Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20090331

Dossier : IMM-2787-08

 

Référence : 2009 CF 332

Toronto (Ontario), le 31 mars 2009

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

ENTRE :

NORBERT OKOLI

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Norbert Okoli a présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 2 juin 2008 par laquelle la Section de la protection des réfugiés, en application de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), a refusé de lui reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention sur le fondement d’une crainte de persécution au Nigeria du fait qu’il est homosexuel.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen du Nigeria originaire d’Enugu. Il affirme être homosexuel et craint d’être persécuté par des membres de l’association des commerçants du marché d’Ogbete et par le grand public au Nigeria. M. Okoli a travaillé dans un marché au Nigeria en tant que membre de l’association des commerçants du marché d’Ogbete. Il a d’abord vécu une relation homosexuelle avec un commerçant en 1997. En 1998, il a rencontré Emeka et les deux ont commencé en 1999 une relation homosexuelle qui s’est poursuivie jusqu’en 2005.

 

[3]               M. Okoli affirme que c’est en raison de sa relation homosexuelle qu’il a été victime de persécution par des membres de l’association des commerçants du marché d’Ogbete, c’est-à-dire qu’il a été sauvagement battu à deux reprises, qu’il était continuellement harcelé, qu’il a été forcé à avoir des relations sexuelles avec une prostituée, qu’il a reçu des menaces de mort et qu’il a été expulsé de l’association des commerçants du marché d’Ogbete. Vers le mois d’avril 2005, son amoureux, Emeka, s’est adressé à un prêtre pour lui demander s’il pouvait épouser le demandeur. Le projet de mariage a été divulgué aux médias locaux et les commerçants du marché d’Ogbete sont partis à la recherche du demandeur et d’Emeka. Ces derniers sont partis se cacher et ont quitté le Nigeria chacun de leur côté. M. Okoli s’est rendu au Canada à l’aide d’un faux passeport français. Il a présenté une demande d’asile le 18 juin 2005.

 

[4]               Le commissaire de la Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d’asile en question en raison du manque de crédibilité du demandeur. Le commissaire a conclu que M. Okoli n’a pas de raison de craindre d’être persécuté au Nigeria ni d’être exposé personnellement à un risque à son retour. Le membre a également conclu qu’une possibilité de refuge intérieur existait au Nigeria dans la ville de Lagos s’il demeurait discret au sujet de son orientation sexuelle.

 

[5]               Dans la demande de contrôle judiciaire, le demandeur pose la question suivante aux fins de certification :

[traduction]

« La Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951 ou l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés imposent-ils à une personne de dissimuler son orientation sexuelle pour éviter la persécution? »

 

Contexte

 

[6]               Le demandeur affirme qu’un agent l’a aidé à venir au Canada et que celui-ci lui a recommandé de demander l’asile une fois à l’intérieur du pays plutôt qu’à l’aéroport. Il soutient que son agent lui a aussi recommandé de dire, s’il avait des problèmes à entrer au pays, qu’il avait précédemment demandé l’asile en Hollande afin que les autorités le renvoient dans ce pays, plutôt qu’au Nigeria. Lorsque le demandeur a demandé l’asile à son arrivée, il a dit aux autorités qu’il avait fait une demande d’asile en Hollande. Il a été détenu jusqu’au 2 novembre 2005 pour des raisons d’identité.

 

[7]               Pendant sa détention, le demandeur a obtenu le nom d’un conseil qu’il n’a brièvement rencontré qu’à deux reprises. Le demandeur soutient que ce conseil lui a dit que la version des faits qui avait donnée était « trop douce », en voulant dire qu’on ne le croirait pas. Il affirme qu’il s’est fié sur son conseil puisqu’il était en détention. De juillet à septembre, le demandeur prétend que son conseil ne s’est pas beaucoup occupé de son dossier ni n’a tenté de le faire libérer. En septembre, il a demandé qu’un autre conseil le représente.

 

[8]               Après sa libération, avec l’aide de son nouveau conseil, le demandeur a déposé un FRP modifié qui, selon ce qu’il a déclaré par affidavit, constitue un exposé circonstancié exact. Le demandeur affirme que la population d’Enugu, y compris les membres de l’association des commerçants du marché d’Ogbete, ont d’abord découvert son orientation sexuelle en 1999 et que, depuis lors, il a été battu sauvagement, a reçu des menaces, a été chassé de chez lui et arrêté par la police.

