder un ajournement, le demandeur s’est retrouvé sans avocat. Il existe un grand nombre de cas dans lesquels le refus d’ajourner l’audience parce qu’aucun avocat n’est disponible a été considéré comme une mesure injuste sur le plan procédural parce que la présence de l’avocat hausse le niveau du débat, ce qui ne serait peut‑être pas le cas sans lui. Dans le cas qui nous occupe, le débat porte sur un seul témoin qui a par ailleurs donné son opinion par écrit, opinion dont le tribunal a de toute évidence tenu sérieusement compte. Je tiens par ailleurs à signaler que le tribunal avait en mains le curriculum vitae de M. Russell qui indiquait qu’il n’était pas une autorité sur la récidive chez les criminels mais plutôt une autorité en relations familiales. Il s’agit d’un facteur dont il faudrait tenir compte si l’affaire était renvoyée pour être examinée de nouveau, ce qui me donne à penser qu’il serait inutile de la renvoyer.

 

 

[66]           Dans la présente affaire, la question en litige, une fois de plus, avait trait à un témoin qui avait clairement fait part de son appui au demandeur par écrit, et la SAI a tenu compte de cette lettre. Le demandeur se plaint simplement que son père aurait pu être plus convaincant en témoignant oralement et qu’il aurait peut‑être fait changer d’idée la SAI.

 

[67]           Compte tenu de tous ces facteurs, je ne crois pas que l’on puisse dire que le refus était déraisonnable au vu de ces faits. Le demandeur n’a pas montré que le refus l’avait empêché de présenter convenablement ses arguments ou avait rendu l’audience inéquitable. La position du père a été clairement soumise à la SAI par écrit et cette dernière en a tenu compte dans la décision. En l’absence d’une preuve par affidavit du demandeur ou de son père, expliquant la situation et indiquant quelles différences le témoignage oral aurait faites, rien ne laisse croire que la SAI aurait pu être convaincue d’arriver à une décision différente si un ajournement avait été accordé.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.      La présente demande est rejetée.

2.      Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑3244‑08

 

INTITULÉ :                                       SHERLOCK ALBERTSON HARDWARE

DEMANDEUR

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

DÉFENDEUR

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 février 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 1er avril 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Kingwell                                                                                           POUR LE DEMANDEUR

 

Tamrat Gebeyehu                                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mamann & Associates                                                                                POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

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