 

[9]               Le demandeur allègue qu’il a commencé à avoir peur d’être tué en avril 2005 après que des gens eurent appris que son partenaire, Emeka, avait demandé à un prêtre local de les marier. Emeka aurait remis au prêtre une photo du couple et une lettre. Les médias étaient au courant et des membres de l’association des commerçants du marché d’Ogbete sont partis à la recherche du demandeur et d’Emeka. Ces derniers se sont enfuis et se sont cachés dans un village avant de quitter le Nigeria chacun de leur côté. Le demandeur ne sait pas où Emeka se trouve.

 

[10]           Le demandeur a présenté le rapport d’un médecin concernant les nombreuses cicatrices sur son corps et un rapport physiologique sur les effets du traitement qu’il a reçu.

La décision contestée

 

[11]           Le commissaire a conclu que le demandeur était commerçant à Enugu et qu’il était homosexuel. Il n’a pas contesté les conclusions de la Dre Ng concernant les nombreuses cicatrices du demandeur, mais il a jugé que la preuve était insuffisante pour démontrer que ces cicatrices résultaient des agressions dont il avait été victime en raison de son homosexualité. Il a conclu que le demandeur n’était pas crédible étant donné que son témoignage présentait des incohérences et des contradictions, et qu’il existait deux versions de son FRP, de sa déclaration faite au point d’entrée et des notes connexes malgré les explications du demandeur, à son arrivée, quant à sa crainte, à l’incompétence de son conseil et à ses problèmes de mémoire pour justifier les incohérences en question.

 

[12]           Le commissaire a rejeté les explications du demandeur selon lesquelles il était stressé et avait peur quand il était au point d’entrée. Il a plutôt conclu que le demandeur était entré au Canada dans le but de tromper les autorités canadiennes, puisqu’il est entré à titre de visiteur et qu’il a présenté une demande d’asile qu’au moment où son passeport français a été remis en question. À ce titre, le commissaire a jugé que les incohérences entre les documents fournis au point d’entrée étaient attribuables à la tromperie du demandeur et que, si celui‑ci s’est fait prendre, ce n’est pas à cause de la peur ni du stress.

 

[13]           Le commissaire a conclu que le demandeur n’avait fourni aucun élément de preuve crédible ni digne de foi pour soutenir ses allégations concernant son premier conseil, puisqu’il n’a pas porté plainte auprès du Barreau du Haut‑Canada ou informé le conseil au sujet des allégations pour lui donner l’occasion de se défendre.

 

[14]           Le commissaire a jugé que l’explication du demandeur pour justifier ses problèmes de mémoire était déraisonnable car, même si le demandeur a été en mesure de fournir des détails sur son traitement lors de l’évaluation psychologique au bureau du médecin et lorsque son conseil lui a posé la question à l’audience, il a invoqué des problèmes de mémoire pour expliquer les incohérences lorsqu’il a été interrogé à ce sujet.

 

[15]           Le commissaire a relevé des incohérences dans les documents remplis au point d’entrée et les deux FRP en ce qui a trait aux nombres d’agressions et aux détails s’y rapportant. Le commissaire a également constaté que le récit du demandeur concernant sa fuite avec son petit copain n’était pas le même dans les deux documents. Les explications du demandeur ont été rejetées. Le commissaire a jugé qu’il était invraisemblable, dans la société homophobe du Nigeria, qu’Emeka demande à un prêtre de les marier et qu’en plus il fournisse une photo et une lettre qui pouvaient être utilisées à titre de preuve contre eux. Aucun élément de preuve de la divulgation aux médias n’a été fourni. Le commissaire a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n’a pas été victime d’agression physique de la part des membres de l’association des commerçants du marché d’Ogbete et qu’il n’a pas fait l’objet de menaces de mort parce qu’il voulait se marier avec son partenaire homosexuel.

 

[16]           Le commissaire a même douté que le demandeur se trouvait au Nigeria après avril ou mai 2004, puisqu’il n’avait aucun document pour le prouver. Il a considéré cette question comme cruciale puisque les derniers incidents s’étaient produits après cette période, et il croyait peut-être que le demandeur pouvait se trouver aux Pays-Bas à cette époque. Les documents et les explications fournis par le demandeur ont été rejetés en raison de leur caractère déraisonnable.

 

[17]           Le commissaire a accordé peu d’importance au rapport psychologique puisque le récit du demandeur a été jugé non crédible.

 

[18]           Enfin, après avoir examiné la preuve documentaire et expliqué pourquoi il a accordé peu d’importance aux divers documents, le commissaire a conclu que le demandeur avait une PRI raisonnable dans la ville de Lagos, « s’il demeur[ait] discret au sujet de sa sexualité ».

 

La norme de contrôle

 

[19]           L’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, a établi au paragraphe 34 qu’il n’y a dorénavant que deux normes de contrôle, celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. La décision raisonnable est la norme applicable à l’examen des questions de fait et des questions de crédibilité (Sukhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 427, au paragraphe 15).

 

[20]           Le témoignage d’un demandeur est présumé vrai (Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776, au paragraphe 6). La présomption peut être réfutée par la présence d’incohérences et de contradictions dans le témoignage, par son invraisemblance et lorsque les faits tels qu’exposés vont au-delà de ce à quoi on peut raisonnablement s’attendre (Jiang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 775, au paragraphe 15). Enfin, la Commission a droit à une certaine déférence à l’égard de ses conclusions sur la crédibilité (R.K.L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, au paragraphe 8).

 

[21]           Les parties sont d’accord pour dire que la norme de la décision raisonnable s’applique à toutes les questions. Je conviens que les conclusions sur la crédibilité doivent être évaluées selon la norme de la décision raisonnable (Aguirre c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 571, au paragraphe 14). Il en va de même pour les conclusions relatives à la PRI (Khokhar c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 449, aux paragraphes 21 et 22).

 

Questions en litige

 

[22]           Voici les questions en litige qui se posent dans la présente instance :

1.         Le commissaire a-t-il omis de tenir compte de la preuve ou mal interprété celle-ci de manière à rendre déraisonnables les conclusions sur la crédibilité?

 

2.         La conclusion du commissaire quant à l’existence d’une PRI était‑elle raisonnable?

 

Analyse

 

Le commissaire a-t-il omis de tenir compte de la preuve ou mal interprété celle-ci de manière à rendre déraisonnables les conclusions sur la crédibilité?

 

[23]           Le défendeur soutient que le commissaire peut tenir compte des différences entre le FRP et les notes prises au point d’entrée et faire des déductions négatives s’il y a eu omission d’événements importants dans le FRP (Oyebade c. Canada (M.C.I.), 2001 CFPI 773).

 

[24]           Les détails concernant les agressions, leurs nombres et leurs dates n’étaient pas les mêmes dans les diverses sources. Le défendeur allègue que le commissaire a tenu compte des explications données au sujet des incohérences, à savoir la peur du demandeur quand il était au point d’entrée, l’incompétence et les déclarations inexactes de l’ancien conseil du demandeur et les problèmes de mémoire du demandeur. Le défendeur soutient que le commissaire a fourni des motifs solides à l’appui de ses conclusions sur la crédibilité.

 

[25]           Le défendeur soutient que, compte tenu de la discrimination généralisée qui existe à l’égard des homosexuels dans le pays, de la brutalité que le demandeur et Emeka ont déjà subie, il était raisonnable pour le commissaire de conclure qu’il était invraisemblable qu’Emeka demande à un prêtre de les marier.

 

[26]           Le défendeur soutient que tant le rapport médical que le rapport psychologique ont été examinés, mais que peu d’importance leur a été accordée, ce qui était correct, étant donné que les allégations du demandeur ont été jugées non crédibles. Par conséquent, le défendeur fait valoir que le demandeur n’a pas démontré que le commissaire a commis une erreur.

 

[27]           J’estime que le commissaire a accepté plusieurs éléments cruciaux du récit du demandeur : son orientation sexuelle, ses cicatrices, les mauvais traitements envers les homosexuels au Nigeria et le manque de protection policière à l’égard des homosexuels. Les conclusions générales du commissaire sur la crédibilité du demandeur sont presque entièrement fondées sur des incohérences entre les notes prises au point d’entrée et les deux versions du FRP. Le demandeur a été détenu et interrogé au sujet des détails contenus dans sa demande quand il était au point d’entrée. On a relevé des différences entre plusieurs entrevues mais l’essentiel de la demande du demandeur demeurait le même. Le demandeur a déposé un FRP pendant sa détention et un FRP modifié après sa libération.

 

[28]           Le demandeur a expliqué pourquoi il a fourni une version modifiée de son FRP. La modification a été apportée presque immédiatement après qu’il eut trouvé un nouveau conseil et été remis en liberté (Giminez c. Canada (M.C.I.), 2005 CF 1114). Le commissaire ne pourra tirer de conclusions défavorables du fait qu’une modification a été apportée en temps opportun bien avant la tenue de l’audience (Ameir c. Canada (M.C.I.), 2005 CF 876). La version modifiée du FRP ne fait que donner des détails sur la version initiale, plutôt que de la contredire. Dans des affaires semblables, la Cour a conclu que de tels changements ne fournissent aucun motif de mettre en doute la crédibilité du demandeur (Puentes c. Canada (M.C.I.), 2007 CF 1335, aux paragraphes 17 à 19). La version modifiée du FRP traite directement des omissions, expliquant pourquoi elles ont eu lieu. Le rôle du commissaire était d’évaluer ces explications, plutôt que de souligner les incohérences (Osman c. Canada (M.C.I.), [1993] A.C.F. n1414, aux paragraphes 12 et 13). Le commissaire n’a pas évalué les explications du demandeur.

 

[29]           Le commissaire a écarté les explications sur la modification apportée au FRP initial puisque le demandeur n’a pas porté plainte auprès du Barreau du Haut‑Canada ou avisé son premier conseil. Cependant, à l’audience, après avoir ordonné un ajournement pour consulter un conseiller juridique, le commissaire a indiqué qu’il n’appliquerait pas la politique qui exige le dépôt d’une plainte et une notification. Il a néanmoins appliqué la politique dans sa décision.

 

[30]           À titre d’exemple d’un examen à la loupe, le commissaire relève que le demandeur n’a pas mentionné qu’il était attaché à un poteau pendant qu’il était battu avec des bâtons et des fils électriques, tandis qu’il l’avait mentionné à son médecin. Le demandeur a toujours dit, tout au long de l’instance, qu’il avait été attaqué et le fait de conclure qu’aucune attaque n’avait eu lieu parce qu’il n’a pas mentionné qu’il avait été attaché à un poteau est déraisonnable. Lorsque la preuve confirme la vraisemblance du récit, en l’occurrence le rapport médical concernant les nombreuses cicatrices et la preuve documentaire fiable sur l’attitude homophobe observée au Nigeria, les incohérences relativement mineures ne devraient pas inciter le commissaire à tirer des conclusions défavorables sur la crédibilité (Mohacsi c. Canada (M.C.I.), 2003 CFPI 429, au paragraphe 20).

 

[31]           En concluant qu’il était invraisemblable qu’Emeka s’adresse à un prêtre, le commissaire n’a pas tenu compte des explications à l’appui. Le partenaire du demandeur ne s’est pas adressé à n’importe qui mais à un prêtre qui, selon lui, était gai et serait réceptif à l’idée de les marier. Cette explication est peut-être naïve, mais ne permet pas de tirer une conclusion d’invraisemblance.

 

[32]           Le commissaire n’a pas contesté le rapport médical qui confirmait la présence de nombreuses cicatrices sur le corps du demandeur à l’épaule, sur les biceps, à l’abdomen, sur la cuisse et dans le dos. Le commissaire a décidé que, puisque l’allégation du demandeur selon laquelle il aurait été battu en raison de sa relation homosexuelle n’était pas crédible, peu d’importance devait être accordée au rapport médical. Il a traité le rapport psychologique fourni à l’appui de la demande du demandeur de la même façon. En fait, le commissaire a accordé peu d’importance aux rapports médical et physiologique déposés pour confirmer la crédibilité du demandeur quant aux agressions puisqu’il avait déjà jugé que le demandeur n’était pas crédible.

 

[33]           Je conclus que l’évaluation du commissaire sur la crédibilité du demandeur était déraisonnable.

 

Le commissaire a-t-il commis une erreur en concluant à l’existence d’une possibilité de refuge intérieur dans la ville de Lagos?

 

[34]           Le défendeur fait valoir qu’il incombe au demandeur de démontrer qu’il ne bénéficie pas d’une PRI dans la ville Lagos. Le commissaire n’a pas dit que le demandeur devrait abandonner son identité ou son mode de vie homosexuel, mais qu’il devait seulement demeurer discret à ce sujet. Selon le défendeur, une PRI est déraisonnable seulement lorsqu’il est démontré que la vie ou la sécurité du demandeur est en péril (Ranganathan c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. 2118 (CAF)).

 

[35]           Puisque j’ai conclu que l’évaluation du commissaire sur la crédibilité est erronée, il faut donc que l’examen de la PRI sur une mauvaise conclusion de fait soit lui-même erroné.

 

[36]           Le commissaire a conclu que le demandeur n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour établir qu’il serait personnellement la cible de la part de la police ou de la population au Nigeria en raison de son orientation sexuelle. Bien qu’il ait remarqué que le rapport de la mission d’enquête britanno‑danoise indiquait qu’au Nigeria, tout homosexuel craint avec raison d’être maltraité par les gens de la collectivité locale et de la société en général, il a retenu l’affirmation dans le rapport selon laquelle les homosexuels qui vivent dans les grandes villes du Nigeria n’ont pas de raison de craindre d’être persécutés s’ils n’affirment pas qu’ils sont homosexuels sur la place publique. Le commissaire a affirmé ce qui suit : « Aucun élément de preuve ne donne à penser que le demandeur d’asile serait obligé de se cacher, au Nigeria, même si, par rapport à sa vie au Canada, il devrait probablement faire preuve de discrétion au sujet de son orientation sexuelle ». La Cour fédérale a considéré à plusieurs reprises de telles conclusions comme abusives, étant donné qu’elles obligent une personne à refouler une caractéristique immuable (Sadeghi-Pari c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 282, au paragraphe 29).

 

[37]           Je suis d’avis que la conclusion du commissaire voulant qu’il existe véritablement une possibilité de refuge intérieur dans la ville de Lagos est déraisonnable, compte tenu de la conclusion de faits erronée quant à la crédibilité et de l’obligation pour le demandeur de refouler une caractéristique immuable s’il veut vivre dans cette ville.

 

Question aux fins de certification

 

[38]           Le demandeur propose de certifier une question grave de portée générale en application de l’alinéa 74d) de la LIPR. Puisque j’ai conclu que le commissaire a commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité, les faits de la présente demande doivent être réexaminés avant qu’une question puisse être soumise aux fins de certification.

 

 

Conclusion

 

[39]           Je conclus que le commissaire a commis une erreur dans l’évaluation de la crédibilité du demandeur puisqu’il n’a pas tenu compte des explications de celui-ci au sujet de son FRP modifié; il a agi à l’opposé de son affirmation selon laquelle il n’appliquerait pas la politique même si la mauvaise conduite du premier conseil n’avait pas été signalée; il a omis de prendre en compte les rapports médical et psychologique; et il a procédé à un examen à la loupe beaucoup trop poussé de la demande du demandeur. En outre, le commissaire a commis une erreur en évaluant une PRI à partir d’une évaluation erronée quant à la crédibilité et d’une obligation d’exclusion de dissimuler une caractéristique personnelle, c’est-à-dire l’homosexualité du demandeur. La décision est donc déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

[40]           Compte tenu des conclusions sur la crédibilité auxquelles je suis parvenu dans la présente affaire, j’estime qu’il est inapproprié de proposer une question aux fins de certification.


 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à une commission différemment constituée pour que celle-ci statue à nouveau sur elle.

 

2.         Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2787-08

 

 

INTITULÉ :                                       Norbert Okoli c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 mars 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT               Le juge Mandamin

ET JUGEMENT :

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 31 mars 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Angus Grant

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Angus Grant

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.